Séance en hémicycle du 8 décembre 2005 à 15h00

Résumé de la séance

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La séance

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La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à quinze heures cinq, sous la présidence de M. Christian Poncelet.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Mes chers collègues, je voudrais vous faire une communication concernant notre ordre du jour.

En effet, par lettre en date de ce jour, le Gouvernement propose, en accord avec la commission des lois, d'avancer le début de l'examen du projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers au mercredi 14 décembre au soir, jour de la séance mensuelle réservée.

Je consulte le Sénat sur l'inscription de ce projet de loi à l'issue de l'ordre du jour réservé de la séance du mercredi 14 décembre.

Il n'y a pas d'opposition ?...

Il en est ainsi décidé.

Nous siégerons donc sur le projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme le mercredi 14 décembre au soir ; le jeudi 15 décembre, matin, après-midi et soir ; et, éventuellement, le vendredi 16 décembre au matin.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2006, adopté par l'Assemblée nationale (nos 98, 99).

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Nous reprenons l'examen des dispositions du projet de loi de finances pour 2006 concernant les crédits de la mission « Défense ».

Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme la ministre.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, vous me permettrez, à cet instant du débat, de remercier très sincèrement MM. les rapporteurs pour le travail qu'ils ont accompli et pour leurs présentations.

Je tiens à remercier également tous les orateurs pour la qualité des débats de ce matin et pour les questions qu'ils ont soulevées. J'ai été sensible aux approbations qui ont émané de certaines travées, mais également aux suggestions, aux analyses, voire aux critiques, dès lors qu'elles étaient constructives, qui ont été formulées sur certaines autres.

Les crédits de la mission « Défense » s'élèvent, pour 2006, à 35, 5 milliards d'euros, soit une augmentation de 3, 4 %. Ce budget représente, selon les normes de l'OTAN, 1, 7 % de notre PIB, un peu plus selon les normes européennes.

M. François Trucy m'a demandé si, selon moi, la part que représente ce budget dans notre produit intérieur brut était ou non suffisante. Bien entendu, l'effort que nous consentons est inférieur à celui des Etats-Unis, par exemple. Toutefois, et il convient de le noter, c'est l'un des plus importants en Europe.

Aujourd'hui, même si, comme tout ministre de la défense, j'aimerais disposer de crédits un peu plus conséquents, il me semble, compte tenu du contexte économique et social actuel, que ce budget est équilibré, dans la mesure où il permet au ministère de faire face à ses ambitions.

En effet, le budget que j'ai l'honneur de vous présenter est au service d'une politique ambitieuse. Il est au coeur des priorités du Gouvernement et constitue un effort important pour la nation. Ce montant nous oblige. Le ministère de la défense se doit donc d'utiliser au mieux les moyens qui lui sont alloués. Par ailleurs, je le souligne, ce budget nous permet de respecter la volonté du Parlement, exprimée voilà près de trois ans, lors du vote de la loi relative à la programmation militaire pour les années 2003 à 2008.

La défense s'inscrit en effet au coeur des priorités gouvernementales.

La première de ces priorités est, bien entendu, la sécurité des Français. Le contexte stratégique actuel, presque tous les orateurs l'ont relevé, est encore marqué, d'une part, par le terrorisme - une menace réelle pèse sur tous les pays occidentaux - et, d'autre part, par la multiplication des crises dans le monde entier, que ce soit en Afrique, au Moyen-Orient, en Asie centrale, voire aux frontières de l'Europe.

Notre impératif principal, c'est donc de protéger les Français où qu'ils se trouvent dans le monde. C'est la mission première de nos militaires.

Ainsi, les 35 000 militaires des trois armées et de la gendarmerie nationale, les sapeurs et marins pompiers, les unités d'intervention de la sécurité civile forment le socle permanent de protection de notre territoire.

M. Fréville m'a posé une question concernant l'équilibre général de nos forces, me demandant si, finalement, dans les années qui viennent, nous ne devrions pas recentrer notre effort sur une protection stricte de notre territoire et éventuellement réduire notre participation aux OPEX.

Je réponds très clairement par la négative. Aujourd'hui, que ce soit dans le contexte du terrorisme ou dans celui des crises multiples, la sécurité de notre propre territoire commence à l'extérieur.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

À l'évidence, réagir quand le terrorisme est sur notre territoire, c'est presque déjà trop tard. Il faut intervenir le plus en amont possible s'il l'on veut prévenir les actions terroristes.

De la même façon, les crises multiples, qu'elles interviennent dans les Balkans ou en Afghanistan, ont des conséquences directes sur notre territoire. À l'occasion et sur les lieux de ces crises, se développent des trafics de toutes sortes - trafics d'armes, de drogue, de personnes - qui se retrouvent forcément chez nous et alimentent le grand banditisme. Ces retombées ont donc des conséquences très directes sur nos conditions de vie.

J'entends parfois dire que notre présence en Afrique serait inutile, voire contre-productive. Mais il faut être conscient que l'embrasement de l'Afrique, par des crises multiples, entraînerait une déstabilisation, au premier chef, de l'Europe et, d'une façon générale, du monde.

L'Afrique possède en effet un certain nombre de sources d'énergie, y compris pétrolières, qui entrent dans l'équilibre général du monde. Surtout, en cas de crise dans les pays du Golfe, il est évident que, pour compenser les chutes brutales de production du pétrole, nous aurions besoin de diversifier nos sources d'approvisionnement.

Et n'oublions pas que, si l'Afrique s'embrase, des millions de personnes fuiront des zones de combat où elles risquent d'être massacrées, entraînant la désertification des régions productrices d'aliments où elles vivent aujourd'hui. Elles iront vers le premier continent qui leur paraîtra un continent de paix et où elles pourront trouver des conditions de vie plus propices, c'est-à-dire directement vers l'Europe.

Alors que nous avons du mal à traiter aujourd'hui le problème de l'immigration clandestine, qui ne concerne que quelques dizaines de milliers de personnes, nous serions obligés de faire face à l'afflux de millions de personnes.

Tel est aussi l'enjeu qui justifie notre présence sur un certain nombre de théâtres d'opérations extérieures et qui explique que nous ne pouvons pas dissocier nos actions de sécurité intérieure de nos actions extérieures.

En avons-nous les moyens, ainsi que M. Del Picchia en a fait la remarque ?

Oui, aujourd'hui, la France est à la fois capable d'assurer les différentes opérations extérieures dans lesquelles elle se trouve impliquée et de conduire des opérations de niveau international. Elle l'a largement montré au cours de ces dernières années, soit seule dans un certain nombre de cas, soit dans le cadre de l'action de l'Union européenne, en particulier lors de l'opération très difficile en République démocratique du Congo. Elle l'a montré également, plus récemment, par le biais du commandement de la Force internationale d'assistance à la sécurité, la FIAS, en Afghanistan ou de la KFOR au Kosovo. Nous avons effectivement cette capacité, que nous devons entretenir.

Monsieur Boulaud, je sais bien qu'il n'est pas possible de régler le problème du terrorisme uniquement par la voie militaire, même si cette voie est aujourd'hui notre meilleure protection. Il doit être aussi réglé par la voie diplomatique, à travers des actions de développement, mais nous ne pouvons pas écarter l'action militaire.

Sur la façon directe de lutter contre le terrorisme, je partage votre point de vue : on ne peut pas utiliser tous les moyens. Ce serait, effectivement, la meilleure façon de fédérer contre nous, et contre ceux qui luttent contre le terrorisme, d'autres personnes. C'est l'une des raisons, en dehors des raisons éthiques, qui justifient notre condamnation de la torture. Le recours à une telle méthode disqualifierait, en quelque sorte, les valeurs au nom desquelles nous combattons le terrorisme.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Mesdames, messieurs les sénateurs, aujourd'hui, plus de 33 000 militaires sont engagés hors métropole, dont 10 900 en permanence en OPEX, là où commence effectivement notre combat pour la sécurité de notre pays, là où également se poursuit notre combat pour la stabilité du monde et pour la paix.

Cela explique que la défense participe également à des actions humanitaires. M. Del Picchia a souligné la part très importante que la France a prise en Afghanistan, au sein de l'Europe, puis de l'OTAN, mais également sur son initiative personnelle. N'oublions pas non plus le rôle qu'a joué notre pays lors du tsunami. Il nous faut rendre hommage à l'efficacité, à la réactivité et au dévouement de nos forces dans ces actions humanitaires.

Applaudissements

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Mme Voynet et M. Plancade m'ont interrogé sur le problème des armes à sous-munitions, auquel j'ai déjà apporté des réponses à l'occasion de plusieurs questions écrites. Permettez-moi de rappeler que la France n'utilise en aucun cas les armes à sous-munitions et que, à défaut de pouvoir obtenir une interdiction totale acceptée par tous, nous défendons le principe d'un emploi strictement limité de ces armes, notamment en veillant à ce qu'elles ne soient utilisées que pendant la durée du conflit.

Bien entendu, la France agit aussi et de toutes ses forces pour développer le droit humanitaire dans l'ensemble du monde.

Pour ces raisons, je voudrais, une nouvelle fois, rendre hommage au dévouement sans limites des hommes et des femmes de la défense, qui, au service de notre sécurité, acceptent de s'engager totalement et parfois au péril de leur vie. La réponse que nous donnons à leurs besoins en termes d'équipements et de crédits est une façon de leur exprimer notre reconnaissance.

Applaudissements

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

L'an dernier, dix-sept d'entre eux ont été tués dans l'exercice de leur mission, plus de deux cents ont été blessés. Je voudrais qu'en cet instant nous ayons une pensée pour eux et pour leurs familles.

La deuxième priorité de notre défense est d'être au service de la construction de l'Europe.

Sans la volonté française, appuyée sur un effort financier important, sur la sécurité des engagements apportés par la loi de programmation militaire, la défense européenne n'aurait pas progressé comme elle l'a fait depuis trois ans. Je remercie M. Vinçon et l'ensemble des orateurs de l'avoir souligné.

Nous avons en effet permis à la politique européenne de sécurité et de défense de devenir une réalité sur le terrain. Nous l'avons vu à travers les opérations qui ont été menées par l'Union européenne. Nous continuons à lui donner les moyens d'exister, notamment grâce à la création de la force d'intervention très rapide européenne, les « groupements tactiques 1 500 », qui sont aujourd'hui au nombre de vingt, car de nouveaux pays ont accepté de les compléter. C'est une action à laquelle participent, je le souligne, les vingt-cinq pays de l'Union européenne. Même les petits pays et les nouveaux entrants ont donc accepté d'y prendre part.

La force de gendarmerie européenne est également un élément original et complémentaire qui a été voulu par la France et qui nous permet de compléter le spectre de nos moyens d'action sur une crise, notamment lorsqu'elle se termine.

Nous plaçons beaucoup d'ambition dans l'Agence européenne de défense, l'AED, dont plusieurs d'entre vous ont parlé. Cela nous paraît indispensable à la fois pour consolider la démarche capacitaire de l'Europe, pour développer de nouveaux programmes européens en fonction de nos priorités stratégiques définies en commun, mais également pour développer notre recherche commune.

Le budget de l'AED, qui a été voté voilà dix jours, augmente de 66 % cette année par rapport à l'an dernier, et nous souhaitons que cette progression se poursuive dans les années qui viennent.

Je remercie MM. du Luart et Vinçon d'avoir souligné les potentialités qu'offre l'Agence.

L'AED s'inscrit en même temps dans les avancées des programmes d'armement européens. Vous ne pouvez nier, monsieur Boulaud, les avancées réalisées, au cours de ces dernières années, en ce domaine. L'A-400M, le NH90, le Tigre, le missile Meteor, ne sont-ils pas des programmes européens ? Et il y en a bien d'autres.

Des crédits ont été alloués à l'AED pour les programmes de recherche et de développement, notamment dans le domaine des drones, du spatial, des communications. Il y a donc bien une volonté commune de développer la recherche et les nouveaux programmes.

Madame Durrieu, les programmes transférés à l'AED ou, pour l'instant, à l'OCCAR, l'Organisation conjointe de coopération en matière d'armement, ne l'ont pas été en vue de se débarrasser d'un poids financier ; au contraire, nous finançons nous-mêmes un certain nombre de programmes.

Si nous avons transféré le programme de drones à l'AED ou le programme de frégates multimissions, les FREMM, à l'OCCAR, c'est pour donner une impulsion à des programmes européens. L'argent investi correspondait au budget que nous avions défini. Nous souhaitons que nos partenaires, suivant notre exemple, s'impliquent également financièrement. Nous savons tous en effet que, si la Grande-Bretagne et la France consentent des efforts financiers importants, il n'en est pas de même pour d'autres pays. Nous ne pouvons que le regretter et inciter ces pays, notamment à travers ces programmes, à faire des efforts supplémentaires.

J'ai la profonde conviction que la défense européenne, qui, comme cela a été dit, fait l'objet d'un consensus entre tous les peuples des pays européens, en poursuivant sa progression concrète, sera finalement le moteur de la relance et de l'approfondissement du projet européen.

Certains m'ont interrogé sur les rapports avec l'OTAN.

La construction de l'Europe de la défense ne se fait pas en concurrence avec l'OTAN. En effet, face à la multiplication des crises, nous aurons besoin, malheureusement, des efforts de tous. Ces crises devront être réglées en fonction de certaines spécificités qui seront celles de la défense européenne ou de l'OTAN.

Nous agissons parfois en autonomie ; c'est ce que nous avons fait au Congo et ce que nous faisons en Bosnie aujourd'hui. Nous agissons également avec le soutien de l'OTAN, et, parfois, au sein de l'OTAN, par exemple, lorsque le Corps européen a assumé le commandement des forces de l'OTAN en Afghanistan. En ce domaine, nous montrons bien que, plus la défense européenne s'affirme, plus elle est capable de participer à la résolution des crises.

Des questions particulières m'ont été posées sur les nouvelles actions de l'OTAN et sur ce qui se passe en Afghanistan.

En Afghanistan, se déroulent trois opérations principales : une opération de stabilisation, qui est assurée par les forces de l'OTAN et la FIAS ; une action de formation, qui est assurée dans un cadre bilatéral ; enfin, l'opération Enduring Freedom de lutte contre le terrorisme.

Il avait été question de fusionner l'opération Enduring Freedom et la FIAS ; la France s'y est opposée. Cette distinction n'empêche pas les synergies, notamment en ce qui concerne l'utilisation des appareils de transport, afin d'éviter les redondances en ce domaine, mais les deux opérations restent bien séparées.

Quant aux nouvelles opérations de l'OTAN, elles peuvent être menées en dehors du champ d'action initial de l'Europe, puisque le problème de l'Union soviétique ne se pose plus. Néanmoins, l'OTAN est une alliance militaire - il est donc indispensable de rester dans ce cadre - à laquelle il n'appartient pas de faire le travail de l'ONU, notamment dans le secteur civil.

Voilà donc pour ce qui concerne la deuxième priorité gouvernementale à laquelle participe la défense, c'est-à-dire le développement de l'Europe.

Nous participons également - c'est la troisième priorité gouvernementale - au développement de l'économie française. Je vous rappelle, mesdames, messieurs les sénateurs, que la défense est le premier investisseur public de l'État. Je remercie MM. Fréville et Pozzo di Borgo d'avoir souligné cet aspect parfois ignoré de ses activités.

En effet, le secteur de la défense fait travailler plus de 10 000 entreprises, des grandes mais également des petites et des moyennes, réparties sur l'ensemble de notre territoire et qui emploient plus de 2, 5 millions de salariés. Investir et s'équiper en moyens modernes, adaptés aux nouvelles menaces, supposent de disposer d'un outil industriel performant et compétitif. Nos crédits permettent d'apporter un certain nombre d'aides.

Ce que je veux pour la défense, c'est une politique industrielle rénovée, qui vise à conforter l'excellence technologique française et la compétitivité de nos industries. C'est ainsi que j'agis, y compris à l'égard des entreprises qui sont plus directement rattachées au ministère de la défense ; je veux parler de GIAT et de DCN.

Lorsque je suis arrivée au ministère de la défense, GIAT était dans une situation telle, après dix ans de plans de redressement, que l'on me conseillait de le faire disparaître purement et simplement.

Parce que je pense que nous avons besoin d'une entreprise d'armement terrestre pour garantir notre autonomie stratégique, j'ai souhaité conforter la situation financière de GIAT et éviter sa disparition.

S'en est suivi un plan aux conséquences désagréables pour les personnels, je le sais parfaitement ; c'est la raison pour laquelle j'ai voulu que le ministère de la défense s'y implique totalement. Plusieurs d'entre vous ont reconnu qu'il avait rempli tous ses engagements de reclassement, des ouvriers comme des fonctionnaires, et qu'il était même allé au-delà en ouvrant des postes d'ouvriers d'État à des salariés qui étaient sous convention collective.

Nous avons réalisé un gros effort et je regrette que les autres administrations ou les collectivités locales n'en aient pas fait de même. Étant donné que nous reclassons environ cinquante personnes par mois, nous devrions avoir reclassé à peu près tout le monde à la fin du plan, y compris dans la région de Tarbes.

Je m'emploie également, avec la mission pour les restructurations, à trouver localement des activités qui permettent d'accompagner ce plan.

La situation de DCN n'était pas aussi dramatique que celle de GIAT, mais il convenait de lui redonner une impulsion. Aujourd'hui, DCN obtient d'excellents résultats, sa réputation internationale est parfaitement établie et je souhaite, Mme Luc, M. Del Picchia, que, très prochainement, les rapprochements avec Thalès nous permettent de disposer d'un pôle d'industrie d'armement naval extrêmement performant, qui soit susceptible de faire face à la concurrence, notamment à celle, de plus en plus dure, de l'Asie du Sud-Est. C'est important sur le plan stratégique comme sur le plan économique.

Une politique de défense doit être volontariste, concrète, mais également visionnaire. En effet, les problèmes ne se traitent pas au jour le jour ; il convient d'anticiper, de préparer l'avenir.

C'est pourquoi j'ai été conduite à sanctuariser les crédits des études-amont et à consentir d'importants efforts en matière de recherche. Dans le projet de budget qui vous est soumis, les crédits des études-amont s'élèvent à 600 millions d'euros ; j'ai pour objectif d'atteindre 700 millions d'euros en 2008, ce qui correspond au souhait exprimé par M. Fréville.

M. Pintat a évoqué la dissuasion nucléaire, qui est concernée par la recherche. Oui, nous restons dans le principe de la stricte suffisance, mais pour que cette dissuasion soit efficace, il convient que la recherche atteigne un degré de précision qui la rende crédible aux yeux de nos adversaires potentiels.

En effet, je ne crois pas du tout, madame Voynet, qu'il n'existe plus de risque nucléaire, même si le terrorisme et les crises multiples sont notre lot quotidien. Un certain nombre de pays dans lesquels la stabilité démocratique est loin d'être établie cherchent à se doter de l'arme nucléaire. C'est la raison pour laquelle nous devons continuer à assurer d'une façon déterminée la protection de notre territoire par le biais de la dissuasion nucléaire.

Madame Luc, votre demande est assez paradoxale, car vous ne pouvez pas à la fois réclamer moins de nucléaire et plus de travail pour DCN. Vous savez parfaitement que DCN, avec les sous-marins, participe à la dissuasion nucléaire. Il faut choisir : il ne peut pas y avoir moins d'un côté et plus de l'autre pour la même entreprise.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Moi, ce que je perçois surtout, c'est la menace et la nécessité d'y répondre ! Encore une fois, vous ne pouvez pas me demander de faire davantage travailler une entreprise dont les activités ont un rapport direct avec le nucléaire et d'avoir moins recours au nucléaire ! Se pose là un vrai problème de cohérence.

Dans le domaine spatial, évoqué par MM. Pintat et Pozzo di Borgo, il ne peut y avoir de défense d'avenir sans une politique ambitieuse. Je prévois donc d'y consacrer 0, 5 milliard d'euros en 2006.

Le groupe d'orientation stratégique de politique spatiale de défense, que j'ai créé, a élaboré un rapport qui sera l'un des documents de référence dans le cadre de la mise au point de la prochaine loi de programmation militaire.

Je considère, pour ma part, que la politique spatiale est aussi importante pour le XXIè siècle que la dissuasion nucléaire l'a été pour le XXè siècle.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Nous avons d'ores et déjà engagé plusieurs initiatives qui vont dans ce sens. Nous sommes dans le post-Hélios II et nous avons des contacts avec la plupart de nos partenaires européens afin de mener au plus tôt les travaux d'étude du système d'observation future. Il en va de même pour le nouveau projet de démonstrateur, qui sera lancé prochainement, dans le domaine du renseignement d'origine électromagnétique. Par ailleurs, la France pousse l'Agence européenne de défense à s'investir dans ce domaine.

La quatrième priorité gouvernementale à laquelle participe activement le ministère de la défense, c'est le lien social, et notamment l'emploi.

Vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, le ministère de la défense est un acteur majeur dans le domaine de l'emploi, notamment en matière d'emploi des jeunes en France. Nous sommes en effet le premier recruteur dans le pays, avec 35 000 jeunes recrutés chaque année.

Ce sont les savoir-faire que nous développons qui nous ont conduits à jouer un rôle de premier plan en matière d'insertion professionnelle des jeunes.

Monsieur Del Picchia, la défense est mobilisée depuis plusieurs mois sur ce sujet. Nous avons créé le projet « défense deuxième chance », qui tend à offrir à des jeunes en grande difficulté une remise à niveau à la fois scolaire, comportementale et professionnelle.

Nous avons déjà ouvert plusieurs centres. Un premier centre, qui accueille 174 jeunes, a été inauguré à Montry par le Premier ministre le 30 septembre. Un deuxième centre, consacré aux métiers de la forêt, a été ouvert à Étang-sur-Arroux en Saône-et-Loire. Enfin, j'inaugurerai bientôt le centre de Montlhéry dans l'Essonne, qui a une capacité d'accueil de deux cents stagiaires. Les centres seront ensuite ouverts à une cadence de un à deux par mois. Nous avons pour objectif d'accueillir 10 000 jeunes en 2006 et 20 000 jeunes à la fin de 2007.

Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Voilà donc quelles sont mes ambitions en matière de priorités gouvernementales pour la défense.

Cependant, parce qu'elle est ambitieuse, cette politique doit être menée dans une logique de performance et d'efficacité.

La mission « Défense » du projet de loi de finances pour 2006 s'inscrit dans cette logique d'objectifs et de résultats. Elle permet au Parlement de disposer d'indicateurs pour mesurer les résultats obtenus en matière d'efficience, de qualité de service ou d'efficacité socioéconomique.

La mission « Défense » comprend 45 objectifs qui sont évalués par 104 indicateurs. J'ai bien conscience, monsieur Fréville, que nous n'avons sans doute pas réussi à atteindre la perfection dans ce premier exercice. Je propose donc que nous travaillions ensemble pour essayer de définir les indicateurs les plus performants possibles, sachant que nous ne parvenons pas toujours à obtenir des définitions totalement satisfaisantes, notamment pour ceux qui sont liés aux contrats opérationnels.

Toujours dans cette préoccupation d'efficacité, je voudrais vous dire un mot de la stratégie ministérielle de réforme de la défense.

J'ai voulu la mener dans l'esprit de la LOLF et ma première action en ce sens a concerné la clarification des responsabilités. Cela m'a amenée à réformer profondément la Délégation générale pour l'armement, la DGA, et à renforcer les pouvoirs d'arbitrage du Chef d'état-major des armées, le CEMA.

La mutualisation des services a constitué le deuxième élément de cette recherche d'efficacité. En 2004, j'ai créé le Service historique de la défense, qui concrétisait la mutualisation des archives. Au début du mois de septembre, j'ai créé le Service d'infrastructure de la défense, qui permet le regroupement des services constructeurs des armées sous l'autorité du secrétaire général pour l'administration.

Je souhaite dire à M. Boulaud que si les crédits immobiliers de la gendarmerie se trouvent dans une autre mission que celle-ci, la gestion demeurera commune et qu'ils seront gérés par le service d'infrastructure de la défense. La prochaine étape concerne la création d'une direction générale des systèmes d'information et de communication, d'ici à deux mois. Elle permettra de mettre en place une politique dans des domaines qui comportent de lourds enjeux financiers, opérationnels et industriels.

Le troisième élément d'efficacité, c'est la modernisation des modes de gestion.

Ainsi, un contrat a été signé à la fin du mois de juillet, comme le rappelait M. Nogrix, qui prévoit la location en longue durée d'avions de transport à long rayon d'action en attendant la montée en puissance de l'A-400 M. Peut-être ce contrat sera-t-il prolongé, car l'A-400 M ne répondra pas forcément à tous les besoins. De plus, certains besoins ponctuels ne nécessiteront pas de disposer en permanence de ce type d'appareils. Dans ces conditions, il vaut mieux les louer, et une location de longue durée est toujours plus intéressante, financièrement et en termes de sécurité, qu'une location de courte durée.

Par ailleurs, l'externalisation des 22 000 véhicules de la gamme commerciale devrait être notifiée dans les prochaines semaines, après examen des différentes études que j'ai commandées.

Enfin, l'externalisation de la gestion immobilière sera mise en oeuvre avant la fin de 2006.

Dans ce cadre, j'ai, également apporté mon soutien au développement de contrats de partenariat de l'État en matière de formation initiale des pilotes d'hélicoptère.

Je voudrais souligner, devant la représentation nationale, que l'ensemble de ces actions de mutualisation, de modernisation, de recherche de formules nouvelles représentent plus de 500 millions d'euros d'économies réalisées depuis 2002. Je pense que cela méritait d'être dit. Cela correspond à ce que j'appelle une saine gestion publique.

