Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Administration générale et territoriale de l'État » comprend trois programmes : « Administration territoriale », « Vie politique, cultuelle et associative » et « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur ». Les crédits de paiement de cette mission s'élèvent à 2, 2 milliards d'euros.
Mon propos portera principalement sur le programme « Administration territoriale ». Celui-ci précise les moyens alloués à l'ensemble des préfectures - préfectures de région, de département et de zone - et des sous-préfectures. Ces moyens correspondent à 72 % des crédits de paiement de la mission et s'élèvent à 1 586, 6 millions d'euros, soit une baisse de 2 %. Cette diminution est essentiellement due à une réduction des dépenses de personnel.
Par rapport à 2005, le nombre d'emplois est en baisse de 186 équivalents temps plein travaillé, ou ETPT. Cette baisse s'inscrit dans la politique globale de réduction des effectifs du Gouvernement et traduit le recentrage de l'État sur ses missions régaliennes. Celui-ci n'assure donc plus toutes les missions qui étaient encore les siennes voilà trois ans.
Ce recentrage est l'une des conséquences de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales et des transferts de compétences aux collectivités locales que celle-ci a entraînés. Bien évidemment, ce phénomène se traduit, à l'échelon local, par une déconcentration accrue.
Le préfet, « représentant de l'État, représentant de chacun des membres du Gouvernement », a des responsabilités considérables : il « a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois ». C'est l'inverse de la décentralisation !
L'État transfère ses compétences aux collectivités territoriales sans toutefois les compenser financièrement - cela est de plus en plus criant -, se défaussant ainsi de ses responsabilités en matière de services publics. En revanche, le rôle dévolu au préfet permet à l'État de resserrer son action et d'accroître sa présence. En effet, le préfet devient le garant de la politique mise en oeuvre, en veillant aux objectifs de performance assignés au programme. Son rôle est donc essentiel pour la réussite de la LOLF.
Ainsi, compte tenu de l'application à la fois de la LOLF et de la loi relative aux libertés et responsabilités locales de 2004, les transferts de charges de travail des préfectures vers d'autres services administratifs sont considérables. En outre, ces transferts sont mal évalués financièrement.
Je prendrai l'exemple du transfert des procédures d'ordonnancement des dépenses de fonctionnement des préfets vers les juridictions. L'une des conséquences de la LOLF est que les premiers présidents et les procureurs généraux des cours d'appel deviennent les ordonnateurs secondaires conjoints du programme « Justice judiciaire » de la mission « Justice ». Toutefois, ce transfert de charges n'est pas accompagné des transferts d'emplois - ceux-ci sont estimés à environ 300 équivalents temps plein travaillé - nécessaires à sa mise en oeuvre.
Dans ces conditions, est-il vraiment surprenant que la majorité des élus locaux - je pense plus particulièrement à ceux de la majorité - se plaignent aujourd'hui de la mise en oeuvre de lois qu'ils ont pourtant votées sans hésitation, en 2001 s'agissant de la LOLF et en 2004 s'agissant de la loi relative aux libertés et responsabilités locales ? Tous se rendent bien compte aujourd'hui que les compétences transférées ne seront pas intégralement compensées financièrement, contrairement à ce que leur avait pourtant promis le Gouvernement.
Le Gouvernement refuse obstinément de régler ce problème sur le fond. L'État se trouve dans un processus avancé de désengagement de ses compétences et tente de trouver des artifices pour pallier les dérives à venir, comme en témoigne la volonté du Gouvernement d'accroître la mobilité du personnel afin de compenser les baisses d'effectifs.
Ainsi, le ministre de l'intérieur avait proposé au mois de novembre dernier de donner aux fonctionnaires n'étant pas employés à temps plein la possibilité d'exercer des missions du ressort d'une autre administration, notamment en zone rurale.
Cette proposition s'inscrit parfaitement dans la logique de rentabilité, de performance et de réduction des coûts induite par la LOLF. Elle est toutefois difficilement applicable dans le cadre de cette mission.
En ce qui concerne les objectifs de performance, l'amélioration du service rendu voulue passe par une dématérialisation accrue des actes administratifs et, de manière plus générale, par une informatisation croissante des relations entre les divers services publics et administrations et les usagers. C'est oublier que peu de foyers français disposent d'une installation informatique et qu'Internet est insuffisamment accessible sur l'ensemble du territoire.
Dans ces conditions, nous ne pouvons qu'émettre des réserves sur l'accroissement du nombre de téléprocédures, dont le coût est supporté par les usagers.
Par ailleurs, je souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur l'avenir des sous-préfectures. La disparition de ces administrations de proximité aurait bien évidemment des conséquences nocives pour les usagers et pour la cohérence territoriale.
Pour conclure, je soulignerai une contradiction résultant de la mise en oeuvre de la LOLF, contradiction qu'a également relevée M. le rapporteur spécial. Elle porte sur les effectifs. En effet, la mise en oeuvre de la LOLF dans l'administration générale et territoriale de l'État révèle la nécessité de créations d'emplois pour certaines mesures d'application. En outre, dans l'intérêt du service public, il est extrêmement important d'offrir aux usagers le meilleur service, par exemple en réduisant les délais d'attente lors de la remise des titres et en veillant à la qualité de l'accueil. Cela implique une humanisation des services, et donc des emplois. Pourtant, le Gouvernement s'évertue à diminuer les effectifs, la masse salariale étant présentée comme la bête noire des dépenses publiques !
Finalement, la mission « Administration générale et territoriale de l'État » est un révélateur des effets pervers de la loi organique relative aux lois de finances, loi qui, par ailleurs, rend l'action des parlementaires impossible quand il s'agit de corriger certaines incohérences.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous voterons contre les crédits de cette mission.