Intervention de Bernard Frimat

Réunion du 13 juin 2006 à 16h00
Immigration et intégration — Article 13 bis

Photo de Bernard FrimatBernard Frimat :

Mon intervention porte sur le deuxième alinéa de l'article 13 bis.

Il est évident que la lutte contre le travail illégal doit être menée avec sérieux et détermination, tant celui-ci constitue avant tout la manifestation d'un très grand mépris envers la personne humaine, « utilisée » en dehors de toutes les lois sociales de notre pays.

Cette mission relève de l'inspection du travail, l'administration française étant, par tradition, chargée de contrôler que les travailleurs sont effectivement employés dans des conditions normales, c'est-à-dire dans le respect de la législation sociale.

Il n'y a aucun laxisme dans la position que nous défendons et, avec un peu de chance, vous n'aurez pas, monsieur le ministre, à m'opposer un texte émanant d'un ministre socialiste ; mais, si tel était le cas, je l'assumerais !

Si le travail illégal constitue donc, avant tout, une infraction à la législation sociale, il est également de nature à fausser la concurrence, même si, à nos yeux, cela est secondaire : le premier objectif est de protéger les travailleurs.

Ce qui nous gêne dans le deuxième alinéa de l'article 13 bis, c'est que, d'une certaine façon, on pratique l'amalgame entre immigration clandestine et travail illégal. Or nous savons que cet amalgame est injustifié.

Nous avons, dans le cadre de la commission d'enquête sur l'immigration clandestine, procédé à de nombreuses auditions sur ce thème. Or que nous a-t-on dit ? Eh bien ! que le travail illégal concerne toute la population. Quant aux chiffres qui ont été avancés, je citerai - j'espère ne pas trahir ses propos - Mme Colette Horel, déléguée interministérielle à la lutte contre le travail illégal, selon laquelle l'emploi d'étrangers sans titre de travail ne représente qu'une fraction de l'ordre de 10 % de l'ensemble des infractions relevant du travail illégal. Certains étrangers disposent d'un titre de séjour régulier, mais sont employés illégalement, car ils ne bénéficient pas d'une autorisation de travail et l'immigration clandestine et le travail illégal ne se recoupent donc pas.

Mme Horel s'était même livrée à une comparaison mathématique en disant qu'il s'agissait de deux ensembles ayant une intersection, mais que celle-ci était relativement modeste.

Par conséquent, le travail illégal est accompli soit par des Français, soit par des étrangers tant en situation régulière qu'en situation irrégulière. Dès lors, évitons les simplifications abusives !

Nous sommes d'accord pour que la plus grande sévérité s'exerce dans ce domaine envers les employeurs qui font appel de manière illégale à des travailleurs français ou étrangers, et ce quelle que soit la nationalité de ces employeurs.

Si, à la limite, on peut comprendre le premier alinéa de l'article 13 bis, selon lequel les agents chargés de la délivrance des titres de séjour ont accès aux fichiers des titres de séjour, à l'inverse, nous ne voyons pas pour quelle raison les inspecteurs du travail seraient autorisés à accéder à ces fichiers, devenant, de ce fait, des contrôleurs de séjour. Cela ne relève pas de leurs fonctions !

Ainsi, quand ils interviennent sur un chantier, notamment dans le BTP, l'hôtellerie ou la restauration, qui sont les secteurs privilégiés de ce type de travail, ils le font pour rétablir le travailleur dans ses droits et pour combattre les infractions à la législation sociale. Leur mission ne consiste pas à vérifier si le travailleur séjourne en France de manière illégale ou non ; il s'agit là d'un autre problème et ils l'ont eux-mêmes reconnu.

En conclusion, - ce voeu est sans doute audacieux ! - je souhaite une certaine cohérence dans l'action gouvernementale, ce qui me faciliterait la tâche pour la combattre.

Dans une note adressée le 18 octobre 2005 à l'ensemble des préfets et directeurs régionaux et départementaux du travail, ainsi qu'aux inspecteurs et contrôleurs du travail, le directeur des relations du travail au ministère de l'emploi précise : « L'action de l'inspection du travail vise à assurer le respect du code du travail et, en cas d'infraction constatée, à sanctionner l'employeur et à rétablir le travailleur étranger dans tous ses droits. Il n'appartient pas à l'inspection du travail d'assurer le contrôle du respect des règles relatives au séjour des étrangers. »

Cette note me paraît en contradiction avec le texte que nous examinons et je crains que l'amalgame pratiqué ne soit inadéquat, voire, en définitive, dangereux.

C'est la raison pour laquelle nous proposons de supprimer le deuxième alinéa de l'article 13 bis, sans que cela diminue en rien la nécessité de lutter contre le travail illégal.

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