... et, de l'autre, les petites communes rurales qui perçoivent beaucoup moins et doivent se contenter de quelques euros par habitant.
À cet égard, le gouffre ne cesse de se creuser. Il nous a été indiqué tout à l'heure que la DSU comme la DSR augmentaient de 15 %. Cette progression est importante, je ne le conteste pas, mais elle ne se traduit pas pour autant par une amélioration de la péréquation.
Que dire également de la solidarité à égard des différentes communes : vous avez sciemment privilégié la dotation de solidarité urbaine en l'augmentant de 120 millions d'euros, en estimant que les villes abritant des quartiers difficiles devraient bénéficier plus que d'autres de la solidarité nationale.
Cela part évidemment d'un bon sentiment, mais, à la lumière des récents événements, on peut se demander si le fait de consacrer encore plus d'argent à ces quartiers constitue véritablement la solution pour apaiser le profond malaise qui y règne !
A quoi bon habiter dans des immeubles rénovés ou reconstruits si les habitants ne trouvent pas d'emploi, si les enfants sont en situation d'échec scolaire, ou encore si les diplômés n'arrivent pas à percer sur le marché du travail ? Cette situation relève non pas d'une question d'argent, mais bien d'un changement des mentalités.
Les fonds considérables consacrés à la DSU ont tout naturellement été prélevés sur la masse globale de la DGF, et retirés du même coup aux autres communes, notamment aux communes rurales.
À cet égard, les chiffres parlent d'eux-mêmes : en 2006, sous réserve des décisions qui seront prises par le comité des finances locales, la DSU passerait de 759, 6 millions d'euros à 880 millions d'euros, à partager entre quelques dizaines de villes. Or, dans le meilleur des cas, la DSR passerait de 505 millions d'euros à 575 millions d'euros, en augmentation de 15 %, comme je l'évoquais précédemment, mais sur une masse financière bien inférieure, que se partagent plusieurs dizaines de milliers de communes.
Comment peut-on, dans ces conditions, parler de péréquation et d'équité ? Ce fut déjà l'objet du débat de 2004, au cours duquel il nous fut répondu que la péréquation allait s'intensifier. Or ce n'est malheureusement pas le cas.
L'apaisement des relations financières entre l'État et les collectivités territoriales a également été perturbé par l'annonce de trois mesures très importantes : la réforme de la taxe professionnelle, celle de la taxe foncière sur les propriétés non bâties et l'instauration du « bouclier fiscal » dans le cadre de la réforme de l'impôt sur le revenu.
J'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer sur la réforme de la taxe professionnelle lors de la discussion d'une récente question orale sans débat.
Alors que l'on nous annonçait une grande réforme de cette taxe - que le rapporteur général de notre commission des finances, au demeurant, estimait naguère « infaisable » - voilà que l'on se contente d'instaurer un plafonnement qui s'appliquera à toutes les entreprises, quel que soit leur chiffre d'affaires, à hauteur de 3, 5 % de la valeur ajoutée. Cela pose un problème de fond ! En effet, à toute augmentation future du taux de la taxe professionnelle s'appliquant à des entreprises plafonnées situées sur le territoire d'une commune correspondra un nouveau prélèvement pratiqué par l'État sur les ressources de celle-ci.
Le ministre délégué au budget a spécifié plus clairement devant le Sénat que les augmentations et les taux intervenant dans la situation que je viens de décrire « ne rapporteront plus rien » aux collectivités territoriales. Le non-dit, c'est que ces augmentations de taux ne coûteront, en réalité, plus rien au budget de l'État !
Cela signifie, à l'extrême limite, que les collectivités ayant sur leur territoire une majorité d'entreprises plafonnées n'auront plus aucune marge de manoeuvre.
Qu'adviendra-t-il, par ailleurs, des communautés de communes ayant opté pour la taxe professionnelle unique si celle-ci s'applique également à des entreprises plafonnées ? Elles n'auront plus d'autre ressource que d'instaurer des impôts sur les ménages, ce qui n'était tout de même pas le but recherché par le législateur.
Cette mesure pose un problème de principe : une fois de plus, l'autonomie fiscale des collectivités est écornée.
