Nous voici dans une phase décisive du Grenelle de l'environnement. Il s'agit d'engager la conversion écologique de la France, et il faudra choisir. La vie quotidienne des Français doit changer et, vous avez eu raison de le dire, monsieur le ministre d'État, ce n'est pas forcément plus difficile de vivre « écolo » que de vivre « jetable ». Cependant, avant de parvenir à vos fins, il vous faudra résoudre trois problèmes de taille : premièrement, comment réussir sans investissement massif de l'État ? Deuxièmement, comment réussir à atteindre les objectifs par la seule incitation, c'est-à-dire sans contrainte ? Troisièmement, comment avancer dans le bon sens sans modifier considérablement la donne dans nos territoires ?
S'agissant des investissements, vous savez que les chantiers les plus nécessaires en matière de transports s'annoncent aussi comme les plus coûteux : je pense plus particulièrement au développement du fret et aux transports en commun en site propre en milieu urbain. Le « plan fret » passe au minimum par le rattrapage du retard accumulé dans l'entretien des infrastructures secondaires et par la réalisation des projets ferroviaires et maritimes programmés lors du CIADT, le comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire, qui s'est tenu en 2003, programme évalué, à l'époque, à 20 milliards d'euros.
En matière d'offre de transports en commun, si les grandes villes ont accompli de véritables miracles ces dernières années, compte tenu de l'évaporation des aides de l'État, les banlieues et les villes moyennes ont été les grandes oubliées des programmes d'équipement. Les experts du Grenelle de l'environnement évaluent ainsi à près de 40 milliards d'euros les investissements nécessaires d'ici à 2020 pour que les bons résultats obtenus en matière de report modal à Lille, à Nantes, à Lyon puissent être étendus à toute la France.
Au total, ce sont donc au minimum 60 milliards d'euros qu'il faudra trouver pour financer tous ces investissements. Les collectivités n'y arriveront pas toutes seules, d'autant que nombre d'entre elles ont déjà utilisé toutes leurs marges de manoeuvres en matière de versement « transports ». Il est donc temps de dénicher de nouvelles ressources dynamiques locales, pour qu'avec l'aide de l'État, avec, au besoin, l'intervention de l'AFITF, l'Agence de financement des infrastructures de transports de France, mais une AFITF aux missions rénovées et aux objectifs en matière de développement durable clairement affichés, les régions et les communautés d'agglomération soient en mesure d'engager, enfin, les grands travaux nécessaires.
Pour ces ressources nouvelles, monsieur le ministre d'État, je vous invite à utiliser à plein le droit à l'expérimentation permis par la Constitution. Ce sera aussi l'occasion pour notre économie de créer entre 60 000 et 100 000 emplois, et ce sans compter les emplois induits sur le long terme.
Dans le domaine du logement, mon inquiétude est d'une autre nature : fixer des objectifs, c'est bien ; inciter fortement tout le monde à les atteindre, ce serait mieux. On le sait, en France, 63 % du parc de logements existant a été construit avant 1975. Ce sont ainsi 19 millions de logements qui ne sont soumis à aucune norme d'isolation ni à aucune limitation en termes de consommation d'eau.