Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le Sénat examine aujourd'hui, en deuxième lecture, après son vote du 16 mars 2006 et après le vote de l'Assemblée nationale intervenu, un peu tardivement à mon goût, le 12 octobre 2006, le projet de loi relatif à la fonction publique territoriale.
Il s'agit, vous le savez, d'un projet auquel le Gouvernement attache, comme vous-mêmes, une importance particulière, puisque, outre le fait qu'il concerne 1, 7 million d'agents de la fonction publique territoriale - ils sont sans doute un peu plus nombreux maintenant - et les 55 000 employeurs territoriaux, il engage des évolutions qui touchent toutes les fonctions publiques.
Il est très symbolique que les avancées commencent par la fonction publique territoriale. Je me réjouis notamment que certaines des évolutions consacrées par ce texte, en particulier le droit à la formation tout au long de la vie, soient reprises et étendues par le projet de loi relatif à la modernisation de la fonction publique, que Christian Jacob, ministre de la fonction publique, présentera dès demain ici même.
Je souhaite d'abord vous indiquer que les ambitions du Gouvernement concernant la fonction publique territoriale ne se limitent pas à ce seul projet de loi. Comme vous le savez, celui-ci s'accompagne d'un grand chantier réglementaire, actuellement en cours, puisque le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, ou CSFPT, présidé par Bernard Derosier, a commencé au mois d'avril l'examen d'une dizaine de projets de décrets ; au total, il en modifiera près d'une centaine.
Ce chantier réglementaire, complémentaire de celui des décrets d'application du présent projet de loi, porte, d'une part, sur l'importante question des seuils de création des emplois de grades - je ne reviens pas sur ce point, que j'ai développé lors de la première lecture - et, d'autre part, sur les quotas d'avancement de grades. À l'évidence, comme j'ai pu le constater lors de toutes les assemblées départementales de maires auxquelles j'ai participé, et tout récemment encore dans les Alpes-de-Haute-Provence, ce sujet est important.
Il faut donc revoir ce système pour fluidifier les déroulements de carrière, motiver davantage les agents compétents et donner aux employeurs territoriaux la compétence pleine et entière, dans le cadre d'un dialogue social rénové. Cela a été fait par voie d'amendement à l'Assemblée nationale ; j'y reviendrai tout à l'heure.
Le Gouvernement, dans le droit fil des conclusions du protocole d'accord signé en janvier 2006 par le ministre de la fonction publique avec trois organisations syndicales, entend également assouplir les quotas de promotion interne, ouvrant ainsi l'accès des fonctionnaires territoriaux aux cadres d'emplois supérieurs. En effet, les taux de promotion interne constatés sont beaucoup trop faibles dans la fonction publique territoriale. Là encore, il faut donc aller plus loin.
Le CSFPT a examiné les textes correspondants le 4 juillet dernier et un premier décret a été publié au Journal officiel du 29 novembre. Il a ramené les quotas de un recrutement pour quatre à cinq recrutements dans les cadres d'emploi à un pour trois et même un pour deux pour les cinq prochaines années. C'est un formidable coup d'accélérateur qui est ainsi donné à la promotion sociale des agents.
Enfin, la formation initiale des fonctionnaires territoriaux doit être réexaminée dans son ensemble, dans l'objectif, partagé par tous, de la réduction de la durée de la formation initiale au profit de la formation tout au long de la vie. C'est un chantier essentiel auquel tous les élus locaux sont particulièrement, et à juste raison, attentifs.
Il me paraissait utile de replacer ce projet de loi dans son contexte. C'est donc sur plusieurs fronts que le Gouvernement travaille pour rénover la fonction publique territoriale. Le présent projet de loi est l'une des pièces maîtresses de cette réforme.
Je rappelle que ce texte est largement consensuel. Il a été approuvé à 70 % des voix par le CSFPT. Le Sénat l'a voté avec une seule opposition, celle du groupe CRC, que j'ai d'ailleurs regrettée. J'avais pourtant pris le soin d'écouter les arguments avancés et certains des amendements déposés par le groupe CRC avaient été repris ; au total, 355 amendements ont été présentés et 101 ont été adoptés.
À l'Assemblée nationale, le climat a été sensiblement le même, puisque, là aussi, le projet de loi a été adopté sans autre opposition que celle du groupe communiste. Sur les sujets essentiels, l'Assemblée n'a pas souhaité modifier le texte que vous aviez adopté.
Au-delà du symbole que constitue l'égalité parfaite - car 101 amendements ont également été adoptés par l'Assemblée nationale, pour un texte qui comporte désormais 81 articles, dont 61 sont encore en discussion - je vois là la volonté des deux assemblées d'être en accord pour une promulgation rapide de la loi. J'ai aussi pu mesurer, lors des assemblées départementales des maires, que se manifeste maintenant clairement une demande pour que les choses aillent vite, voire très vite ; plusieurs d'entre vous peuvent en témoigner.