Dans le même esprit de clarté, je voudrais me féliciter devant vous, en vous remerciant une nouvelle fois de votre appui en la matière, de la progression de la budgétisation initiale des OPEX.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Le financement des OPEX en loi de finances initiale, que vous aviez souhaité voilà trois ans déjà, ...

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

...et que nous mettons en oeuvre progressivement, est bien dans l'esprit de sincérité et de transparence de la LOLF.

La dotation inscrite à ce titre au projet de loi de finances, tel que je l'avais présentée à l'Assemblée nationale, s'élevait à 250 millions d'euros. L'année dernière, ce montant était de 100 millions d'euros ; la progression était donc importante.

Depuis, les événements survenus dans les banlieues ont conduit le Gouvernement à mettre en oeuvre un plan d'urgence et à faire appel à la solidarité de tous les ministères, en particulier celui de la défense, qui ne pouvait rester à l'écart de cet effort. Il nous a été demandé d'apporter une contribution de 75 millions d'euros, et j'ai souhaité que ce montant soit prélevé sur la ligne budgétaire des OPEX, dont les crédits progressent donc finalement de 75 millions d'euros par rapport à l'année dernière, pour s'établir à 175 millions d'euros.

Bien entendu, monsieur Boulaud, les OPEX sont totalement financées en fin d'année. Cela est vrai pour 2005, cela le sera pour 2006. Mais si j'ai choisi d'opérer un prélèvement sur les crédits qui leur sont affectés, c'est aussi parce que nous constatons une diminution des dépenses liées aux OPEX : il est prévu qu'elles atteignent 520 millions d'euros cette année, contre 550 millions d'euros en 2004 et 620 millions d'euros en 2003. En tout état de cause, je puis vous rassurer, si besoin est : le remboursement est toujours intégral.

Cette réduction temporaire ne remet d'ailleurs absolument pas en cause l'objectif, qui a été voulu par le Président de la République, d'aboutir à un financement total des OPEX en loi de finances initiale à l'échéance de 2007.

Enfin, toujours dans un esprit d'efficacité et de clarté, la transparence à l'égard du Parlement, notamment en matière financière, est un autre élément que je souhaitais évoquer.

À cet égard, je rappelle que j'ai ouvert à la commission de la défense nationale et des forces armées de l'Assemblée nationale un accès très régulier aux comptes du ministère. En effet, une réunion se tient chaque trimestre, qui permet à des représentants de ces commissions de rencontrer les responsables administratifs du ministère et d'obtenir des réponses à toutes les questions qu'ils souhaitent soulever. J'ouvre la même possibilité à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat.

En ce qui concerne les services, sous réserve, bien sûr, de la protection normale de leurs intérêts, je suis tout à fait favorable, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, à ce que le Parlement puisse être informé de l'utilisation des crédits mis à notre disposition, monsieur Boulaud. D'ailleurs, il existe déjà, s'agissant notamment de la DGSE, des contrôles parlementaires.

On parle aujourd'hui d'une nouvelle modalité ; pour ma part, je suis tout à fait disposée à l'approuver. Encore une fois, il n'y a aucune raison que le Parlement ne soit pas informé en la matière, dès lors que nous sommes bien d'accord sur les limites de cette information.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Voilà comment ce projet de budget permettra de répondre aux ambitions de la défense et aux priorités gouvernementales, voilà comment j'entends que les sommes importantes en jeu soient utilisées, en toute clarté et avec une plus grande efficacité.

Enfin, je voudrais mettre en exergue ma troisième ambition, qui est loin d'être négligeable : avec ce projet de budget, je compte garantir le redressement de l'effort de défense, conformément à la volonté que vous aviez exprimée, mesdames, messieurs les sénateurs, au travers de la dernière loi de programmation militaire.

Je tiens à l'affirmer, il n'y a aucun doute quant au respect de cette loi de programmation militaire ou, madame Durrieu, à la mise en oeuvre du modèle 2015, les deux étant d'ailleurs liés.

À cet égard, nous avons réussi à combler un certain nombre des lacunes dues à la non-exécution de la précédente loi de programmation militaire. Bien entendu, parfois, parce qu'interviennent des évolutions du contexte stratégique et des techniques, des adaptations sont nécessaires. Nous procédons à ces adaptations au fur et à mesure des besoins. Il serait, en effet, stupide de figer les choses au prétexte de s'en tenir à des décisions prises voilà quinze ans. Les militaires ne raisonnent pas de cette façon, les nécessités de notre sécurité et leur volonté d'être toujours plus opérationnels nous conduisent à réagir à toutes les innovations qui se présentent.

Pour autant, précisément parce que l'objectif pour 2015 a été fixé en fonction de données qui n'ont pas foncièrement changé - la menace terroriste, que malheureusement notre pays connaissait bien avant 2001, et le risque de crises multiples ayant été pris en compte -, le modèle 2015 n'a pas à être fondamentalement remis en cause. Cela étant, dans le cadre notamment de nos programmes, nous reconsidérons bien entendu un certain nombre d'éléments, afin d'avoir toujours le plus d'avance possible.

Cela signifie aussi que nous commençons à nous préoccuper d'échéances plus lointaines. Nous mènerons ainsi une réflexion sur l'horizon 2025. Dans cette perspective, je suis assez disposée à faire miennes certaines remarques qui ont été formulées sur le caractère relativement rigide de la loi de programmation militaire, même si celle-ci représente un progrès considérable par rapport à l'annualité budgétaire. Il est vrai que l'on ne saurait, si l'on veut être efficace, s'en tenir simplement aux termes de ce texte. D'ores et déjà, nous avons commencé à travailler sur la prochaine loi de programmation militaire.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Tout naturellement, cela nous amène aussi à prendre en compte l'ensemble des programmes.

À ce propos, on m'a demandé si nous avons une vision de la charge financière que représentent les programmes sur la période couverte par la loi de programmation militaire. Eh bien oui, nous disposons de telles estimations, et elles nous sont nécessaires. Même si, pour les raisons qui ont été évoquées, les chiffres ne sont pas dévoilés, il est évident que, dès le début d'un programme, nous disposons d'évaluations du coût total de son exécution.

Certains d'entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, ont mis l'accent sur les retards enregistrés par certains programmes. Or les causes de ces retards peuvent être très diverses, et différents cas doivent donc être distingués.

Ainsi, quand j'entends évoquer un retard dans l'exécution du programme du Rafale, j'ai envie de rétorquer : à qui la faute ? En effet, le Rafale était prêt depuis bien longtemps. Ce programme aurait donc parfaitement pu être intégré dans la précédente loi de programmation militaire et même, probablement, dans celle qui a précédé cette dernière.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Cela n'a pas été fait, et si cela pose des problèmes à nos armées, cela veut dire que cela pose aussi des problèmes industriels.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

Je croyais que c'était un domaine réservé du Président de la République !

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Si ce programme, qui était prêt dans les années quatre-vingt-dix, avait été retenu par les gouvernements de l'époque, le Rafale aurait été présent sur le marché bien avant le JSF !

Applaudissementssur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Dans ces conditions, il est probable qu'il aurait été choisi par la plupart des pays, ce qui aurait représenté un gros apport financier pour la France. Ne l'oublions pas !

Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

C'est le même chef des armées depuis 1995 !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Je vous en prie, mes chers collègues, madame la ministre seule a la parole !

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Au début des années quatre-vingt-dix, monsieur Boulaud, le chef des armées n'était pas le même qu'actuellement ! Par ailleurs, des gouvernements se sont succédé, qui étaient chargés de préparer et de financer les lois de programmation militaire, ainsi que d'en faire respecter l'exécution.

J'ajouterai, pour être tout à fait objective, que des retards peuvent être dus à l'industriel. Ce fait a été souligné, en particulier, s'agissant du char Leclerc. Les difficultés de GIAT Industries et les nombreuses grèves survenues n'ont guère facilité les choses.

Certains retards peuvent également être liés à des problèmes techniques. Cela est vrai, notamment, en ce qui concerne le NH 90. Pour ma part, je ne manque pas, alors, d'intervenir auprès des industriels, pour leur signifier que de telles situations, susceptibles à la fois d'entraver la capacité opérationnelle de nos forces et de porter atteinte à notre image aux yeux d'un certain nombre de clients potentiels, sont inadmissibles.

Pour en revenir à des points plus concrets et positifs concernant le projet de budget pour 2006, j'indiquerai que celui-ci prévoit les commandes et les livraisons des équipements nécessaires à l'exercice de leurs missions par nos armées.

À cet égard, nous allons poursuivre notre effort pour la dissuasion. L'année 2006 verra en outre la commande du second porte-avions, le lancement du programme du sous-marin Barracuda - je pense répondre ainsi aux inquiétudes qui ont été exprimées -, ainsi que la montée en puissance des programmes Félin, de l'A 400 M et des hélicoptères de la gendarmerie.

Par ailleurs, M. André Boyer m'a interrogée sur un abandon éventuel du programme des frégates Horizon. Il était prévu de doter notre marine de quatre bâtiments de ce type, mais, étant donné la commande de nouvelles frégates multimissions et la grande capacité opérationnelle de ces dernières, il a été décidé de la pourvoir de deux frégates Horizon et de substituer aux deux autres des frégates multimissions, qui sont parfaitement propres à remplir les mêmes missions. Nous aurons ainsi un éventail de moyens à notre disposition.

Quant au porte-avions, comme je l'ai dit à l'instant, la commande va être passée. Notre collaboration avec les Britanniques se poursuit dans de bonnes conditions. Comme toujours, on constate des hauts et des bas, mais je note que la volonté des militaires rejoint ici la volonté politique. Si nous rencontrons parfois des difficultés, elles sont le plus souvent dues aux industriels. On peut d'ailleurs, à la rigueur, le comprendre, puisque la passation de deux commandes différentes implique qu'ils doivent procéder deux fois à des études ou à des recherches très voisines et que, finalement, le client est en situation de se montrer plus exigeant sur les prix et de demander un rabais plus important.

Quoi qu'il en soit, la volonté politique d'aboutir se manifeste très régulièrement, et si les Britanniques ont quelque peu tardé au début, cela nous arrange, d'une certaine façon, car ils avaient pris leur décision avant que nous n'ayons arrêté la nôtre ; nous avons ainsi pu rattraper notre retard initial. Cela nous permet maintenant de travailler ensemble, notamment en associant les équipes françaises et britanniques dans la recherche de tous les éléments communs, afin de gagner du temps et, surtout, de découvrir le maximum de choses à faire en coopération, car tel est bien le but que nous visons.

Enfin, en 2006, le lancement du satellite Syracuse III B sera un atout essentiel pour améliorer notre capacité de maîtrise de l'information. L'année 2006 verra également la livraison de quatorze avions Rafale, des missiles Scalp et de trente-quatre chars Leclerc. Ce sera aussi l'année d'admission au service actif du second bâtiment de projection et de commandement, le Tonnerre.

En ce qui concerne le maintien en condition opérationnelle, sujet abordé notamment par MM. Fréville, Trucy, Nogrix, Dulait et Vinçon, c'est là pour moi une préoccupation constante, non seulement parce que certains matériels sont vieillissants, mais aussi parce que les nouveaux équipements sont très sophistiqués. Or plus un matériel est sophistiqué, plus il demande d'entretien et plus il y a de risques d'obsolescence rapide. On a parfois un peu l'impression d'être enfermé dans un cercle vicieux.

C'est la raison pour laquelle j'ai demandé que soit envisagée la possibilité d'établir de nouveaux rapports avec les industriels. En disant cela, je me tourne vers M. le président de la commission des finances. À mon sens, il devrait être intéressant, dans l'avenir, d'acheter des heures d'utilisation plutôt que de simples matériels. Dans cette optique, il conviendrait que le MCO soit aussi, et surtout, assumé par les industriels. En effet, ce qui nous intéresse, en termes opérationnels comme en termes d'entraînement, c'est d'avoir à disposition un matériel qui fonctionne.

Toutefois, il est évident que les industriels vont alors nous demander de payer en même temps le matériel et son maintien en condition opérationnelle sur la durée. Par conséquent, cela peut poser des problèmes lourds au regard de l'exécution d'une loi de programmation militaire, puisque, si le coût final sera pratiquement identique, et sera même, j'en suis persuadée, moins élevé, la dépense à engager au départ sera beaucoup plus forte.

C'est là où nous rejoignons également les préoccupations, exprimées en particulier par M. Boyer, quant aux annuités qui dépassent une loi de programmation militaire. En effet, généralement, nos matériels sont utilisés pendant quinze ans, vingt ans, vingt-cinq ans, voire trente ans, et il est évident qu'il y a là matière à engager une réflexion commune.

Le projet de loi de finances répond, par ailleurs, aux engagements prioritaires en termes d'effectifs, lesquels sont globalement maintenus à leur niveau actuel. A ce propos, et en réponse à la préoccupation de M. Trucy, relative au sous-équipement des effectifs de 3 %, je dirai qu'il est aujourd'hui bien géré : il l'est sur le plan militaire, mais également sur le plan civil. Bien entendu, nous souhaiterions, là encore, obtenir davantage, ce qui éviterait des tensions à l'échelon du personnel militaire et permettrait de combler les insuffisances dont souffrent certains postes.

Nous parvenons pourtant à nous en accommoder et, de ce point de vue, les réserves constituent un apport utile. Je me réjouis d'ailleurs que le texte que je me propose de vous soumettre sur ce sujet, au mois de février, nous permette de mieux prendre en compte la place des réserves dans une armée professionnelle.

D'ores et déjà, je souligne que, dans ce domaine, monsieur Trucy, j'ai consenti un effort important, puisque les crédits qui figurent dans le projet de budget pour 2006 sont en augmentation de 15 millions d'euros pour atteindre un total de 135 millions d'euros.

Les mesures pour le personnel civil non seulement en maintiennent les effectifs, mais améliorent également - je m'y attache depuis trois ans - les aides qui leur sont accordées : elles représentent chaque année, je le rappelle, l'équivalent de celles qu'avait octroyées en cinq ans le précédent gouvernement.

Pour en revenir aux militaires, nous nous sommes fixé pour objectif d'avoir, fin 2005, 50 000 réservistes dont 18 000 gendarmes et, fin 2006, 55 000 réservistes dont 20 000 gendarmes.

En outre, ainsi que vous l'avez souligné, pour renforcer l'attractivité de ce statut auprès des employeurs, j'ai obtenu en leur faveur la création d'un crédit d'impôt. Il vous sera présenté à l'occasion du projet de loi de finances rectificative.

Le respect de la loi de programmation militaire, ainsi que plusieurs d'entre vous l'ont relevé, suppose d'utiliser les reports. Comme vous le savez, les reports constatés à la fin de l'année 2004 ne sont pas notre fait. Je tiens à redire à tous que nous sommes parfaitement capables de consommer tous les crédits mis à notre disposition.

Nous avons été victimes, au cours de ces dernières années, de la conjugaison de deux problèmes.

D'une part, le fait que les OPEX ne soient remboursées qu'en fin d'année nous obligeait à faire une avance de trésorerie dont nous ne retrouvions généralement pas la disponibilité avant le mois de décembre. Il nous était alors parfaitement impossible de dépenser ces quelque 500 millions d'euros ou 600 millions d'euros avant le début de l'année suivante !

D'autre part, le fait que cette situation combinée aux normes de dépense nous interdisait de consommer, au cours d'une année, plus que ce qui était inscrit en loi de finances initiale, de sorte que nous ne pouvions pas consommer les reports de l'année précédente.

Ces impératifs m'ont paru susceptibles de porter atteinte à la transparence de la loi de programmation militaire et c'est la raison pour laquelle j'ai obtenu un arbitrage qui nous permettra de consommer, avant la fin de cette loi, l'ensemble des crédits qu'elle met à notre disposition. Dès cette année, nous pourrons ainsi consommer, outre la norme de dépense, 600 millions d'euros au titre des reports dont je peux vous affirmer qu'ils seront tous utilisés d'ici à la fin de l'année 2007 : j'en ai donné l'assurance au Président de la République.

En ce qui concerne le carburant, je voudrais dire à M. Trucy que nous avons, d'une part, intégré une augmentation de 17 % et, d'autre part, en liaison avec le ministère des finances, prévu un mécanisme contre les risques, qui nous permet de ne pénaliser les armées, ni au stade de leur entraînement que j'estime être essentiel, ni, bien sûr, au stade de leur engagement opérationnel.

En vous demandant de bien vouloir m'excuser, monsieur le président, d'avoir dépassé de quelques minutes le temps de parole qui m'était imparti, j'en arrive à la fin de la présentation de la partie du projet de loi de finances pour 2006 qui a trait à la mission « Défense ». Je crois qu'elle a à la fois pour but de permettre à mon ministère d'assurer les missions et les ambitions qui lui sont confiées, mais également de montrer a nos armées et à nos militaires la considération dont ils sont l'objet.

Je remercie celles et ceux d'entre vous qui leur ont rendu hommage et qui ont rendu hommage au ministère de la défense. J'ai été très sensible aux propos aimables qui ont pu être tenus en ce sens, particulièrement aux compliments de M. Peyrat

Sourires sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Ces crédits permettront à la France de disposer, dans la durée, d'une défense cohérente et efficace.

Il ne s'agit pas d'accorder des crédits pour une mission comme les autres : notre mission, mesdames et messieurs les sénateurs, n'est pas comme les autres ! C'est la raison pour laquelle, dans un contexte de finances publiques dont je connais les difficultés, je sais que votre vote exprimera aussi un engagement collectif, qui dépasse les clivages idéologiques qui peuvent exister sur les travées de cette assemblée, un engagement à l'égard de celles et de ceux qui, dans ce pays, sont prêts à prendre tous les risques pour nous, pour notre sécurité collective, un engagement finalement pour ce à quoi nous sommes tous attachés : l'idéal de servir la France !

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Merci, madame le ministre.

Pour ma part, j'ai apprécié le souci qui est le vôtre - délicate attention ! - de répondre à tous les intervenants, quels qu'ils soient.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

J'y ai été particulièrement sensible et je ne doute pas que ce sentiment soit unanimement partagé par les membres de cette assemblée. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)

Nous allons procéder à l'examen des crédits de la mission « Défense » figurant à l'état B.

Autorisations d'engagement :36 290 963 699 euros ;

Crédits de paiement : 35 379 506 049 euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

L'amendement n° II-144 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Crédits de paiement

Environnement et prospective de la politique de défense

Dont Titre 2

Préparation et emploi des forces

Dont Titre 2

Soutien de la politique de la défense

Dont Titre 2

Équipement des forces

Dont Titre 2

TOTAL

SOLDE

La parole est à Mme la ministre.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, il s'agit d'un amendement technique, d'un amendement « miroir », si je puis dire, qui vient compléter celui qui a été voté mardi matin, ici même, lors de l'examen des crédits de la mission « Sécurité ».

Je rappelle que, au départ, j'avais estimé que, compte tenu du caractère militaire de la gendarmerie, les différents éléments afférents à son budget, notamment dans le domaine immobilier et dans le domaine informatique, devaient être présentés avec ceux des autres armées.

Par la suite, plusieurs parlementaires m'ont fait valoir qu'il serait plus aisé de juger de l'action et des moyens mis au service de la gendarmerie si ses crédits étaient isolés. J'ai donc déposé un amendement qui tend à prélever des crédits sur la mission « Défense » pour les imputer sur la mission « Sécurité ».

Par ailleurs, les crédits déplacés reposaient sur l'hypothèse que le montant des autorisations d'engagement prévu en 2006 pour les opérations d'infrastructure et d'informatique générale était égal à celui des crédits de paiement. Comme nous nous sommes aperçus, par la suite, que tel n'était pas exactement le cas, il s'agit de corriger cette erreur.

Concrètement, l'amendement qui est présenté a donc pour objet de transférer 58 707 860 euros d'autorisations d'engagement supplémentaires vers le programme « Gendarmerie nationale » en les prélevant sur la mission « Défense » et d'augmenter, par ailleurs, de 2 175 229 euros les crédits de paiement de la mission « Défense » afin de tenir compte de la fixation, maintenant définitive, du périmètre respectif des deux missions.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Fréville

La commission avait donné un avis favorable sur l'amendement initial du Gouvernement, car il s'agissait d'un amendement de clarification qui rattachait les crédits d'infrastructure et d'informatique de la gendarmerie, tout en lui conservant son caractère militaire, à la mission interministérielle « Sécurité ».

Elle est donc également favorable à la rectification de forme de l'imputation de ces crédits.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

L'amendement n° II-257 rectifié ter, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Crédits de paiement

Environnement et prospective de la politique de défense

Dont Titre 2

Préparation et emploi des forces

Dont Titre 2

Soutien de la politique de la défense

Dont Titre 2

Équipement des forces

Dont Titre 2

TOTAL

SOLDE

La parole est à Mme la ministre.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons longuement parlé de cet amendement, qui vise à retirer 75 millions d'euros de la ligne concernant le financement initial des OPEX pour ramener les crédits à 175 millions d'euros.

Je crois avoir déjà donné toutes les explications à ce sujet et je ne m'étendrai donc pas sur les motivations de cet amendement et ses conséquences.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Fréville

Mes chers collègues, la commission des finances n'ayant pas examiné cet amendement, je m'exprimerai à titre personnel.

Devant l'Assemblée nationale, le Gouvernement avait proposé de réduire les crédits de l'ensemble de la mission « Défense » de 75 millions d'euros.

Cet amendement prévoit d'imputer cette réduction au seul programme « Préparation et emploi des forces », qui comprend effectivement en son sein les OPEX, mais aussi des crédits de bien d'autres types.

La commission s'était réjouie de voir les « crédits OPEX », si vous me permettez cette formule, passer de 100 millions d'euros à 250 millions d'euros, car elle avait toujours souhaité que, dans un souci de sincérité budgétaire, on se rapproche au plus vite du niveau estimé des OPEX.

Il est donc évident que je regrette cette diminution de 75 millions d'euros tout en reconnaissant que, cette année encore, ces crédits sont en augmentation, puisqu'ils passent de 100 millions d'euros à 175 millions d'euros.

A titre personnel, j'approuve le changement d'affectation, mais - et là, madame le ministre, je vais jouer le jeu de la LOLF - à une condition : dès lors que vous nous avez annoncé que la réduction de crédits serait imputée sur le programme « Préparation et emploi des forces » sans toutefois préciser qu'elle concernerait nécessairement les OPEX, j'attends du ministère qu'il fasse une économie suffisante, au sein de ce programme, pour éviter de devoir procéder à un rétablissement de crédits en fin d'année. Vous avez d'ailleurs évoqué une possibilité d'y parvenir en nous disant pouvoir escompter, ce que nous espérons, une diminution du montant des OPEX. Ainsi, l'économie se ferait tout naturellement.

Si tel ne devait pas être le cas, j'estime que cette économie pourrait intervenir sur la masse des crédits de personnel. Ainsi, vous n'auriez pas à passer, comme vous le faites - ce que, au demeurant, je comprends - par un jeu d'écritures, à la faveur du vote d'un amendement, pour arriver au résultat que nous souhaitons tous : rétablir au plus vite ces crédits OPEX.

Sous cette réserve, à titre personnel, je voterai cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

La parole est à M. le président de la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

La commission des finances n'ayant pas pu se réunir, c'est également à titre personnel que je m'exprimerai.

Je voudrais vous dire, madame la ministre, que la commission des finances a beaucoup de considération pour l'action que vous menez et que, lors de votre audition, nous avons eu confirmation de votre souci de tendre vers la sincérité budgétaire ; nous avons salué votre effort.

Le montant des OPEX doit atteindre quelque 700 millions d'euros...

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Moins, 520 millions d'euros !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

.en tout cas, un montant bien supérieur aux 250 millions d'euros que vous aviez inscrits. Cependant, faisant un effort de compréhension, nous avions estimé qu'il s'agissait là d'une sincérité relative et qu'il fallait saluer le plan de progression.

La commission des finances avait donné un avis favorable sur les crédits de la mission « Défense », puis sont intervenues les violences urbaines : le Gouvernement a alors rendu public un plan qui a fait l'objet d'un arbitrage.

Dans le cadre du redéploiement budgétaire, votre ministère a dû apporter sa contribution, sans doute dans des conditions un peu rapides et quelque peu brutales, que certains pourraient considérer comme un manquement à la philosophie de la loi organique sur les lois de finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Aujourd'hui, vous nous expliquez que, finalement, vous avez fait porter tout le redéploiement sur les OPEX : nous retombons dans nos vieilles habitudes, alors même que nous sommes dans la première année d'application de la LOLF !

Ce qui fait la force d'un pays, c'est naturellement l'opérabilité de ses systèmes d'armes, sa capacité à assurer sa sécurité militaire, à être présent dans des actions internationales pour des opérations de maintien de la paix. Mais c'est une grande fragilité pour un pays que de rester en retrait de la sincérité budgétaire et de s'abandonner à des niveaux de déficit tout à fait excessifs, qui génèrent des montagnes de dettes.

Donc, à titre personnel, je vivrais vraiment mal le fait que vous fassiez porter l'effort de 51 929 962 euros sur les OPEX. Il convient vraiment que le redéploiement soit opéré sur l'ensemble du programme, soit sur un budget d'un peu plus de 20 milliards d'euros, et porte sur les autres actions. En essayant de sanctuariser les OPEX à 250 millions d'euros, vous êtes sur le bon chemin de la sincérité.

Hier, nous discutions de la mission « Action extérieure de l'État » et Adrien Gouteyron disait combien il était malheureux de voir la France incapable d'inscrire dans sa loi de finances initiale le montant de ses contributions obligatoires aux organismes internationaux. Cette situation altère l'autorité de la France et c'est la raison pour laquelle, à mon avis, il convient de ne pas toucher aux OPEX.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Vinçon

Monsieur le président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées n'a pu examiner, pour les mêmes raisons, cet amendement.

Je tiens à souligner que l'inscription des OPEX est une demande constante de notre commission, parce que nous connaissons les désagréments de l'exécution annuelle du budget.

