Intervention de Roland Ries

Réunion du 8 décembre 2005 à 15h00
Loi de finances pour 2006 — Politique des territoires

Photo de Roland RiesRoland Ries :

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, dans le cadre de la mission « Politique des territoires », je concentrerai à mon tour mon intervention sur le programme 162 intitulé « Interventions territoriales de l'État ». En effet, il s'agit, à mon sens, d'une parfaite illustration d'un dispositif apparemment séduisant, mais finalement bien mal utilisé.

Oui, le programme « Interventions territoriales de l'État » aurait pu être un outil au service d'une meilleure gouvernance, à l'échelle déconcentrée, des projets de nature interministérielle.

Composé, comme vous le savez, de huit actions dans le cadre du projet de loi de finances pour 2006, et doté de 134, 83 millions d'euros d'autorisations d'engagement et de 81, 17 millions d'euros de crédits de paiement, ce programme se caractérise par le rôle joué au niveau déconcentré par le préfet de région et par la fongibilité des crédits au sein d'une même action.

Ces deux caractéristiques vont, me semble-t-il, dans le bon sens, à la condition expresse que le renforcement des pouvoirs des préfets de région n'aboutisse pas, par ricochet, à une « reconcentration » masquée des pouvoirs au profit du ministère de l'intérieur.

En ce qui concerne le contenu du programme lui-même, je souhaiterais mettre l'accent sur plusieurs incertitudes et approximations.

Tout d'abord, convenons-en, la frontière entre les « grands projets interministériels » et les actions des « Interventions territoriales de l'État » n'est pas du tout évidente. Je prendrai pour exemple le « plan Loire grandeur nature-Centre », qui faisait, jusqu'en 2005, partie de ces grands projets et qui relèvera en 2006 du programme « Interventions territoriales de l'État ». Je note d'ailleurs que le fonds de concours spécifique à cette action manque singulièrement de précision.

Plus importante, l'intégration au sein du programme « Interventions territoriales de l'État » de l'action 8 « Accueil des demandeurs d'asile en Rhône-Alpes », dotée tout de même pour 2006 de 34 millions d'euros de crédits de paiement, est difficilement justifiable, comme l'ont déjà souligné les rapporteurs spéciaux, notre collègue Roger Besse et le député Louis Giscard d'Estaing.

Ces crédits, dont je ne discute pas au fond l'utilité, auraient dû à l'évidence être inscrits au sein de la mission « Solidarité et intégration » dans laquelle un programme spécifiquement dédié à l'accueil des étrangers existe.

En tout état de cause, mes chers collègues, on ne voit pas pourquoi cette action a été retenue pour la seule région Rhône-Alpes. Certes, ce problème y est important, mais il ne l'est pas beaucoup plus ni beaucoup moins que dans d'autres régions frontalières. La région Alsace, par exemple, en raison de sa situation géographique et de son histoire, se trouve confrontée à la même difficulté. Pourtant, elle ne peut pas faire appel, semble-t-il, à la même solidarité nationale pour le développement et l'amélioration de ses capacités d'accueil.

D'ailleurs, plus profondément, au-delà du renforcement des capacités d'accueil de telle ou telle région concernée par ce phénomène, c'est d'abord, me semble-t-il, la question de la répartition sur l'ensemble du territoire national des demandeurs d'asile qui doit être posée au niveau de l'État.

Enfin, l'action pour la région Rhône-Alpes a été sélectionnée, avec sept autres. Mais selon quels critères ? S'agissant de la méthode, le Gouvernement a pratiqué une mise en concurrence des territoires pour déterminer quelles régions allaient bénéficier de la manne - ou de l'espoir de manne, j'y reviendrai - représentée par ce programme budgétaire « Interventions territoriales de l'État ».

Je crois savoir que de nombreux projets ont été déposés par les préfets de région. Mais je ne sais rien des critères qui ont permis de retenir tel projet plutôt que tel autre. En toute hypothèse, l'influence de tel ou tel préfet de région au niveau de son administration centrale ne saurait évidemment tenir lieu de politique d'aménagement du territoire.

Je ne reviendrai pas sur les conclusions de notre rapporteur spécial Roger Besse concernant la mesure tout à fait insuffisante de la performance des actions du programme « Interventions territoriales de l'État ». L'évaluation ne me paraît pas avoir été prévue dans les conditions posées par la LOLF.

Bref, aujourd'hui, le Gouvernement a fait de ce programme un véritable bric-à-brac budgétaire, dont la future évaluation sera particulièrement difficile, sans cohérence d'ailleurs avec le reste de la politique qu'il mène.

Je crains fort que tout ce programme ne dépasse guère les effets d'annonce sans lendemain. Ce que vient de dire notre collègue Nicolas Alfonsi sur la Corse illustre tout à fait ce propos.

En conclusion, messieurs les ministres, je voudrais vous donner rendez-vous dans un an. Nous pourrons alors constater ensemble quels sont les beaux projets élaborés par les préfectures de région, dont vous aurez effectivement permis la réalisation en débloquant les crédits prévus. Malheureusement - le plan exceptionnel d'investissement pour la Corse en témoigne d'une manière éclatante -, après les effets d'annonce, la déception est souvent à la mesure des espérances que l'on a fait miroiter !

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