La séance est ouverte à seize heures.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
J'informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein du Conseil national de l'habitat en tant que suppléant.
Conformément à l'article 9 du règlement, j'invite la commission des affaires économiques à présenter une candidature.
La nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l'article 9 du règlement.
J'informe le Sénat que la question n° 1076 de M. Francis Grignon, inscrite le mardi 20 juin 2006, est, à la demande de son auteur, retirée de l'ordre du jour de cette séance et remplacée par sa question n° 1084.
Il n'y a pas d'opposition ? ...
Il en est ainsi décidé.
Ce rappel au règlement se fonde sur l'article 36 du règlement du Sénat.
Au nom du groupe communiste républicain et citoyen, je tiens à vous faire part, monsieur le ministre, de notre fort mécontentement, de notre colère, et même de notre indignation, à la suite des annonces issues de vos lettres de cadrage budgétaire, notamment celle qui concerne la suppression de 15 000 postes de fonctionnaires. Alors que nos services publics sont dans la tourmente et que vous prétendez soutenir les services publics de proximité, vous persistez à mettre ceux-ci à mal.
De tous les services publics, celui de l'éducation nationale est le plus touché, et ce au moment même où vous prétendez vous soucier de la protection de l'enfance. Quelle contradiction ! Vous dites vouloir faire de la réussite scolaire de tous nos jeunes une priorité nationale, en accueillant dignement dans nos écoles nos jeunes élèves handicapés. Mais avec quels moyens humains ?
C'est une véritable provocation envers non seulement les personnels, mais aussi les élèves et leurs familles. Vous faites fi du ras-le-bol de nos jeunes, exprimé à plusieurs reprises, notamment en novembre dernier et, plus récemment, lors de la mobilisation anti-CPE.
Selon le Gouvernement, cette mesure entraînera 500 à 600 millions d'euros d'économie. En réalité, elle hypothèque l'avenir même de notre pays, alors même que de nombreux jeunes sont d'ores et déjà exclus de l'accès aux savoirs enseignés à l'école. De plus, 60 000 de ces jeunes quittent, chaque année, le système éducatif sans qualification. Cette situation a d'ailleurs des conséquences graves sur le niveau général de formation de la nation, pourtant déterminant pour l'avenir de notre pays comme pour les conditions d'accès et de réussite dans l'enseignement supérieur.
À chaque rapport budgétaire, on s'interroge sur les raisons de cet échec dans l'enseignement supérieur. Avec cette mesure, vous y contribuerez un peu plus, au lieu d'y apporter une réponse.
Aujourd'hui plus que jamais, les jeunes ont besoin d'une école qui soit un lieu d'excellence de la transmission de la connaissance et de la culture, donnant l'envie de savoir ainsi que le plaisir d'apprendre ensemble, et les préparant à se comporter en personnes responsables, c'est-à-dire en citoyennes et en citoyens de demain. C'est le chemin inverse que choisit votre gouvernement, monsieur le ministre, tournant ainsi le dos à la réussite scolaire de nos jeunes.
C'est la raison pour laquelle nous condamnons cette décision incohérente, qui est en contradiction totale avec la nécessité d'assurer la réussite scolaire de nos jeunes.
Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à l'immigration et à l'intégration (nos 362, 371).
Dans la discussion des articles, nous en revenons à l'article 1er, qui a été précédemment réservé.
TITRE IER
DISPOSITIONS GÉNÉRALES ET DISPOSITIONS RELATIVES À L'ENTRÉE ET AU SÉJOUR DES ÉTUDIANTS, DES ÉTRANGERS AYANT UNE ACTIVITÉ PROFESSIONNELLE ET DES RESSORTISSANTS DE L'UNION EUROPÉENNE
CHAPITRE IER
Dispositions générales relatives à l'entrée et au séjour des étrangers en France
I. - Dans le chapitre Ier du titre Ier du livre III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sont créées une section 1 intitulée : « Dispositions relatives aux documents de séjour » et une section 2 intitulée : « Dispositions relatives à l'intégration dans la société française ».
II. - L'article L. 311-2 du même code est ainsi modifié :
1° Dans le 1°, les mots : « au chapitre III » sont remplacés par les mots : « aux chapitres III et VI » ;
2° Il est ajouté un 3° ainsi rédigé :
« 3° Soit une carte de séjour «compétences et talents», dont les conditions de délivrance et de renouvellement sont prévues au chapitre V du présent titre. La carte de séjour «compétences et talents» est valable pour une durée de trois ans. L'étranger qui séjourne sous couvert d'une carte de séjour «compétences et talents» peut solliciter la délivrance d'une carte de résident dans les conditions prévues aux articles L. 314-8 à L. 314-12. »
La carte de séjour « compétences et talents », dont nous avons longuement débattu la semaine dernière, nous paraît être un faux-semblant. Ce n'est pas avec ce genre de mesure que vous pourrez faire, comme vous le prétendez, du co-développement.
Toutes ces dispositions paternalistes et ces conseils émanant de donneurs de leçons sont très mal perçus par les pays du sud. En effet, les immigrés originaires de pays en difficulté savent tout de même ce qu'ils ont à faire. Ils sont aussi patriotes que nous, Français, et lorsqu'ils prennent la décision d'émigrer, ils ne le font pas de gaîté de coeur. Par ailleurs, ils savent rendre à leur pays d'origine ce qu'ils lui doivent et le faire profiter de ce qu'ils ont appris à l'étranger.
En quelle année sommes-nous pour entendre tous ces conseils, voire ces admonestations, tendant à les inciter à rentrer chez eux et à participer à un projet de développement dans leur pays ? Sommes-nous encore en pleine période coloniale pour nous permettre de donner des leçons à toutes ces personnes issues de nos anciennes colonies ?
Protestations sur les travées de l'UMP.
Monsieur le ministre, l'exposé des motifs de votre projet de loi indique que l'article 1er est « un article technique, aménageant la structure du CESEDA ». Cet article tend à créer deux sections au sein du chapitre Ier du titre Ier du livre III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'une étant relative aux titres de séjour et l'autre aux conditions d'intégration dans la société française.
Certes, cet article se présente comme un simple aménagement technique, mais il est beaucoup plus à mon sens : il est le symbole de votre conception de l'immigration et, plus largement, de votre conception utilitariste de l'homme.
Vous avez choisi de durcir considérablement les critères d'obtention des titres de séjour en les subordonnant à l'obtention d'un visa long séjour. Pourtant, vous savez que nos consulats sont déjà submergés et qu'ils ne seront pas en mesure de délivrer ces visas. Comme votre gouvernement le fait depuis quatre ans avec les salariés, vous avez aussi décidé de précariser systématiquement les étrangers, en mettant fin aux délivrances de plein droit de titres de séjour et en prévoyant la possibilité pour l'administration de retirer un titre de séjour si les critères ne sont plus remplis.
Il est inacceptable que vous mettiez ainsi les étrangers à l'index. Mais il est également insupportable que vous opériez une discrimination entre les immigrés : seuls les étrangers venus pour travailler vous intéressent et, parmi eux, vous désignez une catégorie de privilégiés, ceux qui pourront obtenir la carte de séjour « compétences et talents ».
Cette mesure est significative de ce qu'est l'homme pour vous et votre majorité, c'est-à-dire une ressource économique comme une autre. Elle est aussi le symbole de vos choix : vous préférez piller les compétences et les talents des pays pauvres, plutôt que développer ceux des Français et des étrangers qui se trouvent sur notre territoire.
Votre traitement de la question de l'immigration ne me semble pas digne. D'un côté, vous continuez à stigmatiser l'étranger et à en faire le bouc émissaire des problèmes de notre société. De l'autre, vous prétendez doter la France de ce que vous nommez une politique d'immigration choisie, qui consiste en fait à subordonner les droits de l'étranger à sa rentabilité économique et à poursuivre le pillage des ressources humaines des pays en voie de développement.
C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste demande la suppression de cet article.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 144 est présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 275 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bernard Frimat, pour présenter l'amendement n° 144.
Monique Cerisier-ben Guiga et Bariza Khiari viennent d'expliquer la position de notre groupe sur l'article 1er qui, ayant été réservé, vient en quelque sorte « couronner » les avis que nous avions émis la semaine dernière sur les douze premiers articles de ce projet de loi. Je ne pense pas qu'il soit utile de refaire ce débat puisque d'autres sujets nous attendent. Nous allons donc en rester à notre position de désaccord.
Le fait que nous examinions cet article aujourd'hui nous permet de lui redonner sa véritable dimension. Au cours du débat, vous avez présenté l'article 1er comme l'instrument d'une politique de codéveloppement. Or, si l'on reprend les déclarations du ministre d'Etat, ce que j'ai fait en partie, sans y passer le week-end - c'eût été inhumain ! -, on se rend compte que ce souci de codéveloppement intervient bien tardivement.
Vous avez pris l'option de l'immigration « choisie ». Nous combattons l'opposition entre l'immigration « choisie » et l'immigration « subie ». De nombreuses associations et formations politiques ont exprimé leur désaccord sur ce concept.
Cet article 1er n'est finalement qu'un article de coordination, qui met en forme des mesures adoptées la semaine dernière. Il nous suffit donc de réitérer notre opposition très claire à ces dispositions, sans essayer, monsieur le ministre, de vous convaincre ; nous réservons cette démarche pour les articles suivants.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 275.
La présentation de cet amendement vaudra pour les amendements n° 276 et 277.
Nous avons déjà eu l'occasion d'exprimer notre profond désaccord sur la création de la carte labellisée « compétences et talents », désaccord que je réaffirme aujourd'hui : cette disposition est indigne de notre pays, qu'il s'agisse des immigrés eux-mêmes ou des pays déjà en difficulté et que l'on s'apprête à piller.
M. le rapporteur s'est interrogé sur la façon dont les populations de certains pays allaient percevoir cette nouvelle voie d'entrée en France qu'est la carte « compétences et talents », mais la réponse est connue : colère et indignation, que ce soit au Mali, au Sénégal ou ailleurs, refus du mépris et, à l'inverse, affirmation de la volonté d'une coopération respectueuse de chaque peuple.
Cette nouvelle carte présente des caractéristiques particulièrement discriminatoires, que nous avons largement dénoncées la semaine dernière et sur lesquelles je ne reviens donc pas.
Elle est ainsi porteuse d'une précarisation toujours accrue des travailleurs étrangers et de leur famille, tout cela afin de répondre davantage aux besoins des entreprises qu'à ceux des États, qu'il s'agisse de l'État de destination ou de l'État d'origine. Où sera donc la « préservation des intérêts réciproques », chère à la commission des lois ? Comme le dit le Premier ministre du Niger, « Quand un pays ami, avec lequel nous entretenons des liens historiques et culturels aussi profonds, se met en tête de pratiquer une politique qui consiste à délester de ses meilleurs cerveaux et lui laisser les peu ou pas qualifiés, ceux qu'il considère comme inutiles... Il y a quelque chose de manifestement choquant et d'insultant dans ce tri. »
Le vote du projet de loi en débat ne contribuera pas au rayonnement de la France dans le monde. C'est l'inverse qui est en train de se produire. Je vous invite sur ce point à lire la lettre ouverte que des responsables d'associations, défenseurs des droits de l'homme dans de nombreux pays, ont récemment adressée au Président de la République : soyez attentifs quand ils écrivent qu'être « traité de cette manière laissera des traces profondes chez tous les peuples ».
