Intervention de Louis Nègre

Réunion du 28 septembre 2009 à 15h00
Engagement national pour l'environnement — Articles additionnels après l'article 22 ter, amendement 901

Photo de Louis NègreLouis Nègre, rapporteur :

Je tiens tout d’abord à remercier mes collègues de la majorité pour leur soutien et ceux de l’opposition pour l’esprit constructif dont ils ont fait preuve sur ce dossier des transports, et qui tous ont travaillé au service de l’intérêt général.

L’amendement n° 901, qui concerne un sujet aussi délicat que sensible, vise à permettre aux collectivités territoriales volontaires – j’insiste sur le mot « volontaires » – d’expérimenter le péage urbain sous certaines conditions.

Vous le voyez, je n’ai pas fait l’économie de l’expression « péage urbain » et j’ai préféré appeler un chat un chat. Je crois en effet qu’il faut dire la vérité à nos concitoyens, ne pas les tromper et agir en toute transparence. C’est ainsi que nous pourrons les convaincre !

Cet amendement est issu des conclusions de la mission que m’a confiée la commission de l’économie et qui m’a conduit, cet été, à Londres, Rome, Milan et Stockholm, pour observer les différents dispositifs de péages urbains existants. Il me semble en effet nécessaire d’autoriser les grandes agglomérations françaises qui le souhaitent à expérimenter cet outil intéressant de régulation de la circulation routière et de protection de la santé publique.

L’amendement n° 901 n’autorise l’expérimentation que pour lutter contre la congestion routière et/ou la pollution atmosphérique, dans un souci premier de santé publique. Je tiens à rappeler, à cet égard, un chiffre trop peu connu : on compte chaque année, en France, 30 000 décès prématurés dus à la présence dans l’atmosphère de particules PM 10, PM 2, 5 et de dioxyde d’azote engendrés par la circulation. Or j’ai pu constater que la concentration en CO2 et en polluants locaux avait baissé de 10 % à 15 % à Milan et à Stockholm grâce à la mise en place du péage urbain.

Plus généralement, le bilan socio-économique global, qui intègre les bénéfices directs et indirects, se révèle dans certains cas largement positif. Ainsi, à Stockholm, on estime à plus de 75 millions d’euros, chaque année, le gain net total financier et socio-économique du péage.

Autrement dit, c’est la société dans son ensemble, y compris le monde économique, qui est gagnante. Voilà pourquoi le président de la chambre de commerce suédoise m’a confié qu’il était favorable au péage urbain. Quant au MEDEF d’Île-de-France, il a également proposé la mise en place expérimentale d’un tel péage.

C’est une question d’intérêt bien compris de la société dans sa globalité. Le péage urbain, en rendant la circulation plus fluide, permet de gagner du temps de travail. Par ailleurs, il favorise nettement la diminution des accidents de la route et des maladies respiratoires. Toutefois, compte tenu des craintes, souvent excessives, que suscite le péage urbain, la commission a tenu à encadrer cette expérimentation en prévoyant pas moins de sept conditions, qui sont autant de garde-fous.

Premièrement, seules sont concernées les agglomérations de plus de 300 000 habitants, c’est-à-dire, en France, une dizaine de villes.

Deuxièmement, le péage est institué pour une période maximale de trois ans, et l’expérience est réversible par principe.

Troisièmement, l’étude d’impact préalable comprend une partie à charge et une autre à décharge, afin de dégager une vision objective du dossier. Ce dossier sera ensuite porté à la connaissance de tous et mis sur la table en toute transparence.

Quatrièmement, la décision sera soumise à l’avis du ministre en charge de l’écologie.

Cinquièmement, les collectivités territoriales devront créer, au préalable, des infrastructures et des services de transport collectif susceptibles d’absorber le report du trafic lié à l’instauration du péage. Il ne s’agit donc pas d’une décision imposée par le haut, mais d’une décision concertée, prévoyant un certain nombre de modalités préalables.

Sixièmement, un décret en Conseil d’État fixera les plafonds des tarifs du péage, tarifs qui seront quant à eux déterminés par l’AOTU.

Septièmement, le produit des péages sera affecté aux actions mentionnées dans le plan de déplacements urbains, le PDU, afin d’assurer une identification politique. Cette décision est prise par l’autorité organisatrice des transports.

Il sera très probablement nécessaire de voter une loi avant la mise en place de l’expérimentation effective du péage urbain afin d’en fixer les conditions d’expérimentation, notamment en matière de sanctions et de contrôles par vidéosurveillance. Cet amendement constitue toutefois une première étape nécessaire avant la mise en place de ce péage urbain par les collectivités territoriales volontaires.

Le péage urbain n’est pas la panacée pour résoudre les problèmes de pollution et de circulation dans nos villes. Mais il occupe une place déterminante dans la boîte à outils des élus locaux qui veulent améliorer le quotidien des centres-villes congestionnés.

Le péage urbain ne se pratiquera pas n’importe où et dans n’importe quelles conditions. Dans les capitales que j’ai visitées, j’ai constaté qu’il avait fait l’objet d’un accord de toutes les autorités politiques, économiques et environnementales.

Lorsque j’ai rencontré le président de l’association anglaise militant contre les péages urbains, je lui ai demandé s’il était opposé à celui de Londres. Il m’a répondu qu’il y était au contraire favorable, volens nolens, car si on le supprimait, la congestion de la ville serait telle que toute circulation deviendrait impossible. J’ai entendu la même chose à Rome, à Stockholm et à Milan.

Le péage urbain est un outil de régulation de la circulation qui fera gagner du temps au monde économique ; c’est pourquoi celui-ci y est favorable.

À Stockholm, un chef d’entreprise m’a expliqué qu’il était au départ hostile au péage urbain, mais qu’il avait changé d’avis, pour des raisons très pratiques : avant la mise en place du péage, il quittait son domicile le matin à huit heures et ne savait jamais quand il serait au bureau ; désormais, en partant à la même heure, il sait à deux minutes près quand il arrivera.

Le péage urbain facilite donc la circulation, la rend plus fluide et, ce faisant, favorise le monde économique. Mais il permet également de lutter contre la pollution, qui est aujourd’hui un vrai problème de santé publique.

On parle souvent, en France, du changement climatique et des émissions de CO2, mais très peu des PM 10, des PM 2, 5 et du dioxyde d’azote, qui entraînent pourtant 30 000 décès prématurés par an. La pollution atmosphérique liée à la circulation provoque davantage de morts que les accidents de voiture ! Tous mes interlocuteurs étrangers ont mis l’accent sur ce point, et je fais de même.

Il est temps de se préoccuper de la qualité de vie dans notre pays et dans nos grands centres urbains. Or ce type de dispositif peut améliorer considérablement cette qualité de vie à laquelle aspirent nos concitoyens.

Le péage urbain est un système positif en termes de coûts d’exploitation, même s’il n’est pas la panacée, au plan financier, pour améliorer le système des transports collectifs. Il peut favoriser le développement des modes de transport alternatifs à la voiture, mais là n’est pas son intérêt essentiel.

Enfin, la mise en place du péage urbain suppose toujours une condition nécessaire et obligatoire : la présence d’une congestion importante au sein de l’agglomération.

Pour toutes ces raisons, je vous propose, au nom de la commission, de mettre en place le péage urbain à titre expérimental dans les collectivités volontaires.

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