Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, la Constitution dispose, en son article 72-2, dernier alinéa, que « la loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales ». Cet alinéa est limpide : il prévoit bien la solidarité financière qui, pourtant, malgré l'effort constitutionnel, est peu ou mal assurée.
L'étude réalisée par le Commissariat général au Plan, couvrant la période de 1994 à 2001, a montré que l'effet péréquateur est passé, en six ans - sept ans si l'on compte en année pleine - de 34 % à 40 % du pouvoir d'achat des services collectifs de proximité. Il reste donc 60 % ! Au rythme de 1 % par an, sans rien changer, il faudrait soixante ans pour réduire les écarts...
Néanmoins, la correction qui a été observée est imputable pour l'essentiel à la montée en puissance des dotations : dotation d'aménagement de la DGF, dotation d'intercommunalité, DSU, DSR et, pour l'Île-de-France, Fonds de solidarité de la région d'Île-de-France.
L'année dernière, la loi de programmation pour la cohésion sociale a organisé le doublement de l'enveloppe de la DSU et a réformé le mode d'attribution de cette dotation au profit des communes comportant des zonages prioritaires selon la politique de la ville, c'est-à-dire ayant de lourdes charges et de faibles ressources.
Cette refonte n'est pas véritablement satisfaisante, parce qu'elle est à la fois limitée dans le temps - jusqu'en 2009 - et parce que, comme cela a été dit avant moi, elle a un impact sur la DGF, même s'il est relatif. Elle aura au moins permis de mettre en évidence les villes les plus en difficulté, celles qui, précisément - pour la plupart d'entre elles en tous cas - se sont retrouvées au premier plan de l'actualité dans les journées de violence que notre pays a connues en novembre. Et je ne veux pas qu'on les oublie, c'est tout le sens de mon intervention.
Il est donc intéressant de se pencher sur la DSU devenue DSUCS, la cohésion sociale ayant été ajoutée à l'intitulé de la dotation de solidarité urbaine.
Cet instrument est, à mes yeux, adapté à son objectif de réduction des écarts de ressources par rapport au niveau des charges.
Le mécanisme de la DSU, créée en 1991, était relativement simple. La dotation était attribuée, d'une part, aux trois premiers quarts des communes de plus de 10 000 habitants classées chaque année en fonction de l'indice synthétique des ressources et des charges et, d'autre part, au premier dixième des communes dont la population est comprise entre 5 000 et 9 999 habitants, également classées par un indice synthétique.
Au fil des ans, ce dispositif qui, en 1991, ne prenait pas en compte l'intercommunalité, s'est trouvé pénalisé à la fois par le montant trop faible des dotations et par la trop grande dispersion des crédits. En effet, on est passé, en quinze ans, pour les communes de plus de 10 000 habitants, des trois quarts originels aux neuf dixièmes aujourd'hui.
La loi de programmation pour la cohésion sociale a prévu le doublement de l'enveloppe de la DSU d'ici à 2009, et comporte un effet multiplicateur pour les zonages prioritaires.
À ceux qui rechignent à reconnaître la pertinence de cette solidarité - j'ai entendu notre collègue Claude Biwer tout à l'heure et je sais que l'idée est en débat -, à ceux qui pourraient considérer qu'un tel effort financier est vain et qui seraient tentés de baisser les bras, je rappelle que l'effort fait pour la DSU représente à peine 2 % de la DGF. Il est donc, en termes relatifs, très modeste.
En 2006, l'entrée dans le dispositif des villes de plus de 200 000 habitants, que nous avons acceptée l'année dernière, ne devrait pas bouleverser le système car la prise en compte du potentiel financier à la place du potentiel fiscal permettra d'en lisser les effets. Néanmoins, cette entrée pèsera sur les villes moyennes, qui étaient la cible originelle du dispositif de la DSU en 1991.
Pour autant, l'éparpillement de l'effort de solidarité nationale peut-il perdurer sous peine de perdre de sa substance par rapport à l'esprit d'origine ? Le temps est certainement venu, monsieur le ministre, quinze ans après la mise en place de la DSU, de remettre à plat le dispositif et, surtout, de concentrer l'effort de solidarité, car la question de la disparité entre communes et la lourdeur des charges qui pèsent sur les plus pauvres, loin d'être derrière nous, reste un chantier d'avenir.
C'est particulièrement vrai dans les agglomérations où les écarts sont les plus criants. En Île-de-France, il existe d'ailleurs un mécanisme supplémentaire de péréquation qui fait que les communes les plus riches alimentent un fonds destiné aux communes les plus pauvres. Je l'ai cité tout à l'heure : il s'agit du FSRIF, acronyme un peu barbare du fonds de solidarité de la région d'Île-de-France, créé lui aussi en 1991.
Depuis quelques années, les villes les plus pauvres, qui reçoivent la contribution des villes les plus riches, voient fondre le montant des aides : 300 000 euros de moins en 2004 pour Sarcelles, par exemple, 200 000 euros de moins pour Clichy-sous-Bois, d'où sont partis les événements dramatiques que nous avons connus.