L'amendement n° 508 rectifié, présenté par MM. Portelli, Béteille et Haenel, est ainsi libellé :
I. Au I de cet article, après les mots :
« Dispositions relatives aux documents de séjour »
supprimer le mot :
et
II. Compléter le même I par les mots :
et une section 3 intitulée : « Dispositions relatives aux cas de délivrance de l'autorisation provisoire de séjour »
Cet amendement n'est pas soutenu.
Il s'agit donc de l'amendement n° 508 rectifié bis.
Vous avez la parole pour le défendre, monsieur le rapporteur.
Je reprends cet amendement, car il opère la coordination avec l'amendement n° 507 rectifié quater des mêmes auteurs que le Sénat a précédemment adopté.
L'amendement n° 2, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. Après le 1° du II de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... Dans le même 1°, après les mots : « pour une durée maximale d'un an », sont insérés les mots : «, sous réserve des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code » ;
II. Compléter le II de cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... Il est ajouté un 4° ainsi rédigé :
« 4° Soit une carte de séjour portant la mention « retraité », dont les conditions de délivrance et de renouvellement sont prévues au chapitre VII du présent titre. La carte de séjour « retraité » est valable pour une durée de dix ans. Elle est renouvelable de plein droit.
La parole est à M. le rapporteur.
L'amendement n° 277, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans les première, deuxième et troisième phrases du texte proposé par le 2° du II de cet article pour le 3° de l'article L. 311-2 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile, remplacer les mots :
« compétence et talents »
par les mots :
« tout type de compétences professionnelles ou talents »
La parole est à Mme Éliane Assassi.
L'amendement n° 276, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du texte proposé par le 2° du II de cet article pour le 3° de l'article L. 311-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, après les mots :
et talents »
insérer les mots :
pour l'ensemble des salariés quelles que soient leurs compétences professionnelles
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Je veux tout d'abord rappeler que cet article 1er est un pur article de mise en forme technique, comme l'a rappelé M. Frimat, et je le remercie d'avoir bien voulu considérer qu'il en était ainsi pour nous éviter de recommencer à zéro le débat sur l'article 12 et la carte de séjour « compétences et talents ».
Cela étant, monsieur Frimat, puisque vous avez dit avoir consacré presque tout votre week-end à relire les positions du Gouvernement, vous aurez mesuré une fois de plus combien elles sont raisonnables. Alors que vous nous reprochiez, voilà quelques instants, de n'avoir semblé découvrir la dimension codéveloppement qu'au moment de ce débat, je rappelle que, dès le 2 mai, Nicolas Sarkozy affirmait que le codéveloppement serait un pilier essentiel du projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration. À cet égard, l'article 12, dont nous avons largement débattu jeudi dernier, constitue bien un article central.
À l'Assemblée nationale comme ici, le ministre d'État et moi-même n'avons cessé de dire combien nous souhaitions que le Parlement puisse participer et apporter une contribution forte à l'enrichissement de l'ensemble du projet de loi dans toutes ses composantes, notamment dans le domaine du codéveloppement.
Je ne peux que me réjouir que, sur cet article 12, des avancées importantes aient été enregistrées grâce à la contribution de plusieurs membres de la Haute Assemblée.
D'abord, la carte de séjour ne sera délivrée à un étranger ressortissant de la zone de solidarité prioritaire, c'est-à-dire d'un pays en voie de développement, que dans le cadre d'un accord bilatéral entre la France et ce pays : c'est une avancée importante à laquelle le Sénat a contribué. Ensuite, la carte de séjour ne sera renouvelable qu'une fois.
Je veux remercier tous les membres, et notamment MM. Pelletier, Mercier et Portelli, des groupes UMP, UC-UDF et RDSE qui ont contribué à enrichir le texte, de même que ceux des groupes CRC et socialiste qui ont participé au débat, même s'ils n'adhèrent pas à l'ensemble de ces dispositions. Cela démontre que l'esprit dans lequel nous avons souhaité aborder la discussion, c'est-à-dire en laissant la place la plus large possible au Parlement, a été plus que respecté.
S'agissant maintenant des amendements à cet article 1er, qui est, je le répète, un pur article de mise en forme technique, je suis, bien évidemment, défavorable aux amendements de suppression n° 144 et 275, favorable aux amendements n° 508 rectifié bis et 2, défavorable à l'amendement n° 277, qui vise à remplacer la carte de séjour « compétences et talents » par une carte de séjour « tout type de compétences professionnelles ou talents » - rédaction dont la première qualité n'est pas, madame Assassi, la légèreté -, ainsi qu'à l'amendement n° 276.
Si j'ai bien compris, ce dernier amendement prévoit la délivrance de la carte de séjour « compétences et talents » à tous les salariés étrangers sans distinction, ce qui nous ramène au débat que nous avons eu à l'article 12. Or j'estime que ce débat a été dense, riche, de qualité, et qu'il nous a permis d'aboutir à cette conception de l'immigration « choisie » que nous souhaitons pour notre pays. Il n'est pas question de revenir aujourd'hui sur ce point.
Monsieur le ministre, le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, dont vous aimez à citer les conceptions en la matière - il n'est d'ailleurs pas présent pour nous les présenter - n'avait avancé aucune proposition dans ce projet de loi qui permette de considérer l'existence d'une véritable volonté de codéveloppement. Et je ne crois pas que ce débat que vous dites fructueux vous ait vraiment permis, à vous ou à votre majorité, d'avancer de façon significative dans cette voie, si ce n'est en voulant capter l'épargne des migrants pour que ceux-ci contribuent au développement de leur pays d'origine !
L'opposition à vos conceptions du codéveloppement s'est exprimée largement ; elle a même dépassé, me semble-t-il, les rangs des partis n'appartenant pas à la majorité parlementaire. Ainsi, on ne trouve pas trace dans le projet de loi des pistes et recommandations que la commission d'enquête sur l'immigration clandestine du Sénat avait formulées sur le codéveloppement dans son rapport.
Certes, le débat a déjà eu lieu, mais vous nous permettrez tout de même de réaffirmer une opposition totale à vos conceptions. La création d'une carte de séjour « compétences et talents » a, on l'a dit, quelque chose d'humiliant, de stigmatisant, de paternaliste à l'égard des migrants. De surcroît, je me demande si l'une des raisons qui fonderont le « tri » entre immigrés ayant telle ou telle qualification et venant de tel ou tel pays ne sera pas la possibilité de s'assurer une main-d'oeuvre beaucoup moins chère pour répondre à un besoin conjoncturel. Ce sera peut-être cela, la définition des « compétences et talents !
Par ailleurs, on ne voit pas du tout quel est intérêt pour les migrants d'avoir une carte de séjour « compétences et talents » : leur intérêt est de disposer d'une carte de résident et de pouvoir travailler. Il faut donc cesser de nous faire croire que ce long débat a été fructueux et qu'il nous aurait permis d'obtenir des avancées positives. Nous confirmons donc notre volonté de supprimer l'article 1er.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L'amendement est adopté.
L'amendement est adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 1 er est adopté.
Au nom de tous ceux qui ont défendu ces dispositions si importantes, je ne peux pas laisser Mme Borvo Cohen-Seat dire qu'aucune politique en matière de codéveloppement n'aurait été décidée, alors que le Sénat a adopté une mesure qui permet d'engager chaque année 125 millions d'euros grâce au compte épargne codéveloppement qu'il a créé.
Ce choix n'est pas que symbolique, c'est même une révolution. Vous avez refusé d'y participer, c'est votre responsabilité, madame Borvo Cohen-Seat, mais je ne peux accepter que vous prétendiez que ce projet de loi ne renforce pas la politique de la France en faveur du codéveloppement et que le Sénat n'a pas apporté une contribution importante à ce renforcement.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
I. - Dans le premier alinéa de l'article L. 341-2 du code du travail, les mots : « et un certificat médical » sont supprimés.
II. - Les quatre premiers alinéas de l'article L. 341-4 du même code sont ainsi rédigés :
« Un étranger ne peut exercer une activité professionnelle salariée en France sans avoir obtenu au préalable l'autorisation mentionnée à l'article L. 341-2 et sans s'être fait délivrer un certificat médical. Il en est de même pour l'activité professionnelle salariée exercée à titre accessoire par un étranger titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention «étudiant».
« L'autorisation de travail peut être limitée à certaines activités professionnelles ou zones géographiques.
« L'autorisation délivrée en France métropolitaine ne confère de droits qu'en France métropolitaine.
« Pour l'instruction de la demande d'autorisation de travail, l'autorité administrative peut échanger tous renseignements et documents relatifs à cette demande avec les organismes concourant au service public de l'emploi mentionnés à l'article L. 311-1, avec les organismes gérant un régime de protection sociale, avec l'établissement mentionné à l'article L. 767-1 du code de la sécurité sociale ainsi qu'avec les caisses assurant le service des congés payés mentionnées au livre VII (partie réglementaire - décrets simples) du présent code. »
III. - Le même article L. 341-4 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application du présent article. »
IV. - Dans l'article L. 831-1 du même code, le mot : « quatrième » est remplacé par le mot : « troisième ».
Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 165, présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Charles Gautier.
L'article 13 du projet de loi apporte des modifications au régime d'attribution et de validité des autorisations de travail aux travailleurs étrangers prévu par le code du travail.
Il est précisé que l'autorisation de travail pourra être limitée à certaines activités professionnelles et à certaines zones géographiques, par cohérence avec la réforme proposée en la matière par l'article 10. Ainsi, un étranger ayant bénéficié de ces dispositions qui perdrait son emploi ne serait-il autorisé à en chercher un autre que dans le même métier ou dans la même zone géographique.
Quelle est l'utilité de la carte régionale de l'emploi ? Appelée à être modifiée, elle pénalise le travailleur étranger, le plaçant dans l'incertitude la plus totale.
Cette carte, qui se veut nationale, est établie par région. N'y aurait-il pas une certaine contradiction ?
Cette carte induit et nécessite toute une logistique à mettre en place et demande des moyens tant matériels qu'humains. C'est une véritable usine à gaz qui laisse la place à l'arbitraire administratif.
En outre, cette loi n'est accompagnée d'aucune étude d'impact ou des moyens que le Gouvernement entend consacrer à sa mise en oeuvre.
Enfin, ce texte introduit une rigidité et une lourdeur administrative inutiles.
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l'article 13.
L'amendement n° 28, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Supprimer la seconde phrase du premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour rédiger les quatre premiers alinéas de l'article L. 341-4 du code du travail.
La parole est à M. le rapporteur.
L'amendement n° 309, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour rédiger les quatre premiers alinéas de l'article L. 341-4 du code du travail.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat
Cette disposition constitue une restriction supplémentaire par rapport au droit actuel. En effet, seules les cartes temporaires d'activité entraîneraient une limitation en termes d'activités ou de déplacements.
Cette restriction se fera, bien sûr, au détriment des titulaires de la carte de résident et introduira davantage de flexibilité et d'incertitude. Il s'ensuivra également un certain arbitraire s'agissant de la définition des activités professionnelles ou des zones géographiques.
Au fond, cela s'inscrit tout à fait dans votre logique, que nous contestons, de l'immigration choisie : elle considère les êtres humains que sont les migrants comme de simples pions sur un échiquier, que l'on peut éjecter lorsqu'on n'en a plus besoin.
L'amendement n° 310, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le dernier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour rédiger les quatre premiers alinéas de l'article L. 341-4 du code du travail.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat
Les échanges d'informations évoqués dans le sixième alinéa de l'article 13 confirment l'objet du projet de loi, à savoir l'adaptation de l'immigration aux besoins patronaux.
