Monsieur le ministre, voilà dix-huit mois, en mai 2005, le préfet du Val-de-Marne a informé le maire de Villeneuve-le-Roi de la prochaine réalisation d'un centre de rétention administrative, un CRA, et d'une zone d'attente pour étrangers en situation irrégulière au sein de l'aéroport d'Orly, sur un terrain situé dans la commune de Villeneuve-le-Roi.
Ce centre serait implanté au coeur d'un quartier résidentiel, à la population modeste, et serait construit à quelques pas d'une ferme pédagogique accueillant notamment des enfants d'un centre de loisirs et d'un centre de jeunes en difficulté suivant un stage de réinsertion, qui représente déjà, pour ledit quartier, une lourde charge.
M'étant rendue sur place, j'ai pu me rendre compte du bouleversement que l'installation d'un tel centre apporterait dans ce quartier, avec des allées et venues incessantes de voitures de police, sirènes actionnées, sans parler du bruit des avions, puisque le centre serait situé derrière les grillages des pistes d'Orly.
Bien que ce ne soit pas une prison, cela y ressemble fort. Pourtant, les personnes qui doivent y être accueillies ne sont pas des délinquants ; ce sont des victimes du sous-développement économique de leur pays et de la politique particulièrement dure et répressive de l'actuel gouvernement à l'égard des miséreux. Vous conviendrez, monsieur le ministre, que cet environnement n'est pas le mieux adapté à l'implantation d'un tel établissement.
Dans ces conditions, je comprends l'inquiétude et le mécontentement des riverains, qui se sont constitués en association et s'expriment par de nombreuses banderoles et affiches.
Le maire de la ville est, semble-t-il, également opposé à ce projet, qui serait, de plus, réalisé sur un terrain nécessaire au développement économique de la commune.
En outre, je déplore, pour ma part, l'absence d'information, de transparence et de concertation dans le traitement de ce dossier. Il y a trois mois encore, les élus locaux, les riverains, les habitants de Villeneuve-le-Roi étaient tenus dans une ignorance totale, puisque ni le maire ni le préfet n'avaient fait connaître l'existence d'un tel projet, dévoilée par Michel Herry, conseiller municipal d'opposition et ancien maire de Villeneuve-le-Roi, et Daniel Guérin, conseiller régional, qui avaient d'ailleurs été informés tout à fait par hasard.
Depuis, devant l'opposition résolue et légitime des riverains, le ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire tente de temporiser en proposant une demi-mesure. En effet, sans s'engager sur l'étude d'une nouvelle implantation, il a demandé à M. le préfet du Val-de-Marne de proposer, en guise d'aménagement, un accès au centre par la plate-forme aéroportuaire, sans passer par Villeneuve-le-Roi.
Cette solution ne satisfait pas les riverains et ne les convainc pas du bien-fondé de l'implantation du centre de rétention administrative ; ils la refusent et je les soutiens dans leur opposition.
D'une façon plus générale, la situation à laquelle nous sommes confrontés à Villeneuve-le-Roi est le fruit d'une politique qui se durcit et qui devient de plus en plus répressive à l'encontre des immigrés vivant en France.
Il résultera de cette politique sécuritaire excessive que de plus en plus de personnes seront enfermées dans les centres de rétention administrative et y séjourneront de plus en plus longtemps, puisque le délai légal de rétention a été porté de douze à trente-deux jours par la loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité. C'est pourquoi le Gouvernement envisage de faire construire trente-deux nouveaux centres de rétention administrative, ce qui l'amène, selon la presse, à rechercher des terrains pouvant les accueillir.
À leur manière, et parce qu'ils risquent d'en subir les conséquences, c'est aussi cette politique que contestent les habitants du quartier de Villeneuve-le-Roi que j'évoquais.
Monsieur le ministre, vous savez mieux que quiconque que la très grande majorité des personnes retenues dans ces centres sont des sans-papiers, arrêtés à l'occasion de contrôles d'identité. J'ai pu maintes fois le constater, étant intervenue en faveur de ces personnes auprès du préfet du Val-de-Marne et de celui de Paris.
À cet égard, le dernier exemple en date, pour n'en citer qu'un, est celui de M. Houcine Ghafsi, arrêté à la suite d'un contrôle d'identité.
Ce père de deux enfants nés en France, qui sont scolarisés à Vitry-sur-Seine, comparaît ce matin devant le tribunal administratif de Melun. Je m'y serais d'ailleurs rendue avec les habitants de Vitry-sur-Seine si je n'avais dû être présente ici pour poser cette question orale.
M. Ghafsi a été envoyé au centre de rétention administrative de Roissy, et il s'en est fallu de quelques heures qu'il ne soit expulsé vers l'Algérie, vendredi dernier, avant que son recours ne soit examiné à Melun. Il a fallu l'intervention énergique de son avocat pour éviter cette expulsion. Ses enfants, sa femme, sa famille, les enseignants concernés sont tous sous le choc.
Monsieur le ministre, la place de M. Ghafsi n'est pas dans un de ces centres de rétention, qui sont en réalité des centres de détention ! Il doit être traité non pas comme un délinquant, mais comme un homme en infraction avec la législation sur l'entrée et le séjour en France des étrangers.
En premier lieu, en attendant que son dossier soit examiné par la préfecture, on pourrait l'assigner à résidence, au lieu de le placer en détention.
En second lieu, il fait naturellement partie des sans-papiers qu'il faut régulariser. C'est ce que je demande, avec le maire de Vitry-sur-Seine et le réseau Éducation sans frontières, que je félicite pour la mobilisation qu'ils ont engagée. L'affaire de Cachan, qui a sensibilisé de si nombreuses personnes, devrait vous inspirer.
En conséquence, je demande au Gouvernement de bien vouloir reconsidérer sa décision d'implanter un centre de rétention administrative dans le département du Val-de-Marne, qui n'en veut ni à Villeneuve-le-Roi, ni à Choisy-le-Roi - nous demandons d'ailleurs, avec le maire de cette ville, la suppression du local de rétention situé à l'intérieur du commissariat -, ni ailleurs !