Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, dans le cadre de la mission « Politique des territoires », je m'en tiendrai au programme « Aménagement du territoire », programme qui est le plus largement doté, avec 275 millions d'euros en crédits de paiement et 382 millions d'euros en autorisations d'engagement Il représente à lui seul 40 % des crédits de la mission.
Je retiendrai en premier lieu le changement d'appellation du comité interministériel à l'aménagement et au développement du territoire, le CIADT, ainsi que le futur nom de la DATAR.
Ces changements ne sont pas neutres et nous font craindre que la compétitivité ne devienne le maître mot, au détriment de la solidarité. Vous faites ainsi rimer territoire et compétition.
En effet, dans un domaine aussi sensible, la péréquation financière et la notion d'égalité doivent être la règle et le principe de base, si l'on veut un développement harmonieux, juste et solidaire.
À travers certaines de vos interventions, monsieur le ministre délégué, j'ai cru comprendre que vous souhaitiez favoriser les acteurs les plus dynamiques et les plus volontaires, les collectivités les plus imaginatives.
Certes, il est important d'encourager volontarisme et dynamisme, mais il est encore plus important de permettre à ceux qui sont le plus en difficulté de s'en sortir. Tel me semble être le rôle de régulation de l'État.
Après cette introduction, je souhaite aborder trois dossiers, et tout d'abord la question des contrats de plan État-région.
On note - et c'est récurrent - un retard dans l'exécution de ces contrats. On constate également que les collectivités locales sont obligées d'augmenter leur part dans les programmes pour éviter la remise en cause de ceux-ci.
Le Gouvernement semble vouloir profiter de ce décalage pour finaliser la nouvelle génération de contrats calqués sur la durée des mandats. Mais on en ignore aujourd'hui et le périmètre et le contenu.
Ce sont les gels et les annulations de crédits qui sont en cause, pas seulement la complexité des procédures ou la multiplicité des partenaires.
Selon les domaines, les taux d'exécution varient. La « palme » du retard revient au volet « santé social », ce qui est vraiment regrettable. Des retards importants affectent également les volets routier et ferroviaire. Cette politique est dangereuse, car elle risque de favoriser les collectivités les plus riches et d'aggraver la fracture territoriale.
Peut-on parler de compétitivité sans donner à toutes les régions des moyens équivalents pour se battre, notamment dans le domaine des transports ? Cette question est d'autant plus d'actualité en raison de la crise de l'énergie. On ne peut dissocier territoire, transport, environnement et énergie : c'est bel et bien une politique de développement durable qu'il faut mettre en oeuvre.
Je pense tout particulièrement à une région excentrée comme la mienne, la Bretagne, pour laquelle le développement du TGV est essentiel. Il faut rappeler que Brest ou Quimper sont encore à quatre heures et quinze minutes de la capitale, l'objectif étant de limiter à trois heures le temps du parcours.
Tous les élus bretons, de quelque bord qu'ils soient, s'accordent sur ce constat et sur cette nécessité. Il est temps que le Gouvernement s'engage sur un calendrier précis concernant la TGV Ouest.
J'en viens - c'est le deuxième dossier - aux pôles de compétitivité, déjà longuement cités.
Le principe de ces pôles me paraît intéressant. Le succès de l'appel à projet est clair. Mais précisément, le nombre élevé de dossiers retenus laisse craindre un saupoudrage.
Il existe trois types de pôles : les pôles mondiaux, les pôles à vocation mondiale et les pôles nationaux. L'État ne risque-t-il pas de « hiérarchiser » ses moyens en fonction de l'importance des pôles ? Cela mérite d'être clarifié, car les partenaires se sont mobilisés et risquent d'être déçus. En outre, certains de ces pôles souffrent de carences en matière d'infrastructures routières et ferroviaires.
Enfin, j'aborderai un troisième dossier : celui des pôles d'excellence ruraux.
Lors d'une audition devant la commission des affaires économiques, M. le délégué à l'aménagement du territoire a évoqué ces pôles en les définissant ainsi : « Ils viseront à faire fructifier des partenariats locaux à l'échelle de pays ou d'intercommunalités autour de thématiques variées - patrimoine, tourisme, culture, énergies renouvelables, etc. », en précisant qu'ils seraient conçus à l'échelle d'intercommunalités afin de renforcer leur attractivité.
Depuis lors, le Premier ministre s'est exprimé devant le congrès de l'Association des maires de France et a annoncé que trois cents pôles d'excellence ruraux seront retenus, dans l'objectif de renforcer les synergies locales. Il a également évoqué les modalités financières.
Pouvez-vous nous confirmer et nous préciser ces dispositions, et répondre tout particulièrement aux interrogations suivantes : quels seront les critères de sélection ? Quelle procédure sera retenue ? Qui sera le porteur du projet ? Comment, et selon quel calendrier, les dossiers seront-ils sélectionnés ? Qui assurera la maîtrise d'ouvrage ?
La question du zonage mérite aussi des explications : il est question de bassins de vie ruraux structurés par des aires urbaines de 30 000 à 50 000 habitants. Ne peut-on imaginer d'y intégrer les petites villes qui jouent un rôle dans l'équilibre et le maillage du territoire ?
La directrice de la DATAR, lors des assises de l'Association des petites villes de France, l'APVF, en septembre dernier, s'exprimait ainsi : « Les petites villes sont les bases arrière de la compétitivité de tout le territoire national. »
Comment cela se traduira-t-il dans vos propositions ?
Par ailleurs, la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire du 25 juin 1999 avait jeté les bases d'un développement concerté des territoires. Vous vous appuyez sur l'intercommunalité, mais quel rôle entendez-vous faire jouer aux pays issus de cette loi ?
Je pense que la création de ces pôles suscite un réel intérêt, mais encore faut-il disposer d'explications claires à leur sujet.
Pour conclure, je rappellerai les craintes que j'ai soulignées dans mon intervention. Vous voulez encourager les territoires à être ambitieux. Mais les territoires ont tous des ambitions pour leur développement. Simplement, il leur faut les moyens de les réaliser.
Vous promouvez une politique qui rompt avec les solidarités territoriales et qui repose sur une prime au mérite. Nous ne pouvons l'accepter. C'est pourquoi le groupe socialiste votera contre vos propositions.