Intervention de Michèle Alliot-Marie

Réunion du 8 décembre 2005 à 15h00
Loi de finances pour 2006 — Défense

Michèle Alliot-Marie, ministre :

Au début des années quatre-vingt-dix, monsieur Boulaud, le chef des armées n'était pas le même qu'actuellement ! Par ailleurs, des gouvernements se sont succédé, qui étaient chargés de préparer et de financer les lois de programmation militaire, ainsi que d'en faire respecter l'exécution.

J'ajouterai, pour être tout à fait objective, que des retards peuvent être dus à l'industriel. Ce fait a été souligné, en particulier, s'agissant du char Leclerc. Les difficultés de GIAT Industries et les nombreuses grèves survenues n'ont guère facilité les choses.

Certains retards peuvent également être liés à des problèmes techniques. Cela est vrai, notamment, en ce qui concerne le NH 90. Pour ma part, je ne manque pas, alors, d'intervenir auprès des industriels, pour leur signifier que de telles situations, susceptibles à la fois d'entraver la capacité opérationnelle de nos forces et de porter atteinte à notre image aux yeux d'un certain nombre de clients potentiels, sont inadmissibles.

Pour en revenir à des points plus concrets et positifs concernant le projet de budget pour 2006, j'indiquerai que celui-ci prévoit les commandes et les livraisons des équipements nécessaires à l'exercice de leurs missions par nos armées.

À cet égard, nous allons poursuivre notre effort pour la dissuasion. L'année 2006 verra en outre la commande du second porte-avions, le lancement du programme du sous-marin Barracuda - je pense répondre ainsi aux inquiétudes qui ont été exprimées -, ainsi que la montée en puissance des programmes Félin, de l'A 400 M et des hélicoptères de la gendarmerie.

Par ailleurs, M. André Boyer m'a interrogée sur un abandon éventuel du programme des frégates Horizon. Il était prévu de doter notre marine de quatre bâtiments de ce type, mais, étant donné la commande de nouvelles frégates multimissions et la grande capacité opérationnelle de ces dernières, il a été décidé de la pourvoir de deux frégates Horizon et de substituer aux deux autres des frégates multimissions, qui sont parfaitement propres à remplir les mêmes missions. Nous aurons ainsi un éventail de moyens à notre disposition.

Quant au porte-avions, comme je l'ai dit à l'instant, la commande va être passée. Notre collaboration avec les Britanniques se poursuit dans de bonnes conditions. Comme toujours, on constate des hauts et des bas, mais je note que la volonté des militaires rejoint ici la volonté politique. Si nous rencontrons parfois des difficultés, elles sont le plus souvent dues aux industriels. On peut d'ailleurs, à la rigueur, le comprendre, puisque la passation de deux commandes différentes implique qu'ils doivent procéder deux fois à des études ou à des recherches très voisines et que, finalement, le client est en situation de se montrer plus exigeant sur les prix et de demander un rabais plus important.

Quoi qu'il en soit, la volonté politique d'aboutir se manifeste très régulièrement, et si les Britanniques ont quelque peu tardé au début, cela nous arrange, d'une certaine façon, car ils avaient pris leur décision avant que nous n'ayons arrêté la nôtre ; nous avons ainsi pu rattraper notre retard initial. Cela nous permet maintenant de travailler ensemble, notamment en associant les équipes françaises et britanniques dans la recherche de tous les éléments communs, afin de gagner du temps et, surtout, de découvrir le maximum de choses à faire en coopération, car tel est bien le but que nous visons.

Enfin, en 2006, le lancement du satellite Syracuse III B sera un atout essentiel pour améliorer notre capacité de maîtrise de l'information. L'année 2006 verra également la livraison de quatorze avions Rafale, des missiles Scalp et de trente-quatre chars Leclerc. Ce sera aussi l'année d'admission au service actif du second bâtiment de projection et de commandement, le Tonnerre.

En ce qui concerne le maintien en condition opérationnelle, sujet abordé notamment par MM. Fréville, Trucy, Nogrix, Dulait et Vinçon, c'est là pour moi une préoccupation constante, non seulement parce que certains matériels sont vieillissants, mais aussi parce que les nouveaux équipements sont très sophistiqués. Or plus un matériel est sophistiqué, plus il demande d'entretien et plus il y a de risques d'obsolescence rapide. On a parfois un peu l'impression d'être enfermé dans un cercle vicieux.

C'est la raison pour laquelle j'ai demandé que soit envisagée la possibilité d'établir de nouveaux rapports avec les industriels. En disant cela, je me tourne vers M. le président de la commission des finances. À mon sens, il devrait être intéressant, dans l'avenir, d'acheter des heures d'utilisation plutôt que de simples matériels. Dans cette optique, il conviendrait que le MCO soit aussi, et surtout, assumé par les industriels. En effet, ce qui nous intéresse, en termes opérationnels comme en termes d'entraînement, c'est d'avoir à disposition un matériel qui fonctionne.

Toutefois, il est évident que les industriels vont alors nous demander de payer en même temps le matériel et son maintien en condition opérationnelle sur la durée. Par conséquent, cela peut poser des problèmes lourds au regard de l'exécution d'une loi de programmation militaire, puisque, si le coût final sera pratiquement identique, et sera même, j'en suis persuadée, moins élevé, la dépense à engager au départ sera beaucoup plus forte.

