Nous traitons donc de l'accessoire et non de l'essentiel !
L'essentiel, c'est d'abord la DGF : 38, 2 milliards d'euros et 60, 3 % des concours.
Toutes les envolées sur les beautés du contrat de croissance et de solidarité, sur l'amélioration de la péréquation entre collectivités - au prix cette année d'un détournement de la régulation de la DGF de 2004 -, tous les micro-perfectionnements ne sauraient nous faire oublier le caractère profondément injuste de l'architecture de cette dotation, particulièrement envers les petites communes.
Le système des strates démographiques, fossilisé lors de la création de la dotation forfaitaire devenue la dotation la plus importante pour le plus grand nombre de nos collectivités, pénalise en effet fortement les communes rurales.
En 2004, un urbain valait 2, 5 ruraux. L'année dernière - et j'avais salué cette avancée à cette même tribune - l'écart avait été ramené à 2, 2. Mais, sauf erreur de ma part, cet effort de justice ne sera pas poursuivi en 2006.
C'est d'autant moins normal que les charges des communes rurales sont de plus en plus semblables à celles des communes urbaines. En effet, sous l'effet de la pression foncière, de la hausse des loyers et de la difficulté à faire garder les enfants, de plus en plus de personnes, dont certaines sont en grande difficulté, désertent les villes et les agglomérations. Les communes rurales accueillent donc cette population, dont les aspirations - sinon les exigences - demeurent urbaines.
Les communes rurales d'aujourd'hui n'ont plus grand-chose à voir, du moins pour la moitié d'entre elles, avec les communes rurales d'autrefois. Pourtant, financièrement parlant - encore une fois, à quelques microaméliorations de la DGF ou à quelques créations de dispositifs palliatifs supplémentaires près -, rien ne change.
Le choix d'une évolution identique de la DSU et de la DSR, à hauteur de 15, 8 % en 2006, est incontestablement positif. On est cependant loin du compte sur l'essentiel.
L'essentiel, je l'ai dit, c'est l'architecture cachée de la DGF. C'est aussi la réduction comme peau de chagrin des bases fiscales sur lesquelles les communes pourront asseoir leur développement futur.
Avec la neutralisation de parts de plus en plus considérables des bases de la taxe professionnelle, la réforme de 2006 vient s'ajouter aux précédentes. Il est à noter qu'elle affecte davantage les départements ruraux et montagnards que les autres : 28, 5 % des bases seront plafonnées dans les Hauts-de-Seine contre 71 % dans les Alpes-de-Haute-Provence, 33, 4 % dans le Val-d'Oise contre 76 % dans l'Ariège, 32 % dans l'Essonne contre 80 % dans la Manche et 66, 8 % dans l'Aveyron. Et je pourrais continuer encore longtemps ma litanie !
La réforme se traduit également par la neutralisation de 20 % des bases du foncier non bâti, ressource non négligeable pour l'ensemble des communes rurales, et même ressource essentielle pour les plus petites communes, puisqu'elle représente 21 % de la fiscalité directe des 21 000 communes de moins de 500 habitants. Entre parenthèses, ce foncier non bâti est d'ailleurs payé à hauteur d'un tiers par les agriculteurs.
Elle se traduit enfin, avec le « bouclier fiscal », dernière trouvaille de ce Gouvernement pour lutter contre la fracture sociale, par la neutralisation des bases de taxe d'habitation et de foncier bâti des immeubles, qui rapportent le plus aux collectivités.
Ma deuxième remarque portera sur ce qui est présenté comme une mesure particulièrement favorable au monde rural, à savoir l'enveloppe de 20 millions d'euros destinée à financer le service public en milieu rural.
Cette disposition semble répondre comme en écho à une préconisation du rapport que vient de remettre au Premier ministre la Conférence nationale des services publics en milieu rural : « L'État, au nom de l'intérêt général, de l'aménagement du territoire et de la péréquation entre les territoires, accompagne cette politique d'amélioration et de développement par des moyens financiers spécifiques. Cela se traduit par la mise à disposition d'une dotation identifiée, lisible et pérenne, destinée à financer tant les charges d'investissement que de fonctionnement des projets retenus. »
Si l'emballage est de qualité, chacun sait qu'il ne s'agit en aucun cas d'un effort supplémentaire de l'État envers les communes rurales, mais seulement du « fléchage » - selon le vocabulaire établi - d'une fraction de la dotation de développement rural.
