Intervention de Michèle Alliot-Marie

Réunion du 8 décembre 2005 à 15h00
Loi de finances pour 2006 — Défense

Michèle Alliot-Marie, ministre :

L'an dernier, dix-sept d'entre eux ont été tués dans l'exercice de leur mission, plus de deux cents ont été blessés. Je voudrais qu'en cet instant nous ayons une pensée pour eux et pour leurs familles.

La deuxième priorité de notre défense est d'être au service de la construction de l'Europe.

Sans la volonté française, appuyée sur un effort financier important, sur la sécurité des engagements apportés par la loi de programmation militaire, la défense européenne n'aurait pas progressé comme elle l'a fait depuis trois ans. Je remercie M. Vinçon et l'ensemble des orateurs de l'avoir souligné.

Nous avons en effet permis à la politique européenne de sécurité et de défense de devenir une réalité sur le terrain. Nous l'avons vu à travers les opérations qui ont été menées par l'Union européenne. Nous continuons à lui donner les moyens d'exister, notamment grâce à la création de la force d'intervention très rapide européenne, les « groupements tactiques 1 500 », qui sont aujourd'hui au nombre de vingt, car de nouveaux pays ont accepté de les compléter. C'est une action à laquelle participent, je le souligne, les vingt-cinq pays de l'Union européenne. Même les petits pays et les nouveaux entrants ont donc accepté d'y prendre part.

La force de gendarmerie européenne est également un élément original et complémentaire qui a été voulu par la France et qui nous permet de compléter le spectre de nos moyens d'action sur une crise, notamment lorsqu'elle se termine.

Nous plaçons beaucoup d'ambition dans l'Agence européenne de défense, l'AED, dont plusieurs d'entre vous ont parlé. Cela nous paraît indispensable à la fois pour consolider la démarche capacitaire de l'Europe, pour développer de nouveaux programmes européens en fonction de nos priorités stratégiques définies en commun, mais également pour développer notre recherche commune.

Le budget de l'AED, qui a été voté voilà dix jours, augmente de 66 % cette année par rapport à l'an dernier, et nous souhaitons que cette progression se poursuive dans les années qui viennent.

Je remercie MM. du Luart et Vinçon d'avoir souligné les potentialités qu'offre l'Agence.

L'AED s'inscrit en même temps dans les avancées des programmes d'armement européens. Vous ne pouvez nier, monsieur Boulaud, les avancées réalisées, au cours de ces dernières années, en ce domaine. L'A-400M, le NH90, le Tigre, le missile Meteor, ne sont-ils pas des programmes européens ? Et il y en a bien d'autres.

Des crédits ont été alloués à l'AED pour les programmes de recherche et de développement, notamment dans le domaine des drones, du spatial, des communications. Il y a donc bien une volonté commune de développer la recherche et les nouveaux programmes.

Madame Durrieu, les programmes transférés à l'AED ou, pour l'instant, à l'OCCAR, l'Organisation conjointe de coopération en matière d'armement, ne l'ont pas été en vue de se débarrasser d'un poids financier ; au contraire, nous finançons nous-mêmes un certain nombre de programmes.

Si nous avons transféré le programme de drones à l'AED ou le programme de frégates multimissions, les FREMM, à l'OCCAR, c'est pour donner une impulsion à des programmes européens. L'argent investi correspondait au budget que nous avions défini. Nous souhaitons que nos partenaires, suivant notre exemple, s'impliquent également financièrement. Nous savons tous en effet que, si la Grande-Bretagne et la France consentent des efforts financiers importants, il n'en est pas de même pour d'autres pays. Nous ne pouvons que le regretter et inciter ces pays, notamment à travers ces programmes, à faire des efforts supplémentaires.

J'ai la profonde conviction que la défense européenne, qui, comme cela a été dit, fait l'objet d'un consensus entre tous les peuples des pays européens, en poursuivant sa progression concrète, sera finalement le moteur de la relance et de l'approfondissement du projet européen.

Certains m'ont interrogé sur les rapports avec l'OTAN.

La construction de l'Europe de la défense ne se fait pas en concurrence avec l'OTAN. En effet, face à la multiplication des crises, nous aurons besoin, malheureusement, des efforts de tous. Ces crises devront être réglées en fonction de certaines spécificités qui seront celles de la défense européenne ou de l'OTAN.

Nous agissons parfois en autonomie ; c'est ce que nous avons fait au Congo et ce que nous faisons en Bosnie aujourd'hui. Nous agissons également avec le soutien de l'OTAN, et, parfois, au sein de l'OTAN, par exemple, lorsque le Corps européen a assumé le commandement des forces de l'OTAN en Afghanistan. En ce domaine, nous montrons bien que, plus la défense européenne s'affirme, plus elle est capable de participer à la résolution des crises.

Des questions particulières m'ont été posées sur les nouvelles actions de l'OTAN et sur ce qui se passe en Afghanistan.

En Afghanistan, se déroulent trois opérations principales : une opération de stabilisation, qui est assurée par les forces de l'OTAN et la FIAS ; une action de formation, qui est assurée dans un cadre bilatéral ; enfin, l'opération Enduring Freedom de lutte contre le terrorisme.

