Intervention de Dominique Voynet

Réunion du 16 janvier 2007 à 16h10
Article 77 de la constitution — Adoption d'un projet de loi constitutionnelle

Photo de Dominique VoynetDominique Voynet :

Je veux tout d'abord indiquer à M. le ministre que, même si je suis administrativement « rattachée » au groupe socialiste, c'est bien au nom des Verts que je m'exprime aujourd'hui pour confirmer que nous voterons le projet de loi constitutionnelle modifiant l'article 77 de la Constitution, qui permettra aux accords de Matignon et de Nouméa de s'appliquer désormais dans tous leurs éléments.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me réjouis que nous soyons enfin conduits à examiner ce projet de loi constitutionnelle, qui permet de rétablir une disposition de la loi organique fixant le périmètre du corps électoral pour les élections des membres des assemblées de province et du congrès, ainsi que pour les scrutins d'autodétermination, qui a été cassée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 15 mars 1999.

Je comprends les réserves de ceux, même si je mesure aussi leurs arrière-pensées, qui voient dans les dispositions qui nous sont proposées un dangereux précédent conduisant à restreindre dangereusement le droit de vote et à en réserver l'exercice aux personnes enracinées sur telle ou telle portion du territoire, dans telle ou telle région. Je serai claire : ce n'est pas ma façon de voir. Les Verts, et cela a été rappelé par tels de nos collègues, sont d'ailleurs favorables à une citoyenneté de résidence. Nous défendons, notamment dans notre projet politique pour la France, le droit de vote des résidents étrangers aux élections locales.

Nous sommes ici dans un contexte très différent : il s'agit de tenir la parole donnée et de respecter l'esprit et la lettre de l'accord de Nouméa.

Nous n'avons pas oublié cette période douloureuse de l'histoire de la Nouvelle-Calédonie et de la France, qui a vu, après plus de cent cinquante ans de colonisation, après quatre années de violences, après le massacre de la grotte d'Ouvéa, les ennemis d'hier tendre la main.

Je mesure ce qu'il a fallu de courage et d'audace à ceux qui ont choisi de renouer les fils du dialogue, du côté du FLNKS, du RPCR, mais aussi du Gouvernement, parce qu'il est si aisé finalement, dans une situation difficile, d'accuser ceux qui font un pas de brader leurs idéaux, d'enfreindre les règles du jeu de la République.

Je voudrais saluer tout particulièrement la mémoire de Jean-Marie Tjibaou et de Yéwéné Yéwéné, assassinés en 1989 après avoir posé des actes essentiels pour l'avenir de leur pays.

C'est ainsi : c'est avec ses adversaires que l'on prépare et que l'on conclut la paix. Sortir d'un conflit, ce n'est pas seulement sortir de positions balisées, renoncer à l'affirmation de son bon droit. C'est choisir l'inconfort du compromis, surmonter des deuils, des doutes et des moments de défiance solidement ancrés.

Du point de vue des Mélanésiens, les accords de Matignon et de Nouméa ne sont pas seulement des accords de paix. Ils sont bien davantage. Ce sont des accords de décolonisation au sens du droit international.

En même temps, ces accords reposent sur la reconnaissance par le peuple kanak de la citoyenneté calédonienne des populations d'origine métropolitaine installées et engagées depuis longtemps dans la vie du pays.

De façon symétrique, ces accords reposent sur la reconnaissance par les citoyens calédoniens d'origine métropolitaine, les Caldoches, du droit de la Nouvelle-Calédonie à l'autodétermination sur la question de son indépendance.

La mise en place d'une partie significative de l'accord de Nouméa a permis d'instaurer progressivement un climat de confiance sur les territoires. Soyons conscients du fait que cette confiance mutuelle est au moins aussi précieuse que le contenu de l'accord lui-même.

Revenir sur notre promesse serait irresponsable. Nous ne l'entendrons évidemment pas de cette oreille. Les accords de Matignon-Oudinot, puis l'accord de Nouméa ont permis de mettre un terme à la violence, d'ébaucher un véritable rééquilibrage économique et de mettre en place un partage plus équitable des responsabilités politiques.

Des mots et des actes très forts ont été posés : la citoyenneté calédonienne, pierre angulaire des accords, a été reconnue aux populations impliquées. C'est cela précisément qui a conduit au resserrement du corps électoral pour les élections des assemblées régionales, du congrès et des scrutins d'autodétermination.

La Cour européenne des droits de l'homme elle-même a accepté ces dispositions en 2005, compte tenu du contexte propre à la Nouvelle-Calédonie et de leur caractère transitoire.

C'est cela, le point d'équilibre de l'accord de Nouméa, celui qui a conduit à croire désormais à la construction d'un destin commun par tous les citoyens de la Nouvelle-Calédonie.

Alors, il reste évidemment beaucoup à faire. La Nouvelle-Calédonie a pris son destin en main et le rééquilibrage qui a commencé à s'opérer au profit des populations jusqu'ici oubliées de la redistribution des richesses n'est pas terminé.

Je voudrais, à ce stade de mon intervention, évoquer quelques-uns des dossiers qui sont sur la table.

L'explosion de l'activité minière, il y a trente ans, a fait de la Nouvelle-Calédonie un eldorado du nickel. Elle a aussi engendré une immigration importante en provenance de métropole, d'Europe, du Pacifique, ce qui a accentué la confiscation des terres, de la manne financière, et aggravé le sentiment d'injustice sociale.

Je voudrais attirer votre attention sur les conditions d'exploitation du site minier de Goro Nickel, créé par le groupe Inco et soutenu par l'État avec l'accord d'une partie de la classe politique néocalédonienne bénéficiant d'un régime extraordinairement avantageux de défiscalisation, qui s'exercent sans aucun respect de l'impact social et environnemental du projet.

Le tribunal de grande instance de Paris a donné raison aux associations et au sénat coutumier, le 14 novembre 2006, sur la question de l'illégalité des travaux relatifs à la réalisation du site de stockage des résidus terrestres. Nous devons étudier de près ce dossier.

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