Intervention de Didier Boulaud

Réunion du 1er mars 2011 à 14h45
Conventions internationales instituant des partenariats de défense — Adoption de quatre projets de loi

Photo de Didier BoulaudDidier Boulaud :

Monsieur le ministre, tout cela va se payer et je crains que l’addition ne soit, hélas ! de plus en plus « salée » pour la France.

Aujourd’hui, vous nous présentez quatre accords de partenariat de défense avec le Gabon, le Cameroun, le Togo et la République centrafricaine. Nous n’allons pas nous en plaindre, puisque nous avons réclamé un tel débat depuis longtemps. De surcroît, c’était un engagement figurant dans le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale que d’y associer enfin le Parlement. D’autres accords sont encore en discussion et devront, une fois finalisés, être aussi soumis à notre approbation. On aurait peut-être pu attendre qu’ils soient tous signés pour tenir ce débat, mais certaines signatures risquent sans doute de se faire désirer…

Outre le fait qu’ils entérinent, pour certains, le repli de notre pays sur le continent africain et qu’ils marquent notre souhait de voir l’Union européenne s’y investir plus largement, on peut toutefois s’interroger sur l’opportunité politique de ces accords. Car la question est bien, au travers de tels accords, de savoir quels signaux nous envoyons aux peuples africains.

On peut se demander si les coopérations militaires sont actuellement le bon vecteur de la France en Afrique, au moment où l’on ferme nos frontières à double tour, sous la pression du Front national.

Alors que nous apportons notre soutien aux armées de ces pays, ne serions-nous pas en train, dans le même temps, de négliger les revendications sociales et politiques, notamment dans le domaine des libertés, de leurs peuples ? Nous venons pourtant d’être payés pour y être plus attentifs au Maghreb.

Enfin, doit-on faire aveuglément confiance à certains gouvernements pour établir ces partenariats ? Je pense en particulier au Gabon et à la République centrafricaine. Il ne nous semble pas opportun de ratifier aujourd’hui les accords qui concernent ces pays, au vu de leur situation politique intérieure actuelle. Il en est de même à l’égard du Togo et du Cameroun.

En effet, au Gabon, lors de la dernière élection présidentielle, des voix s’étaient élevées pour s’inquiéter d’un résultat qui désignait comme chef de l’État un candidat choisi par moins de la moitié de la population. Et plus récemment, la modification de la Constitution laisse craindre un report des élections législatives prévues en 2011. On assiste depuis à une rapide dégradation du climat politique, avec, notamment, la formation d’un gouvernement alternatif et la dissolution de l’Union nationale.

Dans un tel contexte, seules des élections nationales incontestables seraient susceptibles de donner une légitimité au gouvernement de ce pays. Il ne saurait y avoir de démocratie réelle sans non seulement une opposition autorisée et respectée, mais également un système électoral qui donne à chaque homme et à chaque femme une voix de valeur équivalente. Le mode de scrutin actuel et le découpage des circonscriptions ne permettent pas le respect de ces principes démocratiques.

Pour ce qui concerne la République centrafricaine, là aussi, on peut légitimement s’interroger sur la situation intérieure, après la proclamation des résultats de l’élection présidentielle et du premier tour des élections législatives qui ont eu lieu le 23 janvier dernier. En effet, les principales forces d’opposition, regroupées au sein du Collectif des forces du changement, ou CFC, n’ont eu d’autre choix que d’appeler au boycott du second tour des élections législatives qui se déroulera le 20 mars prochain.

On peut d’ailleurs s’étonner du soutien manifeste des autorités françaises à ces résultats : le Quai d’Orsay s’est en effet contenté de prendre note de la réélection du président sortant dès le premier tour, en dépit des nombreuses irrégularités dénoncées tant par les observateurs indépendants, notamment européens, que par les principales forces d’opposition : bureaux de vote fictifs, listes électorales truquées, électeurs porteurs de plusieurs cartes.

Monsieur le ministre, les principes démocratiques ne sauraient être à géométrie variable. Il ne saurait y avoir deux poids deux mesures, en Afrique comme ailleurs. Partout, la France doit défendre le droit, la démocratie et la justice. C’est ce que j’ai cru entendre avant-hier soir à la télévision.

Or le népotisme du régime Bozizé est particulièrement caricatural. Outre le président élu au premier tour, son épouse, deux de ses fils, son neveu, son cousin et de nombreux autres proches ont été élus députés dès le premier tour.

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