Permettez-moi de rappeler quelques données importantes : 20 articles ont été votés conformes, 12 articles nouveaux ont été adoptés par l'Assemblée, 10 articles ont été supprimés et 39 articles sont non conformes.
L'Assemblée nationale a très peu modifié les dispositions du chapitre consacré à la formation professionnelle.
En revanche, quelques modifications ont été apportées sur les compétences des instances de la fonction publique territoriale, mais après concertation entre les rapporteurs des deux commissions des lois.
L'Assemblée nationale a ainsi considéré que les dispositions confiant la gestion des agents de catégorie A + et des ingénieurs territoriaux à un centre de gestion à compétence nationale doté d'un conseil d'orientation n'allaient pas dans le sens de la clarification souhaitée à la fois par le Gouvernement et par le législateur.
Il a donc été décidé de maintenir la compétence du CNFPT pour les quelques milliers d'agents concernés, sans remettre en cause l'essentiel, qui est le transfert aux centres de gestion des 120 000 agents de catégorie A.
L'Assemblée nationale a aussi apporté des précisions à certaines compétences des centres de gestion, tant en ce qui concerne leur rôle en matière d'assurance risque statutaire des collectivités qu'en matière de création de services de médecine préventive.
La conclusion des discussions sur les institutions de la fonction publique territoriale a été la même à l'Assemblée nationale et au Sénat.
Certes, il convient de clarifier les compétences entre le CNFPT et les centres de gestion et de favoriser la coordination des centres de gestion, avant tout au niveau régional ou interrégional, mais sans alourdir les charges de fonctionnement, donc sans créer des structures coûteuses ou trop complexes à faire fonctionner.
J'ai donc constaté - Mme Gourault ne me contredira pas - qu'il y aurait probablement accord entre les deux assemblées sur la répartition des compétences et le fonctionnement des institutions. II est impératif que le débat soit terminé sur ce volet, sous peine de manquer de temps pour aboutir à l'adoption définitive du texte.
L'Assemblée nationale s'est aussi intéressée à la gestion des agents territoriaux.
Les principales modifications qu'elle a apportées dans ce domaine concernent, d'abord - il s'agissait d'une demande du Gouvernement -, la possibilité offerte aux employeurs de revoir, selon une certaine périodicité, la rémunération des agents sous contrat à durée indéterminée. Il sera également possible, sous certaines conditions, de maintenir le contrat à durée indéterminée en cas d'évolution fonctionnelle dans la collectivité ou de mise à disposition dans une autre collectivité. Nous ne voulons en aucun cas - je tiens à le préciser pour lever toute ambiguïté - instituer avec ces dispositions un « statut bis » pour les agents non titulaires. Il s'agit simplement de répondre à des questions concrètes.
Ensuite, un titre emploi collectivité, sur le modèle des chèques emploi-service, a été créé pour simplifier le recrutement des agents non titulaires dans les collectivités de moins de 1 000 habitants. Je crois savoir que votre commission n'est pas convaincue par ce dispositif.
La troisième modification porte sur la possibilité offerte aux collectivités locales de fixer leurs règles d'avancement de grade grâce à l'introduction des ratios promus/promouvables. Il s'agit là une avancée majeure qui reconnaît aux employeurs territoriaux la liberté et la responsabilité en leur permettant d'adapter aux réalités locales, notamment démographiques, les déroulements de carrière de leurs agents.
L'Assemblée nationale a par ailleurs souhaité supprimer la possibilité offerte à un EPCI non affilié à un centre de gestion de créer une commission administrative paritaire avec une ou plusieurs communes membres et affiliées à ce centre de gestion. L'objectif des députés était de ne pas amoindrir les possibilités de promotion des agents et de ne pas affaiblir la responsabilité des maires.
L'Assemblée nationale a également supprimé, avec le soutien du Gouvernement, l'article 21 bis qui prévoyait la prise en compte totale de l'ancienneté des agents de catégorie A de la filière administrative ayant bénéficié d'une intégration directe dans la fonction publique territoriale entre janvier 2001 et janvier 2006.
Enfin, la dernière modification importante apportée par les députés concerne la suppression de la majorité des deux tiers pour les avis des conseils de discipline, avec toutefois en contrepartie l'octroi de la présidence de ces conseils aux élus. C'est une question sur laquelle nous aurons sans doute l'occasion de revenir au cours du débat.
Ainsi amendé, le projet de loi a recueilli un large consensus. Dix des amendements adoptés proviennent du groupe socialiste et deux du groupe communiste. J'ajoute, pour être complet et précis, que le groupe socialiste a souligné...