S'il fallait ne retenir qu'une seule bonne raison de ne pas adopter ce projet de réforme, ce serait cette inoculation dans notre loi fondamentale du virus du communautarisme.
En effet, la Constitution ne codifie pas seulement l'organisation institutionnelle des différents pouvoirs entre eux ; elle exprime aussi un modèle civique, une conception française du vivre ensemble, qui est précisément à l'opposé de ce modèle communautariste.
La question s'est posée, à chaque génération, de faire vivre ensemble des populations issues de collectivités historiques ou culturelles différentes. La réponse française, c'est, invariablement, la « communauté des citoyens », selon l'excellente expression de Dominique Schnapper.
Or l'acte solennel qui marque la participation de chacun à cette communauté, mes chers collègues, c'est bien l'exercice du droit de vote.
Le modèle républicain est nécessairement universaliste. L'universel est certes un horizon lointain et abstrait, qui repose sur le principe de l'unité du genre humain, qui reconnaît que l'autre est un autre semblable, un autre soi-même.
L'universel, cependant, est également une idée utile et régulatrice. Il ne se confond avec aucune culture particulière. L'universalisme moderne ne s'oppose pas au particulier. Il n'implique pas que soient supprimés les particularismes - il est même la condition de leur dialogue -, mais il exige que ces spécificités se maintiennent dans l'ordre privé, tout simplement pour protéger l'espace public de conflits multiculturels.
Monsieur le ministre, ce projet de réforme introduit, en matière de droit de vote, pour les citoyens français, non pas une discrimination positive, ce qui serait un oxymore, mais une discrimination négative, ce qui est un pléonasme : il consacre constitutionnellement le communautarisme institutionnel.