Nous avons effectivement mis des garanties sur le droit d'option !
La fonction publique territoriale se retrouve donc confrontée à des problématiques que ce projet de loi ne prend absolument pas en compte.
La réforme du droit à la formation et le recentrage des missions du CNFPT et des centres de gestion ne correspondent pas à un objectif de modernisation de la fonction publique territoriale telle que nous l'entendons.
Le droit individuel à la formation, le DIF, transposé mécaniquement du secteur privé vers le secteur public réduit à 20 heures par an la durée de formation. Certes, ces heures sont cumulables sur six ans, mais elles sont plafonnées, quoi qu'il arrive, à 120 heures, et pourront être prises, pour tout ou partie, en dehors du temps de travail.
Cette dernière disposition remet en cause un principe établi depuis 1971 selon lequel la formation est effectuée pendant le temps de travail. Outre le fait qu'elle remet ainsi en question les 35 heures dans la fonction publique territoriale, elle implique que des fonctionnaires ne pourront plus en bénéficier, notamment les femmes qui seront dans l'incapacité de concilier vie professionnelle et vie familiale.
Par ailleurs, les nouvelles modalités du DIF ne prennent absolument pas en compte la réalité. Les préparations pour les concours internes de rédacteur et d'attaché durent entre 150 et 250 heures par an : nous sommes loin des 20 heures proposées par le Gouvernement. Ne pas extraire du DIF les préparations aux concours, tout comme l'activer hors du temps de travail rendent le système inopérant. L'ascenseur social des fonctionnaires, et notamment ceux de la catégorie C, sera bloqué.
Enfin, le fait que le droit à la formation soit soumis à l'accord de l'employeur territorial nous interpelle : s'agit-il encore d'un droit de l'agent, ou plutôt d'un droit de l'employeur ? Et le DIF n'est-il pas un droit personnel à la formation ? Le risque d'une décision arbitraire de la collectivité existe.
Sur le financement du DIF, le projet de loi prévoit que les frais de formation seront à la charge de l'autorité territoriale. D'une part, cette mesure déroge au principe de mutualisation que permet le financement de la formation par le CNFPT et, d'autre part, elle soumet un droit individuel dévolu à l'agent à la capacité de financement de sa collectivité.
Or vous n'êtes pas sans savoir, pour en être à l'origine, que nombre de collectivités sont exsangues. Cela revient à rendre inégale l'application d'un droit pourtant fondamental, dont l'application devrait être uniforme sur l'ensemble du territoire et non soumise à la richesse de la collectivité territoriale.
Non seulement le droit à la formation n'est plus garanti, mais le droit de mutation est également remis en cause. En effet, le texte prévoit qu'en cas de mutation dans les trois années qui suivent la titularisation de l'agent la collectivité locale ou, depuis la lecture à l'Assemblée nationale, l'établissement public d'accueil, devra verser à la collectivité ou à l'établissement public d'origine une indemnité ou rembourser la totalité du coût de la formation de l'agent.
Quelle collectivité pourra supporter cet effort financier supplémentaire et recruter un agent dans les trois années qui suivront sa titularisation ? Le droit de mutation de l'agent qui désire changer de collectivité, pour suivre son conjoint par exemple, est, avec cette disposition, bel et bien remis en cause.
L'avenir du CNFPT est tout autant menacé.
Tout d'abord, son financement est loin d'être assuré, puisque les centres de gestion doivent bénéficier d'une compensation financière pour les missions relevant jusqu'à présent du CNFPT. Pourtant, ce dernier aura en charge la mise en oeuvre de la reconnaissance de l'expérience professionnelle et de la validation des acquis de l'expérience.
Par ailleurs, les missions du CNFPT et des centres de gestion seront totalement cloisonnées, et la formation et la gestion des personnels seront déconnectées l'une de l'autre. Le lien est ainsi rompu entre la formation et l'emploi.
La formation vise le développement des compétences et la valorisation des parcours professionnels : comment peut-elle être pertinente sans vision sur l'évolution des emplois ? De même, comment envisager une gestion efficace des emplois sans prendre en compte la dimension formation ? Le CNFPT risque donc de n'être qu'un prestataire parmi d'autres sur le marché de la formation et de perdre son rôle d'interlocuteur privilégié des collectivités territoriales.
Enfin, l'organisation des concours, qui sera désormais régionalisée, remet en cause le principe de l'égalité des candidats devant l'emploi public. Certes, le Sénat a supprimé en première lecture, suppression confirmée par l'Assemblée nationale, la création du Centre national de coordination des centres de gestion, qui affaiblissait le rôle du CNFPT. Il n'en reste pas moins que les compétences et les moyens de financement du CNFPT se réduisent à une simple fonction résiduelle de formation.
Ce projet de loi risque d'accélérer les inégalités entre les agents territoriaux, et cela ne sera pas sans conséquences sur les missions de service public assurées par les collectivités. La lecture à l'Assemblée nationale, loin de modifier les points que nous jugions contestables a, selon nous, aggravé le texte sur quelques points, notamment lorsqu'il prévoit que les commissions administratives paritaires seront présidées par l'autorité territoriale ou son représentant, y compris lorsqu'elles siègent en conseil de discipline.
Aujourd'hui, les commissions administratives paritaires siégeant en conseil de discipline sont présidées par un magistrat de l'ordre administratif. Prévoir que, demain, l'autorité territoriale présidera les CAP siégeant en conseil de discipline remet en cause l'impartialité de l'autorité de « jugement ». L'autorité territoriale sera à la fois juge et partie, ce qui est quelque peu inacceptable. Nous avons toutefois déposé un amendement qui sera sans doute voté par cette noble assemblée.