Pour ces logements, deux propositions ont plus particulièrement attiré mon attention : la création d'outils bancaires adaptés et l'obligation de rénovation à la mutation. Si elles ne font pas la une des médias, elles ont toutefois ma préférence, à une ou deux conditions près. Il ne suffira pas, en effet, de créer de nouveaux outils bancaires, comme l'a prouvé la malheureuse expérience du livret de développement durable. Non, ce sont les prêts immobiliers qu'il faut faire évoluer, pour permettre la prise en compte des nouveaux critères en matière d'économies d'énergie et d'eau.
Dans cet esprit, c'est l'éco-conditionnalité des aides à l'accession à la propriété qui doit devenir la règle. Parallèlement, la production autonome d'énergie à usage domestique doit être encouragée, non seulement pour les propriétaires habitants, mais aussi pour les bailleurs, au bénéfice des locataires. L'obligation de rénovation à la mutation peut sembler radicale, mais c'est le seul moyen de rendre cette rénovation incontournable.
Je ne sous-estime pas l'importance des politiques d'accompagnement à mettre en place pour certains propriétaires ni les efforts nécessaires pour que la filière, aujourd'hui à la peine, s'adapte à la demande. Mais un tel programme générera lui aussi plus de 100 000 emplois directs non délocalisables, ce qui est une bonne chose. Je suis certain que vous serez sensible à cet argument, comme tous les décideurs publics.
J'ajouterai quelques mots à propos des bâtiments neufs.
Vous nous proposez une « rupture technologique » avec, en point de mire, la généralisation de la construction à énergie positive en 2020. Il faut reconnaître que c'est ambitieux !
Mais comment atteindre de tels objectifs sans rendre obligatoire l'éco-conditionnalité des permis de construire ?
Comment pensez-vous résoudre l'équation du surcoût écologique et de la production de logement abordable sans le soutien financier des collectivités et de l'État ?
Enfin, comment l'État s'assurera-t-il que, chaque année, les obligations seront remplies ?
L'effort financier consenti par les propriétaires de nouvelles habitations pourrait être compensé par un allégement de la fiscalité locale, notamment de la taxe d'habitation et de la taxe sur le foncier bâti. Une telle mesure, qui aurait l'avantage de ne pas entraîner de diminution des recettes actuelles des collectivités locales, peut faire l'objet d'une écoute attentive de la part des élus locaux.
Ces questions m'amènent à évoquer le troisième de vos soucis, monsieur le ministre.
À l'instar de l'association France Nature Environnement, FNE, je me réjouis que l'on envisage de rendre obligatoires les plans climats territoriaux dans les agglomérations et de conditionner l'urbanisation à la desserte en transports collectifs.
Mais permettez-moi d'être un peu moins optimiste que FNE sur l'avenir de ces propositions.
Vous le savez, monsieur le ministre d'État, pour aboutir sur ces points, il vous faudra accomplir une révolution que personne n'ose attaquer de front : modifier en profondeur la distribution des compétences locales et changer, parallèlement, le droit et la maîtrise de la destination des sols. Vous devrez faire en sorte que l'intercommunalité, reconnue par tous les acteurs du Grenelle de l'environnement comme la bonne échelle de décision en matière d'aménagement, devienne enfin l'autorité organisatrice de l'aménagement durable.
Les politiques publiques de l'aménagement ne seront durables que si elles sont coordonnées. Et elles seront coordonnées si elles sont conduites à la bonne échelle par des collectivités qui disposent de tous les leviers pour agir. La maîtrise foncière fait tout : elle permet, notamment, de programmer la réalisation d'infrastructures de transport en commun, la densification urbaine ou l'implantation des entreprises.
Vos propositions ne seront crédibles que si elles s'accompagnent des modifications législatives et règlementaires nécessaires à leur application.
Serez-vous « le » ministre qui fera enfin en sorte que les plus-values réalisées par les propriétaires fonciers et immobiliers de notre pays, dont le capital est valorisé par les décisions publiques locales, contribuent au financement de la ville, notre espace public partagé ?
Vous avez une occasion extraordinaire de faire bouger les choses dans les territoires : donner plus de responsabilités aux intercommunalités, mais aussi faire évoluer le droit et la fiscalité de l'urbanisme pour que les comportements vertueux se généralisent et soient encouragés.
Monsieur le ministre d'État, le consensus est réel. Il y a quelques années, certains de vos prédécesseurs et d'autres responsables politiques incitaient nos concitoyens, comme vous aujourd'hui, à changer leur vision de l'avenir et de la planète, préconisant une modification de nos modes économiques de production ; ils se heurtaient souvent à la raillerie, à l'obscurantisme. L'évolution actuelle des mentalités, notamment le fait que 93 % de nos concitoyens se disent prêts à faire un effort pour l'environnement, c'est aussi leur victoire. Je souhaite que nous ne les oubliions pas.
Espérons également que les conversions tardives et quelque peu rapides de ceux qui estimaient, à l'époque, que les questions environnementales, c'était du vent, ne soient pas fugaces mais durables. Monsieur le ministre d'État, ne faites pas le chemin à moitié !