Pour ma part, je voudrais rendre grâce à Mme la ministre d'avoir cherché, année après année, à apporter une réponse à cette question qui nous préoccupait, avec une dotation de 100 millions d'euros l'an dernier, une dotation intentionnelle de 250 millions d'euros cette année, peut-être de 175 millions d'euros dans un instant.

Je constate également que l'amendement est déposé au moment de la discussion budgétaire, que l'écart est constaté en séance publique : je veux en rendre hommage à Mme le ministre.

Donc, à titre personnel, je soutiendrai cet amendement parce qu'il est un élément de vérité en cet instant, compte tenu de la crise que nous venons de vivre dans les banlieues.

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

La parole est à M. Didier Boulaud, pour explication de vote

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

Les amendements du Gouvernement viennent, hélas ! confirmer ce que nous dénoncions dans nos interventions : un projet de budget hors sanctuaire, insuffisamment sincère et qui risque de devenir la variable d'ajustement d'un Gouvernement gérant, comme je l'ai dit ce matin, les finances de la France à la godille.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

Les banlieues, l'endettement de la France, la croissance molle, tous les arguments, hélas ! seront bons pour piocher dans vos poches, madame la ministre !

Nous l'avons reconnu, vous avez fait preuve de beaucoup de détermination dans la défense de votre budget, qui est celui qui garantit la sécurité de notre pays. Toutefois, ses adversaires sont nombreux, redoutables, et ils parviennent aujourd'hui, avec les amendements que vous avez défendus vous-même, comble du raffinement, à écorner sérieusement ce que vous aviez obtenu naguère de haute lutte : le financement des opérations extérieures.

Ce financement, prévu au moins en partie par le projet de budget pour 2006, était présenté comme un gage de bonne gestion future. Dois-je rappeler à nouveau ce que nos excellents rapporteurs spéciaux, MM. Fréville et Trucy, écrivent sur le financement des OPEX dans leur dernier rapport ?

Je les cite : « Vos rapporteurs spéciaux notent que la dotation initiale de 250 millions d'euros inscrite au projet de loi de finances 2006 ne devrait couvrir qu'un peu moins de la moitié des surcoûts des OPEX pour 2006. Ils se félicitent toutefois que la ministre de la défense ait pris l'engagement, le 25 octobre 2005, devant votre commission des finances, d'achever la budgétisation des surcoûts des OPEX en loi de finances initiale pour 2007. »

Mes chers collègues, si nous adoptons les amendements du Gouvernement, tout sera à refaire. Et je ne voudrais pas interpréter de façon outrancière le satisfecit délivré ce matin même par notre collègue André Dulait sur cette manoeuvre dont la ficelle nous paraît un peu grosse.

En effet, après avoir stigmatisé les banlieues, rétabli et maintenu un couvre-feu désormais inutile, et surtout dressé les frontières de notre pays à la limite desdites banlieues au travers de la médiocre loi sécuritaire présentée par M. Sarkozy visant scandaleusement à amalgamer, dans l'esprit de nos concitoyens, terrorisme et immigration, voilà le Gouvernement qui nous sort l'arme de la générosité, en transférant les dépenses des OPEX sur les quartiers !

Eh bien, nous ne voulons pas, nous ne pouvons pas vous aider à entamer la démolition du projet de budget pour 2006 et à trahir d'entrée de jeu l'esprit de la loi organique relative aux lois de finances !

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

Nous ne voterons pas cet amendement pour lequel nous demandons un scrutin public, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de François Trucy

M. François Trucy, rapporteur spécial. Qui veut noyer son chien...

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

La parole est à Mme Hélène Luc, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Luc

Mme Hélène Luc. Une fois encore, nous nous trouvons dans le paradoxe de la LOLF, dans la confusion des genres et face à un choix que je me refuse à faire.

Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Luc

Cet amendement vise à annuler des crédits qui avaient été affectés pour la contribution de la mission « Défense » au plan gouvernemental pour les banlieues et à les transférer sur une provision au titre des surcoûts liés aux OPEX.

Il est tout de même paradoxal de retirer des crédits prévus pour améliorer les conditions de vie de populations défavorisées, selon un plan élaboré en toute hâte par le Gouvernement, mais par ailleurs positif, et de les reporter pour absorber les coûts élevés de l'action de nos armées à l'étranger, qui ont été mal évalués.

Dans le contexte actuel, le symbole me paraît particulièrement malvenu. Quel message allons-nous envoyer à tous les jeunes des cités aux prises avec les difficultés que l'on sait ? N'aurions-nous rien retenu de ce qui s'est passé voilà quelques semaines ?

Ces jeunes souffrent aussi d'un manque d'identité, de repères, ils ont le sentiment de ne pas être des citoyens à part entière. Je ne pense pas qu'en adoptant de telles mesures nous renforcerons chez les jeunes le lien avec l'armée et la nation dont nous déplorons tous qu'il se soit distendu.

Je voterai donc contre cet amendement et je demande, moi aussi, un scrutin public !

Exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Je mets aux voix l'amendement n° II-257 rectifié ter.

Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe socialiste et, l'autre, du groupe CRC.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

Il est procédé au comptage des votes.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 49 :

Nombre de votants330Nombre de suffrages exprimés286Majorité absolue des suffrages exprimés144Pour l'adoption161Contre 125Le Sénat a adopté.

Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

J'ai été saisi d'une demande d'explication de vote sur les crédits de la mission « Défense » par Mme Hélène Luc.

Je lui donne donc la parole.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Luc

C'est une explication de vote à laquelle j'ai droit, puisqu'on ne peut intervenir sans être inscrit !

Madame la ministre, je veux particulièrement insister sur les objectifs que vous fixez en matière d'armement.

Même à l'heure de la politique européenne de défense et de sécurité, les industries nationales d'armement jouent encore un rôle important pour assurer la souveraineté, l'autonomie de décision et l'indépendance de chaque pays. C'est pourquoi je ne pense pas que la voie du désengagement de l'État de nos industries nationales, dans la perspective de restructurations à l'échelon national et européen, soit la bonne.

En privilégiant la privatisation, l'ouverture du capital avec prise de participation de capitaux privés, plutôt que la conclusion d'accords de partenariat et de coopération entre les entreprises concernées, vous affaiblissez notre maîtrise de ces industries et notre contrôle sur elles.

La question qui nous est posée est celle du renforcement de nos propres outils industriels ; je pense évidemment à GIAT-Industries et à DCN, qui sont hautement performants et comptent parmi les meilleurs en Europe. Nous devons les placer dans les conditions les plus favorables possibles pour leur permettre non seulement d'affronter la concurrence, mais aussi de réaliser les alliances et les coopérations nécessaires avec leurs partenaires européens.

Cette concurrence risque d'ailleurs d'être exacerbée par le code de bonne conduite qui a été adopté le 21 novembre dernier par les ministres européens de la défense et par lequel ils acceptent d'ouvrir encore plus leur marché d'armement à la concurrence, sur la base de la transparence des appels d'offres.

Les alliances et les coopérations sont d'autant plus urgentes et nécessaires que la politique européenne de défense est encore trop tributaire de l'OTAN et que, par ce biais, les États-Unis sont en mesure de nous imposer certains de leurs standards techniques en matière d'armement ainsi que leurs stratégies.

Madame la ministre, comme vous le savez, nous ne remettons pas en cause la participation de l'armée française en Afghanistan pour assurer la sécurité - j'ai même eu l'occasion de saluer son action - mais nous ne voulons pas nous laisser entraîner à devenir une armée d'occupation dans ce pays. J'insiste sur ce point, car j'y tiens énormément, comme l'ensemble de mon groupe.

Vous empruntez non pas la voie des alliances et des coopérations, mais celle de la perte de la maîtrise de nos industries d'armement et du contrôle de l'État.

C'est du moins ce que l'on constate avec l'entrée de Thales dans le capital de DCN, entrée qui recèle des dangers puisque l'électrotechnicien de défense est prêt à accepter une participation réduite et à renoncer à la minorité de blocage, à condition de pouvoir intervenir dans la gestion opérationnelle. Il y a là un risque de pilotage progressif de cette entreprise publique par des intérêts privés.

J'en veux pour preuve l'incident qui a eu lieu le 30 novembre dernier, lors de la réunion du comité central d'entreprise de DCN au cours de laquelle les organisations syndicales ont révélé l'existence d'une déclaration commune d'intention entre DCN, l'État et Thales. Celle-ci laissait supposer que la participation de l'État avait vocation à devenir minoritaire, et que Thales pourrait devenir l'actionnaire industriel de référence.

Cette information est confirmée aujourd'hui par un journal du soir que vous avez dû lire, ...

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Luc

... avant même que les salariés en soient informés : c'est inadmissible !

Je crains, madame la ministre, que ce ne soit cette nouvelle que vous annoncerez le 15 décembre au cours des comités centraux extraordinaires des deux entreprises, DCN et Thales. L'inquiétude et la colère - je puis vous l'assurer - sont très grandes chez les salariés, qui ont alerté les parlementaires. J'espère que vous apporterez aux organisations syndicales, lorsque vous les recevrez prochainement, les éclaircissements nécessaires que vous n'avez pu nous fournir aujourd'hui.

Les conséquences du désengagement de l'État peuvent également se mesurer à l'aune des différents plans de restructuration de GIAT. Il est encore temps, madame la ministre, de rectifier le tir en donnant à GIAT les moyens d'honorer les commandes en cours et d'accélérer les programmes de rénovation.

Madame la ministre, nous ne voterons donc pas les crédits que vous nous présentez.

Pour conclure, je souhaite m'adresser au président du Sénat et à Mme la ministre au sujet de la Commission nationale pour l'élimination des mines antipersonnel, au sein de laquelle je représente le Sénat. Nous commençons d'ailleurs à étudier le problème des bombes à sous-munitions.

J'apprécie que le ministère de la défense, en la présence d'un général, participe aux travaux de cette commission nationale.

Dernièrement, une question a été posée aux parlementaires - Mme Garriaud-Maylam était avec moi - au sujet du non-remplacement de l'ambassadeur, qui part à la retraite. Cet ambassadeur avait évidemment toute autorité pour soulever les problèmes dans les différents pays.

Je vous demande donc, monsieur le président, madame la ministre, d'intervenir auprès de Bercy pour que ce poste d'ambassadeur soit pérennisé, car il est d'une très grande utilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

J'ai pris note de votre demande, madame Luc, et le président de commission des finances du Sénat ne manquera pas de relayer votre observation.

Je mets aux voix les crédits de la mission « Défense », ainsi modifiés.

Ces crédits sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

J'appelle en discussion l'article 75 quater, qui est rattaché pour son examen aux crédits de la mission « Défense ».

I. - La responsabilité pécuniaire des militaires est engagée :

1° Lorsqu'ils assurent la gestion de fonds, de matériels ou de denrées ;

2° Lorsque, en dehors de l'exécution du service, ils ont occasionné la destruction, la perte ou la mise hors service des effets d'habillement ou d'équipement qui leur ont été remis et des matériels qui leur ont été confiés.

II. - Un décret en Conseil d'État détermine les conditions d'application du I, notamment les compensations pécuniaires dont peuvent bénéficier les intéressés.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, l'Assemblée nationale a présenté et adopté un amendement tendant à insérer cet article additionnel qui vise à reconduire une disposition du statut général des militaires de 1972, laquelle a été tout simplement omise dans le statut de 2005.

Cet article 75 quater définit les conditions de responsabilité de certains militaires détenteurs de fonds publics, d'équipements, de matériels ou de denrées. Une telle mesure ne soulève aucune difficulté de principe puisqu'il s'agit uniquement de reprendre un dispositif qui existait auparavant et que l'on a oublié lorsque l'on a rédigé le statut.

Quoi qu'il en soit, cette disposition est essentielle pour permettre l'exécution normale de la dépense militaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Je mets aux voix l'article 75 quater.

Nous avons achevé l'examen des crédits de la mission « Défense ».

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Politique des territoires ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Besse

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la mission « Politiques des territoires », mission interministérielle en six programmes, retrace principalement trois grandes politiques publiques : celle de l'urbanisme, celle du tourisme, et le coeur de l'aménagement du territoire.

De la sorte, cette petite mission, qui, avec 701, 8 millions d'euros demandés pour 2006, représente seulement 0, 21 % des crédits de paiement du budget général de l'État, constitue néanmoins un enjeu majeur pour l'économie de notre pays et pour nos concitoyens.

C'est désormais en « mode » LOLF que les crédits de ces politiques nous sont présentés. Je n'y reviendrai pas dans le détail : la LOLF, à cet égard, a grandement amélioré la lisibilité budgétaire. La commission des finances du Sénat s'en est d'ailleurs félicitée.

En revanche, je formulerai deux remarques sur les fonds de concours et les dépenses fiscales associés à ces crédits.

Première remarque : pour 2006, au titre de la mission « Politique des territoires », des fonds de concours non négligeables sont attendus - 33, 8 millions d'euros en crédits de paiement, soit l'équivalent de près de 5 % des crédits de la mission.

Or, si la commission se félicite de l'inscription de ces fonds de concours dans les « bleus » budgétaires, elle souhaite, pour l'avenir, que soit également précisée l'origine de ces fonds. La visibilité de la mission s'en trouverait encore renforcée. Actuellement, cette information n'est disponible qu'au travers des questionnaires budgétaires.

Seconde remarque : en 2006, plus de 2, 6 milliards d'euros de dépenses fiscales contribueront aux finalités de la mission « Politique des territoires », soit l'équivalent de presque quatre fois les crédits de paiement demandés au titre de la mission elle-même. Cette situation n'est pas sans poser un problème pour l'équilibre de la mission.

Quant à son organisation même, trois des six programmes qui la composent appellent de ma part des observations.

Tout d'abord, le programme « Stratégie en matière d'équipement », compte tenu de la complexité de son périmètre, pourrait être fondu avec profit, en 2007, dans le programme « Conduite et pilotage des politiques d'équipement » de la mission « Transports ».

Ensuite, le programme « Information géographique et cartographique » a fait l'objet d'un transfert de crédits décidé par l'Assemblée nationale, en vue d'éviter une position ambiguë au directeur général de l'Institut géographique national, l'IGN, qui, à l'origine, était responsable de ce programme en même temps que de son unique opérateur. La commission des finances a approuvé cette initiative, qui permettra au ministère chargé de l'équipement de retrouver la pleine maîtrise du programme.

Enfin, le programme « Interventions territoriales de l'État » présente une cohérence incertaine. Sans doute comporte-t-il des spécificités, puisque chacune de ses actions a été proposée par les préfets de région.

Toutefois, le rattachement de l'accueil des demandeurs d'asile en Rhône-Alpes à ce programme, pour 2006, est apparu discutable à la commission. Pourquoi inscrire cet accueil dans la mission « Politique des territoires », alors qu'il existe au sein de la mission « Solidarité et intégration » un programme qui paraît s'y prêter spécifiquement : le programme « Accueil des étrangers et intégration » ?

Au demeurant, la commission des finances s'est interrogée sur les critères qui avaient présidé à l'inscription dans ce programme de ses différentes actions. À l'avenir, ce point mériterait d'être clarifié.

Les instruments des grandes politiques que la mission « Politique des territoires » retrace, n'ont, quant à eux, pas changé, ou très peu. Ils sont nombreux et complexes. Je ne les détaillerai donc pas, vous renvoyant sur ce sujet à mon rapport écrit.

Toutefois, un dispositif nouveau mérite d'être mentionné : il s'agit des cinquante-cinq pôles de compétitivité, validés par le Comité interministériel d'aménagement et de compétitivité du territoire du 14 octobre dernier. À cet égard, la commission des finances salue l'impulsion qui a été donnée en la matière.

Cependant, malgré les paroles rassurantes de M. le ministre délégué à l'aménagement du territoire lors de son audition par la commission le 22 novembre dernier, je tiens à exprimer mon inquiétude sur l'effet de décalage aggravé, qui risque d'être introduit par ce nouveau dispositif, entre les territoires labellisés et ceux, économiquement fragiles, qui ne pourront pas l'être, en particulier en milieu rural.

La commission des finances attend beaucoup des pôles d'excellence ruraux qui ont été annoncés et qui suscitent d'ailleurs des espoirs. Le Gouvernement pourrait-il nous préciser leur contenu ?

La LOLF a introduit l'exigence de performance. Or aucun programme de la mission « Politique des territoires », à l'exception du programme « Information géographique et cartographique », ne donne entièrement satisfaction. En effet, les mesures de la performance associées à ces programmes s'avèrent pour le moins perfectibles. C'est en particulier le cas des objectifs et des indicateurs du programme « Interventions territoriales de l'État », qui peuvent être qualifiés de médiocres.

Bien souvent, tous programmes confondus, les objectifs aménagés relèvent davantage de la description du programme que d'une véritable stratégie de performance. Notre commission souhaite vivement que cette stratégie soit améliorée et affinée pour les prochains projets de loi de finances.

Sous réserve des observations que je viens de formuler, la commission des finances a décidé de vous recommander, mes chers collègues, l'adoption des crédits de la mission « Politique des territoires ».

Avant de clore mon propos, je souhaite l'assortir de quelques considérations personnelles de portée générale.

Par ses différents engagements en matière de grands projets d'urbanisme, de couverture du territoire en téléphonie mobile, d'aide aux territoires subissant des reconversions industrielles, par sa volonté de mettre un terme à la rupture entre la France urbaine et la France rurale, le Gouvernement prouve sa volonté de s'engager dans une politique d'aménagement du territoire ambitieuse, qui garantira à la fois l'attractivité et la solidarité des territoires.

Je salue ce nouvel élan, ce nouvel engagement, mais il est de mon devoir, en ma qualité de rapporteur spécial, d'appeler votre attention, messieurs les ministres, mes chers collègues, sur ce qui peut se cacher derrière les chiffres et les mots : je veux parler des hommes et des femmes !

D'un côté, il y a la France riche, opulente, parfois insolente, à l'image de ce maire d'une grande ville qui a déclaré voilà quelques mois : « De l'argent, nous en avons à gogo ! Ni surendettement ni augmentation d'impôts ne sont à prévoir pour les trois ans à venir. Grâce à une gestion saine, nous avons les moyens de nos ambitions ». Tant mieux s'il peut réaliser des investissements, créer des emplois, implanter des entreprises !

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Besse

Je ne le connais pas.

Mais, de l'autre, il y a la France sans autoroute, sans TGV, sans aéroport, sans pôle de compétitivité, sans pôle d'excellence ; la France besogneuse, celle des maires de petites communes, qui, parfois laminés par l'intercommunalité et privés de perspective, attendent, « espoir suprême et suprême pensée », quelques euros de la DGF ou de la réserve parlementaire d'un quelconque sénateur afin d'agrandir leur cimetière ou de couper un virage sur une route communale qui accumule les accidents depuis plus de dix ans.

Je vous prie, messieurs les ministres, de bien vouloir prendre en compte les attentes de cette France privée de perspective, qui, à l'instar des jeunes des banlieues, se sent exclue et marginalisée. Certes, cette France meurtrie est trop âgée et trop clairsemée pour se soulever. En revanche, elle attend que le nouveau ministre délégué à l'aménagement du territoire aille à sa rencontre pour lui tendre la main, tienne compte de son existence et se risque peut-être à faire des promesses dans l'espoir qu'elles puissent enfin être tenues.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

La parole est à M. Jean-Paul Alduy, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Alduy

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, j'interviendrai sur l'ensemble de la mission « Politique des territoires », mes deux collègues rapporteurs pour avis, Christian Gaudin et Dominique Mortemousque, ayant choisi, quant à eux, de traiter plus spécifiquement de deux politiques financées par le programme « Aménagement du territoire ». En fait, j'axerai surtout mon propos sur les problèmes que pose la mise en oeuvre de la LOLF, même si, je m'en rends bien compte, mon intervention recoupera quelque peu les conclusions de l'excellent rapport de Roger Besse.

La première difficulté concerne la définition d'une architecture cohérente et d'un périmètre clair de la mission. Toutefois, j'ai l'impression que des améliorations sont possibles.

Tout d'abord, si les programmes « Aménagement, urbanisme et ingénierie publique », « Tourisme », « Information géographique et cartographique » ou « Aménagement du territoire » sont bien identifiés, il n'en est pas de même pour les programmes « Stratégie en matière d'équipement » et « Interventions territoriales de l'État ».

Le programme « Stratégie en matière d'équipement », sera probablement fusionné en 2007 avec le programme « Conduite et pilotage des politiques d'équipement » de la mission « Transports ». Quant au programme « Interventions territoriales de l'État », je ne comprends pas pourquoi il n'a pas été intégré à l'action n° 03 du programme « Aménagement du territoire », puisqu'il s'agit en fait de deux programmes d'aménagement du territoire pilotés de manière interministérielle, même si le pilotage s'effectue sur le terrain.

Ensuite, le périmètre de la mission laisse de côté une grande masse de crédits, qui, bien que lui bénéficiant, restent inscrits dans les programmes d'autres missions. Tel est le cas, en particulier, d'une grande partie des dépenses de personnel et de fonctionnement du ministère de l'équipement, qui ont été regroupées dans la mission « Transports ».

À titre d'exemple, le programme « Aménagement, urbanisme et ingénierie publique », qui est doté de 92 millions d'euros en crédits de paiement, bénéficiera par ailleurs de 1, 1 milliard d'euros inscrits dans le programme « Conduite et pilotage des politiques d'équipement » de la mission « Transports ». On comprend qu'il ne soit pas possible de « couper en petits morceaux » les directions départementales ou les directions régionales de l'équipement, mais cette répartition rend incohérente la lisibilité du programme et ne permet pas aux parlementaires d'effectuer un travail efficace.

La deuxième difficulté a trait à l'harmonisation et à la présentation des différents programmes de la mission.

Il n'est en effet pas possible d'appréhender dans le « bleu » budgétaire la répartition des crédits au sein des différentes actions, le contenu de celles-ci y étant décrit de manière vague et « littéraire ». Il serait nécessaire d'adopter une même présentation des projets annuels de performance pour l'ensemble de la mission. Ainsi, une avancée pourrait consister à faire figurer systématiquement dans la partie « éléments transversaux au programme » une rubrique consacrée aux contrats de plan État-régions.

La commission des affaires économiques s'est interrogée sur l'état de la consommation des fonds de concours avancés à l'État par les collectivités territoriales au titre des contrats de plan 2000-2006, et elle a souhaité qu'une telle information figure à l'avenir dans le « bleu » budgétaire, éventuellement sous la forme d'un nouvel indicateur. À mon avis, cet indicateur serait un élément de réussite des contrats de plan.

Enfin, la commission des affaires économiques plaide pour une amélioration des indicateurs de performance proposés pour la mission « Politique des territoires ». Trop d'indicateurs ne sont pas encore construits. En conséquence, ils ne comportent pas de résultats chiffrés pour 2004 ni de valeurs cibles à atteindre pour 2005 et 2006. Par ailleurs, leur pertinence laisse parfois à désirer.

Ainsi, l'indicateur retenu dans le programme « Stratégie en matière d'équipement » en vue d'évaluer l'efficacité du réseau scientifique et technique, le RST, tend à mesurer « la fiabilité des prévisions de trafics établies par ce réseau sur les tronçons autoroutiers mis en service depuis cinq ans », ce qui est pour le moins réducteur.

De même, l'indicateur retenu pour l'objectif « Contribuer à une meilleure organisation de l'occupation de l'espace » - bel objectif ! - est la proportion, que l'on veut croissante, de logements autorisés dans les communes périurbaines. Cela signifie grosso modo qu'un nouveau dogme est en train d'apparaître, celui de l'étalement urbain, les centres-villes ne faisant bien évidemment plus partie de l'organisation utile du territoire.

Je m'exprime avec le sourire, mais le moins que l'on puisse dire est que les indicateurs sont à revoir. Toutefois, j'ai conscience que 2006 est une année de transition pour la LOLF. Tout cela s'améliorera donc au fil des exercices budgétaires.

Sous réserve de ces observations, la commission des affaires économiques a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Politique des territoires ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Boyer

M. Jean Boyer, en remplacement de M. Christian Gaudin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, j'interviens au nom de mon collègue Christian Gaudin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, qui ne peut être présent aujourd'hui. Il se trouve actuellement sur des terres à la fois lointaines et glaciales.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Boyer

Cette intervention porte sur les pôles de compétitivité, qui, depuis plus d'un an, font la « une » des comités interministériels pour l'aménagement et le développement du territoire - les CIADT - et, désormais, des comités interministériels d'aménagement et de compétitivité des territoires - les CIACT -, traduisant l'intégration dans la politique de l'aménagement du territoire d'une dimension de politique industrielle axée sur l'innovation et la recherche de valeur ajoutée.

La commission des affaires économiques se félicite de cette nouvelle orientation et des modalités retenues pour la mise en place des pôles. L'incitation publique à la mise en réseau - sur un territoire donné - d'entreprises, de centres de formation et de laboratoires de recherche existe depuis plus ou moins longtemps dans d'autres pays, et elle faisait incontestablement défaut en France. La création des technopôles avait bien constitué une tentative pour rapprocher physiquement des acteurs impliqués dans un même secteur d'activité, mais une simple concentration géographique ne suffit pas à générer des projets communs : il manquait une obligation de coopération.

L'appel à projets lancé en novembre 2004 a rencontré, on le sait, un très grand succès. S'il n'a pas été possible de retenir les cent cinq dossiers présentés, le nombre inespéré de candidatures a indéniablement démontré le dynamisme et la créativité de nos territoires et a initié des synergies qui, nous le souhaitons, perdureront avec d'autres mesures publiques de soutien pour les candidats écartés.