L'objectif poursuivi, c'est la mise en concurrence des salariés, l'abaissement des droits et du coût du travail. D'ailleurs, à l'Assemblée nationale, M. Hortefeux ne s'en est pas caché : les échanges d'informations ont pour but d'affiner toujours et encore l'offre et la demande en matière d'emplois. C'est dit élégamment mais, en ce qui concerne les migrants, on voit bien ce que cela signifie.
Outre cette remarque de fond, nous estimons inadmissible que l'autorité administrative, en l'occurrence les services instructeurs des autorisations de travail, puisse échanger des informations avec des organismes privés agissant dans le cadre du service public de l'emploi, qui sont de fait des officines patronales ou du moins directement au service du patronat.
Il y a véritablement un problème d'éthique : on voit bien comment, au travers de cette adaptation, c'est évidemment le coût du travail qui sera ajusté au plus bas.
La commission est défavorable à l'amendement n° 165. D'ailleurs, pour l'essentiel, l'article 13 tire les conséquences des articles précédents du projet de loi. Il rappelle qu'un étranger ne peut accepter une activité salariée sans avoir au préalable obtenu une autorisation. Il coordonne les dispositions du code du travail avec le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La commission est également défavorable à l'amendement n° 309, ainsi qu'à l'amendement n° 310. En effet, cet article permettra aux services compétents pour délivrer l'autorisation de travail d'échanger des renseignements avec les organismes de sécurité sociale, ainsi qu'avec des organismes concourant au service public de l'emploi. Dans cette catégorie, on trouve, bien sûr, l'ANPE, mais également d'autres organismes depuis l'ouverture du service public de l'emploi.
Ces échanges de données nous paraissent normaux dès lors que l'administration doit s'assurer de la situation de l'emploi dans une région ou pour certains métiers. Au contraire, sans doute serait-il dangereux, voire extrêmement délicat, que l'administration refuse ou accorde des autorisations de travail sans une connaissance parfaite des situations.
Cet article permet de préciser les conditions de délivrance des autorisations de travail par coordination avec les modifications apportées par l'article 10 aux différentes cartes de séjour permettant l'exercice d'une activité professionnelle.
Je veux exprimer ma surprise s'agissant de l'amendement de suppression n° 165. Sincèrement, votre motivation me surprend, monsieur Gautier. Vous faites semblant de découvrir qu'une autorisation de travail peut être limitée à certaines activités professionnelles et à des zones géographiques ! Je vous rappelle quand même que cela figure déjà à l'article L.341-4 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi du 17 juillet 1984, votée par une majorité qui n'était pas la nôtre et proposée par un gouvernement qui était loin d'être le nôtre.
C'est pourquoi le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 165.
À l'évidence, le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 28.
Quant à l'amendement n° 309, je ne cesse de m'étonner, madame Borvo Cohen-Seat, de voir votre démarche ultralibérale se conforter au fil du débat.
Dire que, sur n'importe quelle zone géographique et dans n'importe quel domaine d'activité, il faut ouvrir le marché du travail à tout travailleur étranger lorsque le poste ne peut être pourvu par un travailleur français relève bien d'une démarche libérale.
C'est en tout cas ce que vous proposez !
Face à cette démarche libérale, le Gouvernement ne peut qu'émettre un avis défavorable sur l'amendement n° 309.
Quant à l'amendement n° 310, madame Borvo Cohen-Seat, dites-moi comment connaître l'état du marché du travail alors que le service public en matière de marché du travail va bien au-delà de l'ANPE : aujourd'hui, des organismes privés assurent également cette mission de service public, voire de service au public.
Si l'on veut connaître l'état du marché du travail, bien évidemment, il faut pouvoir consulter l'ensemble des organismes concernés.
C'est pourquoi le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 310.
Que vous soyez défavorable aux amendements, j'en conviens. Mais que vous me traitiez d'ultralibérale, je ne l'accepte pas !
La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote, sur l'amendement n° 165.
Nous avons deux sujets d'inquiétude au sujet de cet article.
Il s'agit, d'abord, de l'absurdité d'une autorisation de travail limitée à certaines activités professionnelles ou zones géographiques. C'est tout à fait inadapté à la situation du marché du travail. Ce cloisonnement ne correspond à aucune réalité de terrain et ne sera qu'un obstacle de plus pour les étrangers qui essaient de s'intégrer en France par le travail. En outre, c'est incohérent avec tous vos discours sur la flexibilité
Pour l'instant, je souhaite insister sur le second point, car c'est celui qui me touche le plus humainement. Par l'article 13, vous réécrivez les premiers alinéas de l'article L. 341-4 du code du travail et confirmez la disposition suivante : « Un étranger ne peut exercer une activité professionnelle salariée en France [...] sans s'être fait délivrer un certificat médical ».
Cette disposition pose, dans sa logique même, un problème : pourquoi un étranger a-t-il besoin de présenter un certificat spécial, alors qu'il pourrait tout simplement se conformer à la législation en vigueur et passer, comme tous les autres salariés, la visite médicale légale ? C'est un premier questionnement. Pour moi, la réponse est claire : cette discrimination, car cela en est une, ne me semble pas justifiée.
Mais le questionnement prend une ampleur bien différente lorsque cette mesure est inscrite dans un projet qui vise à promouvoir une immigration « choisie ». Est-ce à dire que le dossier médical ou l'état de santé au sens large pourra également être un critère de choix, un critère de sélection de l'individu ?
C'est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de l'article 13.
Il faut que les choses soient claires ! Vous souhaitez lier le séjour des étrangers à un contrat de travail ; cela figure dans l'économie de votre texte !
Et vous en rajoutez en disant que ce contrat de travail devra correspondre à des zones géographiques, à une étude du marché du travail, etc. Cela, c'est effectivement de l'ultralibéralisme, contrairement à ce que vous dites !
En fait, qui décidera que quelqu'un aura un contrat de travail ? Il s'agira de savoir, à un moment donné, quel sera l'individu le plus compétent, payé le moins possible, taillable et corvéable à merci, et dont on pourra se débarrasser le plus vite possible. C'est ce que nous contestons, puisque nous sommes opposés à votre conception de l'immigration choisie. De là à me traiter d'ultralibérale, cela n'a rien à voir !
L'immigration concertée, c'est tout à fait autre chose ! Ce n'est pas le bon vouloir patronal pour choisir tel ou tel individu et l'exploiter.
Je souhaite que l'on pense un peu au sort de ces étrangers qui arrivent chez nous avec l'espoir de trouver du travail, une vie meilleure, une vie décente, et qui, en réalité, découvrent une misère beaucoup plus profonde parce que, totalement déracinés, ils n'ont plus aucun repère. Avec les zones géographiques et les domaines d'activité, ils sauront où trouver du travail et une ambiance peut-être plus conforme à leurs aspirations. C'est une façon de leur redonner l'espoir.
Par ailleurs, il ne faut pas perdre de vue que le codéveloppement n'est pas imposé. La France a mis en place un dispositif financier qui lui permet de répondre aux besoins des étrangers. Notre pays a été le premier à soutenir les instances européennes dans la lutte contre la violence. Tous ces peuples quittent leur pays parce qu'il n'y a pas d'institutions stables, pas de démocratie.
Il est quand même inacceptable que ces chefs d'État nous donnent des leçons de démocratie, quand on sait ce qui se passe au Togo, au Mali, quand on sait la misère de ces peuples, alors que les épouses des chefs d'État viennent en France avec des avions particuliers...
...pour faire leur marché. Arrêtons de dire n'importe quoi dans ce pays !
Bokassa est plus de vos amis que des miens ! Vous avez été mise en examen ! Vos propos sont inacceptables !
Je sais de quoi je parle ! En Haïti, le Révérend Père Jean-Bertrand Aristide, soutenu par l'association France-Liberté, avait chez lui des embrasses en ivoire et en or, tandis que le peuple haïtien attendait que la France apporte des ressources.
Si les propositions du Gouvernement peuvent paraître restrictives, elles répondent à une situation donnée, porteuse de garanties pour l'étranger. C'est cela, l'image de la France : recevoir des étrangers et leur donner des conditions de vie et de logement décentes, conformes à celles des Français !
Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.
Connaissez-vous Mme Aubry, madame Khiari ? Je pense que vous feriez bien de l'interroger sur le certificat médical : celui-ci trouve son origine dans un arrêté du 6 juillet 1999 relatif au contrôle médical des étrangers autorisés à séjourner en France, signé par Mme Martine Aubry. Il n'a donc rien de nouveau !
Dès lors, plutôt que de faire des remarques déplacées au sujet du présent texte, c'est à Mme Aubry que vous devriez vous adresser !
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement est adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 13 est adopté.
Après l'article L. 325- 6 du code du travail, il est inséré un article L. 325- 7 ainsi rédigé :
« Art. L. 325-7. - Afin de lutter contre le travail illégal, les agents chargés de la délivrance des titres de séjour, individuellement désignés et dûment habilités, peuvent avoir accès aux traitements automatisés des autorisations de travail, dans les conditions définies par la loi n° 78- 17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.
« Pour les mêmes motifs, les inspecteurs du travail, les contrôleurs du travail, et fonctionnaires assimilés, individuellement désignés et dûment habilités, peuvent avoir accès aux traitements automatisés des titres de séjour des étrangers, dans les conditions définies par la loi n° 78- 17 du 6 janvier 1978 précitée. »
Monsieur le ministre, je souhaite profiter de la discussion de cet article pour tenter de montrer qu'une grande partie de ce projet de loi est fondée sur la volonté de détourner non seulement le droit, mais également la nature des missions de certains corps constitués.
La semaine dernière, dans cet hémicycle, je déplorais que ce texte donne encore plus de pouvoirs exorbitants, et d'ailleurs arbitraires, aux maires.
Je tiens à affirmer avec la plus grande fermeté que la mission des inspecteurs du travail ne doit pas être dénaturée.
Or, à travers l'article 13 bis, bien que ce dernier ne le prévoie pas expressément, puisqu'il tend officiellement à lutter contre le travail illégal, ce à quoi nous sommes tous attachés, bien évidemment, et, incidemment, contre les employeurs qui y ont recours, le Gouvernement invite tout simplement le corps de l'inspection du travail à participer à la « traque » aux travailleurs en situation irrégulière.
Or telle n'est pas leur mission. En effet, les inspecteurs du travail ont pour rôle de protéger le salarié face à l'arbitraire de l'employeur. Cela a été le cas de tout temps et pour tous les salariés, qu'ils soient français ou étrangers, qu'ils soient ou non en situation régulière.
Le coeur de leur mission est de veiller au respect de la réglementation relative au travail et non de s'assurer du respect des lois sur le séjour des étrangers en France.
Pourquoi vouloir créer un corps supplétif à la police ? Pourquoi violer ainsi l'esprit qui anime une grande profession, celle d'inspecteur du travail, qui fait l'honneur de la France ?
D'autant que l'article 14 relève de la même logique : vous exigez des employeurs qu'ils s'assurent auprès des administrations territorialement compétentes de l'existence du titre autorisant l'étranger à exercer une activité salariée en France, alors que cela ne relève pas non plus de leur responsabilité.
Si tel ou tel employeur peut contrôler, a posteriori, le titre de séjour du migrant qu'il embauche, il ne doit en aucun cas solliciter les administrations compétentes afin de vérifier l'existence d'un tel titre. Cette pratique s'apparente presque à une « délation obligée », ce qui ne peut que nous rappeler une page noire de notre histoire.
Exclamations sur les travées de l'UMP.
En outre, je doute fort, monsieur le ministre, de la pertinence juridique de la notion d'existence d'un tel titre. Si je conçois parfaitement la possibilité de contrôler la validité d'un titre, je ne vois pas comment contrôler l'existence de ce titre.
