Intervention de Monique Cerisier-ben Guiga

Réunion du 7 juin 2006 à 21h30
Immigration et intégration — Article 2

Photo de Monique Cerisier-ben GuigaMonique Cerisier-ben Guiga :

Le groupe socialiste propose la suppression de cet article parce qu'il estime que l'obligation d'obtenir un visa de long séjour concerne un nombre beaucoup trop élevé de cas, s'agissant en particulier de la carte « compétences et talents ».

À cet égard, le dispositif apparaît comme parfaitement contradictoire : on veut attirer des étrangers, mais, en même temps, on fait en sorte qu'ils soient bloqués dans leurs pays.

En effet, je peux en témoigner, pour entrer dans un consulat, il faut arriver sur place de très bon matin afin d'avoir un bon numéro, à moins d'avoir pris un rendez-vous par téléphone plusieurs semaines et parfois plusieurs mois à l'avance.

Autrement dit, la porte de la France, y compris pour la délivrance de la carte « compétences et talents », n'est guère qu'entrouverte, pour ne pas parler de guichet fermé...

Selon nous, dès lors que l'article 2 du projet de loi rend systématique la production d'un visa de long séjour, aussi bien pour la carte « compétences et talents » que pour les conjoints de Français, ainsi que pour certaines autres personnes, d'ailleurs, l'attitude adoptée par la France vis-à-vis des ressortissants des autres pays n'est pas convenable.

Les étrangers admis à séjourner durablement sur notre territoire feront l'objet d'un tri réalisé en amont par les autorités consulaires de leur pays d'origine et seront en réalité contrôlés par le ministère de l'intérieur, auquel reviendra la décision finale.

À l'instar de notre collègue Louis Mermaz, j'estime que le ministère des affaires étrangères, dans un domaine qui a pourtant une incidence considérable sur nos relations diplomatiques, se trouve désormais placé sous la dépendance du ministère de l'intérieur. Du reste, nos diplomates le ressentent vivement et s'en plaignent.

Je le répète, cette disposition aura pour conséquence d'obliger le conjoint de Français qui serait dépourvu d'autorisation de séjour à retourner dans son pays pour obtenir un visa de long séjour, ce qui impliquera pour le couple une séparation éventuellement très longue. En outre, cette obligation entraînera des frais importants, liés au voyage et au séjour dans le pays.

Aussi, dans la plupart des cas, les personnes dont le mariage n'aura pas régularisé la situation ne retourneront pas dans leur pays d'origine. Elles sauront bien qu'elles ne pourront remplir les conditions de plus en plus imprévisibles et draconiennes qui leur sont imposées, et elles plongeront dans la clandestinité.

Le Gouvernement a déjà créé le délit de mariage de complaisance en 2003 et il prépare le renforcement des contrôles préalables à la célébration des unions conclues à l'étranger, à travers le projet loi relatif au contrôle de la validité des mariages, qui prévoit, en outre, de vérifier les transcriptions des actes de ces mariages.

Nous avons décidément le sentiment que les 45 000 mariages franco-étrangers qui sont célébrés chaque année à l'étranger sont dans le collimateur du Gouvernement !

Ce projet de loi est une machine à fabriquer des clandestins. À force de faire preuve de suspicion systématique et d'introduire des complications insurmontables, vous conduirez les étrangers à choisir l'illégalité, avec toutes les conséquences que cela entraînera en termes de santé publique et d'intégration.

Ce texte constitue une atteinte grave au droit à mener une vie familiale normale.

Enfin, monsieur le ministre, je le répète, les crédits alloués aux consulats sont réduits chaque année. Ces derniers ne sont donc déjà pas en mesure de répondre aux demandes de visa, sans même parler de rendre aux Français de l'étranger les services qui leur sont dus !

Si vous, Français de France, étiez traités comme nous, Français de l'étranger, le sommes dans les consulats, vous vous indigneriez ! En effet, les effectifs des personnels à l'étranger sont progressivement absorbés par les services des visas, et les consulats ne rendent plus les services normaux assurés par une mairie ou une préfecture, ce que nous ne pouvons admettre !

Monsieur le ministre, ce projet de loi n'étant accompagné d'aucune étude d'impact et d'aucun engagement de financement, nous avons déposé cet amendement de suppression.

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