Intervention de Yves Krattinger

Réunion du 8 décembre 2005 à 15h00
Loi de finances pour 2006 — Politique des territoires

Photo de Yves KrattingerYves Krattinger :

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vais m'intéresser plus particulièrement au programme « Aménagement du territoire ». Ce dernier compte des priorités ambitieuses, ainsi qu'une légère hausse budgétaire par rapport à 2005.

Cet affichage doit cependant s'apprécier au regard des engagements antérieurs et du retard cumulé au niveau des politiques contractuelles d'aménagement.

À travers l'exemple des contrats de plan État-région, les CPER, et celui de la création des « pôles de compétitivité », on peut se demander quels sont les objectifs réels du Gouvernement en matière d'aménagement du territoire.

Il est intéressant de constater que, si le budget du FNADT est globalement en hausse, la partie « volet territorial » des contrats de plan État-région augmente peu. L'indispensable rattrapage aura-t-il lieu dans ces conditions ? La réponse est évidemment négative !

Notre sentiment est le suivant : le Gouvernement prend acte du retard accumulé dans l'exécution des CPER et laisse entendre que leur prolongation est d'ores et déjà acquise, sans que cela ait fait l'objet d'une décision officielle.

Au rythme actuel des délégations de crédits, les CPER présenteront à la fin de 2006 un retard considérable, conduisant à envisager leur prolongation non pas d'une année, ce qui serait compréhensible, mais de deux voire de trois années, ce qui nuit à la crédibilité même de la notion de contrat.

Le Gouvernement affiche ainsi sa très grande difficulté, ou son absence de volonté, à consolider ce dispositif, et son renoncement devant les enjeux de l'aménagement du territoire.

Sur la base de ces retards, vous contestez l'efficacité des CPER, oubliant que ce sont les gels et les annulations de crédits qui sont la cause principale des décalages accumulés, beaucoup plus que la complexité des procédures ou la multiplicité des partenaires.

Il n'est pas inutile de rappeler que les gels de crédits n'ont cessé d'augmenter : 13 % de la programmation en 2002, 19 % en 2003, 29, 3 % en 2004.

En ce qui concerne plus particulièrement le domaine des transports, seulement 50, 4 % des crédits avaient été délégués sur le volet routier à la fin de 2004. Monsieur le ministre, combien avaient réellement été consommés ?

Malheureusement, le bilan à la fin de 2005 ne sera pas moins déprimant.

Pour le volet ferroviaire, les montants délégués sont véritablement catastrophiques - respectivement de 33 % à la fin de 2004 et de 46 % à la fin de 2005 -, et ceux qui reflètent les sommes effectivement consommées sont dérisoires.

Ce bilan est le signe d'une très grande faiblesse de l'État dans la politique d'investissement. Pour l'avenir, il faut absolument écarter le risque qui consisterait à préférer une contractualisation à la carte où seules les collectivités riches, dotées de moyens humains et financiers importants, pourraient financer une part sans cesse croissante des investissements de l'État.

Nombre de collectivités locales sont aujourd'hui dans une situation bien moins confortable qu'à la fin des années quatre-vingt-dix, et sont dans l'incapacité totale de parer aux insuffisances de l'État.

L'an dernier, le rapport de la délégation à l'aménagement du territoire préconisait le maintien des CPER dans leur cadre actuel, avec cependant un resserrement des objectifs sur l'essentiel. Ce rapport concluait à la nécessité pour l'État d'assurer une plus grande stabilité aux CPER et de s'engager sur les contrats déjà signés.

Nous souhaitons vivement, messieurs les ministres, que l'Etat renoue le dialogue de la contractualisation avec les collectivités territoriales.

L'Etat ne doit pas céder à la tentation du laisser-faire, du laisser-aller, au risque d'amplifier les déceptions et les mécontentements.

Vous avez décidé que le comité interministériel d'aménagement et de compétitivité des territoires se substituerait désormais au comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire. Ce n'est pas neutre.

Il faut effectivement renforcer la compétitivité des territoires. Il s'agit de les tirer vers le haut et de permettre le développement de l'emploi.

La politique des territoires demande une volonté politique, une stratégie et des moyens, pour permettre à chaque bassin de développer un ou plusieurs projets attractifs et ambitieux.

Mais sans péréquation financière, sans solidarité entre les territoires riches et les territoires pauvres, sans déclinaison du principe d'égalité dans l'aménagement du territoire, il y a un risque important d'accentuer le sentiment d'enclavement vécu dans un grand nombre de territoires ruraux et urbains.

Le vote du 29 mai est également marqué par cette réalité.

Messieurs les ministres, vos intentions ne sont bien sûr pas méprisables.

Pour conforter une économie nationale qui vacille, vous voulez renforcer la compétitivité des territoires. C'est une ambition que chacun partage dans cette enceinte.

Qui n'a pas rêvé de voir chaque territoire engagé dans un vrai projet de développement économique, social et culturel ?

Mais les moyens que vous affectez à votre politique sont tellement loin des ambitions affichées ! Vos actes de ces dernières années affaiblissent la crédibilité de vos intentions. Comment vous croire quand on mesure la somme des annulations de crédits de ces dernières années ? Comment vous croire lorsque vous plaidez le renforcement des liens entre les acteurs publics et les acteurs privés, alors que, simultanément, vous affaiblissez le ressort historique de cette relation entre eux que constitue la taxe professionnelle ?

En pratique, vous en restez aux intentions, et nous ne trouvons, dans ce projet de budget, ni volonté, ni stratégie, ni suffisamment de moyens mis au service de la politique des territoires.

C'est pourquoi nous ne voterons pas les crédits correspondants.

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