Mon intervention porte sur le deuxième alinéa de l'article 13 bis.
Il est évident que la lutte contre le travail illégal doit être menée avec sérieux et détermination, tant celui-ci constitue avant tout la manifestation d'un très grand mépris envers la personne humaine, « utilisée » en dehors de toutes les lois sociales de notre pays.
Cette mission relève de l'inspection du travail, l'administration française étant, par tradition, chargée de contrôler que les travailleurs sont effectivement employés dans des conditions normales, c'est-à-dire dans le respect de la législation sociale.
Il n'y a aucun laxisme dans la position que nous défendons et, avec un peu de chance, vous n'aurez pas, monsieur le ministre, à m'opposer un texte émanant d'un ministre socialiste ; mais, si tel était le cas, je l'assumerais !
Si le travail illégal constitue donc, avant tout, une infraction à la législation sociale, il est également de nature à fausser la concurrence, même si, à nos yeux, cela est secondaire : le premier objectif est de protéger les travailleurs.
Ce qui nous gêne dans le deuxième alinéa de l'article 13 bis, c'est que, d'une certaine façon, on pratique l'amalgame entre immigration clandestine et travail illégal. Or nous savons que cet amalgame est injustifié.
Nous avons, dans le cadre de la commission d'enquête sur l'immigration clandestine, procédé à de nombreuses auditions sur ce thème. Or que nous a-t-on dit ? Eh bien ! que le travail illégal concerne toute la population. Quant aux chiffres qui ont été avancés, je citerai - j'espère ne pas trahir ses propos - Mme Colette Horel, déléguée interministérielle à la lutte contre le travail illégal, selon laquelle l'emploi d'étrangers sans titre de travail ne représente qu'une fraction de l'ordre de 10 % de l'ensemble des infractions relevant du travail illégal. Certains étrangers disposent d'un titre de séjour régulier, mais sont employés illégalement, car ils ne bénéficient pas d'une autorisation de travail et l'immigration clandestine et le travail illégal ne se recoupent donc pas.
Mme Horel s'était même livrée à une comparaison mathématique en disant qu'il s'agissait de deux ensembles ayant une intersection, mais que celle-ci était relativement modeste.
Par conséquent, le travail illégal est accompli soit par des Français, soit par des étrangers tant en situation régulière qu'en situation irrégulière. Dès lors, évitons les simplifications abusives !
Nous sommes d'accord pour que la plus grande sévérité s'exerce dans ce domaine envers les employeurs qui font appel de manière illégale à des travailleurs français ou étrangers, et ce quelle que soit la nationalité de ces employeurs.
Si, à la limite, on peut comprendre le premier alinéa de l'article 13 bis, selon lequel les agents chargés de la délivrance des titres de séjour ont accès aux fichiers des titres de séjour, à l'inverse, nous ne voyons pas pour quelle raison les inspecteurs du travail seraient autorisés à accéder à ces fichiers, devenant, de ce fait, des contrôleurs de séjour. Cela ne relève pas de leurs fonctions !
Ainsi, quand ils interviennent sur un chantier, notamment dans le BTP, l'hôtellerie ou la restauration, qui sont les secteurs privilégiés de ce type de travail, ils le font pour rétablir le travailleur dans ses droits et pour combattre les infractions à la législation sociale. Leur mission ne consiste pas à vérifier si le travailleur séjourne en France de manière illégale ou non ; il s'agit là d'un autre problème et ils l'ont eux-mêmes reconnu.
En conclusion, - ce voeu est sans doute audacieux ! - je souhaite une certaine cohérence dans l'action gouvernementale, ce qui me faciliterait la tâche pour la combattre.
Dans une note adressée le 18 octobre 2005 à l'ensemble des préfets et directeurs régionaux et départementaux du travail, ainsi qu'aux inspecteurs et contrôleurs du travail, le directeur des relations du travail au ministère de l'emploi précise : « L'action de l'inspection du travail vise à assurer le respect du code du travail et, en cas d'infraction constatée, à sanctionner l'employeur et à rétablir le travailleur étranger dans tous ses droits. Il n'appartient pas à l'inspection du travail d'assurer le contrôle du respect des règles relatives au séjour des étrangers. »
Cette note me paraît en contradiction avec le texte que nous examinons et je crains que l'amalgame pratiqué ne soit inadéquat, voire, en définitive, dangereux.
C'est la raison pour laquelle nous proposons de supprimer le deuxième alinéa de l'article 13 bis, sans que cela diminue en rien la nécessité de lutter contre le travail illégal.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 311, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen- Seat, Mathon- Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen- Seat.
Après les propos que vient de tenir mon collègue Bernard Frimat, et que je partage, je dirai que nous sommes effectivement dans la plus grande confusion des genres.
L'amendement que nous présentons rejoint la position que nous avons défendue à l'article 13.
La disposition introduite par Thierry Mariani à l'Assemblée nationale - dont la mise en accusation systématique des travailleurs étrangers n'est plus à prouver ! -tend à lutter contre le travail illégal ; tel est, en tout cas, l'objectif affiché.
De ce point de vue, je tiens à affirmer que nous condamnons le travail illégal, ainsi, bien évidemment, que les patrons qui y ont recours.
Je tiens d'ailleurs à préciser que nous avons déposé plusieurs propositions de loi dans ce sens qui, malheureusement, n'ont pas eu l'heur de plaire à la majorité de notre assemblée, puisqu'elles n'ont jamais été inscrites à l'ordre du jour. Or, comme chacun le sait, une telle décision ne dépend que de la majorité sénatoriale.
Je précise que des dispositions légales existent d'ores et déjà pour combattre les trafics. Toutefois, celles-ci nécessitent une volonté politique pour pouvoir être mises en oeuvre. Or il semble que cette volonté ne soit pas suffisamment affirmée, puisque nous ne pouvons que constater la persistance du travail clandestin, phénomène dû aux patrons qui ont recours au travail illégal, ce qui est quelque peu ennuyeux.
Mais ce qui est le plus choquant dans l'article 13 bis, c'est, d'une part, une énième charge contre les femmes et les hommes qui sont pris dans cet engrenage et, d'autre part, le manque de principe affiché par ses auteurs quant à la confidentialité des informations et leur nécessaire cloisonnement en vue du respect élémentaire des libertés publiques. Je le répète : il n'est pas du ressort des inspecteurs du travail de veiller à ce respect. D'ailleurs, j'aimerais savoir s'ils sont d'accord pour effectuer ce travail !
L'amendement n° 166, présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene- Thiery et Cerisier- ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus- Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer le second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 325- 7 du code du travail.
La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Ce qui est choquant dans cet article 13 bis, voté à l'Assemblée nationale, c'est qu'il établit une fausse symétrie entre les agents qui contrôlent l'immigration dans les préfectures et les inspecteurs du travail.
C'est ainsi que, par une sorte de réciprocité, qui ne correspond pas du tout à la fonction des uns et des autres, on permet aux agents des préfectures d'avoir accès aux traitements automatisés des autorisations de travail, ce qui est conforme à leur mission de police et d'investigation. Mais l'accès des inspecteurs du travail aux traitements automatisés des titres de séjour des étrangers ne tient absolument pas compte des spécificités de leur mission On veut donc faire participer les inspecteurs du travail à la mission de contrôle des étrangers.
Je ne reprendrai pas ce qui a été dit en termes excellents par mon collègue Bernard Frimat, mais il est clair qu'une fois de plus un gouvernement de droite veut changer les normes qui régissent la profession d'inspecteur du travail.
Je me souviens des débats extrêmement houleux suscités par la loi quinquennale relative à l'emploi, qui ne date pas d'hier, puisqu'elle a été votée en 1993. À l'époque, on voulait à tout prix confier aux inspecteurs du travail des missions de police dirigées contre les travailleurs immigrés en situation irrégulière.
Je le rappelle, le travail clandestin concerne très largement les Français. C'est le cas, par exemple, de l'agent de police qui, en-dehors de ses heures de travail, fait de la plomberie.
Exclamations sur les travées de l'UMP.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. À Paris, le moyen le moins onéreux de faire réaliser des travaux de plomberie ou de peinture est de recourir aux services d'un agent de police pendant ses heures de repos, tout le monde le sait !
Protestations sur les travées de l'UMP.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Les pompiers sont également concernés. Les membres de certaines professions sont les grands spécialistes du travail irrégulier, alors qu'ils sont en quelque sorte protégés par leur statut.
Nouvelles protestations sur les travées de l'UMP.
Nous estimons que le principe selon lequel les inspecteurs du travail ont pour seule et unique mission de veiller au respect de la réglementation relative au travail ne doit pas être remis en cause. C'est pourquoi nous défendons cet amendement de suppression.
S'agissant de l'amendement n° 311, qui tend à la suppression de l'article 13 bis du projet de loi, la commission ne peut qu'émettre un avis défavorable. Toutefois, je donnerai quelques explications supplémentaires.
Afin de lutter contre le travail illégal, cet article 13 bis permet aux préfectures et aux inspecteurs du travail d'échanger des informations. Il s'agit là d'un point tout à fait essentiel du projet de loi.
En nous attaquant à ce grave problème, à cette véritable horreur que constitue le travail illégal, nous tarissons l'une des sources de l'immigration clandestine.
Mes chers collègues, je rappellerai simplement les propos tenus par les inspecteurs du travail lors des auditions que nous avons menées outre-mer
Mme Lucette Michaux-Chevry acquiesce.
La consultation réciproque de leurs fichiers par les préfectures et les directions départementales de l'emploi est indispensable pour vérifier à la fois la validité de l'autorisation de travail et celle du titre de séjour.
En effet, si l'étranger est titulaire d'une autorisation spécifique de travail, celle-ci relève des services du ministère de l'emploi. En revanche, si son autorisation de travail découle de la détention d'un titre de séjour, telle qu'une carte de résident ou une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale », ce dernier figure au fichier des titres de séjour du ministère de l'intérieur. Il est donc nécessaire que ces différents fichiers puissent être consultés.
S'agissant de l'amendement n° 166, la commission émet également un avis défavorable. Il est évident que les inspecteurs du travail doivent connaître la situation d'un étranger au regard de son droit à travailler pour pouvoir constater une infraction de travail illégal. Cette disposition me paraît tout à fait fondée.
Je souhaite tout d'abord m'adresser à Mme Borvo Cohen-Seat, qui s'est absentée, semble-t-il.
Je souhaite lui dire combien je suis scandalisé, et même outré, que les policiers et les sapeurs-pompiers professionnels soient dénoncés collectivement au motif qu'ils réaliseraient des travaux clandestins en dehors de leurs missions. Les intéressés - et leurs syndicats - apprécieront !
Dans ce cas, je présente mes excuses à Mme Borvo Cohen-Seat et je déclare à Mme Cerisier-ben Guiga, sénateur de la République, que les propos qu'elle a tenus devant la Haute Assemblée sont inadmissibles !
Les policiers de la République et les sapeurs-pompiers se sont engagés au service de la sécurité des personnes et des biens. Plus qu'un choix de métier, ils ont fait un choix de vie. Il n'est pas acceptable qu'ils puissent être soupçonnés par un sénateur de la République de réaliser des travaux clandestins en-dehors du difficile métier qui est le leur ! Je tenais à le dire au nom du Gouvernement. En tout cas, chacune et chacun des intéressés apprécieront, tout comme leurs syndicats !