Les soixante-six projets labellisés, dans des domaines aussi divers que l'aéronautique, les nanotechnologies, les ressources halieutiques, la sécurité informatique, la vente par correspondance, l'agroalimentaire - il est impossible de tous les citer -, semblent, quant à eux, bien avancer. Avec une petite réserve, cependant, pour onze dossiers qui doivent encore être approfondis ; nous aimerions, messieurs les ministres, obtenir des précisions sur la date de leur réexamen.

Les structures de gouvernance des pôles, pour la plupart des associations de la loi de 1901, se mettent en place. À cet égard, il nous semble satisfaisant que le pilotage local des pôles de compétitivité revienne aux concepteurs des projets - acteurs économiques ou scientifiques -, et non aux représentants de collectivités publiques, car cela traduit la priorité donnée à l'initiative économique.

Quant aux contrats-cadres entre les pôles, l'État et les collectivités territoriales, ils devraient être signés avant la fin de l'année 2005.

En qui concerne l'accompagnement financier, nous avons noté que 1, 5 milliard d'euros sur trois ans seraient consacrés à cette politique, répartis entre 300 millions d'euros d'exonérations fiscales et d'allègements de charges sociales, 400 millions d'euros de soutiens budgétaires et 800 millions d'euros alloués par l'intermédiaire des agences pour la recherche et l'innovation.

Le dispositif d'exonérations fiscales et d'allègements de charges sociales, qui bénéficiera aux entreprises des pôles situées dans des « zones recherche et développement », s'appliquera au 1er janvier 2006, grâce à trois décrets qui sont sur le point d'être publiés.

S'agissant des crédits budgétaires de soutien, quelque 132 millions d'euros sont prévus en faveur des pôles de compétitivité pour 2006, dont 28 millions sur le programme « Aménagement du territoire » de la mission « Politique des territoires » au titre de la prime d'aménagement du territoire, la PAT, et du fonds national d'aménagement et de développement du territoire, le FNADT. Mes chers collègues, je sais que ces termes ne vous sont pas étrangers.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Boyer

En revanche, aucun montant n'a a priori été fixé pour les financements que les agences consacreront en 2006 aux pôles de compétitivité afin de préserver leur autonomie de gestion.

Concernant le volet financier, l'une de nos interrogations porte sur les conséquences de la distinction entre les quinze pôles mondiaux ou à vocation mondiale et les pôles à simple vocation nationale sur le plan de la répartition des financements.

Un autre sujet de préoccupation est la question de l'affectation prioritaire de quelque 3 000 postes de chercheurs en 2006 vers les six pôles de compétitivité mondiaux, qui a été annoncée par le Premier ministre dans son discours au CIADT du 12 juillet. Qu'en sera-t-il vraiment ? Est-il possible d'obtenir des garanties sur la concrétisation de cette mesure ?

Enfin, pour conclure, il convient d'évoquer les futurs pôles d'excellence ruraux, qui sont, pour les zones rurales, l'indispensable pendant des pôles de compétitivité. M. Roger Besse a tout a l'heure dressé un constat à la fois émouvant et malheureusement vrai, monsieur le ministre. Force est, en effet, d'admettre que les pôles bénéficieront surtout aux zones urbaines.

Encore faut-il, cependant, que de véritables moyens soient dégagés pour ce nouveau dispositif, à la hauteur des ambitions affichées. S'agit-il de crédits supplémentaires ou d'un simple fléchage de crédits existants ? Par ailleurs, sur quel périmètre pourront s'appuyer les projets choisis ? Enfin, notre commission souhaite que les pôles d'excellence ruraux puissent favoriser, le cas échéant, le développement d'activités industrielles en milieu rural.

Comme l'a dit M. Jean-Paul Alduy tout à l'heure, la commission des affaires économiques a émis un avis favorable sur les crédits de la mission.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

La parole est à M. Dominique Mortemousque, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Mortemousque

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, votre rapporteur pour avis souhaite mettre l'accent, dans cette intervention, sur l'aménagement numérique du territoire, qui est l'une des politiques soutenues dans le cadre du programme « Aménagement du territoire » de la mission « Politique des territoires ».

Dans la sphère économique, comme pour les particuliers, les technologies de l'information et de la communication, les TIC, sont désormais incontournables. Déterminants essentiels de l'attractivité d'un territoire, elles conditionnent aujourd'hui les décisions d'installation voire de maintien des entreprises. Elles sont aussi, de plus en plus, un facteur de cohésion sociale, en permettant à chacun d'être relié au reste du monde et d'accéder à des services devenus indispensables dans la vie quotidienne.

Des progrès importants ont été réalisés ces dernières années dans la diffusion des TIC à l'échelle de notre territoire. Concernant les réseaux de téléphonie mobile, on estime ainsi à 98 % la part de la population couverte et à près de 90 % la surface couverte du territoire. En outre, plus de 90 % de la population ont aujourd'hui la possibilité de se connecter au haut débit, contre 62 % fin 2002, notre pays comptant plus de 8 millions d'abonnés.

Ces progrès sont en partie le résultat, cela mérite d'être rappelé, de l'action volontariste menée depuis trois ans par les gouvernements successifs de l'actuelle majorité. Dès la réunion du 13 décembre 2002 du Comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire, le CIADT, constatant le retard pris antérieurement, le Gouvernement a décidé une accélération des mesures en faveur de l'aménagement numérique du territoire.

Pour la téléphonie mobile, il a lancé dès 2003 un plan de résorption des zones blanches, cofinancé par l'État, les collectivités territoriales et les opérateurs, en vue de couvrir quelque 3 000 communes. En 2006, la DATAR devrait attribuer à ce plan 1, 5 million d'euros au titre du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire, le FNADT, en complément des 28, 5 millions d'euros qu'elle lui a déjà consacrés antérieurement.

S'agissant du haut débit, le Gouvernement a d'abord souhaité favoriser l'implication des collectivités territoriales dans la construction de réseaux actifs et passifs de télécommunications, grâce à la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique. L'article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales connaît un réel succès puisque, en septembre 2005, on recensait 62 réseaux locaux d'initiative publique effectivement lancés ou en voie de l'être sur un total de près de 140 projets.

Au-delà de cette initiative législative, le Gouvernement a appuyé les projets des collectivités territoriales à travers le Fonds de soutien au développement du haut débit, instauré en 2004 et doté de 100 millions d'euros issus du Fonds européen de développement régional, le FEDER, pour la période 2004-2007.

En outre, il a permis le financement par la DATAR de plusieurs appels à projets, notamment pour encourager le développement des technologies alternatives et pour développer les usages du haut débit.

Enfin, l'État conduit, en partenariat avec des associations et des collectivités locales, une politique tendant à ouvrir des points d'accès publics à Internet sur l'ensemble du territoire.

Des progrès doivent néanmoins encore être accomplis. Selon les chiffres communiqués par la DATAR, seules 250 communes sur les 3 000 visées auraient à ce jour bénéficié du plan de résorption des zones blanches en téléphonie mobile, un résultat encore modeste par rapport aux objectifs affichés.

Par ailleurs, près de 10 % de la population et 30 % du territoire bâti ne sont pas encore couverts par le haut débit. Cette exclusion concernerait quelque 10 000 communes ou parties de communes, essentiellement rurales et peu densément peuplées.

Une mise à niveau apparaît d'autant plus urgente que de nouvelles fractures territoriales surgissent, à mesure du progrès technologique ; je pense, par exemple, au téléphone mobile de troisième génération, l'UMTS, à l'utilisation de la fibre optique pour raccorder au très haut débit des zones d'activités, voire des quartiers résidentiels.

La possibilité de choisir entre plusieurs opérateurs, qui dépend du « dégroupage » de la boucle locale cuivre, engendre aussi des inégalités territoriales puisque, comme l'a indiqué notre collègue Claude Belot, dans un rapport de la DATAR, le prix et la qualité technique des offres proposées sont plus intéressants dans les zones concurrentielles.

Les territoires qui demeurent à l'écart de la révolution numérique, pour l'essentiel des espaces ruraux enclavés n'offrant aucune rentabilité aux opérateurs, subissent ainsi un handicap supplémentaire accentuant leur déclin. Cette situation est devenue insupportable pour leurs populations, qui saisissent de plus en plus les élus.

L'évocation de ces difficultés me conduit à poser deux questions.

D'une part, quel bilan peut être tiré des expérimentations de technologies alternatives menées avec l'appui de la DATAR ? Quel vous paraît être, en particulier, le potentiel du Wimax pour raccorder au haut débit les petites communes rurales éloignées des répartiteurs de France Télécom ?

D'autre part, que compte faire le Gouvernement pour les communes non concernées par le plan « zones blanches », dans lesquelles il n'est toujours pas possible d'utiliser son téléphone portable ? En matière de téléphonie mobile, l'objectif ne doit-il pas désormais viser à couvrir 100 % de la population et du territoire ? C'est en tout cas l'opinion de votre rapporteur pour avis.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 29 minutes ;

Groupe socialiste, 22 minutes ;

Groupe Union centriste-UDF, 14 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 13 minutes ;

Groupe du rassemblement démocratique et social européen, 12 minutes ;

Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 5 minutes.

Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.

En application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de trente minutes pour intervenir.

La parole est à Mme Bariza Khiari.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Monsieur le ministre délégué au tourisme, nous nous retrouvons quelques mois après une décision que je salue, celle d'avoir codifié les règles de votre secteur dans le code du tourisme, par une loi dont j'ai été, dans cette assemblée, le rapporteur.

Je ferai part d'une autre bonne nouvelle : il semble qu'à l'Assemblée nationale le débat sur les stations classées avance. Il est évident qu'au Sénat je continuerai le travail sur ce point qui le mérite vraiment.

S'agissant du budget qui nous occupe aujourd'hui, j'ai en revanche quelques raisons d'être plus critique.

Pour cette année, la LOLF ne nous facilite pas les comparaisons. Mais, dans l'avenir, cette Constitution financière qui amorce la réforme de l'État nous permettra, je l'espère, de mieux suivre les budgets et leur application.

Le choix a été fait de rattacher le tourisme à l'une des huit missions interministérielles que comporte, dans sa nouvelle présentation, le budget de l'État : la mission « Politique des territoires ». Ce choix peut, sans doute, se justifier.

En effet, l'aménagement du territoire est l'un des objectifs de la politique du tourisme et l'attractivité touristique influence de toute façon les choix d'installation et d'investissements des acteurs, aussi bien privés que publics. Mais ce choix d'affectation aurait mérité d'être discuté.

L'aménagement du territoire n'est qu'un des volets de la politique touristique. Le tourisme est d'abord un enjeu économique de tout premier plan ; je ne vous rappellerai pas les chiffres dans le temps qui m'est imparti, vous les connaissez. C'est également un enjeu social considérable.

Parmi les indicateurs qui structurent le programme « Tourisme », aucun n'évoque l'aménagement du territoire ! Bref, au moins en matière de tourisme, le titre « Politique des territoires » ne dégage pas une vision claire de la politique d'aménagement du territoire, comme l'a très bien souligné ma collègue Marie-Françoise Pérol-Dumont, lors du débat à l'Assemblée nationale.

C'est pourquoi je vous invite à réfléchir au rattachement du programme « Tourisme » à une mission plus en rapport avec les finalités de l'industrie touristique, qui sont fortement économiques. Cela est d'autant plus important que ce secteur est aujourd'hui en recul, notamment dans deux domaines économiques et sociaux non négligeables.

En premier lieu, je tiens à rappeler que le tourisme est une activité économique déterminante pour notre pays. La France est, depuis plusieurs années, le premier pays d'accueil dans le monde. Ce constat fait notre fierté, mais la réalité économique est plus contrastée. En effet, le nombre de nuitées et le chiffre d'affaires induit ne nous placent qu'au troisième rang. Les recettes du tourisme augmentent considérablement dans l'Union européenne quand celles de la France ne progressent pas au même rythme.

La fréquentation étrangère reste pour partie stable, mais le nombre des touristes européens est en diminution. La part du tourisme dans le PIB est en baisse, selon l'INSEE : entre 2000 et 2004, il est passé de 6, 8 % à 6, 4 %. Il faut donc agir, et agir vite, notamment sur la qualité et la durée des séjours.

Je regrette, dès lors, que l'action « Promotion de la France et de ses savoir-faire » voie son budget diminuer de un million d'euros cette année, alors que nos principaux concurrents consacrent beaucoup de moyens à la promotion de l'image de leur pays.

De plus, vous le savez bien, monsieur le ministre délégué, les événements récents dans nos banlieues ont entraîné un certain nombre de gouvernements et de médias étrangers à conseiller à leurs ressortissants ne pas voyager en France. Je sais que vous vous préoccupez de cette question et que vous allez lancer une nouvelle campagne pour promouvoir l'image de notre pays.

Je me réjouis également de l'ouverture de deux nouveaux bureaux de Maison de la France. C'est principalement le rôle de la puissance publique que de défricher de nouveaux marchés. Sur les marchés matures, le relais doit davantage être pris par les opérateurs qui en tirent bénéfice.

Je regrette qu'une demande, faite il y a longtemps par notre collègue Jean Arthuis, n'ait pas été prise en compte. Il avait indiqué une possible amélioration du premier indicateur de l'objectif l, en prenant en compte l'effet de levier induit par la subvention de l'État au GIE Maison de la France sur les financements apportés par le partenariat, qu'il soit de nature privée ou qu'il soit apporté par les collectivités territoriales.

En second lieu, je souhaite évoquer le problème de l'accès aux vacances, élément essentiel dans le contexte actuel où plus d'un tiers de nos concitoyens ne partent pas en vacances. Le taux de départ des Français régresse depuis le milieu des années 1990. Il avoisine aujourd'hui les 65 %, selon le rapport de notre collègue Roger Besse. Cette situation devrait vous faire réagir.

Sur ce point, nous avons toutes les raisons d'être inquiets.

Ainsi, à l'heure actuelle, la ligne pour la consolidation de l'hébergement social n'est pas dotée. Cela n'est pas acceptable. Vous le savez, monsieur le ministre, sans la participation de l'État, qui crée un effet de levier, les opérateurs risquent de reporter le coût des travaux de mise aux normes sur le prix de séjour, ce qui exclura davantage les familles les plus modestes.

Le deuxième outil important pour la politique d'accès aux vacances est la bourse solidarité vacances, créée par notre collègue Michelle Demessine et que vous avez consolidée. J'attacherai du prix à ce que cette bourse contribue davantage à l'égal accès aux vacances et aux loisirs des jeunes, compte tenu des évènements récents

Enfin, toujours sur la question de l'hébergement social, j'insisterai sur les chèques vacances. Ils sont pour l'instant très mal diffusés dans les PME. Il est important d'en ouvrir plus largement le bénéfice aux salariés des entreprises de moins de 50 salariés. Si l'émission des chèques doit toujours rester publique, et nous y veillerons, la distribution peut se faire par le biais de structures ayant une véritable expérience en la matière.

Je souhaite également attirer votre attention sur la situation de l'Agence nationale pour les chèques-vacances, l'ANCV. Monsieur le ministre délégué, ne serait-il pas possible de rattacher l'ANCV, pour mémoire, à ce programme « Tourisme » ? En effet, si cet organisme ne reçoit pas de fonds publics et n'a pas vocation à se substituer à l'État, il concourt, conformément à ses statuts, et notamment à travers ses excédents, à la politique du tourisme social.

Je souhaite conclure sur une considération un peu plus générale, parce que le tourisme recoupe, au fond, un grand nombre de domaines.

Les métiers du tourisme contribuent particulièrement à l'intégration sociale par l'emploi. Il nous faut donc valoriser ces métiers et développer les formations y préparant, à la fois des formations courtes, qui pourraient donner une perspective positive aux jeunes qui n'ont pas eu la chance de poursuivre leurs études dans l'enseignement supérieur, et une filière universitaire d'excellence.

J'ajoute, et vous le savez, que le tourisme favorise le brassage des cultures. C'est donc le secteur rêvé pour encourager la diversité à l'embauche.

J'espère, monsieur le ministre délégué, que vous contribuerez efficacement à la valorisation des métiers du tourisme auprès de tous les publics et, notamment, auprès de tous les jeunes qui subissent la spirale des discriminations et du chômage. Le secteur du tourisme dispose d'une palette d'emplois très large, qui peut favoriser l'égalisation des chances.

Bien sûr, certaines décisions sont positives, monsieur le ministre délégué, et je me félicite - vous en connaissez la raison - du fait que les délégations régionales au tourisme soient confortées dans leur existence même. Mais j'éprouve aussi quelques déceptions.

En effet, le budget du tourisme est en stagnation. Il ne marque pas une ambition, alors que ce secteur est essentiel pour la croissance et l'emploi dans notre pays. Activité de service en plein essor et en pleine diversification, non délocalisable, le tourisme constitue un secteur d'avenir. À mon sens, c'est donc une erreur de ne pas le soutenir davantage.

Par ailleurs, le Gouvernement refuse de participer à la consolidation des hébergements sociaux ; c'est une seconde erreur majeure. Le tourisme ne peut pas être qu'une source de revenus. L'égal accès aux vacances et aux loisirs doit être élargi à un nombre de plus en plus grand de nos concitoyens les plus défavorisés. Notre pacte républicain exige qu'il soit mis fin à cette inégalité supplémentaire.

Monsieur le ministre délégué au tourisme, je connais votre implication personnelle et je ne désespère pas de votre ténacité à obtenir des moyens supplémentaires en faveur du tourisme social. Comme nos collègues de l'Assemblée nationale, nous serons à vos côtés dans ce combat.

Debut de section - Permalien
Léon Bertrand, ministre délégué au tourisme

Merci !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Saugey

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je ne commenterai pas en détail la mission « Politique des territoires » que nous examinons dans le cadre du projet de loi de finances pour 2006, car mes collègues rapporteurs viennent de se livrer à cet exercice en donnant toutes les précisions et explications requises par la première année d'application de la LOLF.

Pour ma part, je me contenterai de rappeler que cette mission regroupe les actions de l'ancien budget de l'aménagement du territoire et de celui du tourisme, en y intégrant un volet « urbanisme et infrastructures », ce qui permet de mieux appréhender la globalité de notre stratégie en la matière.

Les crédits paraissent être à la hauteur des enjeux puisque, globalement, en 2006, l'effort financier en faveur de l'aménagement du territoire sera de 9 milliards d'euros au titre des autorisations d'engagement et de 8, 5 milliards au titre des crédits de paiement. Bien sûr, ce n'est jamais suffisant, mais ce n'est déjà pas mal !

Au-delà des changements opérés par l'application de la LOLF, cette présentation correspond également à l'approche volontariste et prospective que le Gouvernement a choisie en lançant, à l'automne dernier, les comités interministériels d'aménagement et de compétitivité des territoires et en transformant la DATAR en DATC, la délégation à l'aménagement du territoire et à la compétitivité.

En effet, notre politique d'aménagement du territoire est résolument engagée sur la voie de la promotion, de l'attractivité et de la compétitivité, au service de l'emploi et de la solidarité entre les territoires.

Dans cette perspective, je ne puis qu'évoquer mon intérêt pour le pôle de compétitivité de Grenoble puisque, dans l'Isère, nous avons eu la chance d'être retenus pour promouvoir les nouvelles technologies ; notre ambition est de faire de la vallée du Grésivaudan la Silicon Valley de l'Europe.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Saugey

M. Bernard Saugey. Rien de moins, mes chers collègues !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Saugey

Enfin, je soulignerai que l'année 2006 est une année charnière pour notre politique d'aménagement et de développement du territoire. Cette remarque orientera mes questions, messieurs les ministres.

D'abord, à côté des pôles de compétitivité, vont être prochainement mis en place des pôles d'excellence ruraux. Pouvez-vous nous donner quelques informations à ce sujet, l'appel à projet devant débuter au mois de janvier prochain.

Ensuite, la quatrième génération des contrats de plan État-régions arrive à échéance. Au cours de l'année 2006, nous devrons préparer la génération suivante de ces contrats et les améliorer. Comment le Gouvernement prépare-t-il cette échéance ? Envisage-t-il un dérapage ou un rattrapage du contrat de plan actuel ?

Par ailleurs, au niveau européen, la politique de cohésion économique et sociale connaîtra, elle aussi, une nouvelle génération pour la période 2007-2013. Les nouveaux documents, dont le cadre de référence stratégique national, sont en cours de préparation. Pouvez-nous nous donner des détails ?

Enfin, la réforme des documents d'urbanisme, et plus particulièrement des permis de construire, sera mise en place l'année prochaine. Elle aura un impact important pour nos concitoyens et pour les élus représentant les collectivités territoriales. J'espère que l'on gagnera en simplicité, et que cela ne restera pas un voeu pieux.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Saugey

Pour terminer, j'évoquerai le volet « tourisme » de cette mission.

Monsieur le ministre délégué au tourisme, je me félicite du maintien des moyens budgétaires qui vous sont alloués dans un contexte général contraint. Ils vous permettront, je l'espère, de continuer à mettre en oeuvre les décisions retenues par les comités interministériels du tourisme qui se sont tenus en 2003 et 2004, notamment le plan qualité et la stratégie marketing de Maison de la France.

À la suite des événements qui sont intervenus dans les banlieues, et qui ont quelque peu atteint l'image de notre pays à l'étranger, vous avez présenté, ce matin même, la campagne visant à relancer pour la fin de l'année la France comme destination touristique.

Il convient, en effet, d'être offensif dans un environnement concurrentiel accru, et donc de dégager des moyens financiers nécessaires pour les campagnes de promotion, car le tourisme représente pour notre pays quelque 200 000 entreprises et 2 millions d'emplois directs et indirects. C'est dire toute l'importance qu'il revêt dans la bataille pour l'emploi qui a été engagée par le Gouvernement.

En attendant vos réponses, messieurs les ministres, j'indique que notre groupe adoptera les crédits de la mission « Politique des territoires ».

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

« Questions de territoires : partout en France, les mêmes chances » ; c'est en ces termes, monsieur le ministre délégué, que votre prédécesseur lançait, en février dernier, six chantiers relatifs aux questions de territoire. Nous partageons tous cette ambition.

Issu du département le plus rural de France, avec un taux de croissance de la population que votre administration a évalué entre moins 7 % et moins 20 % entre le recensement partiel de 1999 et la projection de 2030, je suis particulièrement sensible au combat en faveur de l'aménagement du territoire. Toutefois, je défends aussi bien la Conférence nationale des services publics en milieu rural que la loi relative au développement des territoires ruraux, qui a permis, entre autres, une extension des zones de revitalisation rurale, ou la loi relative à la régulation des activités postales, qui a rendu obligatoire l'amélioration du maillage territorial.

Budgétairement, comment se traduit cette politique des territoires ?

La LOLF a permis une meilleure lisibilité des actions de l'État en faveur des territoires par le biais de la transversalité de cette mission. Avec 0, 21 % des crédits de paiement du budget général de l'État, votre politique ne saurait toutefois constituer qu'un levier, monsieur le ministre. Eu égard à l'immensité de l'enjeu en matière non seulement d'harmonisation territoriale, mais également de répartition de la population, cette mission a heureusement la possibilité de disposer de plus de 2, 625 milliards d'euros au titre des dépenses fiscales, soit l'équivalent de 3, 75 fois les crédits de paiement de la mission !

Deux programmes ont attiré mon attention.

Tout d'abord, le programme 112 « Aménagement du territoire, qui est au coeur de cette politique.

Il est utile que les missions de la DATAR évoluent et intègrent des notions nouvelles de compétitivité des territoires. Cependant, tout comme je m'étais élevé contre le changement de nom de l'INAO, au regard de sa notoriété en France comme à l'étranger, il ne me semble pas utile de remplacer le nom de DATAR par celui de DIACT.

De manière précise, l'action n° 02 « Développement territorial et solidarité » mérite toute notre attention : elle doit être renforcée, et il est nécessaire de poursuivre les investissements publics stratégiques relatifs au haut débit et à la téléphonie mobile dans les territoires les plus reculés.

Ensuite, pour ce qui concerne les interventions territoriales de l'État, si la décentralisation et l'intercommunalité ont permis l'éclosion de projets au niveau local, sur des territoires redessinés, le rôle de l'État reste primordial dans sa capacité à financer des actions.

Ainsi, alors que la place de l'action n° 08 « Accueil des demandeurs d'asile en Rhône-Alpes » paraît évidemment inadaptée, tous les autres projets sont, en revanche, totalement légitimes. Monsieur le ministre délégué, j'ai saisi le ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire du projet du barrage de Charlas, qui s'étendrait sur les régions Aquitaine et Midi-Pyrénées. A-t-il des chances d'être retenu l'année prochaine ?

Enfin, et bien que les pôles d'excellence ruraux ne figurent pas expressément dans cette mission, je me réjouis de leur création ; les appels à projet devraient débuter en 2006. Monsieur le ministre délégué, comment vont-ils s'inscrire budgétairement ?

Conscient des efforts que consent le Gouvernement dans sa lutte contre la fracture territoriale, et tout en restant attentif au fait qu'il les maintienne, notamment pour lutter contre la fracture numérique, je voterai, avec la majorité du RDSE, les crédits alloués à la mission « Politique des territoires ».

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le 13 avril 2002, Jacques Chirac, Président de la République, déclarait : « La présence de l'Etat dans nos campagnes est un gage d'équilibre du territoire et une obligation pour que chaque Français puisse bénéficier d'un égal accès aux services publics. »

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Je partage tout à fait cette analyse. Cependant, trois ans après cette déclaration, force est de constater que tel n'est pas le cas !

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Tout d'abord, dans ce projet de budget, nous constatons que l'État continue de se désengager, s'agissant notamment du financement des politiques publiques, par le biais de la mise en oeuvre du deuxième volet de ce qu'on appelle la « décentralisation ».

