Monsieur le ministre délégué au tourisme, nous nous retrouvons quelques mois après une décision que je salue, celle d'avoir codifié les règles de votre secteur dans le code du tourisme, par une loi dont j'ai été, dans cette assemblée, le rapporteur.
Je ferai part d'une autre bonne nouvelle : il semble qu'à l'Assemblée nationale le débat sur les stations classées avance. Il est évident qu'au Sénat je continuerai le travail sur ce point qui le mérite vraiment.
S'agissant du budget qui nous occupe aujourd'hui, j'ai en revanche quelques raisons d'être plus critique.
Pour cette année, la LOLF ne nous facilite pas les comparaisons. Mais, dans l'avenir, cette Constitution financière qui amorce la réforme de l'État nous permettra, je l'espère, de mieux suivre les budgets et leur application.
Le choix a été fait de rattacher le tourisme à l'une des huit missions interministérielles que comporte, dans sa nouvelle présentation, le budget de l'État : la mission « Politique des territoires ». Ce choix peut, sans doute, se justifier.
En effet, l'aménagement du territoire est l'un des objectifs de la politique du tourisme et l'attractivité touristique influence de toute façon les choix d'installation et d'investissements des acteurs, aussi bien privés que publics. Mais ce choix d'affectation aurait mérité d'être discuté.
L'aménagement du territoire n'est qu'un des volets de la politique touristique. Le tourisme est d'abord un enjeu économique de tout premier plan ; je ne vous rappellerai pas les chiffres dans le temps qui m'est imparti, vous les connaissez. C'est également un enjeu social considérable.
Parmi les indicateurs qui structurent le programme « Tourisme », aucun n'évoque l'aménagement du territoire ! Bref, au moins en matière de tourisme, le titre « Politique des territoires » ne dégage pas une vision claire de la politique d'aménagement du territoire, comme l'a très bien souligné ma collègue Marie-Françoise Pérol-Dumont, lors du débat à l'Assemblée nationale.
C'est pourquoi je vous invite à réfléchir au rattachement du programme « Tourisme » à une mission plus en rapport avec les finalités de l'industrie touristique, qui sont fortement économiques. Cela est d'autant plus important que ce secteur est aujourd'hui en recul, notamment dans deux domaines économiques et sociaux non négligeables.
En premier lieu, je tiens à rappeler que le tourisme est une activité économique déterminante pour notre pays. La France est, depuis plusieurs années, le premier pays d'accueil dans le monde. Ce constat fait notre fierté, mais la réalité économique est plus contrastée. En effet, le nombre de nuitées et le chiffre d'affaires induit ne nous placent qu'au troisième rang. Les recettes du tourisme augmentent considérablement dans l'Union européenne quand celles de la France ne progressent pas au même rythme.
La fréquentation étrangère reste pour partie stable, mais le nombre des touristes européens est en diminution. La part du tourisme dans le PIB est en baisse, selon l'INSEE : entre 2000 et 2004, il est passé de 6, 8 % à 6, 4 %. Il faut donc agir, et agir vite, notamment sur la qualité et la durée des séjours.
Je regrette, dès lors, que l'action « Promotion de la France et de ses savoir-faire » voie son budget diminuer de un million d'euros cette année, alors que nos principaux concurrents consacrent beaucoup de moyens à la promotion de l'image de leur pays.
De plus, vous le savez bien, monsieur le ministre délégué, les événements récents dans nos banlieues ont entraîné un certain nombre de gouvernements et de médias étrangers à conseiller à leurs ressortissants ne pas voyager en France. Je sais que vous vous préoccupez de cette question et que vous allez lancer une nouvelle campagne pour promouvoir l'image de notre pays.
Je me réjouis également de l'ouverture de deux nouveaux bureaux de Maison de la France. C'est principalement le rôle de la puissance publique que de défricher de nouveaux marchés. Sur les marchés matures, le relais doit davantage être pris par les opérateurs qui en tirent bénéfice.
Je regrette qu'une demande, faite il y a longtemps par notre collègue Jean Arthuis, n'ait pas été prise en compte. Il avait indiqué une possible amélioration du premier indicateur de l'objectif l, en prenant en compte l'effet de levier induit par la subvention de l'État au GIE Maison de la France sur les financements apportés par le partenariat, qu'il soit de nature privée ou qu'il soit apporté par les collectivités territoriales.