S'agissant de la taxe foncière sur les propriétés non bâties payée par les agriculteurs, vous appliquez un allégement de 20 %, correspondant au taux fixé par le code rural pour la part de taxe que le preneur doit payer au propriétaire, à défaut d'un accord amiable différent. Ainsi, cet allégement profiterait intégralement à l'exploitant, qu'il soit propriétaire ou locataire.
Il donnera lieu à une compensation versée par l'État aux communes et aux EPCI à fiscalité propre, pour un montant estimé à 140 millions d'euros en 2006.
Compte tenu de ma qualité d'ancien exploitant agricole, je ne peux qu'être sensible à cette mesure, qui permettra d'alléger quelque peu le poids de cette taxe pour les agriculteurs ; mais, en tant qu'élu local, jusqu'à la discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances, je demeurais partagé. En effet, la taxe foncière sur les propriétés non bâties constitue une ressource importante pour les communes rurales.
Certes, le dispositif que l'on nous propose d'adopter comporte une compensation financière de 140 millions d'euros, mais le passé nous a appris à nous méfier des compensations, qui n'ont jamais de valeur historique permettant leur indexation.
Certaines d'entre elles ont été rognées au fil des ans - je pense à la dotation de compensation de la taxe professionnelle -, d'autres n'ont jamais évolué, d'autres encore ont été calculées de manière telle qu'elles ne correspondaient pas toujours aux charges effectives résultant du transfert de compétences correspondant : l'APA en constitue le meilleur exemple, sans parler du RMI !
Toutefois, sur notre insistance, concernant la taxe foncière sur les propriétés non bâties, le Sénat a finalement obtenu du Gouvernement que cette compensation soit indexée sur l'évolution de la DGF à compter de 2007, ce qui constitue un motif d'apaisement réel.
Enfin, il est prévu dans le projet de loi de finances la mise en oeuvre d'un « bouclier fiscal » visant à plafonner les impôts nationaux et locaux à 60 % du revenu des contribuables, mesure qui devrait profiter à environ 93 000 contribuables et dont le coût serait partagé entre l'État et les collectivités territoriales.
Je ne comprends toujours pas pourquoi on a cru devoir mélanger des impôts d'État et des impôts locaux dans ce bouclier fiscal ! Pour parler clair, l'une des principales raisons de l'évasion fiscale est le caractère parfois confiscatoire du cumul de l'impôt sur le revenu et de l'ISF, mais certainement pas le poids de la taxe foncière et de la taxe d'habitation qui, rappelons-le, est ridiculement faible, ... notamment à Paris, sans doute en raison de l'énorme DGF que la capitale reçoit ou de ses abondantes recettes de taxe professionnelle actuellement.
Cette mesure ne doit en aucun cas être mise à la charge des collectivités territoriales !
Dans un récent éditorial, le président de l'Association des maires de France, notre collègue député Jacques Pélissard, a rappelé à juste titre qu'il ne pouvait y avoir de relations fructueuses entre les maires et l'État sans confiance, surtout lorsque l'État est conduit à s'appuyer de plus en plus sur les communes pour assurer la mise en oeuvre des politiques publiques.
Il a reconnu que les finances et la fiscalité locales constituaient des domaines dans lesquels un véritable dialogue restait à nourrir, en rappelant que les interrogations des maires étaient nombreuses à ce sujet et appelaient des réponses rapides, sauf à susciter de profondes incompréhensions.
Je souhaite, pour ma part, que nos débats contribuent à clarifier les intentions du Gouvernement dans ces domaines. Cela me semble d'ailleurs en bonne voie, puisque, sur l'insistance de notre commission des finances et de son président, le ministre délégué au budget a donné son accord à une remise à plat du mode de financement des collectivités territoriales, ce dont je ne peux que me réjouir.
Si tel doit être le cas, il faudra que celui-ci soit, à l'avenir, plus juste et plus équitable. Il conviendra notamment impérativement que les principes constitutionnels de l'autonomie fiscale des collectivités territoriales et de la péréquation - j'y insiste beaucoup - soient effectivement respectés.