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Je le rappelle, contrairement à ce qui a été affirmé, les inspecteurs du travail ont pour mission de faire respecter la législation, c'est-à-dire le code du travail.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je lis l'article L. 611-1 du code du travail, car certains ici semblent le méconnaître : « les inspecteurs du travail [...] constatent [...] les infractions prévues par les articles 21 et 21 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ». Les propos qui ont été tenus ici semblent l'ignorer !
Ces dispositions législatives valent également pour les travailleurs étrangers, pour lesquels il existe des règles spéciales, notamment en matière d'autorisation de travail. J'ajoute que le même article du code du travail prévoit que les inspecteurs constatent également les infractions d'aide à l'entrée et au séjour irrégulier. Le travail illégal doit être combattu, ...
... qu'il concerne des étrangers ou des Français. Ce sont d'ailleurs les mêmes services de contrôle qui sont chargés de cette mission, à savoir la police, la gendarmerie, l'inspection du travail et l'URSSAF, entre autres.
Si un étranger qui ne possède pas de titre de séjour travaille, il se trouve dans l'illégalité. Il est logique que les inspecteurs du travail le sachent. Cela dit entre nous, il s'agit du b.a.-ba de la lutte contre le travail illégal des étrangers !
Pour répondre à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, il n'appartient pas à un fonctionnaire, fût-il inspecteur du travail, de définir lui-même ses missions ! C'est la loi qui doit s'en charger. Celle-ci confère déjà des prérogatives spéciales à l'inspection du travail, que ce projet de loi ne fait que compléter. Je le rappelle, aucun corps de fonctionnaires ne pratique l'autogestion, pas même celui de l'inspection du travail !
Quoiqu'il en soit, une fois de plus, alors que le Gouvernement propose au Parlement des outils permettant de lutter contre le travail clandestin, certains, sur les travées du groupe socialiste comme du groupe CRC, souhaitent que le travail dissimulé continue à être encouragé.
Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC
166 m'incitent à faire deux observations.
En premier lieu, les dispositions proposées illustrent parfaitement ce grand mal français qu'est le cloisonnement administratif. Dans tous les textes de loi que nous votons, nous nous ingénions à dresser des barrières entre les différents services. En ce qui concerne ce projet de loi, la CNIL a encore accentué cette tendance !
Dès lors que nous interdisons les passerelles, les renvois et les discussions communes, il n'est pas étonnant que notre fonction publique soit extrêmement importante.
À l'évidence, l'inspecteur du travail, lorsqu'il réalise un contrôle sur place dans un restaurant ou une entreprise de bâtiment, découvre souvent qu'une partie du personnel travaille au noir et provient de l'immigration clandestine. Il serait absurde de le priver de la possibilité d'intervenir à l'occasion d'un tel contrôle et de consulter les fichiers du personnel.
Mes chers collègues, vous défendez le cloisonnement administratif. Or, plus celui-ci se généralise, plus il est nécessaire de recruter des fonctionnaires, car, bien entendu, avec des règles de droit qui interdisent la communication des fichiers, des personnels considérables sont nécessaires pour accomplir le même travail.
En second lieu, les propos qui ont été tenus sur l'inspection du travail m'étonnent. Nous avons affaire non à un corps de magistrats, mais à des fonctionnaires qui doivent appliquer la loi !
Quand j'entends dire que les inspecteurs du travail appliqueront la loi comme ils voudront, je suis très étonné. Nous siégeons au Sénat de la République, nous édictons la loi et il est normal que tous les fonctionnaires l'appliquent.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
M. Éric Doligé. Depuis quelque temps, Mmes Cerisier-ben Guiga et Borvo Cohen-Seat ont pris l'habitude de dévoiler nos pensées !
Sourires sur les travées de l'UMP.
Même si c'est intolérable, nous le supportons, car nous y sommes habitués.
Toutefois, Madame Cerisier-ben Guiga, certains des propos que vous avez tenus m'ont surpris. Même si M. le ministre les a déjà repris, j'aimerais recevoir des explications.
Je travaille toute l'année avec les pompiers et les policiers, et j'ai le sentiment qu'ils accomplissent leur travail de manière admirable Or vous nous annoncez ici même, en séance publique, qu'ils travaillent au noir et que tout le monde le sait ! J'aimerais donc avoir des explications. Soit vos propos sont exacts, et vous devez alors les justifier et les étayer, soit ils ne le sont pas, et alors retirez-les. Dans tous les cas, nous ne pouvons rester sur cette imprécision.
Les policiers et les pompiers sont des gens avec qui nous sommes en permanence en relation et en qui nous avons pleinement confiance. Or, de but en blanc, vous tenez à leur sujet des propos tout à fait surprenants ! Si ceux-ci sont vrais, démontrez-les, sinon, retirez-les.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
L'amendement n'est pas adopté.
La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote sur l'amendement n° 166.
Mes chers collègues, puisque vous avez voulu que cet après-midi soit celui des leçons, vous me permettrez de vous renvoyer celles que vous nous avez données !
Monsieur le ministre, je vous le répète, il me semble que nous sommes en désaccord, ce qui ne me perturbe pas. Nous sommes d'ailleurs suffisamment en désaccord pour que vous n'ayez pas besoin de travestir nos propos !
Nous sommes opposés au travail illégal. Nous l'avons déclaré maintes fois, et je vous renvoie à la lecture du Journal officiel. Si cette information n'est pas parvenue jusqu'à vous, soit mes propos n'ont pas été clairs, soit vous ne les avez pas compris.
Pour que les choses soient parfaitement évidentes, je répète que nous sommes opposés au travail illégal, et si vous souhaitez que je vous l'écrive sur un papier, que vous pourrez ainsi garder sous les yeux, je le ferai bien volontiers !
Sourires
Monsieur le rapporteur, votre argumentaire ne contredit nullement les propos qu'a tenus Mme Assassi en défendant l'amendement n° 311. S'agissant de l'outre-mer et de la Guyane, nous avons en effet mené des auditions intéressantes.
Toutefois, est-ce le travail illégal qui nourrit l'immigration clandestine ou l'inverse ? Nous pouvons à tout le moins nous poser la question !
Monsieur le ministre, j'ai pris bonne note de tout ce que j'ignorais. En revanche, je suis très étonné par une circulaire émanant du directeur des relations du travail du ministère de l'emploi, dont vous m'accorderez que nous pouvons lui supposer une connaissance correcte du métier des inspecteurs du travail ; je lui en fais du moins le crédit.
En effet, il écrit que « l'action de l'inspecteur du travail vise à assurer le respect du code du travail et, en cas d'infraction constatée, à sanctionner l'employeur et à rétablir le travailleur étranger dans ses droits. Il n'appartient pas à l'inspection du travail d'assurer le contrôle du respect des règles relatives au séjour des étrangers ».
Si le directeur des relations du travail du ministère de l'emploi éprouve le besoin d'adresser cette circulaire aux préfets, aux directeurs régionaux et départementaux du travail, ainsi qu'aux inspecteurs et contrôleurs du travail, cela signifie sans doute quelque chose, et que son objectif était probablement de calmer une émotion existante.
L'inspection du travail protège les travailleurs. Monsieur Fourcade, vous avez raison : elle est composée de fonctionnaires, qui, à ce titre, sont tout autant respectables que les magistrats.
Qu'un fonctionnaire chargé de vérifier les titres de séjour puisse accéder aux fichiers de travail nous semble cohérent. Toutefois, à l'inverse, en quoi un inspecteur du travail aurait-t-il besoin d'accéder aux titres de séjour pour juger de l'illégalité du travail accompli ? Une fois qu'il a constaté l'illégalité d'une activité, que celle-ci soit accomplie par un travailleur français ou par un étranger, il fait son office. Heureusement que la CNIL existe pour garantir certaines libertés !
Mes chers collègues, en ce qui nous concerne, nous voulons faire respecter le droit du travail. Il s'agit là, je le sais, d'un sujet qui nous divise. Vous êtes nombreux à considérer, et c'est votre droit, que le droit du travail constitue un obstacle ; nous estimons au contraire qu'il est une garantie, et nous préférerions qu'il y ait davantage d'inspecteurs du travail en fonction pour lutter contre le travail illégal, que nous combattons.
Toutefois, monsieur le ministre, répondez aux questions que je vous pose. Je sais bien que, quelque soit le talent de ceux qui vous entourent, écrire et écouter en même temps constitue un exercice difficile. Cependant, de grâce, répondez aux arguments que nous avançons !
Si nous avons tort, nous l'admettrons. Mais, en l'espèce, vous n'allez tout de même pas oser me dire que vous ignorez cette circulaire du 18 octobre 2005 et que ce directeur des relations du travail ne connaît rien à son métier ! Ou alors, ce sera un autre débat ! Et ne me répondez pas non plus que nous encourageons le travail clandestin et que la gauche, une fois de plus, vous étonne !
Monsieur le ministre, une chose est sûre : la gauche n'a pas fini de vous étonner ! Sur ce point, vous et vos amis devriez parler avec une certaine circonspection.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Monsieur Frimat, votre voeu est exaucé : je vous le rappelle, 100 postes d'inspecteur et 131 postes de contrôleur auront été créés en 2006 ; entre 2007 et 2010, 700 créations de postes sont prévues. Voilà la preuve de notre totale détermination !
Jusqu'en 2010, peut-être... De toute manière, vous ne tenez pas vos promesses !
Je ne ferai que deux observations.
Premièrement, un clandestin, ipso facto, travaille au noir. Sinon, comment pourrait-il survivre ? Or, le travail au noir, c'est l'exploitation de l'homme.
Deuxièmement, une circulaire a été évoquée. Que je sache, nous sommes en train de légiférer, et je n'ai jamais su qu'une circulaire avait plus d'importance qu'une loi !
Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 13 bis est adopté.
L'amendement n° 167 rectifié, présenté par MM. Domeizel et Godefroy, Mmes Khiari et Cerisier-ben Guiga, M. Frimat et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 13 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le I de l'article L. 4111-2 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Il ne peut y avoir aucune discrimination salariale entre les médecins autorisés à exercer des fonctions identiques au sein des services hospitaliers ».
La parole est à M. Claude Domeizel.
C'est en tant que président du groupe interparlementaire d'amitié France-Algérie que j'ai été alerté sur la situation des praticiens de santé extracommunautaires exerçant la médecine dans des hôpitaux français. Je suppose d'ailleurs que d'autres présidents de groupe ont également dû être saisis de ce problème. Ainsi, selon les derniers chiffres du ministère de la santé, 7 000 de ces praticiens exercent en France sans toutefois bénéficier de la « plénitude d'exercice ».
Alors même que le Gouvernement prétend promouvoir l'égalité des chances et lutter contre les discriminations, nous ne pouvons que constater celles dont sont victimes les praticiens disposant d'un diplôme extracommunautaire, qui assurent pourtant au quotidien les mêmes fonctions et les mêmes responsabilités que les praticiens titulaires, mais sans reconnaissance sur le plan du statut ou du salaire. En effet, à compétence égale, il n'y a ni statut égal ni salaire égal.
Ces praticiens subissent donc une double inégalité : non seulement leurs salaires sont largement inférieurs à ceux de leurs collègues, dans une proportion de 30 % à 50 %, mais ils effectuent leur activité en toute illégalité puisqu'ils ne sont pas reconnus par le Conseil national de l'ordre des médecins.
Il est donc nécessaire d'instaurer un traitement égalitaire entre ces praticiens et leurs confrères titulaires d'un diplôme communautaire, dans la mesure où leur présence est indispensable au service public de la santé. Ces médecins soignent des malades à l'hôpital depuis des années, s'investissent dans leur travail, prennent des responsabilités et sont pourtant traités de manière discriminatoire par rapport à leurs confrères disposant d'un diplôme européen.