Il avait été question de fusionner l'opération Enduring Freedom et la FIAS ; la France s'y est opposée. Cette distinction n'empêche pas les synergies, notamment en ce qui concerne l'utilisation des appareils de transport, afin d'éviter les redondances en ce domaine, mais les deux opérations restent bien séparées.

Quant aux nouvelles opérations de l'OTAN, elles peuvent être menées en dehors du champ d'action initial de l'Europe, puisque le problème de l'Union soviétique ne se pose plus. Néanmoins, l'OTAN est une alliance militaire - il est donc indispensable de rester dans ce cadre - à laquelle il n'appartient pas de faire le travail de l'ONU, notamment dans le secteur civil.

Voilà donc pour ce qui concerne la deuxième priorité gouvernementale à laquelle participe la défense, c'est-à-dire le développement de l'Europe.

Nous participons également - c'est la troisième priorité gouvernementale - au développement de l'économie française. Je vous rappelle, mesdames, messieurs les sénateurs, que la défense est le premier investisseur public de l'État. Je remercie MM. Fréville et Pozzo di Borgo d'avoir souligné cet aspect parfois ignoré de ses activités.

En effet, le secteur de la défense fait travailler plus de 10 000 entreprises, des grandes mais également des petites et des moyennes, réparties sur l'ensemble de notre territoire et qui emploient plus de 2, 5 millions de salariés. Investir et s'équiper en moyens modernes, adaptés aux nouvelles menaces, supposent de disposer d'un outil industriel performant et compétitif. Nos crédits permettent d'apporter un certain nombre d'aides.

Ce que je veux pour la défense, c'est une politique industrielle rénovée, qui vise à conforter l'excellence technologique française et la compétitivité de nos industries. C'est ainsi que j'agis, y compris à l'égard des entreprises qui sont plus directement rattachées au ministère de la défense ; je veux parler de GIAT et de DCN.

Lorsque je suis arrivée au ministère de la défense, GIAT était dans une situation telle, après dix ans de plans de redressement, que l'on me conseillait de le faire disparaître purement et simplement.

Parce que je pense que nous avons besoin d'une entreprise d'armement terrestre pour garantir notre autonomie stratégique, j'ai souhaité conforter la situation financière de GIAT et éviter sa disparition.

S'en est suivi un plan aux conséquences désagréables pour les personnels, je le sais parfaitement ; c'est la raison pour laquelle j'ai voulu que le ministère de la défense s'y implique totalement. Plusieurs d'entre vous ont reconnu qu'il avait rempli tous ses engagements de reclassement, des ouvriers comme des fonctionnaires, et qu'il était même allé au-delà en ouvrant des postes d'ouvriers d'État à des salariés qui étaient sous convention collective.

Nous avons réalisé un gros effort et je regrette que les autres administrations ou les collectivités locales n'en aient pas fait de même. Étant donné que nous reclassons environ cinquante personnes par mois, nous devrions avoir reclassé à peu près tout le monde à la fin du plan, y compris dans la région de Tarbes.

Je m'emploie également, avec la mission pour les restructurations, à trouver localement des activités qui permettent d'accompagner ce plan.

La situation de DCN n'était pas aussi dramatique que celle de GIAT, mais il convenait de lui redonner une impulsion. Aujourd'hui, DCN obtient d'excellents résultats, sa réputation internationale est parfaitement établie et je souhaite, Mme Luc, M. Del Picchia, que, très prochainement, les rapprochements avec Thalès nous permettent de disposer d'un pôle d'industrie d'armement naval extrêmement performant, qui soit susceptible de faire face à la concurrence, notamment à celle, de plus en plus dure, de l'Asie du Sud-Est. C'est important sur le plan stratégique comme sur le plan économique.

Une politique de défense doit être volontariste, concrète, mais également visionnaire. En effet, les problèmes ne se traitent pas au jour le jour ; il convient d'anticiper, de préparer l'avenir.

C'est pourquoi j'ai été conduite à sanctuariser les crédits des études-amont et à consentir d'importants efforts en matière de recherche. Dans le projet de budget qui vous est soumis, les crédits des études-amont s'élèvent à 600 millions d'euros ; j'ai pour objectif d'atteindre 700 millions d'euros en 2008, ce qui correspond au souhait exprimé par M. Fréville.

M. Pintat a évoqué la dissuasion nucléaire, qui est concernée par la recherche. Oui, nous restons dans le principe de la stricte suffisance, mais pour que cette dissuasion soit efficace, il convient que la recherche atteigne un degré de précision qui la rende crédible aux yeux de nos adversaires potentiels.

En effet, je ne crois pas du tout, madame Voynet, qu'il n'existe plus de risque nucléaire, même si le terrorisme et les crises multiples sont notre lot quotidien. Un certain nombre de pays dans lesquels la stabilité démocratique est loin d'être établie cherchent à se doter de l'arme nucléaire. C'est la raison pour laquelle nous devons continuer à assurer d'une façon déterminée la protection de notre territoire par le biais de la dissuasion nucléaire.

Madame Luc, votre demande est assez paradoxale, car vous ne pouvez pas à la fois réclamer moins de nucléaire et plus de travail pour DCN. Vous savez parfaitement que DCN, avec les sous-marins, participe à la dissuasion nucléaire. Il faut choisir : il ne peut pas y avoir moins d'un côté et plus de l'autre pour la même entreprise.

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