L’examen du projet de loi portant engagement national pour l’environnement continue de se dérouler dans les conditions difficiles déjà dénoncées par plusieurs de mes collègues…
Je souhaite, à cet instant, faire part de mon appréciation générale sur le volet de ce texte relatif aux transports.
Certaines dispositions, telles la possibilité offerte à un syndicat mixte compétent en matière de transports publics d’adhérer à un syndicat mixte SRU – type de syndicat mixte institué par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains – et la modulation des péages, nous semblent constituer des points positifs.
Le travail en commission nous a d’ailleurs permis d’exprimer notre point de vue et de faire accepter quelques-uns de nos amendements, s’agissant notamment de la notion de « service régulier des transports », de la limitation du transfert obligatoire aux seuls équipements situés sur les trottoirs adjacents aux voies empruntées par les transports en commun en site propre et de la reconnaissance de l’organisation de service de mise à disposition de bicyclettes en libre service.
Toutefois, je regrette, à ce stade, que le projet de loi crée des contraintes lourdes à la charge des collectivités territoriales et des particuliers, sans préservation de la maîtrise publique en termes d’expertise, de conseil et de contrôle, ces domaines étant laissés à la concurrence au détriment de la défense de l’intérêt général.
De plus, certains transferts de compétences s’apparentent à une mise en œuvre insidieuse de la réforme des collectivités territoriales. Nous ne souhaitons pas une réforme anticipée et sommes favorables à l’intervention publique en matière d’autopartage. C’est ce qui motive notamment le dépôt de nos amendements au chapitre Ier de ce titre.
Quant aux dispositions concernant les investissements ferroviaires, alors qu’elles étaient détaillées dans la loi de programmation, elles sont absentes – curieusement absentes – du présent projet de loi. C’est hors cadre parlementaire que le Gouvernement nous a présenté un « grand engagement national pour le fret ferroviaire », auquel il est prévu de consacrer 7 milliards d’euros.
En mars dernier, lors de l’examen du projet de loi relatif à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires et guidés et portant diverses dispositions relatives aux transports, qui a créé l’autorité de régulation des activités ferroviaires, j’avais proposé le lancement d’un emprunt national ou européen pour le fret ferroviaire, en rappelant le caractère d’intérêt général de son développement. J’avais alors insisté sur la nécessité de la maîtrise publique sur ce secteur, l’importance du maintien du trafic de wagons isolés par la SNCF et, bien sûr, l’intérêt environnemental du développement du fret ferroviaire. Je suis donc attentive à ce plan fret en ce qu’il prévoit le financement des infrastructures ferroviaires, mais je regrette que les conditions et les échéances de ce dernier restent floues.
Cela étant, je m’interroge sur l’efficacité de ce plan, qui prévoit la suppression rapide par la SNCF de 70 % du trafic en wagons isolés. En effet, une telle mesure risque d’enclencher une évolution néfaste pour les chargeurs, les activités de la SNCF, le report modal et, plus encore, le maillage territorial.
Aujourd’hui, les opérateurs ferroviaires de proximité sont rares et n’ont pas prouvé leur efficacité par rapport à la SNCF. Une disparition brutale du transport de fret par wagons isolés à la SNCF, alors que ces opérateurs n’en sont qu’au stade de l’émergence, se traduirait par la circulation de un million à deux millions de camions supplémentaires par an sur les routes, les chargeurs affectés par la suppression des wagons isolés risquant de surcroît de ne plus recourir ensuite au fret ferroviaire. Une telle orientation irait donc à l’encontre de l’objectif environnemental de report modal de la route vers le rail.
De plus, le trafic en wagons isolés représente tout de même le tiers du chiffre d’affaires de Fret SNCF. L’arrêt de cette activité aura nécessairement des conséquences pour le personnel. Je crains en particulier une privatisation rapide par la création de filiales de fret spécialisées avec, à la clé, la suppression de près de 4 600 emplois.
Par ailleurs, si le développement des autoroutes ferroviaires est bienvenu, il doit être mis en regard de la réalité actuelle : 13 000 poids lourds passent quotidiennement sur l’A1 alors que quatre-vingts remorques seulement sont transportées sur l’autoroute ferroviaire Perpignan-Bettembourg. Il faut revoir les coûts réels du transport routier, notamment du trafic de poids lourds : l’usure de la chaussée causée par un poids lourd équivaut ainsi à celle qui résulte de la circulation de 600 véhicules particuliers.
Nous sommes donc pour la modulation des péages, mais nous pensons qu’il faut aller plus loin et ouvrir la voie à l’internalisation, à terme, des coûts externes. C’est le sens de nos amendements portant sur les mesures relatives aux péages autoroutiers.
À ce propos, je m’interroge sur les conséquences de la mise en place des télépéages automatiques et sur l’accès aux fichiers électroniques des cartes grises pour les sociétés concessionnaires d’autoroutes. Cela n’entraînera-t-il pas la suppression de l’activité manuelle de perception des péages ? Le Gouvernement a-t-il prévu, comme ce fut le cas dans le cadre de la privatisation des concessions d’autoroutes, que les entreprises s’engagent à ce que l’automatisation s’opère au rythme des départs naturels, donc sans mutations ni licenciements ?
Monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le groupe CRC-SPG sera très attentif, d’une part, aux garanties accordées aux salariés dans le domaine ferroviaire et dans celui du télépéage manuel, et, d’autre part, à la prise en compte du coût réel du transport routier, sans laquelle la révolution verte restera une illusion d’optique, profitable à quelques-uns mais coûteuse pour la majorité.
Notre vote sur le titre II sera donc lié aux garanties qu’apportera le Gouvernement sur ces questions.