À l'heure où vous parlez d'« immigration choisie », il faudrait parler ici d'« immigration applaudie », car ces médecins d'origine extracommunautaire sont les rouages silencieux d'une machine hospitalière qui ne pourrait fonctionner sans eux. En assumant les gardes que les praticiens français dédaignent, c'est-à-dire la nuit, pendant les vacances scolaires ou les jours fériés, ou en faisant « tourner » de petits hôpitaux de province, ils permettent au système de se maintenir à flot.
Cette situation est l'une des conséquences du déséquilibre entre les hôpitaux et les cliniques : les médecins disposant d'un diplôme français exercent plus volontiers au sein des cliniques, dans lesquelles les conditions de travail et les rémunérations sont souvent plus avantageuses.
Le présent amendement a donc pour but de faire appliquer le principe « à travail égal, salaire égal », énoncé par plusieurs articles du code du travail et qui revêt également une valeur constitutionnelle. Si tout le monde le connaît, ce principe n'est malheureusement pas toujours appliqué : il impose à l'employeur d'assurer l'égalité de rémunération entre tous les salariés qui sont placés dans une situation identique. Le cas des médecins titulaires ou disposant d'un diplôme extracommunautaire en est la parfaite illustration.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, nous vous demandons donc d'adopter cet amendement. Cela étant dit, monsieur le ministre, je vous vois venir : vous allez sûrement me répondre que cette situation n'est pas nouvelle.
Certes, elle n'est pas nouvelle, mais, à nos yeux, cette situation inadmissible doit cesser !
Elle ne devait pas cesser quand la gauche était au pouvoir, mais elle doit cesser maintenant !
Chacun en convient, la question de l'emploi d'étrangers dans notre système de santé a pu causer des difficultés et en cause même encore parfois. Aux yeux de la commission, à travail égal, il faut évidemment un salaire égal. Pour autant, il convient tout de même de tenir compte d'un certain nombre d'éléments. C'est le cas, en particulier, des différences de statut qui aboutissent à des systèmes distincts de rémunération, voire de qualification.
En conséquence, la commission des lois s'estimant insuffisamment compétente en la matière, elle a décidé de demander l'avis du Gouvernement sur cet amendement.
Monsieur Domeizel, vous souhaitez inscrire dans la loi qu'il « ne peut y avoir aucune discrimination salariale entre les médecins autorisés à exercer des fonctions identiques au sein des services hospitaliers ».
Or, si l'objet de cet amendement peut avoir l'aspect du bon sens, il n'en a finalement que l'aspect !
Dans la fonction publique, à laquelle vous faites référence, vous feignez d'ignorer qu'il existe déjà de grandes différenciations pour des postes de responsabilité quasi identiques.
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Les rémunérations diffèrent parfois, alors même que les agents exercent des fonctions identiques.
M. Claude Domeizel s'exclame.
Je peux vous transmettre la liste des exemples, si vous voulez ! Prenons, d'ailleurs, celui des professeurs.
Selon que vous êtes certifié ou agrégé, une même heure de cours de lettres devant les mêmes élèves n'est pas payée de la même manière. Voilà la réalité !
Puisque cela s'applique à des agents statutaires, a fortiori, cela s'applique également à des agents contractuels.
L'heure d'enseignement du vacataire est forcément moins bien payée que celle du professeur titulaire.
Pour en revenir, après les enseignants, à l'exemple des médecins hospitaliers que vous avez cité, il faut rappeler que les médecins ayant un diplôme délivré hors de l'Union européenne sont recrutés par les hôpitaux comme assistants associés ou praticiens attachés associés. Il ne s'agit donc pas d'un statut « de plein droit », identique à celui des diplômés des facultés de médecine françaises. Ces médecins ne peuvent donc exercer pleinement en France : ils travaillent dans des établissements publics de santé, sous la responsabilité directe d'un médecin, dit « médecin senior ». Et c'est bien ce dernier, et non le médecin étranger, qui, en cas d'accident, engage sa propre responsabilité.
La prise en compte de cette distinction importante dans l'exercice de la responsabilité médicale aboutit à des différences non seulement dans la rémunération des permanents sur place la nuit, les dimanches et les jours fériés, mais aussi dans l'indemnisation du temps de travail additionnel, de jour comme de nuit. Ainsi, pour une garde, l'indemnité de sujétion d'un attaché de plein exercice s'élève à 256 euros, tandis qu'elle est de 210 euros pour un attaché associé.
En revanche, depuis la création, en août 2003, par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, du statut de praticien attaché et de praticien attaché associé, ce dernier bénéficie d'une rémunération de base et d'un déroulement de carrière identiques à ceux du praticien attaché de plein exercice. En outre, le dispositif défini dans la loi du 27 juillet 1999, qui a été adoptée sous le gouvernement de Lionel Jospin, a bien été appliqué : un concours a permis à des médecins titulaires de diplômes extra-européens d'accéder au plein exercice de la médecine ; c'est ainsi que 200 postes ont été mis au concours en 2004, et 700 en 2005.
Telles sont les raisons, monsieur le rapporteur, qui me conduisent bien évidemment à émettre, au nom du Gouvernement, un avis défavorable sur cet amendement. Ce qui se passe dans le service public hospitalier est également observé dans d'autres services publics de notre pays.
Monsieur Domeizel, vous avez affirmé connaître, par anticipation, la teneur de ma réponse, à savoir qu'une telle situation n'était pas nouvelle.
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Je ne sais pas comment vous avez pu raisonner ainsi !
Sourires
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Je vous le redis, cette situation n'est effectivement pas nouvelle. On se demande d'ailleurs pourquoi vos amis n'ont pas proposé de réforme avant ! Puisque vous reconnaissez vous-même que cette situation n'est pas nouvelle, pour quelles raisons la gauche, quand elle gouvernait, n'a-t-elle pas inscrit dans la loi la mesure que vous proposez dans cet amendement ?
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
Or, tout à coup, l'actuel gouvernement devrait faire ce que vous n'avez pas su faire !
En définitive, mesdames, messieurs les sénateurs de l'opposition, non seulement cette situation n'est pas nouvelle, mais elle s'est en plus amplifiée. Comme toujours lorsque vous êtes au pouvoir et que vous réformez, vous n'anticipez jamais sur les conséquences des lois que vous faites voter !
Ainsi, lorsque vous avez prévu le passage aux 35 heures dans le service public hospitalier, en avez-vous réellement anticipé les conséquences pour l'hôpital public dans notre pays ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Dans la nuit du 31 décembre 2001 au 1er janvier 2002, il a subitement perdu 20 % de ses effectifs !
Applaudissementssur les travées de l'UMP.
En fait, vous n'avez rien anticipé du tout. Quel que soit le niveau du numerus clausus, que notre majorité a d'ailleurs augmenté, vous avez oublié qu'il fallait au moins sept ans pour pouvoir former un médecin titulaire dans les facultés de notre pays. Cela ne se fait pas en une nuit, ou même en un jour, comme vous semblez le croire !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. En réalité, la situation actuelle de la médecine française et le recours contraint à des assistants étrangers ne sont que les conséquences de votre politique. En aucun cas cet amendement ne se justifie.
Applaudissementssur les travées de l'UMP.
La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Monsieur le ministre, le problème, c'est que les Français veulent être bien soignés et pouvoir être reçus dans des services d'urgence ouverts en permanence et comptant suffisamment de médecins. Or, en France, nous avons mené pendant longtemps une politique beaucoup trop restrictive de recrutement dans ce domaine, conformément d'ailleurs aux orientations du Conseil national de l'ordre des médecins, qui a tendance à dépasser quelque peu ses attributions et à faire la loi au ministère de la santé !
Murmures sur les travées de l'UMP.
Si vous demandez aux responsables du service public de la santé dans les départements et les régions ce qu'il adviendrait en l'absence de ces 7 000 médecins étrangers, ils auraient la même réponse : il faudrait fermer les services d'urgence, y compris à Paris, ainsi que des services entiers dans les hôpitaux régionaux.
Je tiens à le rappeler, cette immigration de médecins a été une immigration « choisie » : tous ont passé des concours dans nos postes diplomatiques à partir des années quatre-vingt-dix, pour venir exercer leurs spécialités en France et remplacer les internes français que le numerus clausus des études médicales a raréfié. À l'époque en effet, on se figurait, à tort, que la diminution du nombre des médecins entraînerait une diminution de l'offre et, donc, de la dépense de santé.
Ces médecins étrangers ont fait fonction d'internes et ont passé un concours de spécialité de même niveau que celui de leurs collègues français. Malgré tout, cela ne leur a pas donné le droit d'exercer pleinement en France.
Pire, ceux qui étaient de nationalité française et qui avaient fait leurs études à l'étranger, par exemple les Français d'Algérie repliés en 1994, se sont trouvés pris au même piège.
On a réglé le problème depuis quelques années en interdisant aux étudiants des facultés étrangères l'accès à l'activité de « faisant fonction d'interne » s'ils ont la nationalité française. Les jeunes Français que nous représentons et qui ont le malheur d'avoir commencé leurs études de médecine à l'étranger ne peuvent pas faire fonction d'interne en France ; cette possibilité leur est refusée au motif qu'ils sont Français.
J'ajoute que même ceux qui ont réussi le certificat de synthèse clinique et thérapeutique n'ont souvent pas reçu le droit d'exercer, parfois plusieurs années après leur succès, le ministre de la santé ayant le pouvoir discrétionnaire de délivrer cette autorisation.
Il me semble, monsieur le ministre, que vous n'avez pas entendu parler de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, la HALDE.
Or, cette dernière a saisi le Gouvernement, le 27 février 2006, en ces termes : « C'est dans l'exploitation qui est faite de leur absence de statut, alors même que leurs responsabilités concrètes sont identiques, que la discrimination à leur égard trouve sa source. »
La HALDE a donné un délai de quatre mois au Gouvernement pour prendre des mesures afin de faire cesser cette discrimination « notamment en terme de rémunération ». Ce délai expire dans deux semaines : notre Haute Assemblée pourrait tout de même être informée, à ce stade du débat, des pistes envisagées pour rétablir l'égalité entre médecins dans le cadre de cette immigration choisie.
Monsieur le ministre, je voudrais tout de même vous rappeler que la gauche a la volonté de résorber ces discriminations envers les médecins à diplôme extracommunautaire. En effet, c'est elle qui a ouvert un concours permettant d'égaliser leur situation qui, comme cela a été rappelé, est soumise à une autorisation discrétionnaire du ministre de la santé.
En cas de succès, ils pouvaient être inscrits à l'Ordre des médecins et exercer une profession libérale. Cela a permis de régulariser ou d'égaliser la situation d'un nombre considérable de médecins.
Toutefois, depuis quatre ans, des recrutements s'opèrent dans les hôpitaux et vous savez comme moi, monsieur le ministre, que ces médecins servent de variable d'ajustement aux budgets desdits hôpitaux.
Quitte à vous contrarier, je vais apporter des éléments, indiquant que ces médecins ne travaillent pas réellement sous l'autorité d'un médecin-chef.
Dans la délibération de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, son président, M. Schweitzer, dont l'avis est tout à fait objectif, ...
...précise : « Ces recrutements de praticiens à titre extracommunautaire sont liés à l'insuffisance du nombre de praticiens formés en France du fait du numerus clausus pour les études de médecine.
« L'absence de responsabilité juridique liée à la qualité de praticien associé n'est que théorique, les médecins à diplôme étranger exerçant en réalité des fonctions analogues aux praticiens hospitaliers, de manière tout à fait autonome.
