Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes donc appelés aujourd'hui à délibérer sur le projet de loi constitutionnelle modifiant l'article 77 de la Constitution et visant à inscrire définitivement dans les tables de la loi les conséquences de l'application des accords de Matignon et de Nouméa.
Après les interventions de M. le ministre de l'outre-mer, de M. le président de la commission des lois et de M. Le Pensec, qui ont bien dessiné le paysage dans lequel s'inscrit ce projet, ont rappelé l'histoire de ce dernier et précisé les éléments justifiant les propositions qui nous sont faites aujourd'hui, je vais, au nom de l'UDF, qui n'a pas pris part à l'accord de Nouméa et ne participe pas aux responsabilités gouvernementales actuelles, présenter les raisons pour lesquelles nous voterons très clairement le projet de loi constitutionnelle qui nous est soumis, aujourd'hui, au Sénat, et, demain, au Congrès.
Si nous étudions l'évolution de la situation de la Nouvelle-Calédonie, depuis les accords de Matignon de 1988 jusqu'à aujourd'hui, nous pouvons faire un double constat.
Tout d'abord, les accords de Matignon, confirmés par l'accord de Nouméa, ont permis à la fois d'établir la paix civile en Nouvelle-Calédonie et d'instituer des règles stables de gouvernance de l'archipel. Ensuite, ils forment un ensemble de règles et de principes, d'observations et de projections dans l'avenir, qui est le résultat de concessions mutuelles. Bien entendu, ils laissent en suspens un certain nombre de principes constitutionnels et constituent des dérogations à ces derniers.
C'est justement au travers de ces deux idées que je voudrais formuler la position de notre groupe.
Premièrement, donc, les accords de Matignon et l'accord de Nouméa ont établi la paix civile, et c'est bien l'essentiel. Nous étions au bord de la guerre civile, des événements graves s'étaient produits. Avant que l'on aille trop loin, des hommes et des femmes ont décidé de se réunir et de discuter, pour étudier les moyens permettant d'éviter que l'inéluctable ne se produise. Ils en ont conclu que des concessions, de la part des uns et des autres, étaient nécessaires. Voilà d'ailleurs en quoi consistent, avant tout, ces accords : chacun a accepté de faire des concessions.
À cet égard, l'une des concessions essentielles porte, très naturellement, sur la constitution du corps électoral, qui devait finalement trancher pour ce qui concerne la vie de la Nouvelle-Calédonie et son devenir. Ainsi, un corps électoral spécifique a été institué tant pour voter aux élections provinciales que pour définir le statut ultime de ce territoire.
Ces concessions ont permis à l'ensemble des habitants de la Nouvelle-Calédonie de retrouver la volonté de vivre ensemble et de développer culturellement et économiquement le territoire. La constitution du corps électoral est un élément essentiel, intrinsèque de ces accords : sans une telle définition restrictive, il n'y a plus ni accords de Matignon ni accord de Nouméa. Le compromis sur la composition du corps électoral est constitutif de la paix civile. À mon sens, c'est un fait dont nous devons tenir compte et qu'il nous faut accepter.
Deuxièmement, ce corps électoral spécifique constitue, bien évidemment, une dérogation à un certain nombre de principes et de règles de nature constitutionnelle. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle il a fait l'objet d'un texte et d'un accord spécifiques. La question que nous pouvons donc légitimement nous poser est la suivante : les dispositions constitutionnelles sont-elles supérieures à ces accords ?
Personnellement, je comprends parfaitement qu'un certain nombre de nos concitoyens vivant en Nouvelle-Calédonie éprouvent quelque tristesse à ne pas pouvoir participer à l'ensemble des scrutins concernant ce territoire. Mais, nous le savons, il a fallu tenir compte d'un impératif supérieur à tout autre, à savoir la préservation de la paix civile.
Cela étant, je le répète, la question est posée : cette définition restrictive du corps électoral pour les élections provinciales et pour la détermination du statut de la Nouvelle-Calédonie est-elle contraire à toutes nos règles constitutionnelles et à tous les principes juridiques ?
Lorsque l'on cherche des principes, il faut toujours retenir ceux qui sont véritablement fondateurs.
Pour moi, il en est un tout à fait fondateur, celui que les juristes des Lumières ont exprimé dans une maxime célèbre : Pacta sunt servanda. Cette dernière signifie que, lorsque l'on a donné sa parole, lorsque l'on a signé un accord, il n'y a pas d'autre voie légitime.