Rappelons au préalable que la mission interministérielle « Politique des territoires » comprend six programmes et associe le ministère des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer à celui de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

Les politiques concernées par cette mission au contenu somme toute hétérogène sont toutes importantes. Il s'agit de la politique de l'urbanisme, du tourisme, de l'aménagement du territoire, et curieusement, de la politique des routes et voies navigables pour ce qui concerne les personnels de la DDE et de Voies navigables. J'espère que cela ne préfigure pas un désengagement de l'Etat dans ce domaine, monsieur le ministre. Comme je ne crois pas aux coïncidences, pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?

L'importance de cette mission contraste avec les crédits que l'État entend consacrer à la politique des territoires. En termes budgétaires, cette mission apparaît comme étant de faible importance. En effet, les autorisations d'engagement ne représentent que 0, 25 % de celles du budget général ; quant aux crédits de paiement, ils en représentent seulement 0, 21 %. Des fonds de concours s'y ajouteraient, mais nous savons peu de choses à ce sujet. De plus, nous déplorons - et nous ne sommes pas les seuls - que les collectivités territoriales soient souvent conduites à avancer à l'État les crédits qu'elles consentent au titre des dépenses communes.

Comme le note le rapporteur spécial de la commission des finances, il serait intéressant que soit précisée, à l'avenir, l'origine de ces fonds. Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, si vous prévoyez, dans les années à venir, de mieux informer le Parlement ?

Finalement, au moyen de ce budget, vous payez les salaires de l'administration centrale, les études, les évaluations, mais celui-ci est très insuffisant pour les collectivités locales, qui supportent pourtant de plus en plus de missions en lieu et place de l'État. De surcroît, à l'Assemblée nationale, sur l'initiative de M. Louis Giscard d'Estaing, un amendement tendait à supprimer 2 millions d'euros destinés justement aux politiques locales.

En outre, nous estimons que la politique retenue traduit le glissement sémantique du concept de développement équilibré des territoires vers la notion de compétitivité des territoires, rompant ainsi avec les notions de péréquation, de mutualisation et de solidarité territoriale. Les maîtres mots de l'action publique sont désormais ceux de « rentabilité » et de « mise en concurrence ».

En témoigne la volonté du Premier ministre, ces dernières semaines, de rebaptiser le Comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire en Comité interministériel d'aménagement et de compétitivité des territoires. Cette nouvelle dénomination intervient au moment de la mise en oeuvre des pôles de compétitivité, alors que l'on abandonne clairement le principe de péréquation.

Enfin, nous regrettons, une fois encore, le manque de lisibilité des « bleus » budgétaires. Bien sûr, cette année constitue une année de transition, mais le contenu hétérogène de la mission laisse penser que le manque de clarté ne tient pas seulement à la nouveauté de l'exercice.

Abordons à présent plus en détail le contenu et les choix retenus pour les différents programmes.

En ce qui concerne les contrats de plan, le budget du FNADT, le fonds national d'aménagement et de développement du territoire, est intéressant à examiner. Même s'il est globalement en hausse, la partie correspondant au volet territorial des contrats de plan État-région augmente peu ; les crédits sont calculés sur la base d'un huitième de l'engagement global de l'État, ce qui donne à penser que le Gouvernement prend acte du retard cumulé dans l'exécution de ces contrats et que la prolongation de ces derniers est d'ores et déjà acquise, sans moyens supplémentaires.

Pourtant, l'enveloppe déjà réduite que consacre l'État à ces contrats est, chaque année depuis 2002, soumise à la régulation budgétaire, c'est-à-dire à l'annulation plus ou moins importante de crédits de paiement.

Dans la même logique, par la promotion des pôles de compétitivité, nous passons d'une politique générale et de long terme à une politique visant à soutenir de manière temporaire, sélective et hiérarchisée des projets en fonction tout d'abord des marchés et des stratégies des grandes firmes nationales.

À ce titre, messieurs les ministres, rappelons que, le 25 octobre, vous avez déclaré que la péréquation financière n'est pas un outil fondamental pour l'aménagement du territoire et que, s'il faut être attentif aux territoires les plus défavorisés, il est nécessaire de récompenser ceux qui progressent le plus fortement. Cela a au moins le mérite d'être clair.

Vous confirmez ainsi une France à deux vitesses, où seuls les territoires les plus riches bénéficieront des moyens nécessaires pour faire face aux enjeux de demain, tout d'abord parce qu'ils auront leurs propres forces, ensuite parce qu'on les aidera.

Je voudrais maintenant parler des pôles d'excellence ruraux qui soulèvent un certain nombre de questions. Roger Besse, dans son rapport, a déclaré, à ce sujet, « qu'il doutait que les pôles d'excellence ruraux annoncés puissent satisfaire aux besoins importants qu'éprouvaient ces territoires ».

En effet, la disparition des services publics de proximité dans les zones rurales accélère la perte de substance de ces territoires avec des conséquences sociales et économiques dramatiques sur leur devenir et sur la population.

Concernant, par exemple, la carte scolaire, on nous dit que, pour éviter les fermetures brutales d'écoles, serait prévue une concertation avec les élus locaux sur une durée de trois ans devant précéder toute décision en ce sens. Nous sommes ainsi rassurés au moins jusqu'aux élections présidentielles !

Par ailleurs, ce budget énonce les aides aux territoires fragiles, qu'ils soient ruraux ou urbains. En fait, ces aides se font surtout sous forme d'exonérations pour les entreprises qui s'installent dans ces lieux.

Abordons maintenant la question de la DATAR, nouvellement baptisée DIACT, ou Délégation interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité des territoires. On assiste à une mutation des missions de cette délégation, beaucoup plus économiques qu'auparavant.

Nous craignons que cela ne renforce un peu plus la tendance à privilégier un certain nombre de cibles au détriment d'une politique d'ensemble d'aménagement du territoire, ce que reflète également la mise en place du programme « Interventions territoriales de l'État » ou PITE.

En outre, le développement des territoires ne peut se faire sans la promotion de l'accès pour tous aux technologies de l'information et de la communication. Les principes de mutualisation, solidarité et tarif unique devraient toujours sous-tendre les politiques engagées en ce domaine.

En effet, les technologies de l'information et de la communication sont une condition nécessaire à l'implantation des entreprises mais également un facteur de cohésion sociale. Des progrès doivent être réalisés en ce domaine, car 10 % de la population n'est pas couverte par le haut débit. Les téléphones mobiles, on le sait bien, se taisent dans de nombreux secteurs.

Les territoires ruraux sont d'autant plus touchés qu'ils n'offrent aucune rentabilité aux opérateurs. Or, nous devons exiger que 100 % du territoire soit couvert par les nouvelles technologies.

Quant aux outils de prospective, certains disparaissent. Ainsi, alors que, face aux délocalisations, de nombreux élus et acteurs économiques avaient demandé à l'État de se doter d'outils d'anticipation et de prospective des mutations économiques, vous avez supprimé, voilà deux mois, la mission interministérielle des mutations économiques qui avait été créée à cet effet. Le Commissariat général du Plan a connu le même sort il y a peu de temps.

Pouvez-vous, messieurs les ministres, nous indiquer quelle est aujourd'hui l'architecture des outils d'analyse et de prospective de l'État ?

Le Premier ministre a écrit dans une lettre adressée à Mme Boissard, nouvellement nommée commissaire au Plan, que « la logique de planification qui a présidé à la création du Commissariat général du Plan n'est plus adaptée aux caractéristiques d'une économie ouverte et d'une société complexe ».

En effet, la politique libérale mise en oeuvre par le Gouvernement ne permet pas d'intégrer le long terme. Il sera substitué au Commissariat général un centre d'analyse stratégique. Tout se passe comme si l'on assistait à un effacement programmé de l'État, la dépense publique étant relayée par un appel croissant au secteur privé et aux territoires.

J'en viens enfin au programme « Tourisme ».

Par le poids économique qu'il représente, le tourisme doit être reconnu comme un secteur structurant économiquement, comme un véritable vecteur d'aménagement et d'équilibre de nos territoires et, enfin, comme un outil essentiel de l'exercice d'un droit fondamental : le droit aux vacances.

Or, le budget consacré au tourisme, après avoir été victime de coupes claires pendant plusieurs années, stagne. Ce secteur présente une inquiétante atonie !

En effet, comme le note très justement le rapporteur de la commission des finances, nous assistons depuis 2001 à une baisse du solde touristique de la France : baisse de 14, 5 % en 2003 et de 15, 7 % en 2004.

Alors que la clientèle nous venant de très loin est plutôt intéressée par l'Île-de-France, le tourisme des citoyens européens contribue à une répartition des activités touristiques sur l'ensemble de nos régions. Il est important de soutenir ce tourisme européen. Messieurs les ministres, pourriez-vous nous dire ce que vous comptez faire dans ce domaine ?

En outre, les ressources pour la promotion de Maison de la France stagnent. Vous serait-il possible de préciser les actions que vous tenez à mener en cette matière ? Au contraire de tous nos concurrents, nous ne sommes pas, semble-t-il, à la hauteur en ce domaine.

Par ailleurs, même si les nouveaux « bleus » budgétaires ou projets annuels de performance ne permettent pas d'identifier vos priorités politiques, nous savons que rien n'est fait pour développer le tourisme social et pour concrétiser un véritable droit aux vacances pour tous. Rappelons que 34 % des Français ne sont pas partis en vacances en 2004.

Enfin, le programme « Tourisme » bénéficiera de 1, 67 million d'euros de fonds de concours, soit 2 % des crédits du programme. Or, M. le rapporteur spécial nous apprend que « ces fonds de concours résultaient, en pratique, de participations au financement d'études et d'enquêtes dans le domaine du tourisme, en provenance de la Banque de France et de la SNCF » !

Il est tout de même inquiétant que l'on compte encore sur la participation de la SNCF, déjà étouffée par un certain nombre de charges. Ensuite, on nous dira qu'elle n'est pas performante...

Face au manque de lisibilité du budget politique des territoires et par conséquent de la volonté politique elle-même, face à la faiblesse des moyens dégagés, vous comprendrez, messieurs les ministres, que les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ne voteront pas le budget de la mission « Politique des territoires ».

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

M. Adrien Gouteyron remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Biwer

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la récente crise des banlieues démontre aussi à quel point nous avons, durant des décennies, failli dans notre politique d'aménagement harmonieux du territoire.

La présence d'une mégalopole francilienne qui concentre, à la fois, une très grande, voire une trop grande, partie de la richesse nationale et, en même temps, des poches de pauvreté affligeantes ne lasse pas de nous préoccuper.

Fort heureusement, nous ne connaissons pas les mêmes problèmes dans nos milieux ruraux ; ces derniers sont néanmoins, hélas ! confrontés à d'autres difficultés bien réelles sur lesquelles je ne cesse d'insister depuis que je représente mon département au sein de la Haute Assemblée.

Tout d'abord, je voudrais féliciter le Gouvernement d'avoir mis en place des pôles de compétitivité qui vont permettre d'associer de manière plus efficace les entreprises ainsi que les centres de formation et de recherche et pour lesquels, très souvent - le grand Est n'y déroge pas -, plusieurs départements se sont associés.

Le Gouvernement va consacrer près de 1, 5 milliard d'euros en trois ans à ces pôles de compétitivité. Fort bien ! Mais je souhaiterais que le même effort soit consacré aux pôles d'excellence ruraux !

Le Premier ministre a en effet souhaité que la démarche des pôles de compétitivité soit étendue au domaine rural pour valoriser le patrimoine naturel, culturel et touristique.

En conséquence, a germé cette idée, au demeurant excellente et dont la véritable paternité vous revient, monsieur Estrosi, de créer des pôles d'excellence ruraux. Vous vous êtes en effet rendu compte que la répartition des pôles de compétitivité laissait sur la carte de France de très grands vides qu'il convenait impérativement de combler.

Nous mobiliserons nos collègues élus afin d'être en mesure de vous faire des propositions pertinentes en temps et en heure.

Mais comme je l'indiquais voilà peu, je ne souhaiterais pas que, s'agissant des moyens financiers qui seront consacrés respectivement aux pôles de compétitivité et aux pôles d'excellence ruraux, se produise le même déséquilibre qu'entre l'aide apportée aux centres urbains à travers la DSU - les événements récents démontrent que l'argent ne fait pas le bonheur - et la dotation de solidarité rurale qui, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire à votre collègue ministre de la cohésion sociale, est devenue le parent pauvre.

Une politique d'aménagement du territoire bien pensée passe également par une politique d'infrastructures de transports qui permettent d'irriguer tous les territoires.

Je n'insisterai guère dans la mesure où, dès demain, je solliciterai M. le ministre des transports sur le sujet. Je dirai simplement que, si la construction de lignes à grande vitesse est une bonne chose en termes de réduction des temps de transport, encore faut-il que ce nouveau service soit accessible au plus grand nombre !

Or, de ce point de vue, alors que le TGV Est n'est pas encore en service, les usagers commencent à se rendre compte que les horaires envisagés et la desserte des gares classiques se révéleront souvent problématiques. Cela n'est pas forcément cohérent...

Par ailleurs, nos territoires ruraux ne pourront jamais rivaliser avec les zones urbaines s'ils ne sont pas non plus correctement desservis en infrastructures de télécommunications.

Or, malgré les efforts qui ont été entrepris, malgré l'importance des crédits inscrits à votre budget au titre du développement territorial et de la solidarité, la fracture numérique est très loin d'être résorbée dans nos régions.

Cette fracture concerne bien évidemment la téléphonie mobile ainsi que l'Internet à haut et à très haut débit. Je ne cesse d'intervenir auprès des opérateurs afin qu'ils fassent droit aux doléances de nombreux maires de la Meuse, qui se plaignent d'un immense retard dans ce domaine.

Messieurs les ministres, sachez, par exemple, que le centre-bourg de ma commune n'est toujours pas relié à l'Internet à haut débit, si ce n'est grâce à une mesure exceptionnelle que j'ai prise et qui implique l'utilisation d'un satellite. Sur la zone industrielle de ma ville, le téléphone mobile ne fonctionne pas à l'intérieur des bâtiments !

Comment voulez-vous attirer, voire retenir des entreprises si vous n'êtes pas en mesure de leur offrir ces services, qui sont devenus indispensables à leur activité ? Comment voulez-vous développer le télétravail, lorsque les outils vous manquent ?

Mais il y a bien pis ! Certains élus, dans nos villages reculés, se plaignent même de la mauvaise qualité du téléphone filaire, ce qui est tout de même un comble en ce début de XXIe siècle.

Le milieu rural a un énorme besoin de services publics qui, dans mon esprit, ne se limitent pas seulement à la présence postale.

Je sais gré à M. le ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire d'avoir donné provisoirement un coût d'arrêt à la fermeture intempestive des services publics en décidant de suspendre les réorganisations jusqu'à la fin de la présente année, dans l'attente d'une très large concertation, et ce afin de pouvoir proposer des mesures visant à améliorer la qualité et l'accès aux services en milieu rural.

J'attends avec beaucoup d'intérêt vos propositions à ce sujet, messieurs les ministres. Vous le savez bien, lorsqu'il n'y a plus de gare, plus de perception, plus d'agence postale, plus de services divers, la population, inexorablement, se détourne des communes victimes de cette disparition, et tout cela contribue à la désertification.

Mais d'autres décisions peuvent être ravageuses. Ainsi vient-on de décider une diminution sensible du financement des heures d'aide à domicile, ce qui suscite, croyez-moi, de multiples protestations et de l'inquiétude.

Nous avons réalisé de gros efforts avec les associations concernées pour développer l'aide à domicile afin de maintenir chez elles les personnes âgées moyennement dépendantes et éviter leur hospitalisation ou leur admission en maison de retraite qui, vous le savez bien, coûterait autrement plus cher que des heures d'aide à domicile.

S'agissant des crédits européens de la politique régionale qui s'élevaient, jusqu'alors, à 2, 3 milliards d'euros, je vous serais reconnaissant de bien vouloir nous préciser quelles sont les perspectives de les voir pérennisés à compter de l'an prochain ; par ailleurs, pouvons-nous espérer que tous les départements de Lorraine soient traités dans l'équité, ce qui ne nous semble pas toujours être le cas.

En second lieu, je voudrais insister sur les difficultés auxquelles les élus se heurtent souvent, non seulement pour accéder à ces crédits, dans la mesure où tous les projets présentés par nos collègues ne sont pas toujours retenus, mais aussi, à supposer qu'ils le soient, pour obtenir leur règlement.

En effet, le mode de calcul de la participation au titre de ces fonds européens - je fais notamment référence à ceux des programmes Leader + - n'est pas toujours très judicieux et peut réserver de très mauvaises surprises. Les modalités d'application sont parfois étonnantes, voire décevantes : on a laissé croire aux élus qu'ils pouvaient prétendre à une certaine somme, avant que celle-ci ne diminue largement.

Il faut dire que le poids de l'administration, présente dans les débats au lieu et place des élus, perturbe quelquefois les meilleures intentions et paralyse les plus beaux projets. Je me permettrai, monsieur le ministre, de vous poser prochainement une question orale sur ce thème afin que vous puissiez m'apporter toutes les précisions utiles.

Enfin, je dirai quelques mots sur le tourisme. Comme vous le savez, le tourisme militaire représente une activité non négligeable dans notre département.

En 2006 sera célébré le quatre-vingt-dixième anniversaire de la terrible bataille de Verdun. Les communes concernées - et en premier lieu la ville de Verdun -, les associations patriotiques et le département se mobilisent d'ores et déjà dans cette perspective. Je souhaiterais qu'ils puissent compter sur un concours financier de l'État. À événement exceptionnel, moyens exceptionnels, si possible !

Le tourisme favorise une activité économique qui passe par des investissements en infrastructures, mais aussi par l'entretien du patrimoine, y compris le patrimoine culturel, dont les financements devraient tenir compte du fait qu'il s'agit d'une richesse nationale permettant un tourisme performant. Or il est souvent difficile de bâtir des projets ou des programmes sans être assuré de la pérennité de l'engagement financier.

Telles sont donc les réflexions dont je souhaitais vous faire part, messieurs les ministres, dans le cadre de l'examen des crédits de cette mission désormais interministérielle de la « Politique des territoires ».

En conclusion, je souhaiterais qu'à côté du nécessaire concept de compétitivité on n'oublie pas la notion de péréquation. Vous le savez bien, monsieur le ministre délégué à l'aménagement du territoire, vous qui êtes à la tête d'un département dont la façade méditerranéenne est très urbanisée, mais dont l'arrière-pays, au charme fou, compte des villages très dispersés et quelquefois difficilement accessibles en cas d'intempéries. Je suis persuadé que le conseil général de votre département fait jouer la solidarité et la péréquation afin de venir en aide aux communes qui en ont le plus besoin.

Il serait bon qu'il en soit également ainsi au niveau national, afin que les territoires ruraux puissent enfin bénéficier des mêmes services, des mêmes infrastructures et de la même technologie que l'ensemble des centres plus importants.

Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Yolande Boyer

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, dans le cadre de la mission « Politique des territoires », je m'en tiendrai au programme « Aménagement du territoire », programme qui est le plus largement doté, avec 275 millions d'euros en crédits de paiement et 382 millions d'euros en autorisations d'engagement Il représente à lui seul 40 % des crédits de la mission.

Je retiendrai en premier lieu le changement d'appellation du comité interministériel à l'aménagement et au développement du territoire, le CIADT, ainsi que le futur nom de la DATAR.

Ces changements ne sont pas neutres et nous font craindre que la compétitivité ne devienne le maître mot, au détriment de la solidarité. Vous faites ainsi rimer territoire et compétition.

En effet, dans un domaine aussi sensible, la péréquation financière et la notion d'égalité doivent être la règle et le principe de base, si l'on veut un développement harmonieux, juste et solidaire.

À travers certaines de vos interventions, monsieur le ministre délégué, j'ai cru comprendre que vous souhaitiez favoriser les acteurs les plus dynamiques et les plus volontaires, les collectivités les plus imaginatives.

Certes, il est important d'encourager volontarisme et dynamisme, mais il est encore plus important de permettre à ceux qui sont le plus en difficulté de s'en sortir. Tel me semble être le rôle de régulation de l'État.

Après cette introduction, je souhaite aborder trois dossiers, et tout d'abord la question des contrats de plan État-région.

On note - et c'est récurrent - un retard dans l'exécution de ces contrats. On constate également que les collectivités locales sont obligées d'augmenter leur part dans les programmes pour éviter la remise en cause de ceux-ci.

Le Gouvernement semble vouloir profiter de ce décalage pour finaliser la nouvelle génération de contrats calqués sur la durée des mandats. Mais on en ignore aujourd'hui et le périmètre et le contenu.

Ce sont les gels et les annulations de crédits qui sont en cause, pas seulement la complexité des procédures ou la multiplicité des partenaires.

Selon les domaines, les taux d'exécution varient. La « palme » du retard revient au volet « santé social », ce qui est vraiment regrettable. Des retards importants affectent également les volets routier et ferroviaire. Cette politique est dangereuse, car elle risque de favoriser les collectivités les plus riches et d'aggraver la fracture territoriale.

Peut-on parler de compétitivité sans donner à toutes les régions des moyens équivalents pour se battre, notamment dans le domaine des transports ? Cette question est d'autant plus d'actualité en raison de la crise de l'énergie. On ne peut dissocier territoire, transport, environnement et énergie : c'est bel et bien une politique de développement durable qu'il faut mettre en oeuvre.

Je pense tout particulièrement à une région excentrée comme la mienne, la Bretagne, pour laquelle le développement du TGV est essentiel. Il faut rappeler que Brest ou Quimper sont encore à quatre heures et quinze minutes de la capitale, l'objectif étant de limiter à trois heures le temps du parcours.

Tous les élus bretons, de quelque bord qu'ils soient, s'accordent sur ce constat et sur cette nécessité. Il est temps que le Gouvernement s'engage sur un calendrier précis concernant la TGV Ouest.

J'en viens - c'est le deuxième dossier - aux pôles de compétitivité, déjà longuement cités.

Le principe de ces pôles me paraît intéressant. Le succès de l'appel à projet est clair. Mais précisément, le nombre élevé de dossiers retenus laisse craindre un saupoudrage.

Il existe trois types de pôles : les pôles mondiaux, les pôles à vocation mondiale et les pôles nationaux. L'État ne risque-t-il pas de « hiérarchiser » ses moyens en fonction de l'importance des pôles ? Cela mérite d'être clarifié, car les partenaires se sont mobilisés et risquent d'être déçus. En outre, certains de ces pôles souffrent de carences en matière d'infrastructures routières et ferroviaires.

Enfin, j'aborderai un troisième dossier : celui des pôles d'excellence ruraux.

Lors d'une audition devant la commission des affaires économiques, M. le délégué à l'aménagement du territoire a évoqué ces pôles en les définissant ainsi : « Ils viseront à faire fructifier des partenariats locaux à l'échelle de pays ou d'intercommunalités autour de thématiques variées - patrimoine, tourisme, culture, énergies renouvelables, etc. », en précisant qu'ils seraient conçus à l'échelle d'intercommunalités afin de renforcer leur attractivité.

Depuis lors, le Premier ministre s'est exprimé devant le congrès de l'Association des maires de France et a annoncé que trois cents pôles d'excellence ruraux seront retenus, dans l'objectif de renforcer les synergies locales. Il a également évoqué les modalités financières.

Pouvez-vous nous confirmer et nous préciser ces dispositions, et répondre tout particulièrement aux interrogations suivantes : quels seront les critères de sélection ? Quelle procédure sera retenue ? Qui sera le porteur du projet ? Comment, et selon quel calendrier, les dossiers seront-ils sélectionnés ? Qui assurera la maîtrise d'ouvrage ?

La question du zonage mérite aussi des explications : il est question de bassins de vie ruraux structurés par des aires urbaines de 30 000 à 50 000 habitants. Ne peut-on imaginer d'y intégrer les petites villes qui jouent un rôle dans l'équilibre et le maillage du territoire ?

La directrice de la DATAR, lors des assises de l'Association des petites villes de France, l'APVF, en septembre dernier, s'exprimait ainsi : « Les petites villes sont les bases arrière de la compétitivité de tout le territoire national. »

Comment cela se traduira-t-il dans vos propositions ?

Par ailleurs, la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire du 25 juin 1999 avait jeté les bases d'un développement concerté des territoires. Vous vous appuyez sur l'intercommunalité, mais quel rôle entendez-vous faire jouer aux pays issus de cette loi ?

Je pense que la création de ces pôles suscite un réel intérêt, mais encore faut-il disposer d'explications claires à leur sujet.

Pour conclure, je rappellerai les craintes que j'ai soulignées dans mon intervention. Vous voulez encourager les territoires à être ambitieux. Mais les territoires ont tous des ambitions pour leur développement. Simplement, il leur faut les moyens de les réaliser.

Vous promouvez une politique qui rompt avec les solidarités territoriales et qui repose sur une prime au mérite. Nous ne pouvons l'accepter. C'est pourquoi le groupe socialiste votera contre vos propositions.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Alfonsi

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, mon intervention se limitera à l'examen du programme 162 consacré aux « Interventions territoriales » et portera plus particulièrement sur le programme exceptionnel d'investissement, ou PEI, pour la Corse.

Je rappelle que ce programme, institué par la loi du 22 janvier 2002 relative à la Corse, entamera en 2006 la quatrième année effective de sa mise en oeuvre, la première année - 2002 - n'ayant donné lieu qu'à une programmation très réduite. Il va également atteindre en 2006 la dernière année de la première convention d'application.

L'examen du traitement réservé au PEI dans le projet de loi de finances pour 2006, dans le nouveau cadre de la LOLF, est donc l'occasion de tirer un premier bilan de ce programme et de tracer des perspectives pour la suite de son exécution. Faut-il rappeler que celle-ci, en vertu de la loi de 2002, doit se poursuivre jusqu'en 2017 ?