Au final, il appartient toujours aux ruraux, et parfois aux opérateurs de service public, comme c'est le cas pour La Poste, de puiser sur leurs maigres ressources s'ils persistent à vouloir assurer le maintien de leurs prestations.
Certes, ces crédits n'étaient pas consommés, mais à qui en imputer la faute, sinon à la complexité de la dotation de développement rural ?
Multiplier les contraintes est d'ailleurs devenu une méthode classique pour faire des économies : du fait que les crédits ne sont pas consommés, on tire comme conclusion qu'ils sont inutiles et non pas qu'il faudrait simplifier leurs règles d'attribution ! Ainsi en a-t-il été récemment avec le FNDAE, dont nous sommes loin d'avoir mesuré toutes les conséquences de la suppression.
L'État, contrairement aux déclarations répétitives, n'entend toujours pas déployer une véritable politique de maintien et de développement du service public en zone rurale.
Si tel était le cas, il s'y prendrait autrement, par exemple en abondant le Fonds postal national de péréquation territoriale, car La Poste est un service public essentiel pour le monde rural et une préoccupation première de ses élus. Or, sauf erreur de ma part, le projet de loi de finances pour 2006 ne prévoit rien dans ce sens. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé un amendement pour y remédier !
Selon le rapport Larcher, que tout le monde a présent en mémoire, le surcoût du réseau postal rural pour La Poste est de l'ordre de 500 millions d'euros. L'objet d'un fonds de péréquation serait d'en assurer le financement. Or le fonds créé la loi relative à la régulation des activités postales n'est financé qu'à hauteur de 150 millions d'euros, et seulement par La Poste, en contrepartie des exonérations de taxe professionnelle dont elle bénéficie. Autant dire que le réseau rural n'est financé que par les collectivités locales, puisque les exonérations dont bénéficie La Poste sont autant de ressources en moins pour elles !
Lors de la discussion de la loi relative à la régulation des activités postales, toutes les propositions d'abondement du Fonds national postal de péréquation territoriale par le budget de l'État ont été refusées. Ces refus sont d'autant plus injustifiés que la création de la banque postale entraînera des facturations de services entre la maison mère et sa filiale bancaire, donc un surplus de TVA !
Ma troisième remarque concernera l'incidence qu'a le projet de loi sur les finances départementales.
La suppression de la première part de la DGE, après compensation asymétrique, entraînera globalement une perte en 2006 de l'ordre de 30 millions à 50 millions d'euros, selon les estimations. Elle s'élèvera à plus du double en 2007.
C'est peu de chose, me direz-vous. Ce serait peu de chose, en effet, si les budgets départementaux ne devaient supporter eux aussi le choc des mesures que j'ai évoquées précédemment : réformes de la taxe professionnelle et de la taxe sur le foncier non bâti, « bouclier fiscal ». Ce serait peu de chose également s'il n'existait pas des incertitudes quant à l'évolution du RMI et quant aux conséquences du remplacement des anciens contrats aidés par les nouveaux.
En 2005, le Gouvernement, au vu des comptes réels, a consenti aux départements un versement supplémentaire exceptionnel de 470 millions d'euros. L'année prochaine, le différentiel entre les charges compensées et les charges réelles est estimé à 1 milliard d'euros.
Il est question d'un nouveau versement exceptionnel lors du prochain collectif budgétaire, mais l'on ne sait à combien il s'élèvera, ni même si la rallonge de 470 millions d'euros de 2005 sera pérennisée. Peut-être, monsieur le ministre, pourrez-vous nous rassurer sur ce point, car la croissance du rendement de la TIPP sera bien loin d'y suppléer.
Pour conclure, je dirai que, si le projet de loi de finances pour 2006 parvient encore à masquer la misère, les bombes à retardement sont bien en place ! En 2004, comparés aux comptes de l'État et aux comptes sociaux, les comptes des collectivités locales témoignaient d'une insolente santé financière. En deux ans, le Gouvernement y aura mis bon ordre !