En second lieu, je souhaite évoquer le problème de l'accès aux vacances, élément essentiel dans le contexte actuel où plus d'un tiers de nos concitoyens ne partent pas en vacances. Le taux de départ des Français régresse depuis le milieu des années 1990. Il avoisine aujourd'hui les 65 %, selon le rapport de notre collègue Roger Besse. Cette situation devrait vous faire réagir.
Sur ce point, nous avons toutes les raisons d'être inquiets.
Ainsi, à l'heure actuelle, la ligne pour la consolidation de l'hébergement social n'est pas dotée. Cela n'est pas acceptable. Vous le savez, monsieur le ministre, sans la participation de l'État, qui crée un effet de levier, les opérateurs risquent de reporter le coût des travaux de mise aux normes sur le prix de séjour, ce qui exclura davantage les familles les plus modestes.
Le deuxième outil important pour la politique d'accès aux vacances est la bourse solidarité vacances, créée par notre collègue Michelle Demessine et que vous avez consolidée. J'attacherai du prix à ce que cette bourse contribue davantage à l'égal accès aux vacances et aux loisirs des jeunes, compte tenu des évènements récents
Enfin, toujours sur la question de l'hébergement social, j'insisterai sur les chèques vacances. Ils sont pour l'instant très mal diffusés dans les PME. Il est important d'en ouvrir plus largement le bénéfice aux salariés des entreprises de moins de 50 salariés. Si l'émission des chèques doit toujours rester publique, et nous y veillerons, la distribution peut se faire par le biais de structures ayant une véritable expérience en la matière.
Je souhaite également attirer votre attention sur la situation de l'Agence nationale pour les chèques-vacances, l'ANCV. Monsieur le ministre délégué, ne serait-il pas possible de rattacher l'ANCV, pour mémoire, à ce programme « Tourisme » ? En effet, si cet organisme ne reçoit pas de fonds publics et n'a pas vocation à se substituer à l'État, il concourt, conformément à ses statuts, et notamment à travers ses excédents, à la politique du tourisme social.
Je souhaite conclure sur une considération un peu plus générale, parce que le tourisme recoupe, au fond, un grand nombre de domaines.
Les métiers du tourisme contribuent particulièrement à l'intégration sociale par l'emploi. Il nous faut donc valoriser ces métiers et développer les formations y préparant, à la fois des formations courtes, qui pourraient donner une perspective positive aux jeunes qui n'ont pas eu la chance de poursuivre leurs études dans l'enseignement supérieur, et une filière universitaire d'excellence.
J'ajoute, et vous le savez, que le tourisme favorise le brassage des cultures. C'est donc le secteur rêvé pour encourager la diversité à l'embauche.
J'espère, monsieur le ministre délégué, que vous contribuerez efficacement à la valorisation des métiers du tourisme auprès de tous les publics et, notamment, auprès de tous les jeunes qui subissent la spirale des discriminations et du chômage. Le secteur du tourisme dispose d'une palette d'emplois très large, qui peut favoriser l'égalisation des chances.
Bien sûr, certaines décisions sont positives, monsieur le ministre délégué, et je me félicite - vous en connaissez la raison - du fait que les délégations régionales au tourisme soient confortées dans leur existence même. Mais j'éprouve aussi quelques déceptions.
En effet, le budget du tourisme est en stagnation. Il ne marque pas une ambition, alors que ce secteur est essentiel pour la croissance et l'emploi dans notre pays. Activité de service en plein essor et en pleine diversification, non délocalisable, le tourisme constitue un secteur d'avenir. À mon sens, c'est donc une erreur de ne pas le soutenir davantage.
Par ailleurs, le Gouvernement refuse de participer à la consolidation des hébergements sociaux ; c'est une seconde erreur majeure. Le tourisme ne peut pas être qu'une source de revenus. L'égal accès aux vacances et aux loisirs doit être élargi à un nombre de plus en plus grand de nos concitoyens les plus défavorisés. Notre pacte républicain exige qu'il soit mis fin à cette inégalité supplémentaire.
Monsieur le ministre délégué au tourisme, je connais votre implication personnelle et je ne désespère pas de votre ténacité à obtenir des moyens supplémentaires en faveur du tourisme social. Comme nos collègues de l'Assemblée nationale, nous serons à vos côtés dans ce combat.