« C'est dans l'exploitation qui est faite de leur absence de statut, alors même que leurs responsabilités concrètes sont identiques, que la discrimination à leur égard trouve sa source. Celle-ci s'opère à raison de l'origine, dans l'accès à l'emploi et dans l'emploi. »
C'est la raison pour laquelle, par cet amendement, monsieur le ministre, vous avez la possibilité de rétablir une forme de justice puisque, de toute façon, dans deux semaines au plus tard, le ministre de la santé sera obligé de prendre des dispositions pour faire suite à l'avis du président de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité ou, du moins, de s'en expliquer avec lui.
Monsieur le ministre, vous avez fait référence à la fonction publique, dont je n'ai nullement fait mention dans mon propos : je crois d'ailleurs savoir que les médecins hospitaliers n'en font pas partie, même s'ils assurent une mission de service public.
La question qui se pose est de savoir s'ils assument les mêmes fonctions et dans des conditions identiques. Vous me répondez par la négative, sous prétexte qu'il s'agit de médecins associés à des médecins seniors. En réalité, c'est faux, car le contrôle et l'autorité sous lesquels ils sont censés travailler sont fictifs.
Comme l'ont rappelé Monique Cerisier-ben Guiga et Bariza Khiari, l'amendement que j'ai présenté avec les membres de mon groupe ne fait qu'aller dans le sens des recommandations de la HALDE. Mieux vaudrait les suivre avec quelques jours d'avance en l'adoptant : vous donneriez ainsi satisfaction à cette Haute autorité que vous avez créée.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article L. 341-6 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État, l'employeur est tenu de s'assurer auprès des administrations territorialement compétentes de l'existence du titre autorisant l'étranger à exercer une activité salariée en France, sauf si cet étranger est inscrit sur la liste des demandeurs d'emploi tenue par l'Agence nationale pour l'emploi. »
L'amendement n° 168, présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bernard Frimat.
L'article 14 du projet de loi s'est trouvé quelque peu assoupli par un amendement de l'Assemblée nationale. En effet, alors que le texte initial chargeait l'employeur de s'assurer auprès des administrations territorialement compétentes de la validité du titre autorisant l'étranger à exercer une activité salariée, après son passage à l'Assemblée nationale, il ne lui est plus demandé que de vérifier l'existence dudit titre.
Pensez-vous que ce soit véritablement le travail de l'employeur ?
J'ai cru vous entendre souvent invoquer - soit dit en toute amitié, j'ignore ce qu'en pense M. Fourcade - la nécessité de ne pas imposer aux employeurs, qui avaient autres chose à faire, un surcroît de formalités administratives dont ils pouvaient se dispenser et donc, pour reprendre les termes d'un ancien Premier ministre, de « libérer les énergies ».
Or, en l'occurrence, vous chargez ni plus ni moins les employeurs d'une démarche auprès des administrations compétentes pour s'assurer qu'ils peuvent employer le travailleur qu'ils entendent embaucher.
Ne considérez-vous pas qu'il serait logique d'inverser la charge de la preuve en demandant au travailleur étranger de présenter le document lui permettant de travailler à son employeur potentiel pour que dernier puisse s'assurer de son existence sans avoir à le faire auprès des autorités administrativement compétentes ?
Dès lors que nous sommes favorables à la lutte contre le travail illégal - comme vous l'avez si parfaitement compris, monsieur le ministre ! - nous pouvons très bien admettre que l'on demande à l'employeur de faire l'effort de vérifier que le travailleur étranger est détenteur d'un document administratif, quelle qu'en soit la nature, l'autorisant à travailler, mais ne le contraignez pas à entreprendre cette démarche auprès de l'administration. Ce faisant, vous alourdissez les formalités.
La commission a émis un avis défavorable considérant que, toujours dans la logique de lutte contre le travail illégal, l'employeur pourra ainsi vérifier auprès de l'administration si la personne qui se présente devant lui est bien titulaire de son titre.
Le groupe socialiste nous reproche d'alourdir la responsabilité et d'augmenter les contraintes des chefs d'entreprise.
Franchement, monsieur Frimat, de votre part, je trouve la chose assez piquante ! Est-il anormal d'exiger d'un employeur qu'il vérifie si le ressortissant étranger qu'il emploie est détenteur d'une autorisation de séjour et, à plus forte raison, d'une autorisation de travail ?
Je ne comprends pas par quel égarement vous pouvez vous y opposer ! Le Gouvernement, même si tel n'est pas votre cas, entend bien lutter avec détermination contre toute embauche de ressortissant étranger qui ne disposerait pas d'une autorisation de travail.
Vous aurez sans doute relevé, dans le Journal Officiel du 6 juin dernier, la publication d'un décret précisant les conditions dans lesquelles les employeurs de travailleurs étrangers illégaux devront participer financièrement aux frais de réacheminement de ces étrangers vers leur pays d'origine.
Il prouve, même si vous la contestez, la force de nos convictions et témoigne de notre détermination à lutter contre les esclavagistes. Je regrette que cette détermination ne fasse pas l'unanimité de la Haute Assemblée.
Monsieur le ministre, nous allons vous répéter, chaque fois que cela se révélera nécessaire, qu'il est important de lutter contre le travail illégal qui, dans sa version la plus extrême, à savoir le travail clandestin, peut prendre la forme d'un esclavage moderne particulièrement insupportable. Nous allons devoir le répéter, puisque vous ne semblez pas l'avoir entendu !
L'existence du travail clandestin, d'une part maintient dans la précarité et exclut du bénéfice des droits essentiels un grand nombre de travailleurs, et d'autre part se traduit par un manque à gagner en matière de paiement des charges sociales.
C'est la raison pour laquelle il faut cibler avec fermeté ceux qui le mettent en oeuvre, c'est-à-dire tous ceux qui instrumentalisent la situation de faiblesse des plus précaires des étrangers présents sur notre sol.
Il convient, bien sûr, que les employeurs sachent qu'en cas d'embauche illégale ils seront tenus pour responsables. Il leur incombe, en effet, de demander aux travailleurs qu'ils comptent embaucher de leur fournir les pièces attestant qu'ils sont autorisés à exercer une activité salariale en France.
L'article 14 que vous voulez ajouter à notre législation ne me semble pas, pour le coup, approprié.
C'est la méfiance que vous voulez généraliser comme principe de relations du travail : pourquoi partir du présupposé que les pièces fournies par le candidat à l'embauche seront fausses ? Alors que vous stigmatisez sans cesse la prétendue lourdeur des procédures administratives dans notre pays, vous voulez en rajouter une, qui n'a vraiment pas lieu d'être. Cet article, à mon sens, n'apportera rien en la matière, si ce n'est un peu plus de défiance à l'égard des étrangers qui postulent pour un emploi en France.
Pourtant, monsieur le ministre, vous en conviendrez, trouver un emploi est bien la meilleure manière de s'intégrer dans notre pays. Instaurer un climat de suspicion n'est pas, selon moi, la meilleure formule dans un texte qui prétend contenir le terme « intégration » dans son intitulé.
Monsieur le ministre, c'est un choix de votre part, et je le prends comme tel, que de ne pas répondre à nos argumentaires. J'en prends acte, mais cela va réduire considérablement l'intérêt du débat ! Selon moi, en effet, un débat parlementaire consiste à développer des arguments et à y répondre.
Vous aurez beau faire les pieds au mur et toutes sortes de pirouettes pour nous prouver que nous sommes pour le travail illégal, cela restera faux : nous l'avons dit, nous l'avons démontré, nous l'avons prouvé !
Vous pouvez faire des effets de manches, cela vous regarde, mais j'ai compris quelle était votre technique et je sais que vous ne nous répondrez pas.
Le rapporteur ne m'a pas davantage répondu.
Nous vous disons clairement que le fait que l'employeur contrôle si le travailleur étranger a le droit de travailler ne nous choque pas. J'ai essayé d'employer des mots simples, de faire des phrases courtes pour être compris.
Une fois ce point posé, nous estimons qu'il est trop lourd de dire que c'est à l'employeur qu'il appartiendra d'aller contrôler la situation auprès de l'autorité administrative.
L'étranger postulant à un emploi est détenteur d'un titre qu'on peut lui réclamer dans différentes situations, notamment au cours de contrôles où il devra justifier de sa légitimité. Ne pensez-vous pas que l'employeur lorsqu'il aura vérifié l'existence d'un tel titre aura rempli son rôle d'employeur pour éviter d'embaucher des travailleurs en situation illégale ?
Vous n'avez à pas à le contraindre systématiquement à aller vérifier l'existence de cette autorisation auprès des services étrangers qui sont surchargés, sauf, comme le dit très bien Bariza Khiari, à présupposer la fraude, à retourner dans votre obsession qui vous incite à penser que, tous les titres présentés étant faux, il est préférable de puiser les informations à la source.
Nous ne comprenons pas ce qu'apporte l'article 14. L'interdiction d'employer des travailleurs étrangers ne disposant pas du titre leur permettant d'exercer une activité salariée en France figure déjà dans l'actuel article L. 341-6 du code du travail, disposition que nous ne remettons pas en cause. Nous contestons uniquement l'ajout du Gouvernement tendant à obliger l'employeur à vérifier le titre de séjour de l'étranger qu'il envisage d'embaucher auprès de l'administration, même si l'Assemblée nationale, devant l'énormité de ce qui est demandé, a simplement prévu que l'employeur devait s'assurer non plus de la validité mais de l'existence du titre en question.
Nous, nous voulons « descendre une marche ». Nous souhaitons que l'employeur soit simplement chargé de constater la présentation d'un titre au moment de l'embauche. Ultérieurement, le contrôle n'est plus de son ressort.
Monsieur le ministre, sachez que je n'attends pas de réponse !
Ce texte instaure une sécurité pour ceux qui passent des marchés dans les collectivités.
Mes chers collègues, je veux vous rappeler que lorsque vous passez un marché relatif à une salle des fêtes ou à un collège, par exemple, si d'aventure l'une des entreprises avec laquelle vous avez traité emploie des salariés dans des conditions illégales, vous êtes responsables et vous pouvez être poursuivis.
Cet article nous permet donc d'avoir une sécurité supplémentaire, ce qui est souhaitable.
D'aucuns disent que je n'ai pas répondu. C'est pourquoi je souhaite prendre la parole en cet instant.
Monsieur Frimat, le dispositif que vous souhaitez, selon lequel l'étranger arrivant en France présenterait l'ensemble des documents qu'il doit produire, introduirait certes une certaine souplesse et l'on pourrait y souscrire.
Cependant, le dispositif mis en place vise à lutter contre le travail clandestin. Or, jusqu'à présent, l'employeur ne peut pas vérifier la validité des documents présentés. Dans cette logique de lutte contre le travail clandestin, il faut à tout prix que l'employeur obtienne une information sûre.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 14 est adopté.
L'article L. 341-6-4 du code du travail est ainsi modifié :
1° Dans le premier alinéa, après les mots : « acte de commerce, », sont insérés les mots : « et tous les six mois jusqu'à la fin de l'exécution dudit contrat, » ;
1° bis Le premier alinéa est complété par les mots : « et de la contribution forfaitaire prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile » ;
2° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Le particulier qui conclut pour son usage personnel, celui de son conjoint, de ses ascendants ou descendants un contrat dont l'objet porte sur une obligation d'un montant au moins égal à 3 000 € est soumis aux dispositions de l'alinéa précédent lors de la conclusion de ce contrat. » -
Adopté.
