Intervention de Claude Biwer

Réunion du 8 décembre 2005 à 15h00
Loi de finances pour 2006 — Politique des territoires

Photo de Claude BiwerClaude Biwer :

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la récente crise des banlieues démontre aussi à quel point nous avons, durant des décennies, failli dans notre politique d'aménagement harmonieux du territoire.

La présence d'une mégalopole francilienne qui concentre, à la fois, une très grande, voire une trop grande, partie de la richesse nationale et, en même temps, des poches de pauvreté affligeantes ne lasse pas de nous préoccuper.

Fort heureusement, nous ne connaissons pas les mêmes problèmes dans nos milieux ruraux ; ces derniers sont néanmoins, hélas ! confrontés à d'autres difficultés bien réelles sur lesquelles je ne cesse d'insister depuis que je représente mon département au sein de la Haute Assemblée.

Tout d'abord, je voudrais féliciter le Gouvernement d'avoir mis en place des pôles de compétitivité qui vont permettre d'associer de manière plus efficace les entreprises ainsi que les centres de formation et de recherche et pour lesquels, très souvent - le grand Est n'y déroge pas -, plusieurs départements se sont associés.

Le Gouvernement va consacrer près de 1, 5 milliard d'euros en trois ans à ces pôles de compétitivité. Fort bien ! Mais je souhaiterais que le même effort soit consacré aux pôles d'excellence ruraux !

Le Premier ministre a en effet souhaité que la démarche des pôles de compétitivité soit étendue au domaine rural pour valoriser le patrimoine naturel, culturel et touristique.

En conséquence, a germé cette idée, au demeurant excellente et dont la véritable paternité vous revient, monsieur Estrosi, de créer des pôles d'excellence ruraux. Vous vous êtes en effet rendu compte que la répartition des pôles de compétitivité laissait sur la carte de France de très grands vides qu'il convenait impérativement de combler.

Nous mobiliserons nos collègues élus afin d'être en mesure de vous faire des propositions pertinentes en temps et en heure.

Mais comme je l'indiquais voilà peu, je ne souhaiterais pas que, s'agissant des moyens financiers qui seront consacrés respectivement aux pôles de compétitivité et aux pôles d'excellence ruraux, se produise le même déséquilibre qu'entre l'aide apportée aux centres urbains à travers la DSU - les événements récents démontrent que l'argent ne fait pas le bonheur - et la dotation de solidarité rurale qui, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire à votre collègue ministre de la cohésion sociale, est devenue le parent pauvre.

Une politique d'aménagement du territoire bien pensée passe également par une politique d'infrastructures de transports qui permettent d'irriguer tous les territoires.

Je n'insisterai guère dans la mesure où, dès demain, je solliciterai M. le ministre des transports sur le sujet. Je dirai simplement que, si la construction de lignes à grande vitesse est une bonne chose en termes de réduction des temps de transport, encore faut-il que ce nouveau service soit accessible au plus grand nombre !

Or, de ce point de vue, alors que le TGV Est n'est pas encore en service, les usagers commencent à se rendre compte que les horaires envisagés et la desserte des gares classiques se révéleront souvent problématiques. Cela n'est pas forcément cohérent...

Par ailleurs, nos territoires ruraux ne pourront jamais rivaliser avec les zones urbaines s'ils ne sont pas non plus correctement desservis en infrastructures de télécommunications.

Or, malgré les efforts qui ont été entrepris, malgré l'importance des crédits inscrits à votre budget au titre du développement territorial et de la solidarité, la fracture numérique est très loin d'être résorbée dans nos régions.

Cette fracture concerne bien évidemment la téléphonie mobile ainsi que l'Internet à haut et à très haut débit. Je ne cesse d'intervenir auprès des opérateurs afin qu'ils fassent droit aux doléances de nombreux maires de la Meuse, qui se plaignent d'un immense retard dans ce domaine.

Messieurs les ministres, sachez, par exemple, que le centre-bourg de ma commune n'est toujours pas relié à l'Internet à haut débit, si ce n'est grâce à une mesure exceptionnelle que j'ai prise et qui implique l'utilisation d'un satellite. Sur la zone industrielle de ma ville, le téléphone mobile ne fonctionne pas à l'intérieur des bâtiments !

Comment voulez-vous attirer, voire retenir des entreprises si vous n'êtes pas en mesure de leur offrir ces services, qui sont devenus indispensables à leur activité ? Comment voulez-vous développer le télétravail, lorsque les outils vous manquent ?

Mais il y a bien pis ! Certains élus, dans nos villages reculés, se plaignent même de la mauvaise qualité du téléphone filaire, ce qui est tout de même un comble en ce début de XXIe siècle.