C'est là où nous rejoignons également les préoccupations, exprimées en particulier par M. Boyer, quant aux annuités qui dépassent une loi de programmation militaire. En effet, généralement, nos matériels sont utilisés pendant quinze ans, vingt ans, vingt-cinq ans, voire trente ans, et il est évident qu'il y a là matière à engager une réflexion commune.

Le projet de loi de finances répond, par ailleurs, aux engagements prioritaires en termes d'effectifs, lesquels sont globalement maintenus à leur niveau actuel. A ce propos, et en réponse à la préoccupation de M. Trucy, relative au sous-équipement des effectifs de 3 %, je dirai qu'il est aujourd'hui bien géré : il l'est sur le plan militaire, mais également sur le plan civil. Bien entendu, nous souhaiterions, là encore, obtenir davantage, ce qui éviterait des tensions à l'échelon du personnel militaire et permettrait de combler les insuffisances dont souffrent certains postes.

Nous parvenons pourtant à nous en accommoder et, de ce point de vue, les réserves constituent un apport utile. Je me réjouis d'ailleurs que le texte que je me propose de vous soumettre sur ce sujet, au mois de février, nous permette de mieux prendre en compte la place des réserves dans une armée professionnelle.

D'ores et déjà, je souligne que, dans ce domaine, monsieur Trucy, j'ai consenti un effort important, puisque les crédits qui figurent dans le projet de budget pour 2006 sont en augmentation de 15 millions d'euros pour atteindre un total de 135 millions d'euros.

Les mesures pour le personnel civil non seulement en maintiennent les effectifs, mais améliorent également - je m'y attache depuis trois ans - les aides qui leur sont accordées : elles représentent chaque année, je le rappelle, l'équivalent de celles qu'avait octroyées en cinq ans le précédent gouvernement.

Pour en revenir aux militaires, nous nous sommes fixé pour objectif d'avoir, fin 2005, 50 000 réservistes dont 18 000 gendarmes et, fin 2006, 55 000 réservistes dont 20 000 gendarmes.

En outre, ainsi que vous l'avez souligné, pour renforcer l'attractivité de ce statut auprès des employeurs, j'ai obtenu en leur faveur la création d'un crédit d'impôt. Il vous sera présenté à l'occasion du projet de loi de finances rectificative.

Le respect de la loi de programmation militaire, ainsi que plusieurs d'entre vous l'ont relevé, suppose d'utiliser les reports. Comme vous le savez, les reports constatés à la fin de l'année 2004 ne sont pas notre fait. Je tiens à redire à tous que nous sommes parfaitement capables de consommer tous les crédits mis à notre disposition.

Nous avons été victimes, au cours de ces dernières années, de la conjugaison de deux problèmes.

D'une part, le fait que les OPEX ne soient remboursées qu'en fin d'année nous obligeait à faire une avance de trésorerie dont nous ne retrouvions généralement pas la disponibilité avant le mois de décembre. Il nous était alors parfaitement impossible de dépenser ces quelque 500 millions d'euros ou 600 millions d'euros avant le début de l'année suivante !

D'autre part, le fait que cette situation combinée aux normes de dépense nous interdisait de consommer, au cours d'une année, plus que ce qui était inscrit en loi de finances initiale, de sorte que nous ne pouvions pas consommer les reports de l'année précédente.

Ces impératifs m'ont paru susceptibles de porter atteinte à la transparence de la loi de programmation militaire et c'est la raison pour laquelle j'ai obtenu un arbitrage qui nous permettra de consommer, avant la fin de cette loi, l'ensemble des crédits qu'elle met à notre disposition. Dès cette année, nous pourrons ainsi consommer, outre la norme de dépense, 600 millions d'euros au titre des reports dont je peux vous affirmer qu'ils seront tous utilisés d'ici à la fin de l'année 2007 : j'en ai donné l'assurance au Président de la République.

En ce qui concerne le carburant, je voudrais dire à M. Trucy que nous avons, d'une part, intégré une augmentation de 17 % et, d'autre part, en liaison avec le ministère des finances, prévu un mécanisme contre les risques, qui nous permet de ne pénaliser les armées, ni au stade de leur entraînement que j'estime être essentiel, ni, bien sûr, au stade de leur engagement opérationnel.

En vous demandant de bien vouloir m'excuser, monsieur le président, d'avoir dépassé de quelques minutes le temps de parole qui m'était imparti, j'en arrive à la fin de la présentation de la partie du projet de loi de finances pour 2006 qui a trait à la mission « Défense ». Je crois qu'elle a à la fois pour but de permettre à mon ministère d'assurer les missions et les ambitions qui lui sont confiées, mais également de montrer a nos armées et à nos militaires la considération dont ils sont l'objet.

Je remercie celles et ceux d'entre vous qui leur ont rendu hommage et qui ont rendu hommage au ministère de la défense. J'ai été très sensible aux propos aimables qui ont pu être tenus en ce sens, particulièrement aux compliments de M. Peyrat

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