Une première approche conduirait à être prudent dans l'analyse de ces quatre premières années, qui ne représentent après tout qu'à peine plus d'un quart des quinze années prévues pour le PEI.

Une analyse plus poussée incite cependant à dresser un constat rigoureux qui débouche sur une véritable stratégie pour la mise en oeuvre de ce rattrapage structurel, indispensable à la Corse. À la fin de l'année 2006, en effet, c'est le tiers du PEI qui, théoriquement, aura été engagé.

La durée d'élaboration des projets d'investissement, les difficultés de la maîtrise d'ouvrage, la complexité technique des travaux envisagés, la lourdeur de certaines procédures administratives et financières laissent penser que ce qui n'aura pas été programmé dans les quatre ou cinq prochaines années ne saura plus s'inscrire dans le cadre d'un programme qui doit lui aussi obéir à une programmation rationnelle et à une grande rigueur d'exécution.

Or, d'après les chiffres d'exécution actuellement connus, à la lecture du budget que vous nous proposez pour le PEI en 2006, au moins quatre sujets d'interrogation, sinon d'inquiétude, méritent de votre part quelques éclaircissements.

En premier lieu, je vise le rythme d'exécution du PEI. À la fin de l'année 2005, la programmation des crédits consacrés aux travaux représente 330 millions d'euros, soit 68 % de la première convention d'application. Sur ce total, la part de l'État, conformément à la loi, s'élève à 60 %, soit environ 200 millions d'euros. Mais si ce rythme de programmation peut paraître convenable, compte tenu notamment de la montée en charge depuis deux ans, il n'en va certainement pas de même de l'exécution. Les chiffres communiqués voilà quelque temps faisaient état d'un taux de paiement de l'ordre de 12% de la programmation. Il convient donc de s'interroger sur ce décalage et sur les moyens de le résorber.

Une deuxième question, plus fondamentale, concerne la lisibilité de ce programme.

Certes, la convention-cadre et la convention d'application fixent les grands axes du financement éligibles au programme, un accent très fort étant d'ailleurs mis sur les infrastructures de transports intérieures. Mais ces conventions ne fixent pas le détail, et les grands projets, jusqu'à présent étroitement programmés par l'État et la collectivité territoriale, ne laissent pas l'impression d'une vigoureuse planification de la résorption du retard structurel de l'île.

De plus, la spécificité du PEI et son articulation avec les autres grandes sources de financement n'apparaissent pas très clairement.

Ainsi, l'une des opérations les plus lourdes jusqu'ici programmées concerne le chemin de fer de Corse. Or ce secteur reçoit également des financements au titre du contrat de plan ou des fonds européens. Qu'est-ce qui justifie dans ce contexte l'intervention d'un plan exceptionnel ? Comment cela va-t-il s'articuler avec la baisse prévisible de ces financements de droit commun ? Le PEI a-t-il simplement vocation à se substituer aux fonds européens, qui diminueront très probablement à partir de 2007 ? Quelle est la position de l'État sur ce sujet ? Plus généralement, quels sont les moyens mis en oeuvre pour éviter que les crédits du programme n'échappent au risque de financement d'opérations symboliques non justifiées, ou encore à celui d'un saupoudrage certes satisfaisant pour un grand nombre de maîtres d'ouvrage, mais finalement peu déterminant pour le développement réel de l'île ? En définitive, quelle est la position de l'État sur les grands axes de la future programmation du PEI ?

Ces considérations m'amènent tout naturellement à, l'examen de ce qui est prévu dans le projet de loi de finances pour 2006.

La première question porte sur le mécanisme de la ligne budgétaire unique, mis en place par M. Sarkozy en 2003 et destiné à permettre une souplesse dans l'utilisation des fonds du programme : ce mécanisme est-il préservé avec le passage en système « LOLF » ?

Parallèlement, le programme 162 en question ne comporte pas uniquement le programme exceptionnel d'investissement. On y trouve, dans un inventaire à la Prévert, des « actions » aussi diverses que le « Rhin et la bande rhénane », la « filière bois en Auvergne et Limousin » ou « l'accueil des demandeurs d'asile en Rhône-Alpes ». La cohérence de ces actions au sein d'un même programme n'apparaît pas d'emblée...

Mais l'essentiel n'est pas là : les prévisions d'autorisations d'engagement pour le PEI en 2006 s'élèvent à 45, 937 millions d'euros. Je rappelle que la première convention d'application doit théoriquement s'achever en 2006. Un calcul rapide de ce qui reste à programmer pour cela donne un résultat d'environ 150 millions d'euros de total de travaux, soit une part pour l'État de près de 90 millions d'euros, c'est-à-dire le double de ce qui est prévu en autorisations d'engagement.

Ce chiffre traduit-il donc un ralentissement prévu de la programmation ? Cela semble d'autant plus vraisemblable que, compte tenu de la montée en charge progressive du programme depuis 2002-2003, le total des engagements de l'État en 2005 a certainement déjà dû être supérieur au chiffre prévu pour 2006.

Par ailleurs, les crédits de paiement prévus s'élèvent à 18, 043 millions d'euros. Dès lors, anticipez-vous, monsieur le ministre, une poursuite du décalage entre la programmation et l'exécution ?

Un dernier point, plus technique, nous ramène à la mise en oeuvre de la LOLF pour cette action particulière qu'est le PEI pour la Corse.

L'examen de la partie dépenses du projet de loi de finances pour 2006 montre bien l'accent qui va devoir être mis sur l'appréciation des résultats, souvent à partir d'indicateurs dont la réalisation conditionnera la poursuite du financement.

Je souhaiterais donc obtenir quelques éclaircissements sur l'application de ces contraintes de la LOLF dans le cas de ce programme si spécifique qu'est le PEI. En effet, au moins deux points semblent singulièrement complexes.

En premier lieu, comment la responsabilité financière de l'État, accentuée par les mécanismes de la LOLF, peut-elle se combiner avec la nécessité de conduire le programme exceptionnel en étroite concertation avec les maîtres d'ouvrage locaux ? Ne risque-t-on pas de constater quelque paradoxe dans la conduite par l'État - qui en a, encore une fois, la responsabilité - d'un programme dont il n'assumera jamais ou quasiment la maîtrise d'ouvrage ?

Dans une Corse dont il n'est pas nécessaire de rappeler le haut niveau de décentralisation, l'exécution et donc la réussite du PEI dépendent totalement de la capacité et de l'efficacité de maîtres d'ouvrage locaux, dont on peut craindre, au minimum, qu'ils puissent être rapidement dépassés par l'ampleur de la tâche si le programme se développe réellement sur le rythme envisagé en 2002.

En second lieu, et en lien direct, quels sont les indicateurs aujourd'hui envisagés pour apprécier la réussite du PEI ? Comment peut-on mesurer dès aujourd'hui l'impact d'un programme à qui la loi du 22 janvier 2002 assigne la mission de « résorber les handicaps dus au relief et à l'insularité, et combler le déficit en équipements et services collectifs » durant quinze ans ? Enfin, au regard des indicateurs choisis, quelles conséquences l'État entend-il tirer de leur plus ou moins bon respect, sur la poursuite et l'évolution du PEI ?

Messieurs les ministres, j'attends avec intérêt, sinon avec gourmandise, les réponses à ces questions.

Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Ries

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, dans le cadre de la mission « Politique des territoires », je concentrerai à mon tour mon intervention sur le programme 162 intitulé « Interventions territoriales de l'État ». En effet, il s'agit, à mon sens, d'une parfaite illustration d'un dispositif apparemment séduisant, mais finalement bien mal utilisé.

Oui, le programme « Interventions territoriales de l'État » aurait pu être un outil au service d'une meilleure gouvernance, à l'échelle déconcentrée, des projets de nature interministérielle.

Composé, comme vous le savez, de huit actions dans le cadre du projet de loi de finances pour 2006, et doté de 134, 83 millions d'euros d'autorisations d'engagement et de 81, 17 millions d'euros de crédits de paiement, ce programme se caractérise par le rôle joué au niveau déconcentré par le préfet de région et par la fongibilité des crédits au sein d'une même action.

Ces deux caractéristiques vont, me semble-t-il, dans le bon sens, à la condition expresse que le renforcement des pouvoirs des préfets de région n'aboutisse pas, par ricochet, à une « reconcentration » masquée des pouvoirs au profit du ministère de l'intérieur.

En ce qui concerne le contenu du programme lui-même, je souhaiterais mettre l'accent sur plusieurs incertitudes et approximations.

Tout d'abord, convenons-en, la frontière entre les « grands projets interministériels » et les actions des « Interventions territoriales de l'État » n'est pas du tout évidente. Je prendrai pour exemple le « plan Loire grandeur nature-Centre », qui faisait, jusqu'en 2005, partie de ces grands projets et qui relèvera en 2006 du programme « Interventions territoriales de l'État ». Je note d'ailleurs que le fonds de concours spécifique à cette action manque singulièrement de précision.

Plus importante, l'intégration au sein du programme « Interventions territoriales de l'État » de l'action 8 « Accueil des demandeurs d'asile en Rhône-Alpes », dotée tout de même pour 2006 de 34 millions d'euros de crédits de paiement, est difficilement justifiable, comme l'ont déjà souligné les rapporteurs spéciaux, notre collègue Roger Besse et le député Louis Giscard d'Estaing.

Ces crédits, dont je ne discute pas au fond l'utilité, auraient dû à l'évidence être inscrits au sein de la mission « Solidarité et intégration » dans laquelle un programme spécifiquement dédié à l'accueil des étrangers existe.

En tout état de cause, mes chers collègues, on ne voit pas pourquoi cette action a été retenue pour la seule région Rhône-Alpes. Certes, ce problème y est important, mais il ne l'est pas beaucoup plus ni beaucoup moins que dans d'autres régions frontalières. La région Alsace, par exemple, en raison de sa situation géographique et de son histoire, se trouve confrontée à la même difficulté. Pourtant, elle ne peut pas faire appel, semble-t-il, à la même solidarité nationale pour le développement et l'amélioration de ses capacités d'accueil.

D'ailleurs, plus profondément, au-delà du renforcement des capacités d'accueil de telle ou telle région concernée par ce phénomène, c'est d'abord, me semble-t-il, la question de la répartition sur l'ensemble du territoire national des demandeurs d'asile qui doit être posée au niveau de l'État.

Enfin, l'action pour la région Rhône-Alpes a été sélectionnée, avec sept autres. Mais selon quels critères ? S'agissant de la méthode, le Gouvernement a pratiqué une mise en concurrence des territoires pour déterminer quelles régions allaient bénéficier de la manne - ou de l'espoir de manne, j'y reviendrai - représentée par ce programme budgétaire « Interventions territoriales de l'État ».

Je crois savoir que de nombreux projets ont été déposés par les préfets de région. Mais je ne sais rien des critères qui ont permis de retenir tel projet plutôt que tel autre. En toute hypothèse, l'influence de tel ou tel préfet de région au niveau de son administration centrale ne saurait évidemment tenir lieu de politique d'aménagement du territoire.

Je ne reviendrai pas sur les conclusions de notre rapporteur spécial Roger Besse concernant la mesure tout à fait insuffisante de la performance des actions du programme « Interventions territoriales de l'État ». L'évaluation ne me paraît pas avoir été prévue dans les conditions posées par la LOLF.

Bref, aujourd'hui, le Gouvernement a fait de ce programme un véritable bric-à-brac budgétaire, dont la future évaluation sera particulièrement difficile, sans cohérence d'ailleurs avec le reste de la politique qu'il mène.

Je crains fort que tout ce programme ne dépasse guère les effets d'annonce sans lendemain. Ce que vient de dire notre collègue Nicolas Alfonsi sur la Corse illustre tout à fait ce propos.

En conclusion, messieurs les ministres, je voudrais vous donner rendez-vous dans un an. Nous pourrons alors constater ensemble quels sont les beaux projets élaborés par les préfectures de région, dont vous aurez effectivement permis la réalisation en débloquant les crédits prévus. Malheureusement - le plan exceptionnel d'investissement pour la Corse en témoigne d'une manière éclatante -, après les effets d'annonce, la déception est souvent à la mesure des espérances que l'on a fait miroiter !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Krattinger

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vais m'intéresser plus particulièrement au programme « Aménagement du territoire ». Ce dernier compte des priorités ambitieuses, ainsi qu'une légère hausse budgétaire par rapport à 2005.

Cet affichage doit cependant s'apprécier au regard des engagements antérieurs et du retard cumulé au niveau des politiques contractuelles d'aménagement.

À travers l'exemple des contrats de plan État-région, les CPER, et celui de la création des « pôles de compétitivité », on peut se demander quels sont les objectifs réels du Gouvernement en matière d'aménagement du territoire.

Il est intéressant de constater que, si le budget du FNADT est globalement en hausse, la partie « volet territorial » des contrats de plan État-région augmente peu. L'indispensable rattrapage aura-t-il lieu dans ces conditions ? La réponse est évidemment négative !

Notre sentiment est le suivant : le Gouvernement prend acte du retard accumulé dans l'exécution des CPER et laisse entendre que leur prolongation est d'ores et déjà acquise, sans que cela ait fait l'objet d'une décision officielle.

Au rythme actuel des délégations de crédits, les CPER présenteront à la fin de 2006 un retard considérable, conduisant à envisager leur prolongation non pas d'une année, ce qui serait compréhensible, mais de deux voire de trois années, ce qui nuit à la crédibilité même de la notion de contrat.

Le Gouvernement affiche ainsi sa très grande difficulté, ou son absence de volonté, à consolider ce dispositif, et son renoncement devant les enjeux de l'aménagement du territoire.

Sur la base de ces retards, vous contestez l'efficacité des CPER, oubliant que ce sont les gels et les annulations de crédits qui sont la cause principale des décalages accumulés, beaucoup plus que la complexité des procédures ou la multiplicité des partenaires.

Il n'est pas inutile de rappeler que les gels de crédits n'ont cessé d'augmenter : 13 % de la programmation en 2002, 19 % en 2003, 29, 3 % en 2004.

En ce qui concerne plus particulièrement le domaine des transports, seulement 50, 4 % des crédits avaient été délégués sur le volet routier à la fin de 2004. Monsieur le ministre, combien avaient réellement été consommés ?

Malheureusement, le bilan à la fin de 2005 ne sera pas moins déprimant.

Pour le volet ferroviaire, les montants délégués sont véritablement catastrophiques - respectivement de 33 % à la fin de 2004 et de 46 % à la fin de 2005 -, et ceux qui reflètent les sommes effectivement consommées sont dérisoires.

Ce bilan est le signe d'une très grande faiblesse de l'État dans la politique d'investissement. Pour l'avenir, il faut absolument écarter le risque qui consisterait à préférer une contractualisation à la carte où seules les collectivités riches, dotées de moyens humains et financiers importants, pourraient financer une part sans cesse croissante des investissements de l'État.

Nombre de collectivités locales sont aujourd'hui dans une situation bien moins confortable qu'à la fin des années quatre-vingt-dix, et sont dans l'incapacité totale de parer aux insuffisances de l'État.

L'an dernier, le rapport de la délégation à l'aménagement du territoire préconisait le maintien des CPER dans leur cadre actuel, avec cependant un resserrement des objectifs sur l'essentiel. Ce rapport concluait à la nécessité pour l'État d'assurer une plus grande stabilité aux CPER et de s'engager sur les contrats déjà signés.

Nous souhaitons vivement, messieurs les ministres, que l'Etat renoue le dialogue de la contractualisation avec les collectivités territoriales.

L'Etat ne doit pas céder à la tentation du laisser-faire, du laisser-aller, au risque d'amplifier les déceptions et les mécontentements.

Vous avez décidé que le comité interministériel d'aménagement et de compétitivité des territoires se substituerait désormais au comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire. Ce n'est pas neutre.

Il faut effectivement renforcer la compétitivité des territoires. Il s'agit de les tirer vers le haut et de permettre le développement de l'emploi.

La politique des territoires demande une volonté politique, une stratégie et des moyens, pour permettre à chaque bassin de développer un ou plusieurs projets attractifs et ambitieux.

Mais sans péréquation financière, sans solidarité entre les territoires riches et les territoires pauvres, sans déclinaison du principe d'égalité dans l'aménagement du territoire, il y a un risque important d'accentuer le sentiment d'enclavement vécu dans un grand nombre de territoires ruraux et urbains.

Le vote du 29 mai est également marqué par cette réalité.

Messieurs les ministres, vos intentions ne sont bien sûr pas méprisables.

Pour conforter une économie nationale qui vacille, vous voulez renforcer la compétitivité des territoires. C'est une ambition que chacun partage dans cette enceinte.

Qui n'a pas rêvé de voir chaque territoire engagé dans un vrai projet de développement économique, social et culturel ?

Mais les moyens que vous affectez à votre politique sont tellement loin des ambitions affichées ! Vos actes de ces dernières années affaiblissent la crédibilité de vos intentions. Comment vous croire quand on mesure la somme des annulations de crédits de ces dernières années ? Comment vous croire lorsque vous plaidez le renforcement des liens entre les acteurs publics et les acteurs privés, alors que, simultanément, vous affaiblissez le ressort historique de cette relation entre eux que constitue la taxe professionnelle ?

En pratique, vous en restez aux intentions, et nous ne trouvons, dans ce projet de budget, ni volonté, ni stratégie, ni suffisamment de moyens mis au service de la politique des territoires.

C'est pourquoi nous ne voterons pas les crédits correspondants.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Christian Estrosi, ministre délégué.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'évoquerai les grandes lignes du budget du programme « Aménagement du territoire » pour l'année 2006.

Je veux tout d'abord remercier sincèrement M. Roger Besse, rapporteur spécial, et MM. Jean-Paul Alduy, Jean Boyer et Dominique Mortemousque, rapporteurs pour avis de la commission des affaires économiques, pour l'excellent travail qu'ils ont accompli et pour la pertinence de leurs remarques, dont nous tirerons le meilleur profit.

Sans revenir sur le détail des chiffres de mon budget, je rappelle simplement à M. Aymeri de Montesquiou, qui s'interrogeait sur les moyens de la politique des territoires, que ce projet de budget pour 2006 est tout entier dédié à nos territoires, au service de ces derniers. Il totalise 382 millions d'euros d'autorisations d'engagement - plus 11 % par rapport à 2005 - et 275 millions d'euros de crédits de paiement - plus 3, 5 % par rapport à 2005.

J'évoquerai les différents points qui ont été soulevés et j'aurai à coeur de défendre une vision de l'aménagement du territoire, qui est d'ailleurs partagée sur la plupart de ces travées mais avec des termes parfois différents - suscitant des incompréhensions, voire des caricatures qui sont à mes yeux le signe de véritables malentendus - ou avec des mots derrière lesquels on essaie de se cacher ou de se faire peur.

J'observe, d'abord, la contradiction affichée par certains d'entre vous, pour ne prendre que l'exemple de celle qui existe entre, d'une part, Mmes Evelyne Didier et Yolande Boyer dénonçant toutes deux les efforts du Gouvernement en vue de développer et dynamiser la compétitivité de nos territoires et, de l'autre, M. Yves Krattinger soulignant, au contraire, combien il partageait notre volonté d'accroître la compétitivité des territoires et considérant que notre ambition n'était encore pas assez forte dans ce domaine.

Je veux vous dire, pour ma part, sans idéologique et sans sectarisme aucuns, que nous devons conduire une politique non pas d'égalité, mais d'équité.

Certains ont affirmé, notamment M. Krattinger, qu'il fallait lire dans le résultat du référendum du 29 mai dernier sur le traité établissant une Constitution pour l'Europe un certain désarroi dans notre monde rural. Je partage cette analyse, car l'étendue du fossé qui s'est creusé en France au cours de ces vingt ou trente dernières années entre les citoyens de la ville et ceux du monde rural est le fruit de véritables incompréhensions, qui sont aussi le résultat d'un profond désengagement de la part de l'État au fil des années.

La preuve en est que le monde rural a voté pour le « non » à 60, 65, voire 70 %, alors que les grands centres urbains ont enregistré des pourcentages avoisinant 50 % pour le « oui » et 50 % pour le « non ».

Cela montre que nos concitoyens ruraux avaient besoin de s'exprimer sur autre chose que sur la question qui leur était posée et, en particulier, sur ce désengagement de l'État sous les gouvernements successifs, au cours des vingt ou trente dernières années.

La mission m'a été confiée par le Premier ministre de réconcilier la France des villes et la France de la ruralité. J'ai conscience que les risques d'échouer sont plus grands que mes chances de réussir, mais je mets toute mon énergie dans ce budget pour donner un signe et, au-delà, des moyens, des outils supplémentaires.

Nous devons conduire une politique d'équité, et non d'égalité, ai-je dit. En effet, l'égalité, c'est donner la même chose à tous, que l'on se situe sur un territoire favorisé ou un territoire défavorisé. L'équité, c'est donner plus à ceux qui en ont le plus besoin.

Madame Didier, vous avez reproché au Gouvernement de reculer en matière de péréquation. J'ai le sentiment que vous avez mal regardé la ligne budgétaire, puisque la dotation de solidarité rurale est en augmentation de 15 % en 2006, ce qui représente un effort substantiel par rapport aux exercices précédents en faveur de cette péréquation à laquelle je reste profondément attaché. De même, la dotation de solidarité urbaine est doublée sur une période de quatre ans.

Contrairement à vos affirmations, ce budget montre bien le souci du Gouvernement de se préoccuper du développement des territoires les plus défavorisés et de donner plus, pour accompagner plus, et fournir davantage d'outils à ceux qui ont la volonté d'entreprendre.

À mes yeux, donner plus de moyens à ceux qui ont des projets à soumettre au Gouvernement n'est nullement une « prime au mérite », comme vous l'affirmez. Il s'agit de mettre des outils à la disposition de celles et de ceux qui manifestent une véritable volonté, de l'imagination, des capacités d'inventivité et de travail.

À quoi bon donner des outils à ceux qui n'ont pas envie de s'en servir ?

Le Gouvernement veille donc à donner à la fois plus de moyens à ceux qui en ont besoin et des outils - et j'aurai l'occasion de préciser ce point -, à ceux qui ont la volonté de les saisir pour favoriser la création de richesses, d'activités et d'emplois sur leur territoire.

Nous proposons donc une carte et non pas un menu, tout en veillant à ce que cet effort de péréquation soit non seulement maintenu, mais amplifié. Il ne s'agit pas d'aider les plus riches, mais de consacrer des moyens substantiels aux territoires qui ont des projets.

D'ailleurs, la démonstration est faite ne serait-ce que par les zones de revitalisation rurale. Vous conviendrez qu'à partir du moment où un territoire est classé en zone de revitalisation rurale, cela signifie qu'il est identifié comme étant un territoire plus fragile que les autres.

J'ai d'ailleurs veillé, dès mon arrivée à ce ministère, à ce que les décrets d'application de la loi relative au développement des territoires ruraux, concernant les zones de revitalisation rurale, qui n'étaient toujours pas pris, soient immédiatement soumis au Conseil d'État. Le décret a été pris le 21 novembre dernier et, grâce à ce dernier, 13 103 communes représentant un peu plus de 5 millions d'habitants sont désormais classées en zone de revitalisation rurale.

Un département comme le Gers - le plus rural de France, selon M. de Montesquiou - compte dorénavant, sur un total de 463 communes, 436 communes classées en ZRR, contre 417 auparavant : plus de 90 % du territoire est donc couvert par les ZRR.

En outre, s'agissant des pôles d'excellence ruraux, les projets en zones de revitalisation rurale sont subventionnés à hauteur de 50 %, ce qui démontre bien que le Gouvernement apporte une aide plus importante aux territoires les plus fragiles.

S'agissant des services publics en milieu rural, sujet évoqué par nombre d'intervenants, notamment par M. Claude Biwer, leur désengagement a suscité des réactions de la part de nos concitoyens ruraux et un sentiment de désamour de la part de l'État.

Quelles mesures avons-nous prises dans ce domaine ?

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, et moi-même avons adressé une circulaire à tous les préfets de France pour leur annoncer la suspension de toute fermeture de service public.

En prenant cette décision, nous avons mis un terme à un long processus qui avait été engagé depuis très longtemps, permettez-moi de vous le dire ! Il n'est pas dans mon intention de polémiquer sur ce sujet, mais, lorsque j'entends dire que ce gouvernement a décidé de fermer des perceptions ou des trésoreries, je pose la question suivante : qui a décidé de fermer ces services publics en milieu rural, si ce n'est un ministre de l'économie et des finances du gouvernement de M. Jospin, M. Christian Sautter ? Si les perceptions rurales existent encore aujourd'hui, elles n'ont plus pour seule responsabilité que celle qui relève de leur collaboration avec les collectivités territoriales ! Elles n'accueillent plus de public depuis bien longtemps !

C'est à cette époque-là aussi que la décision avait été prise, par l'une des ministres qui m'a précédé, de mettre en place, dans le cadre de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, des schémas nationaux d'aménagement du territoire, qui reflétaient une vision unilatérale de la France, impliquant que les décisions soient prises à Paris et s'appliquent de façon identique sur tous les territoires de France, sans respecter l'identité, la spécificité, l'histoire et l'authenticité de ces derniers.

Pour ma part, je ne peux pas admettre qu'un ministre de l'économie et des finances impose à tous ses trésoriers-payeurs généraux d'appliquer de manière unilatérale la même gestion du territoire sur toute la France quant aux fermetures de perceptions et de trésoreries, qu'un ministre de l'équipement réorganise de manière unilatérale toutes les directions départementales de l'équipement, qu'un ministre de l'éducation nationale mette en oeuvre une gestion identique en matière de fermeture de classes dans tout le pays, etc. Je pourrais citer aussi la carte judiciaire, la fermeture des greffes de tribunaux d'instance, lesquels ont quasiment disparu de notre monde rural au cours des années écoulées.

