Nous restons néanmoins inquiets s'agissant du financement du droit à la formation, sur lequel la première lecture ne nous avait fourni aucun éclaircissement. La promesse d'une réforme « à coût constant » nous laisse perplexes quant à la concrétisation de ce droit. Nous ferons le point dans deux ou trois ans !
En ce qui concerne le volet institutionnel, l'Assemblée nationale a proposé un nouveau dispositif en confiant la gestion des fonctionnaires À + au CNFPT, solution qui nous convenait. Là encore, le manque de moyens financiers reste une crainte légitime puisque le projet de loi reste muet sur les modalités de transfert. Il ne faudrait pas que les moyens mutualisés affectés à la formation soient rognés au profit de missions de gestion, dont le financement n'a pas été prévu par ce texte.
Pour ce qui est de la gestion des ressources humaines, plusieurs points retiennent notre attention.
À l'article 22 bis, nous considérons plutôt comme un progrès que les collectivités territoriales aient compétence à déterminer le taux d'avancement de grade selon un système de ratios promus/promouvables, qui nous semble préférable à l'actuel système de quotas. Cette mesure était attendue des élus comme des syndicats.
Toutefois cette avancée importante est laissée, pour chaque collectivité, à la discrétion de son assemblée délibérante après avis du CTP. Bien que conforme au principe constitutionnel de libre administration des collectivités locales, cette possibilité ne devrait pas être offerte sans limite, afin d'éviter que cela ne renforce les disparités de gestion des fonctionnaires territoriaux et ne porte atteinte à l'égalité du régime indemnitaire. En effet, si le ratio peut aller de 0 % à 100 %, cela risque de pénaliser les collectivités les plus pauvres, qui n'auront pas les moyens d'assurer à leurs agents un niveau de promotion élevé. Là encore, il faudra faire le point dans deux ou trois ans.
D'autres mesures n'emportent pas notre adhésion, et nous rejoignons les doutes de la commission sur deux points particuliers : le titre emploi collectivité et les dispositions concernant les CDI de droit public.
Si le concept du titre emploi collectivité figurant à l'article 29 ter peut sembler a priori séduisant, il conviendrait que cette mesure soit strictement encadrée afin que l'on n'aboutisse pas à une sorte de corps de « titulaires remplaçants ». Il serait sans nul doute préférable de rechercher une solution plus conforme à l'esprit statutaire pour faciliter l'emploi occasionnel d'agents non titulaires, en cas de remplacement ou de besoins saisonniers, dans les communes de moins de 1 000 habitants. C'est pourquoi nous approuvons l'amendement de la commission des lois qui vise à supprimer cet article.
Les contrats à durée indéterminée de droit public constituent, eux, une atteinte tout à fait manifeste au statut. Ils ont été mis en place par la loi du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique. Il s'agissait d'un choix idéologique, nullement imposé par la directive, qui engageait, elle, à lutter contre les recours abusifs aux contrats à durée déterminée. Véritable contradiction dans son nom même, le CDI de droit public contourne le fondement de notre fonction publique que constitue le concours. Le choix a été fait du contrat contre le statut.
Ainsi s'érigerait une fonction publique bis qui, avec les nouveaux articles 18 AA et 18 AB, se verrait conférer un quasi-statut. L'exécutif territorial pourrait, après création d'un nouvel emploi, recruter un agent non titulaire, déjà en poste et en CDI, en lui maintenant le bénéfice de son contrat à durée indéterminée si les nouvelles fonctions définies dans son contrat sont de même nature que celles qu'il exerçait précédemment.
Si nous pouvons comprendre l'objectif poursuivi, cette disposition aura des conséquences négatives sur le recours aux contractuels, ce qui, une fois de plus, est en totale contradiction avec la lettre comme avec l'esprit de la directive européenne.
L'article 18 AB applique aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale qui bénéficient d'un CDI certaines dispositions du protocole d'accord signé le 25 janvier 2006 pour les agents contractuels de la fonction publique de l'État. Les détenteurs d'un CDI de droit public se verraient ainsi reconnaître une évolution salariale et la possibilité d'être mis à disposition. Ces mesures semblent évidemment souhaitables pour les agents eux-mêmes, mais elles enfoncent un coin supplémentaire dans le statut.
De plus, il paraît pour le moins illogique de mettre à disposition des agents contractuels censés avoir été recrutés pour occuper un emploi précis non pourvu par un titulaire. C'est pourquoi nous approuvons l'amendement proposé par la commission, qui vise à limiter les possibilités de mise à disposition aux fonctions de même nature et dans un périmètre restreint, dans les collectivités territoriales ou établissements publics ayant un lien étroit avec la collectivité employeur.
En revanche, nous nous félicitons de ce qui constitue l'apport le plus intéressant de cette nouvelle lecture : vous faites un premier pas vers la reconnaissance du droit à l'action sociale, droit sur lequel nous avions attiré votre attention au cours de la première lecture.
En effet, si la plupart des collectivités territoriales mènent une action sociale via les COS, le CNAS, ou le FNASS, on estime cependant à 300 000 le nombre d'agents territoriaux qui ne bénéficient d'aucune action sociale.
Comme le démontre le rapport sur l'action sociale dans la fonction publique territoriale adopté par le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, le CSFPT, le 25 octobre dernier, l'action sociale constitue un enjeu majeur. C'est « un enjeu social et humain d'égalité entre les agents », « un enjeu institutionnel d'égalité entre les fonctions publiques » et « un enjeu global d'attractivité de la fonction publique territoriale ».
Or les disparités sont très fortes, la fonction publique territoriale étant la moins pourvue en avantages sociaux alors même qu'elle est celle qui compte le plus d'agents de catégorie C - 78 % - et que cette proportion va s'accentuer avec les transferts de personnels de l'État vers les collectivités territoriales.
Les amendements gouvernementaux prévoient de faire de l'action sociale une dépense obligatoire, tout en laissant les collectivités territoriales libres d'en décider, et, en cas de choix favorable, d'en fixer les modalités et le taux. C'est une avancée, même si elle reste mesurée, puisque les collectivités « pourront », le cas échéant, et non « devront » mettre en oeuvre une action sociale. C'est pourquoi nous avons déposé un amendement qui vise à généraliser le droit à l'action sociale et à en assurer le financement par une contribution des employeurs locaux, dont le taux et l'assiette seraient fixés par décret.
Telles sont les remarques que nous souhaitions formuler sur ce texte. Notre vote dépendra du sort qui sera réservé à nos amendements.