J’espère, cette fois-ci, obtenir gain de cause !
Je poursuis la discussion engagée lors de l’amendement précédent, car, lorsqu’on aura qualifié les embarcations et les compétences des piroguiers, il restera tout de même la question de la navigabilité des fleuves, c’est-à-dire du minimum de conditions de sécurité que l’on est en droit d’attendre d’une voie de circulation régulièrement et nécessairement empruntée par la population, surtout dans le cadre de transports collectifs, publics ou privés.
Les voies fluviales sont encore aujourd’hui, comme vous le disiez tout à l’heure, monsieur le secrétaire d’État, les seules qui permettent, en Guyane, l’accès à certaines communes et secteurs du territoire, les seules aussi qui constituent une alternative naturelle aux ruptures écologiques qui résulteraient d’un trop grand développement des routes au sein de la forêt amazonienne, les seules, enfin, qui font l’objet de divers arrêtés préfectoraux réglementant un véritable secteur d’activités économiques, transversal et nécessaire à tous les autres, au point de donner lieu à des marchés publics. La non-navigabilité de ces fleuves est pourtant fréquemment réaffirmée.
Mes chers collègues, c’est un peu comme si l’on déclarait officiellement impropre à la circulation une route par laquelle tout le monde est obligé de passer, que l’on cessait de l’entretenir, de la baliser, d’y signaler les passages dangereux, et que l’on y installait tout de même une ligne de bus, avec divers arrêts, en obligeant évidemment tous les usagers à respecter un code de la route inapplicable, tout en leur expliquant que, en cas d’accident, ils ne devraient s’en prendre qu’à eux-mêmes… Convenez, mes chers collègues, que, même aux confins de la République, ce n’est pas acceptable !
Or, depuis une dizaine d’années, les différentes saisines du Gouvernement sur ce problème n’ont abouti qu’à des mesures partielles, bricolées, qui évacuent sans cesse la question de la responsabilité civile et pénale des transporteurs, ou celle de la sécurité juridique des convoyages collectifs, et qui ne font qu’amplifier une situation de non-droit, de non-respect des personnes, dans un État où les questions de normes et de sécurités sont si hautement sensibles !
Pourtant, des études ont été menées dans le cadre d’un Observatoire des métiers, sur les particularités de la navigation fluviale en Guyane, les compétences mises en œuvre et les modes de transmission de ces savoirs chez les piroguiers. Les caractéristiques techniques des divers types de pirogues – d’usage domestique, de passagers, de fret – ont été décrites par des chercheurs. J’ose croire que l’état actuel de nos technologies permet tout à fait le balisage de ces fleuves, le signalement des affleurements rocheux, le repérage des points de passage ou l’aménagement de certains dispositifs de sécurité autour des sauts – les rapides.
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les régions de l’Oyapock, et surtout du Maroni, sont celles où la dynamique démographique en Guyane est la plus soutenue. À moins de sacrifier encore davantage la forêt pour y construire des routes, nous devrons assister au développement de pratiques qui, toutes proportions gardées et à l’échelle de la région, sont comparables à la circulation sur les routes nationales de France, avec les heures de pointes, les embouteillages et les inévitables accidents, parfois mortels, qui font, hélas ! partie de la vie, mais qui peuvent aussi être prévenus, et doivent donner lieu, quand ils n’ont pu être évités, aux mesures d’indemnisation ou de réparation existantes dans les conditions prévues généralement pour ces circonstances.
Monsieur le secrétaire d’État, rendrez-vous ces fleuves enfin navigables ?