Tout cela ne correspond pas à ma vision des choses, car, selon moi, les schémas nationaux sont destructeurs.

Au contraire, le Gouvernement a voulu engager une véritable concertation avec les élus locaux. Toutes les fermetures de service public sont gelées et aucune décision n'est prise sans le moindre accord avec l'ensemble des acteurs locaux, et au premier chef les maires de France. En effet, quel service public de notre pays est-on toujours assuré de trouver dans les 36 000 communes de France, si ce n'est la mairie ?

À partir de là, discutons avec les maires sur leurs priorités, par exemple sur les fermetures d'écoles ! De fait, plus personne ne peut supporter qu'un inspecteur d'académie vienne au mois de juin annoncer au maire qu'il n'y aura pas de rentrée dans son école en septembre, ou qu'une classe sera fermée. C'est devenu tout à fait inacceptable, à mes yeux.

C'est pourquoi je veux que nous mettions en place un système d'alerte permettant aux maires d'être prévenus trois ans à l'avance que, s'ils ne veillent pas à favoriser l'implantation d'activités et de familles nouvelles sur leur territoire, la courbe démographique de leur commune conduira à une fermeture de classe.

Un tel système, par la vision différente du dialogue et de la concertation qui le sous-tend, présenterait l'avantage d'éviter la brutalité qui accompagne les procédures actuelles. Il permettrait également - et c'est peut-être le plus important - de respecter la diversité qui caractérise la ruralité de notre pays : pour moi, la France des montagnes n'est pas celle des villes, celle des plaines et des campagnes n'est pas celle des littoraux.

Alors, respectons l'identité de chacun, et veillons à ce que, désormais, la gestion des services publics, plus précisément des services au public, se fasse, sans tabou, en relation directe avec l'ensemble des élus locaux de notre pays. D'ailleurs, le Premier ministre l'a annoncé à l'Association des maires de France : en 2006 seront engagés 50 millions d'euros pour soutenir la réorganisation d'un certain nombre de ces services.

Vous m'avez également interrogé, mesdames, messieurs les sénateurs, sur les contrats de plan. M. Alduy, en particulier, a émis le souhait que figure dans les documents budgétaires une rubrique consacrée aux contrats de plan État-région et mentionnant les indicateurs qui leur sont propres. C'est de toute évidence une bonne proposition.

Cependant, je suggère d'attendre la prochaine génération des contrats de plan pour la mettre en oeuvre, afin de partir sur des bases saines. En effet, c'est actuellement la DATAR qui assure le suivi de la mise en place des crédits d'État dans le cadre des contrats de plan : je suis d'accord avec vous, monsieur le sénateur, c'est complexe, ce n'est pas toujours précis, et l'outil informatique de suivi n'est pas des plus performants.

En revanche, pour la prochaine génération, allons-y ! Mettons en place un outil budgétaire performant de suivi ! Dotons d'abord la DATAR d'un logiciel de suivi de qualité. Ensuite, nous pourrions établir dans les documents budgétaires, comme le prévoit la LOLF, un document de politique transversale - un DPT, dans le jargon « LOLFien » - qui ferait une présentation synthétique de tous les crédits mobilisés par l'État pour les contrats de plan.

Monsieur Krattinger, vous avez évoqué la possibilité que l'exécution des contrats de plan de la génération actuelle soit reportée de deux ans. Je le dis clairement à cette tribune, c'est effectivement ce que je propose aujourd'hui au Gouvernement. J'ignore si j'aurai gain de cause, mais un débat est ouvert.

Vous contestez, monsieur le sénateur, que cela puisse être porteur de résultats ; mais mon sentiment et ma conviction sont que ce serait une bonne formule. Quoi qu'il en soit, la question mérite de faire l'objet d'une discussion, que j'ai effectivement entamée avec l'Association des maires de France, avec l'Assemblée des départements de France, à laquelle vous appartenez, et avec l'Association des régions de France, là encore sans dogmatisme aucun.

Vous nous reprochez aujourd'hui la mauvaise exécution de certains volets des contrats de plan, et Dominique Perben, tout à l'heure, entrera certainement davantage dans le détail. Cependant, l'exemple du volet « infrastructures » montre qu'aucun des trois derniers contrats de plan n'a connu d'exécution supérieure à 70 %, ou 75 % dans le meilleur des cas. En outre, il se trouve que, du fait du jeu de l'alternance politique permanente, chaque contrat de plan a été négocié par un gouvernement et mené à son terme par un autre : tous, quelle que soit leur couleur politique, ont reporté ce terme pour essayer de consommer davantage de crédits.

Mais il est un point sur lequel je vous donne totalement raison : ainsi que le préconise le rapport dont vous avez fait état, il faut des contrats mieux identifiés, plus resserrés, permettant une gestion plus rigoureuse. Je ne peux sur ce point que partager votre analyse et votre sentiment.

Je vous ferai observer, mesdames, messieurs les sénateurs, que le contrat de plan 2000-2006 est pour ainsi dire virtuel : l'effet d'affichage est énorme du fait des montants annoncés, mais beaucoup de ceux-ci sont sous-évalués, et aujourd'hui, moins de cinq ans après la signature du contrat, certains projets d'infrastructures voient leur chiffrage atteindre plus du double de celui qui avait été initialement avancé. Quel État, quelle collectivité pourrait disposer des moyens nécessaires pour y faire face ?

En prorogeant les contrats de deux ans et en abondant plus largement, dans le même temps, l'Agence de financement des infrastructures de transports de France, l'AFITF, conformément au choix qu'a fait le Premier ministre à la demande de Dominique Perben et de Nicolas Sarkozy, nous réussirons à obtenir une meilleure exécution du volet « infrastructures ». Qui plus est, nous pourrons mettre cette période à profit pour établir une nouvelle génération de contrats de plan, mieux ciblés, mieux identifiés, plus rigoureux, dont nous serons désormais à peu près certains de pouvoir respecter les engagements.

MM. Biwer et Saugey ont abordé le problème de la politique européenne.

Je voudrais d'abord vous rassurer, monsieur Biwer : la Lorraine bénéficiera d'un traitement équitable dans la négociation que nous menons aujourd'hui avec Bruxelles. Néanmoins, je ne vous cache pas, mesdames, messieurs les sénateurs, que, pour l'élaboration du cadre de référence stratégique national, le CRSN, qui doit régir l'utilisation des fonds européens en France pour la période 2007-2013, la discussion, qui se déroule sous présidence britannique, est aujourd'hui difficile. J'étais encore à Bruxelles jeudi dernier pour en débattre : on peut affirmer qu'une épreuve de force s'est engagée.

Nous avons la ferme volonté de défendre les régions françaises et d'obtenir au plus tard dans le courant du premier semestre 2006 des garanties pour la période 2007-2013. Nous nous sommes attelés à cette tâche. Au demeurant, la première version du CRSN a été transmise aux régions à la mi-novembre 2005 pour consultation, toujours sous la coordination des préfets de région ; ceux-ci devront rendre leur copie pour le 20 janvier 2006. Une deuxième version devrait être élaborée dans le courant du mois de février 2006 pour prendre en compte les retours régionaux.

Je tiens toutefois à préciser que les crédits européens attribués à nos régions jusqu'à la fin de 2006, dans le cadre de l'actuelle génération de contrats de plan, sont encore disponibles, et un certain nombre de programmes en bénéficieront : nous ne sommes pas encore arrivés au terme de cette aide, loin s'en faut.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Monsieur le ministre, puis-je vous attirer votre attention sur le fait que l'ensemble des ministres disposent d'un temps de parole de trente minutes ? J'en suis désolé, mais je suis obligé de vous le rappeler.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué

Dans ce cas, je ne pourrai pas répondre à l'ensemble des intervenants, et je le regrette pour eux. Mais, bien évidemment, monsieur le président, je respecterai votre volonté.

Je rappellerai rapidement, en ce qui concerne la fracture numérique, que le Gouvernement a pour préoccupation et pour priorité de respecter tous ses engagements d'ici à 2007, que ce soit pour la téléphonie mobile ou pour le haut débit. Dans les deux cas, le rythme actuel nous garantit que nous y parviendrons. Il est vrai que, semaine après semaine, nous veillons à ce que les opérateurs tiennent le calendrier que nous leur avons imposé.

Cela vaut aussi pour la télévision numérique terrestre, et c'est important. Aujourd'hui, 50 % des foyers peuvent bénéficier sur notre territoire de dix-huit chaînes de télévision gratuites ; je souhaite que nous arrivions à 100 % d'ici à 2007, en même temps que la téléphonie mobile et que le haut débit. Cela nous permettrait de proposer une date plus rapprochée pour le passage de l'analogique au numérique. Grâce aux fréquences qui se seront libérées, l'ensemble de nos concitoyens pourront accéder à la quatrième génération de téléphonie mobile et bénéficier de ce que l'on appelle le « dividende numérique ». La France aura alors, à l'horizon 2007, la meilleure couverture du tout-numérique de tous les pays de l'Union européenne.

Monsieur Mortemousque, votre rapport sur les NTIC était très argumenté, et je tiens à vous rassurer. Le WiMax, en particulier, qui fait l'objet d'un appel à projets lancé par le ministère de l'industrie, nous permettra de combler dès la fin de 2006, au plus tard au début de 2007, les 2 % ou 3 % manquants de notre territoire demeurant en zone blanche. Au-delà, nous pourrons recourir à certaines solutions alternatives comme le réseau Wifi et le satellite.

Pour ce qui est du changement de nom de la DATAR, ce n'est qu'affaire de mots et, je veux vous rassurer, le Premier ministre, en choisissant le nouvel intitulé - DIACT, ou délégation interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité des territoires -, lui a essentiellement apporté un contenu supplémentaire. Ce n'est pas une soustraction, c'est une addition, c'est un effort supplémentaire pour dynamiser cette structure, à laquelle nous sommes attachés, en lui confiant la mission de veiller à l'accompagnement territorial des mutations économiques. Le terme « compétitivité » exprime à la fois une ambition économique - les sénateurs, je pense, y seront sensibles - et une nouvelle légitimité.

Je mentionnerai brièvement le programme « Interventions territoriales de l'État », le PITE, pour vous indiquer que l'inscription à ce programme permet d'aller plus loin dans la mutualisation des moyens de l'État, l'objectif étant la réduction du délai global de traitement des demandes. Certes, le ministère de la cohésion sociale est le principal contributeur de cette action, puisqu'il apporte 31 des 34 millions d'euros prévus ; mais d'autres ministères participent aussi : l'intérieur, les affaires étrangères - au travers de l'OFPRA - et l'éducation nationale. L'approche est donc globale. Je souligne au passage que les préfets ne s'y sont pas trompés. Pour l'instant, c'est vrai, l'expérimentation se limite à une région, la région Rhône-Alpes. Mais deux autres préfets de région - Île-de-France et Centre - avaient souhaité disposer de cet outil pour conduire une politique intégrée efficace.

Je terminerai en évoquant un point que tous les intervenants ont abordé : les pôles de compétitivité et les pôles d'excellence ruraux. Nombre d'entre vous ont soutenu ces initiatives du Gouvernement, en particulier MM. Boyer et Saugey, que je remercie.

Madame Didier, je ne comprends pas vos contradictions, je ne comprends pas que vous critiquiez notre politique des pôles, qui est une politique en faveur de la création de richesse et d'emploi.Ainsi, au moment où la France se dote d'une politique qui lui permet de lutter contre des délocalisations et une désindustrialisation que vous n'avez cessé de dénoncer ces dernières années, vous préféreriez voir de grandes entreprises françaises continuer d'aller vers l'étranger et être rachetées par des capitaux étrangers ? Cela me paraît peu acceptable.

De même, Mme Yolande Boyer, d'un côté, parle de saupoudrage lorsque nous décidons de créer 67 pôles et, de l'autre côté, nous reproche de hiérarchiser six pôles mondiaux. C'est une vraie contradiction !

Nous, nous restons sereins. Nous avons parfaitement répondu aux objectifs de décloisonnement de l'Université, de la recherche publique et privée, de l'innovation industrielle, pour que notre pays ait de véritables champions du monde industriels et non pas de simples champions de région. Nous avons engagé à cet effet 300 millions d'euros d'exonérations fiscales et de charges sociales et près de 1, 2 milliard d'euros d'aides à l'investissement, à la recherche, à l'innovation, auprès des meilleures industries de notre pays et des meilleurs centres de recherche de notre pays. Oui, nous sommes en train de doter notre pays d'une véritable politique de compétitivité, qui se situe aussi au service de nos territoires.

Pour moi, la France qui innove, la France qui imagine, la France qui a de grands projets structurants, ce n'est pas simplement la France des grands projets scientifiques et industriels. Telle est la raison pour laquelle j'ai proposé pour la ruralité de notre pays, à la demande du Premier ministre et du ministre d'État, de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, la création de pôles d'excellence ruraux.

Nous avons sur nos territoires ruraux des savoir-faire, des talents, une matière grise tout à fait exceptionnelle auxquels nous devons donner des outils de développement. C'est ce que nous ferons au travers des pôles d'excellence ruraux.

J'évoquerai maintenant les quatre thématiques prioritaires retenues : la promotion des richesses naturelles, culturelles et touristiques, la valorisation et la gestion des bio-ressources, l'offre de services et l'accueil de nouvelles populations, enfin l'excellence technologique pour des productions industrielles, artisanales et de services localisés.

L'économie industrielle, bien au-delà de l'activité agro-industrielle, constitue l'un des piliers de l'économie rurale.

Nous consacrerons 150 millions d'euros à ce nouveau label des pôles d'excellence ruraux que nous accorderons dans le courant du premier semestre de l'année 2006 à un certain nombre de territoires qui se porteront candidats, sans compter, bien évidemment, les exonérations de charges sociales dont bénéficieront les zones de revitalisation rurale sur l'ensemble des projets qui se rattacheront à ces pôles d'excellence ruraux.

Monsieur Alfonsi, l'exécution du programme exceptionnel d'investissement a pris un certain retard, mais je vous rassure : en 2006, l'État abondera de 29 millions d'euros les autorisations d'engagement en complément des 38 millions d'euros prévus. Tous les engagements de l'État seront donc tenus. Je regrette bien sûr que ce programme ait démarré avec un peu de retard, mais je souhaite que nous rattrapions ce dernier au cours des deux prochaines années.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite que nous unissions nos efforts pour relever ce formidable défi autour d'une équité au service de nos territoires. Je remercie toutes celles et tous ceux qui soutiennent les propositions du Gouvernement ; je crois avoir démontré notre volonté farouche de veiller à ce que chacun, du plus fragile au plus nanti, bénéficie en n'importe quel lieu du territoire de notre plus totale solidarité et, surtout, d'une équité qui, demain, sera reconnue et qui permettra de réconcilier enfin les citoyens de la ville et les citoyens de la ruralité.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - Permalien
Dominique Perben, ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d'abord à remercier MM. les rapporteurs des analyses très précises qu'ils ont réalisées.

Je rappellerai, avant de laisser Léon Bertrand évoquer les questions relatives au tourisme, l'importance de ce secteur avec quelques chiffres : 2 millions d'emplois, 106 milliards d'euros de consommation touristique. Il s'agit d'un secteur tout à fait stratégique en termes d'emplois et d'économie.

J'en viens tout de suite aux questions qui m'ont été adressées.

S'agissant de la mission « Politique des territoires », je dirai à MM. Besse et Alduy qui m'ont interrogé sur l'articulation des programmes « Stratégie en matière d'équipement », d'une part, et « Conduite des politiques d'équipement », d'autre part, que cette dichotomie est à l'évidence une imperfection qu'il nous faut corriger pour 2007.

Messieurs les sénateurs, je vous donne également acte du fait que nous devons faire évoluer l'articulation du programme « Conduite des politiques d'équipement » qui regroupe aujourd'hui l'ensemble des crédits de personnels. Nous le ferons dès que la structure de l'administration déconcentrée sera stabilisée, c'est-à-dire après la deuxième phase de la décentralisation qui sera réalisée au cours de l'année 2006. Il était extrêmement difficile de le faire avant la décentralisation des routes, mais il nous faudra y procéder pour 2007.

M. Alduy a également évoqué les indicateurs du programme « Stratégie en matière d'équipement ». Les services de mon ministère ont cherché, pour cette année, à proposer des indicateurs susceptibles d'être renseignés, c'est-à-dire relativement simples. Cela étant, je conviens avec vous que nous ne sommes pas à l'optimum. Il nous faudra revoir ce dispositif d'indicateurs, et je vous propose que nous essayions de le faire ensemble, monsieur le rapporteur pour avis, puisque vous avez montré, lors de votre intervention, que vous l'aviez analysé de près. Je pense que c'est un vrai sujet et qu'il faut nous donner les moyens méthodologiques d'apporter des éclairages plus précis sur la pertinence et l'efficacité de nos actions.

M. Saugey m'a interrogé sur la réforme du permis de construire et des autorisations de travaux. Je citerai un chiffre qui montre l'importance de cette question pour la vie de nos concitoyens et de nos entreprises : 500 000 permis de construire ou autorisations de travaux ont été délivrés l'année dernière, dont un tiers à des particuliers.

J'ai présenté hier en conseil des ministres une ordonnance relative aux permis de construire et aux autorisations d'urbanisme. Les décrets d'application seront mis au point au cours du premier semestre de l'année 2006. Nous devrons ensuite réaliser un important travail de pédagogie et de présentation de l'ensemble de la réforme lorsqu'elle sera complète, avec d'un côté l'ordonnance, c'est-à-dire la partie législative, et de l'autre le décret, c'est-à-dire la partie réglementaire.

Cette réforme constituera un vrai changement.

Elle permettra tout d'abord une meilleure lisibilité, avec un système juridique beaucoup plus clair qu'auparavant : alors que nous avions un empilement de textes, ce qui devenait totalement illisible, à part pour quelques spécialistes, l'un des objectifs de l'ordonnance est de réécrire l'ensemble du droit concerné par les permis de construire et les déclarations de travaux. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle cette ordonnance est relativement longue, tout en étant cependant plus courte que la première ébauche, très largement conçue avec les associations d'élus.

Par ailleurs, le nombre des différentes autorisations sera réduit, puisque nous passerons de onze à trois.

En outre, des dispositifs très pragmatiques permettront de gérer la question des délais. En effet, comme le savent bien tous ceux qui ont été maires, la règle des deux mois n'était que très rarement appliquée : en général, avant le trentième jour, une lettre de demande de complément pour le dossier permettait de faire redémarrer le délai.

Le dispositif, tel qu'il est proposé, passe à deux mois plus un mois, délai au terme duquel l'autorisation sera tacite. À mon avis, c'est une règle qui devrait être extrêmement efficace et qui devrait nous permettre d'accélérer la construction et de soulager la vie de nos concitoyens et la vie des entreprises sur le plan administratif.

Enfin, dernier point très important, l'ordonnance permet de modifier les règles d'octroi du certificat de conformité. Le dispositif actuel avait pour conséquence d'entraîner une certaine insécurité juridique pour les bénéficiaires d'un permis de construire. Le dispositif tel qu'il est proposé devrait nous donner une meilleure sécurité juridique.

Par ailleurs, comme vous le savez les uns et les autres compte tenu de vos responsabilités locales, nous avons engagé une transformation assez profonde des directions départementales de l'équipement, avec un rôle croissant de la fonction de conseil de ces dernières. Il est important que nous puissions réussir cette évolution, en particulier pour les communes de petite taille - moins de 10 000 habitants -, qui continueront à avoir évidemment besoin de la fonction de conseil des directions départementales de l'équipement.

Mais les directions départementales de l'équipement doivent aussi assurer un rôle d'ingénierie publique, en particulier dans les zones relativement moins denses sur le plan économique. En effet, s'il est possible de trouver assez facilement un concours en matière d'ingénierie privée dans un certain nombre d'agglomérations ou de régions, ce n'est pas le cas partout. Il est donc nécessaire que les structures déconcentrées du ministère de l'équipement puissent poursuivre cette tâche.

Je répondrai également en quelque sorte en avant-première à deux questions qui concernent les crédits de la mission « Transports » que nous examinerons demain après-midi.

Madame Boyer, comme cela a été annoncé aujourd'hui même à Saint-Malo par le président de Réseau ferré de France, la liaison TGV entre Le Mans et Rennes sera réalisée pour 2012 ou 2013. L'enquête d'utilité publique devrait être lancée en avril ou mai 2006 avec des travaux commençant, si toutes les procédures se passent bien, en 2009, ce qui permettrait d'atteindre l'objectif que vous évoquiez tout à l'heure de trois heures pour atteindre Brest ou Quimper à partir de Paris et d'une heure et demie entre Rennes et Paris. Voilà qui sera, pour la capitale de Bretagne, un changement tout à fait considérable sur le plan économique !

Madame Didier, je confirme les propos de Christian Estrosi, voilà un instant, c'est-à-dire la possibilité pour les budgets relatifs aux infrastructures de transports d'un rattrapage, pour la fin de l'année 2006, des retards par rapport aux engagements faits sous forme d'avances par les collectivités territoriales. Telles sont les réponses que je tenais à apporter aux différents intervenants.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Léon Bertrand, ministre délégué.

Debut de section - Permalien
Léon Bertrand, ministre délégué au tourisme

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d'abord à remercier MM. les rapporteurs pour la qualité et la pertinence de leurs travaux.

Je note que la commission des affaires économiques et du Plan a donné un satisfecit à ce projet de budget, présenté pour la première fois sous la forme d'un programme, et j'y suis tout à fait sensible.

Le programme « Tourisme » s'élève en 2006 à 78, 3 millions d'euros. Il est pratiquement stable par rapport à la loi de finances initiale de 2005.

La politique menée par le ministère délégué au tourisme est articulée autour de trois axes principaux.

Le premier tient à la promotion de la destination « France », assurée par le GIE « Maison de la France », avec une enveloppe de 29 millions d'euros cette année. En 2006, la mise en place du site « franceguide.com » nous permettra d'entrer dans une nouvelle phase de commercialisation, et nous ouvrira par conséquent des horizons tout à fait intéressants.

Le deuxième axe est constitué par le soutien à l'économie touristique. Nous y avons consacré plus de 28 millions d'euros, avec de grandes opérations comme le plan « Qualité France », que nous avons lancé au début de l'année dernière.

Enfin, le troisième axe concerne la partie sociale du programme, avec le développement de l'accès aux vacances : nous y consacrons cette année 3, 7 millions d'euros.

Je répondrai maintenant aux différents orateurs qui m'ont interrogé.

Madame Khiari, depuis quelques années, nous constatons en effet une baisse de notre PIB, même si le chiffre de 75 millions de touristes reste stable. Telle est la raison pour laquelle ce gouvernement a mis en place deux comités interministériels, lancé un nouveau plan marketing et le plan « Qualité France ». Je dirai « heureusement » ! Nous vivons dans un monde où le tourisme est de plus en plus concurrentiel, et il nous fallait réagir : nous avons ainsi pu réduire les dégâts.

Vous avez demandé, madame, pourquoi le programme « Tourisme » était rattaché à la mission « Politique des territoires ».

Les activités touristiques entretiennent des liens extrêmement directs avec l'aménagement du territoire. Elles contribuent d'ailleurs à la création d'emplois directs et indirects et au maintien de l'activité économique. C'est donc tout à fait naturellement que ce rattachement a été opéré.

Vous avez évoqué la capacité de « Maison de la France » à mobiliser les partenariats financiers et vous vous êtes demandée, au même titre que beaucoup de parlementaires d'ailleurs, pourquoi la lisibilité n'était pas meilleure.

Cette année, nous allons un peu plus loin : non seulement nous avons des indicateurs qui comprennent un ratio, mais nous disposons également d'une indication précise des valeurs des parts des financements publics et privés. Cela permet, progressivement, de satisfaire le besoin de lisibilité que vous évoquiez dans votre intervention.

Vous avez également fait état du non-rattachement de l'ANCV à l'action 3 du programme « Tourisme ». L'ANCV ne bénéficiant pas de financements publics, elle ne peut être considérée comme un opérateur de l'État.

Vous évoquez, à juste titre, l'extension des chèques-vacances au secteur des PME et des PMI. Sachez que cet objectif reste au nombre de nos préoccupations. Je sais que les parlementaires ont mené des opérations qui, malheureusement, n'ont pas abouti, sans doute du fait du coût trop important de l'exonération de cotisations sociales. Néanmoins, nous continuons à travailler sur ce sujet avec l'espoir de réussir et de permettre aux PME et aux PMI de moins de cinquante salariés de bénéficier de cette possibilité.

Enfin, vous évoquez l'absence de crédits en faveur du programme de consolidation des hébergements de tourisme social. Une réflexion est en cours avec le ministère délégué au budget et à la réforme de l'État. Nous étudions notamment une solution impliquant l'ANCV, avec la mise en oeuvre d'un fonds de concours. Il s'agit là aussi d'un sujet majeur pour lequel nous ne cessons de nous battre.

Enfin, vous vous posez la question de savoir si le tourisme ne pourrait pas être considéré comme un secteur propice à l'intégration sociale. Je vous répondrai par l'affirmative. Nous conduisons des opérations afin que le tourisme soit reconnu comme une véritable filière universitaire. Dans le même temps, nous travaillons dans le cadre du plan « banlieues », parce que nous savons que, là, il y a des choses à faire, notamment en matière de formation et d'apprentissage. Il convient de trouver de bonnes passerelles et de faire en sorte que le tourisme joue un rôle dans le domaine social, qu'il apporte un « plus » et qu'il contribue ainsi à éviter que ne se renouvellent les événements observés voilà quelques semaines autour de Paris.