Le milieu rural a un énorme besoin de services publics qui, dans mon esprit, ne se limitent pas seulement à la présence postale.

Je sais gré à M. le ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire d'avoir donné provisoirement un coût d'arrêt à la fermeture intempestive des services publics en décidant de suspendre les réorganisations jusqu'à la fin de la présente année, dans l'attente d'une très large concertation, et ce afin de pouvoir proposer des mesures visant à améliorer la qualité et l'accès aux services en milieu rural.

J'attends avec beaucoup d'intérêt vos propositions à ce sujet, messieurs les ministres. Vous le savez bien, lorsqu'il n'y a plus de gare, plus de perception, plus d'agence postale, plus de services divers, la population, inexorablement, se détourne des communes victimes de cette disparition, et tout cela contribue à la désertification.

Mais d'autres décisions peuvent être ravageuses. Ainsi vient-on de décider une diminution sensible du financement des heures d'aide à domicile, ce qui suscite, croyez-moi, de multiples protestations et de l'inquiétude.

Nous avons réalisé de gros efforts avec les associations concernées pour développer l'aide à domicile afin de maintenir chez elles les personnes âgées moyennement dépendantes et éviter leur hospitalisation ou leur admission en maison de retraite qui, vous le savez bien, coûterait autrement plus cher que des heures d'aide à domicile.

S'agissant des crédits européens de la politique régionale qui s'élevaient, jusqu'alors, à 2, 3 milliards d'euros, je vous serais reconnaissant de bien vouloir nous préciser quelles sont les perspectives de les voir pérennisés à compter de l'an prochain ; par ailleurs, pouvons-nous espérer que tous les départements de Lorraine soient traités dans l'équité, ce qui ne nous semble pas toujours être le cas.

En second lieu, je voudrais insister sur les difficultés auxquelles les élus se heurtent souvent, non seulement pour accéder à ces crédits, dans la mesure où tous les projets présentés par nos collègues ne sont pas toujours retenus, mais aussi, à supposer qu'ils le soient, pour obtenir leur règlement.

En effet, le mode de calcul de la participation au titre de ces fonds européens - je fais notamment référence à ceux des programmes Leader + - n'est pas toujours très judicieux et peut réserver de très mauvaises surprises. Les modalités d'application sont parfois étonnantes, voire décevantes : on a laissé croire aux élus qu'ils pouvaient prétendre à une certaine somme, avant que celle-ci ne diminue largement.

Il faut dire que le poids de l'administration, présente dans les débats au lieu et place des élus, perturbe quelquefois les meilleures intentions et paralyse les plus beaux projets. Je me permettrai, monsieur le ministre, de vous poser prochainement une question orale sur ce thème afin que vous puissiez m'apporter toutes les précisions utiles.

Enfin, je dirai quelques mots sur le tourisme. Comme vous le savez, le tourisme militaire représente une activité non négligeable dans notre département.

En 2006 sera célébré le quatre-vingt-dixième anniversaire de la terrible bataille de Verdun. Les communes concernées - et en premier lieu la ville de Verdun -, les associations patriotiques et le département se mobilisent d'ores et déjà dans cette perspective. Je souhaiterais qu'ils puissent compter sur un concours financier de l'État. À événement exceptionnel, moyens exceptionnels, si possible !

Le tourisme favorise une activité économique qui passe par des investissements en infrastructures, mais aussi par l'entretien du patrimoine, y compris le patrimoine culturel, dont les financements devraient tenir compte du fait qu'il s'agit d'une richesse nationale permettant un tourisme performant. Or il est souvent difficile de bâtir des projets ou des programmes sans être assuré de la pérennité de l'engagement financier.

Telles sont donc les réflexions dont je souhaitais vous faire part, messieurs les ministres, dans le cadre de l'examen des crédits de cette mission désormais interministérielle de la « Politique des territoires ».

En conclusion, je souhaiterais qu'à côté du nécessaire concept de compétitivité on n'oublie pas la notion de péréquation. Vous le savez bien, monsieur le ministre délégué à l'aménagement du territoire, vous qui êtes à la tête d'un département dont la façade méditerranéenne est très urbanisée, mais dont l'arrière-pays, au charme fou, compte des villages très dispersés et quelquefois difficilement accessibles en cas d'intempéries. Je suis persuadé que le conseil général de votre département fait jouer la solidarité et la péréquation afin de venir en aide aux communes qui en ont le plus besoin.

Il serait bon qu'il en soit également ainsi au niveau national, afin que les territoires ruraux puissent enfin bénéficier des mêmes services, des mêmes infrastructures et de la même technologie que l'ensemble des centres plus importants.

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