Intervention de Roger Besse

Réunion du 8 décembre 2005 à 15h00
Loi de finances pour 2006 — Politique des territoires

Photo de Roger BesseRoger Besse, rapporteur spécial :

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la mission « Politiques des territoires », mission interministérielle en six programmes, retrace principalement trois grandes politiques publiques : celle de l'urbanisme, celle du tourisme, et le coeur de l'aménagement du territoire.

De la sorte, cette petite mission, qui, avec 701, 8 millions d'euros demandés pour 2006, représente seulement 0, 21 % des crédits de paiement du budget général de l'État, constitue néanmoins un enjeu majeur pour l'économie de notre pays et pour nos concitoyens.

C'est désormais en « mode » LOLF que les crédits de ces politiques nous sont présentés. Je n'y reviendrai pas dans le détail : la LOLF, à cet égard, a grandement amélioré la lisibilité budgétaire. La commission des finances du Sénat s'en est d'ailleurs félicitée.

En revanche, je formulerai deux remarques sur les fonds de concours et les dépenses fiscales associés à ces crédits.

Première remarque : pour 2006, au titre de la mission « Politique des territoires », des fonds de concours non négligeables sont attendus - 33, 8 millions d'euros en crédits de paiement, soit l'équivalent de près de 5 % des crédits de la mission.

Or, si la commission se félicite de l'inscription de ces fonds de concours dans les « bleus » budgétaires, elle souhaite, pour l'avenir, que soit également précisée l'origine de ces fonds. La visibilité de la mission s'en trouverait encore renforcée. Actuellement, cette information n'est disponible qu'au travers des questionnaires budgétaires.

Seconde remarque : en 2006, plus de 2, 6 milliards d'euros de dépenses fiscales contribueront aux finalités de la mission « Politique des territoires », soit l'équivalent de presque quatre fois les crédits de paiement demandés au titre de la mission elle-même. Cette situation n'est pas sans poser un problème pour l'équilibre de la mission.

Quant à son organisation même, trois des six programmes qui la composent appellent de ma part des observations.

Tout d'abord, le programme « Stratégie en matière d'équipement », compte tenu de la complexité de son périmètre, pourrait être fondu avec profit, en 2007, dans le programme « Conduite et pilotage des politiques d'équipement » de la mission « Transports ».

Ensuite, le programme « Information géographique et cartographique » a fait l'objet d'un transfert de crédits décidé par l'Assemblée nationale, en vue d'éviter une position ambiguë au directeur général de l'Institut géographique national, l'IGN, qui, à l'origine, était responsable de ce programme en même temps que de son unique opérateur. La commission des finances a approuvé cette initiative, qui permettra au ministère chargé de l'équipement de retrouver la pleine maîtrise du programme.

Enfin, le programme « Interventions territoriales de l'État » présente une cohérence incertaine. Sans doute comporte-t-il des spécificités, puisque chacune de ses actions a été proposée par les préfets de région.

Toutefois, le rattachement de l'accueil des demandeurs d'asile en Rhône-Alpes à ce programme, pour 2006, est apparu discutable à la commission. Pourquoi inscrire cet accueil dans la mission « Politique des territoires », alors qu'il existe au sein de la mission « Solidarité et intégration » un programme qui paraît s'y prêter spécifiquement : le programme « Accueil des étrangers et intégration » ?

Au demeurant, la commission des finances s'est interrogée sur les critères qui avaient présidé à l'inscription dans ce programme de ses différentes actions. À l'avenir, ce point mériterait d'être clarifié.

Les instruments des grandes politiques que la mission « Politique des territoires » retrace, n'ont, quant à eux, pas changé, ou très peu. Ils sont nombreux et complexes. Je ne les détaillerai donc pas, vous renvoyant sur ce sujet à mon rapport écrit.

Toutefois, un dispositif nouveau mérite d'être mentionné : il s'agit des cinquante-cinq pôles de compétitivité, validés par le Comité interministériel d'aménagement et de compétitivité du territoire du 14 octobre dernier. À cet égard, la commission des finances salue l'impulsion qui a été donnée en la matière.

Cependant, malgré les paroles rassurantes de M. le ministre délégué à l'aménagement du territoire lors de son audition par la commission le 22 novembre dernier, je tiens à exprimer mon inquiétude sur l'effet de décalage aggravé, qui risque d'être introduit par ce nouveau dispositif, entre les territoires labellisés et ceux, économiquement fragiles, qui ne pourront pas l'être, en particulier en milieu rural.

La commission des finances attend beaucoup des pôles d'excellence ruraux qui ont été annoncés et qui suscitent d'ailleurs des espoirs. Le Gouvernement pourrait-il nous préciser leur contenu ?

La LOLF a introduit l'exigence de performance. Or aucun programme de la mission « Politique des territoires », à l'exception du programme « Information géographique et cartographique », ne donne entièrement satisfaction. En effet, les mesures de la performance associées à ces programmes s'avèrent pour le moins perfectibles. C'est en particulier le cas des objectifs et des indicateurs du programme « Interventions territoriales de l'État », qui peuvent être qualifiés de médiocres.

Bien souvent, tous programmes confondus, les objectifs aménagés relèvent davantage de la description du programme que d'une véritable stratégie de performance. Notre commission souhaite vivement que cette stratégie soit améliorée et affinée pour les prochains projets de loi de finances.

Sous réserve des observations que je viens de formuler, la commission des finances a décidé de vous recommander, mes chers collègues, l'adoption des crédits de la mission « Politique des territoires ».

Avant de clore mon propos, je souhaite l'assortir de quelques considérations personnelles de portée générale.

Par ses différents engagements en matière de grands projets d'urbanisme, de couverture du territoire en téléphonie mobile, d'aide aux territoires subissant des reconversions industrielles, par sa volonté de mettre un terme à la rupture entre la France urbaine et la France rurale, le Gouvernement prouve sa volonté de s'engager dans une politique d'aménagement du territoire ambitieuse, qui garantira à la fois l'attractivité et la solidarité des territoires.

Je salue ce nouvel élan, ce nouvel engagement, mais il est de mon devoir, en ma qualité de rapporteur spécial, d'appeler votre attention, messieurs les ministres, mes chers collègues, sur ce qui peut se cacher derrière les chiffres et les mots : je veux parler des hommes et des femmes !

D'un côté, il y a la France riche, opulente, parfois insolente, à l'image de ce maire d'une grande ville qui a déclaré voilà quelques mois : « De l'argent, nous en avons à gogo ! Ni surendettement ni augmentation d'impôts ne sont à prévoir pour les trois ans à venir. Grâce à une gestion saine, nous avons les moyens de nos ambitions ». Tant mieux s'il peut réaliser des investissements, créer des emplois, implanter des entreprises !

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