M. Bernard Saugey a parlé de Maison de la France, qui, je le rappelle, joue un rôle éminent. C'est la raison pour laquelle nous y consacrons un financement important, qui représente quelque 47 % du programme « Tourisme ». Nous faisons tout notre possible pour porter le solde de notre balance des paiements de 33 milliards d'euros aujourd'hui à 40 milliards d'euros en 2010.

Mme Evelyne Didier considère que le solde du tourisme a tendance à baisser. En fait, les recettes du tourisme ne diminuent pas. Mais en 2004, nous avons enregistré plus de départs à l'étranger. C'est pourquoi la différence entre le poste des sorties du territoire et celui des entrées révèle une contraction du solde de la balance des paiements. Cela dit, pour l'année 2005, les tendances s'annoncent très intéressantes, et je pense que nous allons rattraper ce retard.

La clientèle européenne fait partie de nos préoccupations, et Maison de la France constitue un instrument adapté pour nous permettre de la toucher. Le plan marketing que j'ai mis en place à la fin de l'année 2004 et les moyens financiers que nous y consacrons, tout comme la campagne que j'ai lancée ce matin même, précisément pour corriger l'image négative de notre pays à l'étranger à la suite des événements qui se sont déroulés dans les banlieues, nous permettront non seulement de maintenir l'attractivité de notre pays, mais également de regagner des parts de clientèle européenne.

S'agissant du droit aux vacances pour tous, vous vous interrogez notamment sur la participation de la SNCF au développement du tourisme.

La SNCF, au même titre que la Banque de France et d'autres partenaires, participe depuis de nombreuses années à des enquêtes. Ces dernières bénéficient bien entendu à Maison de la France, mais aussi à la SNCF elle-même. Nous avons en effet besoin de connaître certains paramètres afin de définir des stratégies et de gagner des parts de marché. Voilà qui explique la participation de la SNCF à ces enquêtes, à hauteur de 260 000 euros sur un budget total de 1, 3 million d'euros.

Enfin, monsieur Biwer, sachez que le tourisme de mémoire fait partie de nos stratégies. Depuis maintenant deux ans, nous conduisons des opérations conjointes avec le ministère de la défense, le ministère délégué aux anciens combattants et le ministère de la culture. Nous avons signé des conventions.

Monsieur Biwer, le ministère délégué au tourisme est à votre disposition pour vous aider à préparer la célébration du quatre-vingt-dixième anniversaire de la bataille de Verdun, comme il a participé, l'année dernière, au soixantième anniversaire du Débarquement sur les plages de Normandie. Il s'agit là, en effet, d'événements qui sont des facteurs importants d'attractivité. De telles commémorations attirent de nombreux touristes. Je suis donc prêt à examiner favorablement votre dossier.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, voici, en quelques mots, les réponses que je souhaitais apporter aux orateurs qui sont intervenus sur le programme « Tourisme ».

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Politique des territoires » figurant à l'état B.

Autorisations d'engagement :881 443 267 euros ;

Crédits de paiement : 718 708 201euros.

Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.

Je mets aux voix les crédits de la mission « Politique des territoires ».

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d'orientation agricole est parvenue à l'adoption d'un texte commun.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2006.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Raincourt

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat » est constituée de trois programmes.

Le premier programme, « Administration territoriale », contient les moyens alloués à l'ensemble des préfectures et sous-préfectures, soit 72 % des crédits de paiement de la mission.

Le deuxième programme, « Vie politique, cultuelle et associative », qui représente 7 % des crédits de la mission, comporte les crédits liés au financement de la vie politique, à la mise en oeuvre de la loi sur la séparation des églises et de l'État, ainsi qu'à l'application des textes sur la liberté d'association.

Le troisième programme, « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur », avec 21 % des crédits de paiement, a pour objet les moyens logistiques de plusieurs missions, pilotées ou copilotées par le ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

J'évoquerai tout d'abord le programme le plus important de la mission, qui s'intitule « Administration territoriale » et qui contient l'ensemble des moyens des préfectures de région, de département, de zone et des sous-préfectures. Ce programme couvre aussi bien les attributions préfectorales exercées pour le compte du ministère de l'intérieur que celles qui sont accomplies pour un autre ministère.

Les équivalents temps plein travaillé, ou ETPT, du programme s'établissent à 30 384, en baisse de 186 par rapport à l'année dernière.

Je me suis inquiété de l'éventualité de transferts de charges de travail des préfectures vers d'autres services administratifs qui résulteraient de la mise en oeuvre de la LOLF.

Un seul transfert de cette nature interviendra en 2006, celui des procédures d'ordonnancement des dépenses de fonctionnement des juridictions, qui sera désormais à la charge de la justice. Les deux ministères concernés conviennent du fait que ce transfert de charges ne sera pas accompagné d'un transfert d'emplois.

Le ministère de la justice évoque 200 ETPT. La question est importante, compte tenu des problèmes spécifiques posés à la justice pour l'application de notre nouveau droit budgétaire.

Le ministère de l'intérieur, pour justifier le défaut de transfert d'emplois, a fait valoir les nouvelles attributions des agents de préfecture dans le cadre de la mise en oeuvre de la LOLF. Celles-ci seront en effet prestataires de plusieurs ministères et assureront pour leur compte l'engagement et le suivi des dépenses de leurs unités opérationnelles. Cela devrait concerner au moins dix programmes. En outre, les préfets devront élaborer un avis sur les projets de budget de chaque service déconcentré et suivre la mise en oeuvre des actions, la réalisation des objectifs et l'exécution des dépenses de ces services.

Je me suis néanmoins interrogé sur l'opportunité de vous présenter un amendement de réduction des crédits de personnels afin de tenir compte de cette situation.

Cependant, le préfet est chargé, par l'article 72 de la Constitution, de représenter chacun des membres du Gouvernement, de se charger des intérêts nationaux, du contrôle administratif, du contrôle de légalité et du respect des lois. Dans ce contexte, son rôle dans la mise en oeuvre de la LOLF paraît primordial.

J'ai donc finalement estimé que, du moins cette année, la situation devait rester en l'état, à charge pour moi de veiller attentivement, lors de l'exécution de la loi de finances pour 2006, à la bonne utilisation qui sera faite des moyens ainsi maintenus.

S'agissant de la mesure de la performance, je regrette que trop d'indicateurs se limitent à mesurer l'activité des préfectures et soient ainsi de nature à encourager des demandes de moyens supplémentaires. Je propose donc la création de trois indicateurs de performance destinés à mieux mesurer l'efficience ou la qualité de services rendus à l'usager.

Le premier indicateur porterait sur le coût unitaire de chaque type de document établi en préfecture : titres de séjour, passeports, cartes nationales d'identité, permis de conduire ou cartes grises. Les grands projets du programme, tels que le système d'immatriculation à vie des véhicules, le passeport électronique ou la carte nationale d'identité électronique sécurisée, sont présentés à juste titre comme étant de nature à permettre des économies. La performance doit donc être mesurée.

Le deuxième indicateur concernerait le délai d'attente du public dans les locaux préfectoraux lors d'une demande initiale de titre d'identité ou de séjour.

Le troisième indicateur mesurerait la qualité de l'accueil, à partir d'un sondage qui pourrait être réalisé par un organe indépendant.

J'en viens au deuxième programme de la mission, qui s'intitule « Vie politique, cultuelle et associative ». Il concerne essentiellement le financement de la vie politique, pour lequel 62, 6 % des crédits du programme sont attribués, l'application des lois sur la séparation des églises et de l'État, qui absorbe 35, 8 % des crédits du programme, et la liberté d'association à laquelle sont dévolus 1, 6 % des crédits.

Dans ces conditions, il est logique que l'évolution des crédits du programme soit quelque peu liée au calendrier électoral : le financement des élections devrait bien évidemment être bien moins élevé en 2006 que, me dit-on, en 2007 et en 2008 !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Raincourt

On peut observer que, sur les 1 495 équivalents temps plein travaillé du programme, 95, 6 % se trouvent concentrés sur l'action « Cultes ». Il s'agit de la rémunération des ministres des cultes exerçant en Alsace-Moselle.

Plus globalement, ce programme pose la question de la mesure de la performance de la vie politique : comment cela peut-il être possible ?

Le ministère a prévu un indicateur sur le délai d'envoi au Premier ministre du projet de décret portant répartition de l'aide publique aux partis, à compter de la publication de la loi de finances. Y a-t-il une telle urgence à publier ce décret ? Passer d'un délai de trente-cinq jours en 2004 à une « cible » de vingt-cinq jours en 2008 constitue-t-il une performance essentielle ?

La mesure de la performance électorale n'est pas aisée. Ainsi, le coût moyen des élections prévu par le projet annuel de performances ne me paraît pas constituer un indicateur adéquat. En effet, ce coût dépend du nombre de candidats et de la proportion de ceux qui ont obtenu le seuil légal de suffrages ouvrant droit au remboursement de leurs dépenses de campagne ou à leur maintien au second tour.

En revanche, l'indicateur de performance sur le délai de traitement des comptes des partis politiques par la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques me paraît acceptable. L'objectif est de passer d'un délai de onze mois pour l'exercice 2004 à sept mois pour l'exercice 2007.

L'indicateur mesurant le taux des demandes de reconnaissance d'utilité publique des associations et fondations traitées en moins de six mois me paraît également intéressant.

Le troisième et dernier programme de la mission, intitulé « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur », concerne notamment l'exploitation des systèmes d'information et de communication transverses à l'ensemble du ministère, la programmation immobilière, la gestion et la formation du personnel, et l'ensemble des activités juridiques de la Place Beauvau.

Les crédits de ce programme se déversent dans les autres programmes du ministère, qu'ils appartiennent à la mission « Administration générale et territoriale de l'État » ou à une autre mission pilotée ou copilotée par le ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

Comme l'indique son intitulé même, le présent programme comporte plus la logistique d'un ministère que celle d'une mission. Ce programme n'est pas vraiment « LOLFien ». Pour les prochains exercices budgétaires, il conviendrait qu'il corresponde plus à la mission à laquelle il appartient formellement qu'à un ministère dont le périmètre peut évoluer en fonction de la constitution des gouvernements.

Il me semble excessif d'avoir prévu sept objectifs et quinze indicateurs de performance pour ce programme, même si l'on peut noter que la moitié d'entre eux mesurent utilement l'efficience des services. En revanche, il y a lieu de s'interroger sur l'opportunité de certains indicateurs de performance. Ainsi, celui qui concerne le taux de satisfaction de la demande en personnel exprimée par les autorités d'emploi pour l'exécution de leur schéma d'emplois me paraît de nature à « pousser à la création d'emplois ».

Enfin, deux indicateurs de performance m'intriguent quelque peu, modérément je l'avoue.

Le premier sert à mesurer le pourcentage des travaux de l'Inspection générale de l'administration n'ayant pas donné lieu à des suites dans un délai de six mois. Il ne me semble en effet pas obligatoire de donner systématiquement suite à un rapport d'inspection.

Le second indicateur qui m'a intrigué porte sur le taux de réponse de la direction des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère aux consultations émanant des préfectures, des services de police et des autres directions du ministère. En effet, le taux de réponse prévu pour 2006 est fixé à 70 %, ce qui signifie que près du tiers des interrogations ne devrait pas recevoir, l'an prochain, la moindre réponse. Que faut-il alors en penser ?

Pour conclure, la commission des finances propose au Sénat l'adoption des crédits prévus pour la mission et pour chacun de ses programmes.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de José Balarello

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'application de la réforme budgétaire a conduit la commission des lois à se saisir pour avis, pour la première fois, des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ».

Comme l'a indiqué notre ami Henri de Raincourt, rapporteur spécial, cette mission regroupe plusieurs activités, sous la responsabilité du ministère de l'intérieur, au sein de trois programmes complémentaires : « Administration territoriale », « Vie politique, cultuelle et associative » et « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur ».

Le plafond d'équivalents temps plein travaillé autorisés inscrit dans le projet de loi de finances pour 2006 s'élève, pour cette mission, à 35 517, ce qui place cette dernière en deuxième position après la mission « Sécurité » en ce qui concerne les emplois relevant du ministère de l'intérieur.

Le programme « Administration territoriale » comprend l'ensemble des activités des préfectures et des sous-préfectures réparties en cinq actions, dont mon rapport écrit détaille la composition.

Le programme : « Vie politique, cultuelle et associative » comporte également cinq actions, dont « Cultes » et « Vie associative et soutien ».

Enfin, le programme « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » comprend sept actions.

La deuxième partie de notre rapport traite de l'administration territoriale dans une nouvelle approche issue de la LOLF, avec sa logique de performance et de réforme dont le préfet est le pivot.

Le projet de loi de finances pour 2006 a retenu six objectifs et douze indicateurs pour le programme « Administration territoriale », permettant de rendre efficacement compte de l'activité des services préfectoraux et de la réduction de leurs coûts de fonctionnement. Vous trouverez également dans mon rapport écrit l'évolution de l'activité contentieuse de l'administration centrale du ministère de l'intérieur depuis 2000.

Mais la performance ne s'obtient que par la modernisation des outils - c'est le sujet de la troisième partie de mon rapport écrit -, afin de structurer la mise en oeuvre des politiques nationales.

C'est ainsi que, dans le projet de loi de finances pour 2006, huit actions des plus diverses sont prévues dans le programme « Interventions territoriales de l'État », au sein de la mission « Politique des territoires », offrant la possibilité, pour les préfets de région, de présenter des actions de nature interministérielle couvrant des projets d'envergure et ayant un enjeu national ; c'est une initiative très importante qui figure dans ces nouveaux textes.

Le développement d'une véritable gestion des ressources humaines est indispensable, car les services préfectoraux devraient connaître un quasi-doublement des départs à la retraite de 2005 à 2010, la moitié de ces départs ne devant pas être remplacée ; cela nous permettrait bien évidemment de réaliser des économies !

Nous examinons également l'amélioration des conditions matérielles des préfectures, grâce à une gestion immobilière active - je vais y revenir - et à la poursuite de l'informatisation des services.

C'est ainsi que, dans le cadre du plan ADELE 2004-2007 pour le développement de l'administration électronique, toutes les préfectures sont dorénavant dotées de serveurs de messagerie, interconnectés entre eux et avec les autres serveurs du ministère de l'intérieur. Un Intranet commun à l'ensemble des préfectures et des services centraux du ministère de l'intérieur devrait également être déployé prochainement.

En outre, le ministère de l'intérieur poursuit son développement des téléprocédures et téléservices : la quasi-totalité des formulaires des préfectures est désormais accessible sur Internet.

Les demandes de cartes grises peuvent faire l'objet d'une télétransmission par le concessionnaire lors de l'achat d'un véhicule neuf et les demandes et délivrances de certificats de non-gage peuvent être effectuées directement en ligne.

Enfin, les projets de passeport électronique et de carte nationale d'identité sécurisée avec l'introduction d'éléments biométriques devraient être développés, avec la télétransmission des données relatives à l'identité du demandeur et la création d'une banque centrale de données. Monsieur le ministre, je pense que l'introduction de ces éléments biométriques, qui constitue une amélioration, est urgente, car, faute de ces éléments, les titulaires d'un passeport délivré à partir du 26 octobre 2005 ont à l'heure actuelle l'obligation de solliciter un visa pour se rendre aux États-Unis, ce qui n'est pas le cas avec les passeports plus anciens.

La commission des lois se félicite des importants efforts fournis par le ministère de l'intérieur en matière de téléprocédures, qui améliorent considérablement la qualité des services fournis aux usagers, ainsi que des études concernant le nouveau Système d'immatriculation des véhicules, SIV, immatriculation attribuée jusqu'à la fin de vie du véhicule. Ce système, d'ores et déjà mis en oeuvre pour les cyclomoteurs de petites cylindrées, devrait aboutir à la dématérialisation d'environ 60 % des opérations effectuées pour l'immatriculation des véhicules.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, selon moi, toutes ces réformes sont urgentes, car, dans les préfectures, les files d'attente sont importantes devant les différents services et bureaux, que ce soit pour la délivrance d'une carte d'identité, d'un titre de séjour ou d'un autre document. Je le constate à la préfecture de mon département, les Alpes-Maritimes.

Nous assistons également à un contrôle de légalité rénové et simplifié, le projet de loi de finances pour 2006 prévoyant d'ailleurs la réduction du nombre d'actes non conformes des collectivités territoriales et établissements publics.

De plus, pour la dématérialisation des transferts de documents soumis au contrôle de légalité, l'application ACTES, mise en service depuis avril 2005, devrait permettre à un nombre croissant de collectivités territoriales de communiquer par télétransmission les actes devant faire l'objet d'un contrôle par le préfet.

Le rôle des préfets a également été accru dans le domaine financier, avec la globalisation des crédits des préfectures. La dotation étant totalement fongible, le préfet peut, sous conditions, librement décider de l'affectation des moyens aux missions qu'il souhaite privilégier.

Cette réforme a produit une amélioration significative des performances des préfectures : baisse de 53 % du délai de traitement des dossiers de demandes de cartes nationales d'identité et baisse de 30 % pour les passeports.

Une autre partie de mon rapport écrit concerne l'évolution des activités relatives aux droits et libertés des citoyens, notamment les actions relatives à la vie politique, c'est-à-dire la délicate définition du parti politique et le financement des partis.

La vie cultuelle dans la République, cent ans après la loi de 1905, fait également l'objet d'une étude dans le rapport.

La Commission de réflexion sur l'application du principe de laïcité dans la République, dans son Rapport au Président de la République, remis le 11 décembre 2003, définit la laïcité à la française comme « un principe juridique appliqué avec empirisme », car « la laïcité n'a pas les mêmes contours à Paris, Strasbourg, Cayenne ou Mayotte. »

À cet égard, est évoquée dans le rapport la garantie du « libre exercice des cultes », inscrite dans la loi de 1905.

La dernière partie du rapport est consacrée à l'examen de la gestion immobilière du ministère de l'intérieur, secteur dans lequel d'importantes réformes sont en cours sur votre initiative, monsieur le ministre, ainsi que sur l'initiative de votre collègue des finances.

À ce propos, l'attention de la commission des lois a été attirée par le poids des loyers payés par le ministère de l'intérieur, puisque 48 % des crédits de fonctionnement de l'administration centrale en 2004 y sont consacrés.

Monsieur le ministre, comment envisagez-vous de réduire rapidement cette part des loyers dans les dépenses de fonctionnement du ministère, alors que la part de l'immobilier du ministère - et même de tous les ministères - est très importante ? De plus, les cessions traînent de façon anormale, vous le savez ; d'ailleurs le ministre des finances, notamment, s'est exprimé sur ce point.

Vous avez mis en place trois objectifs : dresser l'état du patrimoine immobilier, rationaliser l'utilisation du patrimoine et dynamiser la gestion immobilière.

En 2004, votre ministère a engagé une consultation pour s'adjoindre le concours d'une société spécialisée pour l'élaboration d'un schéma directeur. Pouvez-vous nous dire où en est l'élaboration de ce schéma ?

Sous le bénéfice de ces observations, la commission des lois a émis un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés à la mission « Administration générale et territoriale de l'État » dans le projet de loi de finances pour 2006.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants:

Groupe Union pour un mouvement populaire, 32 minutes ;

Groupe socialiste, 22 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 9 minutes ;

Groupe du rassemblement démocratique et social européen, 8 minutes.

Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.

Je vous rappelle également qu'en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Christian Cambon.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'un des mérites de la LOLF - et non des moindres ! - est de permettre au Parlement de mieux cerner et apprécier les différentes missions de l'État.

La mission « Administration générale et territoriale de l'État » relève certainement des missions dont les collectivités territoriales, d'une part, et nos concitoyens, d'autre part, ont une appréciation la plus concrète.

Qui n'a pas trouvé, un jour, un motif de se plaindre des contraintes administratives, de la bureaucratie ou de la paperasserie des services de l'État, qui entraînent, bien souvent à juste titre, une mauvaise image de l'administration auprès des citoyens ?

Or singulièrement depuis 2002, l'action gouvernementale en matière de simplification des procédures a été décisive. Hommage en soit rendu notamment à Henri Plagnol, ancien secrétaire d'État à la réforme de l'État, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Il est du Val-de-Marne, effectivement, ce qui ne gâte rien ! (Sourires.)

... Henri Plagnol, disais-je, qui, le premier, a efficacement incité à engager ce mouvement, avec des résultats tangibles que ses successeurs, Eric Woerth et Jean-François Copé, ont largement développés depuis.

Parmi les avancées en matière de simplification, je voudrais m'attarder un instant sur le plan ADELE pour le développement de l'administration électronique.

Ce plan repose sur le principe simple du développement des téléprocédures et téléservices, qui doivent permettre des gains de temps et de qualité, afin d'assurer le service public entre les différentes administrations, mais également entre l'administration et nos concitoyens.

À ce titre, la quasi-totalité des formulaires des préfectures est désormais accessible sur Internet. Ainsi, les demandes de cartes grises - cela vient d'être évoqué par M. le rapporteur pour avis - peuvent faire l'objet d'une télétransmission par le concessionnaire lors de l'achat d'un véhicule. En outre, les demandes de non-gage et leur délivrance peuvent être effectuées directement en ligne.

Puisque la problématique est très proche, je mentionnerai également l'obtention des titres de séjour. Souvenons-nous - nous connaissons bien le phénomène dans le département du Val-de-Marne - des files interminables, dès l'aurore, devant toutes les préfectures des départements urbains ! Le traitement en ligne a, en grande partie, mis un terme à de telles situations, puisque les intéressés n'ont plus qu'à se rendre le jour de leur convocation au service concerné.

Il faut poursuivre rapidement dans cette voie. Je me félicite donc de la présentation, hier, en conseil des ministres, par M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État, de l'ordonnance relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives elles-mêmes, qui établit une équivalence juridique entre le courrier électronique et le courrier sur support papier. Dans nos administrations locales, une telle réforme sera particulièrement appréciée !

Les élus, confrontés en permanence à l'incertitude juridique, en raison notamment des faibles moyens dont disposent les petites et moyennes communes, sont, par ailleurs, dans l'attente d'un traitement rapide de leurs actes.

La loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a permis de réduire le nombre d'actes des collectivités soumis à obligation de transmission, afin que les préfets concentrent leur contrôle de légalité sur les actes les plus importants.

Mesure complémentaire, à l'instar du plan ADELE que j'évoquais à l'instant, l'application ACTES, ou Aide au contrôle de légalité dématérialisé, a été mise en oeuvre en avril dernier, afin de rénover la relation avec les collectivités territoriales, en développant la transmission par voie électronique de leurs documents administratifs. L'utilisation de l'informatique sera ainsi de nature à réduire les délais de traitement et les coûts de fonctionnement, ce qui est évidemment très important.

Tout ce qui pourra être mis en oeuvre pour supprimer les tâches les plus répétitives des préfectures permettra à ces dernières de bénéficier de temps supplémentaire, afin de jouer de plus en plus un rôle non pas de contrôleur a posteriori, mais bel et bien de conseil a priori auprès des élus locaux.

Aussi, comme l'ont rappelé nos excellents collègues M. le rapporteur spécial et M. le rapporteur pour avis, je souhaiterais attirer votre attention, monsieur le ministre, sur la nécessité d'affiner, pour les exercices budgétaires futurs, les indicateurs de performance du programme que je viens d'évoquer.

Outre que certains indicateurs ne font l'objet d'aucune donnée chiffrée, comme la réduction du nombre d'actes non conformes des collectivités, nous partageons les regrets formulés par M. le rapporteur spécial sur le fait que la qualité du service rendu à l'usager ne soit pas davantage appréciée. Les délais d'attente du public dans les préfectures, la mesure de la qualité de l'accueil et du service offert et les coûts de gestion des formalités administratives sont autant d'indicateurs de performance qui répondent à la logique de la LOLF et à la culture de gestion que nous appelons de nos voeux.

Je souhaiterais enfin que cette intervention me permette, au nom de notre groupe, de saluer celles et ceux qui, dans chaque département, assurent la responsabilité de mettre en oeuvre cette belle mission d'administration générale et territoriale de l'État : je veux parler des préfets et des sous-préfets.

Véritables « soutiers de la République », ainsi que certains les ont surnommés, les membres du corps préfectoral oeuvrent quotidiennement au service de l'État, dont ils assurent la continuité et l'efficacité dans le maillage territorial. Chacun aura pu le constater dernièrement, lors des événements qui ont douloureusement frappé nombre de nos communes.

Je suis le maire d'une commune, Saint-Maurice, dans laquelle, alors même qu'une crèche venait d'être incendiée et brûlait entièrement, le préfet du département, M. Patrice Bergougnoux, ...

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales

Excellent préfet !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

... que je salue, puisqu'il quitte aujourd'hui notre département, est venu personnellement en pleine nuit exprimer à mon équipe municipale et à moi-même la sollicitude de l'État. Une telle démarche est tout à fait réconfortante pour des élus placés dans des situations aussi terribles.

Nous, les élus, qui faisons fréquemment des préfets la cible idéale de nos récriminations lorsqu'ils n'accèdent pas à toutes nos volontés, les oublions également souvent lorsqu'ils participent à la mise en oeuvre de nos politiques locales et aident les maires à décrypter les complexités de l'État.

Je souhaite que, à la faveur de l'examen des crédits de cette mission, nous puissions trouver l'occasion de rendre hommage au travail des préfets et des sous-préfets. Ainsi que M. le rapporteur spécial le rappelait à l'instant, la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 a consacré leur rôle dans l'article 72 de la Constitution. Mais ce sont avant tout des hommes et des femmes qui, de la plus petite sous-préfecture à la prestigieuse préfecture de région, donnent de l'État l'image attentive et humaine des intérêts de la puissance publique et du respect de ses lois.

Cet hommage de notre groupe n'est qu'une raison supplémentaire - il y en a bien d'autres - pour apporter notre soutien au projet de budget de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ».

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à vingt-et-une heures cinquante.