Après l'article L. 325-2 du code du travail, il est inséré un article L. 325-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 325-2-1. - Lorsqu'ils ne relèvent pas des services de la police ou de la gendarmerie nationales, les agents de contrôle mentionnés à l'article L. 325-1 peuvent solliciter des interprètes assermentés inscrits sur l'une des listes prévues à l'article 157 du code de procédure pénale, en tant que de besoin, pour le contrôle de la réglementation sur la main-d'oeuvre étrangère et le détachement transnational de travailleurs. » -
Adopté.
Après le premier alinéa de l'article L. 341-7 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de récidive de l'employeur mentionné ci-dessus, le montant minimum de la contribution spéciale qu'il devra acquitter ne pourra être inférieur à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti. »
L'amendement n° 29, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
La dernière phrase du premier alinéa de l'article L. 341-7 du code du travail est ainsi rédigée :
« Le montant de cette contribution spéciale ne saurait être inférieur à 500 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 141-8 et, en cas de réitération, à 5.000 fois ce même taux.»
La parole est à M. le rapporteur.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 140 rectifié, présenté par MM. Goujon, Karoutchi et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Après l'article 15 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre II du titre II du livre Ier du code de commerce est ainsi rédigé :
« Chapitre II
« Des commerçants étrangers
« Art. L. 122-1. - Un étranger qui exerce sur le territoire français, sans y résider, une profession commerciale, industrielle ou artisanale, dans des conditions rendant nécessaire son inscription ou sa mention au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers, doit en faire la déclaration au préfet du département dans lequel il envisage d'exercer pour la première fois son activité dans les conditions définies par décret.
« Les ressortissants des États membres de l'Union européenne, des autres États parties à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse sont dispensés de l'obligation de déclaration prévue au premier alinéa. »
« Art. L. 122-2. - Toute infraction aux prescriptions de l'article L. 122-1 et à celles du décret d'application qu'il prévoit est punie d'un emprisonnement de six mois et d'une amende de 3 750 euros. En cas de récidive, les peines sont portées au double. Le tribunal peut, en outre, ordonner la fermeture de l'établissement. »
La parole est à M. Philippe Goujon.
Par cet amendement, nous proposons une nouvelle rédaction de l'article L. 122-1 du code de commerce relatif aux commerçants étrangers et une mise en cohérence des dispositions du code de commerce avec celles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
En effet, les conditions d'obtention d'une autorisation d'exercice de la profession de commerçant pour les étrangers souhaitant s'établir sur le territoire national sont désormais insérées dans le second code. C'est la raison pour laquelle nous proposons de modifier le code de commerce afin de supprimer le régime d'autorisation préalable en ne conservant une déclaration en préfecture que pour les seuls commerçants étrangers non-résidents.
La dérogation au régime de droit commun en faveur des ressortissants européens, telle qu'elle est prévue par l'article L. 122-3 actuel du code susvisé, est reprise au deuxième alinéa de l'article L. 122-1 nouveau.
L'article L. 122-2 du code de commerce est modifié en conséquence afin de maintenir les sanctions qu'il prévoit à l'égard des commerçants non-résidents.
Enfin, la réécriture de l'ensemble du chapitre II du code de commerce ne reprenant pas les articles L. 122-3 et L. 122-4, ces textes se trouvent, de fait, abrogés.
Les modalités d'application des mesures relatives aux commerçants non-résidents devront désormais relever d'un décret prévu à l'article L. 122-1.
Cet amendement vise à simplifier les procédures d'autorisation pour les commerçants étrangers qui ne résident pas en France. La commission émet donc un avis favorable.
Monsieur le sénateur, je vous remercie de compléter utilement un amendement proposé par M. Novelli à l'Assemblée nationale.
Le Gouvernement émet un avis favorable, d'autant qu'il s'agit de concilier la nécessité d'encourager la création d'entreprises en France avec la volonté du Gouvernement de contrôler la nature de ces investissements, de manière à lutter contre les filières de blanchiment d'argent, notamment.
Monsieur le président, il me semble que cet amendement devrait être complété ; il doit être précisé que les articles L. 122-3 et L. 122-4 du code de commerce sont abrogés, faute de quoi ces textes risqueraient de survivre.
Monsieur Gélard, c'est l'ensemble du chapitre II que l'amendement n° 140 rectifié tend à rédiger différemment.
Par conséquent, les articles que vous visez et qui, certes, ne sont pas cités expressément, deviennent sans objet. C'est clair et suffisant.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 15 ter.
Mes chers collègues, je vous rappelle que les articles 16 à 22 et les articles additionnels après l'article 22 ont été précédemment réservés.
TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES À L'IMMIGRATION POUR DES MOTIFS DE VIE PRIVÉE ET FAMILIALE
Chapitre 1er
Dispositions générales
L'amendement n° 136 rectifié, présenté par MM. Milon et Lecerf, est ainsi libellé :
Avant l'article 23, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa de l'article 370-3 du code civil est supprimé.
La parole est à M. Alain Milon.
La France a ratifié la convention de New York du 20 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant, dont l'article 3 dispose : « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, [...] l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ».
Cette même convention prévoit, en son article 20, que « tout enfant qui est temporairement ou définitivement privé de son milieu familial, ou qui dans son propre intérêt ne peut être laissé dans ce milieu, a droit à une protection et une aide spéciales de l'État. [...] Cette protection de remplacement peut notamment avoir la forme du placement dans une famille, de la kafalah de droit islamique, de l'adoption ou, en cas de nécessité, du placement dans un établissement pour enfants approprié. Dans le choix de ces solutions, il est dûment tenu compte de la nécessité d'une certaine continuité dans l'éducation de l'enfant, ainsi que de son origine ethnique, religieuse, culturelle et linguistique. »
Notre attention a été attirée sur la situation dramatique des enfants nés dans des pays de droit islamique, particulièrement en Algérie et au Maroc, privés de leur milieu familial, recueillis par nos concitoyens, généralement de même origine, dans le cadre d'une kafalah judicaire et qui ont été autorisés par les autorités de leur pays de naissance à le quitter pour bénéficier de la protection de remplacement de la kafalah.
Le droit de la filiation de ces mêmes pays interdit le plus souvent à ces enfants privés de famille d'avoir une filiation vis-à-vis de leurs parents d'origine lorsqu'ils sont nés hors mariage et, en outre, d'avoir des parents adoptifs dans leur pays de naissance.
La loi du 6 février 2001, relative à l'adoption internationale, a posé dans le code civil le principe de l'interdiction, pour un juge français, de prononcer l'adoption des enfants étrangers dont la loi personnelle interdit l'adoption. Cette disposition prohibitive n'est pas justifiée, puisque la même loi pose le principe que l'adoption d'un enfant étranger requiert le consentement du représentant légal de l'enfant, éclairé sur les conséquences de l'adoption.
Avant l'entrée en vigueur de ladite loi, les juridictions françaises, au premier chef desquelles la Cour de cassation, avaient élaboré une jurisprudence que l'on peut qualifier de « bienveillante », dans le souci de l'intérêt supérieur de l'enfant, en examinant la situation au cas par cas.
Depuis 2001, les enfants accueillis par des familles françaises sous le régime de la kafalah ne peuvent plus être adoptés par ces familles et ne bénéficient pas d'un statut juridique reconnu. Cette insécurité est source d'angoisses profondes pour ces enfants et leurs protecteurs, choisis en cette qualité par les autorités des pays de naissance et qui se considèrent comme leurs parents.
La loi du 6 février 2001 a également favorisé des pratiques très diverses en ce qui concerne la délivrance des visas d'entrée et des autorisations de séjour pour les enfants recueillis régulièrement en kafalah judiciaire par nos concitoyens.
Cependant, le Conseil d'État, saisi à plusieurs reprises de recours contre des décisions de refus d'autorisation d'entrer en France sollicitée au bénéfice d'un enfant recueilli en kafalah dans le cadre de la procédure du regroupement familial, a annulé ces refus en affirmant, au vu de la convention internationale des droits de l'enfant et de la convention européenne des droits de l'homme, que « l'enfant pouvant bénéficier du regroupement familial est l'enfant légitime ou naturel ayant une filiation légalement établie ainsi que l'enfant adopté ».
Par ailleurs, la loi du 26 novembre 2003 a institué une période de probation de cinq ans pour l'enfant recueilli en France et élevé par une personne de nationalité française et de trois ans pour l'enfant confié au service de l'aide sociale à l'enfance, avant de pouvoir réclamer la nationalité française. Auparavant, cette possibilité était donnée à ces enfants, dont bien entendu ceux qui étaient recueillis en kafalah, dès lors qu'ils résidaient en France et sans condition de durée de recueil dans notre pays.
La situation des enfants concernés n'en est devenue que plus précaire. Ce n'est qu'après cinq années de vie familiale en France que ceux qu'ils appellent « papa » et « maman » peuvent engager pour eux les démarches afin de leur faire acquérir la nationalité française par déclaration, nationalité qui leur permettra d'engager ensuite des démarches d'adoption.
Le projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration a pour objet, je le rappelle, de favoriser l'entrée et le séjour en France des personnes étrangères auxquelles la France peut offrir des conditions de vie normales, un emploi, un logement. Pour ce qui concerne les enfants définitivement privés de famille dans leur pays et recueillis par des Français, notre pays est en mesure de leur offrir une famille, au sein de laquelle ils pourront trouver l'affection, la sécurité, et bénéficier de la protection et de l'éducation nécessaires à leur épanouissement.
« Chacun d'entre nous peut porter témoignage que parfois sa famille vient de loin et ce n'est pas parce que sa famille vient de loin que l'on aime moins la France », a dit Nicolas Sarkozy.
Pour toutes ces raisons, monsieur le président, mes chers collègues, je vous propose d'adopter l'amendement n° 136 rectifié, qui tend à supprimer le deuxième alinéa de l'article. 370-3 du code civil.
Mon cher collègue, je vous ai laissé dépasser votre temps de parole, pensant que vous défendiez, outre l'amendement n° 136 rectifié, l'amendement n° 137 rectifié, qui est un amendement de repli.
L'amendement n° 440, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 60 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa de l'article 370-3 du code civil est supprimé.
La parole est à M. Robert Bret.
Cet amendement est semblable à celui que vient de présenter M. Milon, dont je partage d'ailleurs les arguments.
Depuis 2001, la France s'interdit d'accepter sur son territoire, dans le cadre de la procédure d'adoption, les enfants étrangers dont la loi de leur pays de naissance prohibe l'adoption.
Dans son rapport annuel pour 2004, la Défenseure des enfants, Mme Claire Brisset, dénonce cet état de fait en ces termes : « Il s'agit d'un véritable recul dans la prise en compte de l'intérêt de ces enfants, pour lesquels la jurisprudence antérieure de la Cour de cassation ouvrait cette possibilité. »
La situation actuelle fait de ces enfants, qui ne sont pas adoptables tout en étant abandonnés, des enfants au « milieu du gué », pour reprendre une expression utilisée en 1996 par le professeur Jean-François Mattei, ancien ministre et actuel président de la Croix-Rouge française, dans son rapport établi au nom de la commission spéciale de l'Assemblée nationale.
L'objet de l'amendement n° 440 est de mettre fin à cette discrimination et de permettre à l'enfant recueilli en kafalah judiciaire par une personne de nationalité française d'avoir un lien de filiation avec ses parents de coeur, ses parents pour la vie.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, nous vous demandons de supprimer le deuxième alinéa de l'article 370-3 du code civil. L'adoption de cet amendement représenterait une avancée significative.
L'amendement n° 137 rectifié, présenté par MM. Milon et Lecerf, est ainsi libellé :
Avant l'article 23, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa de l'article 370-3 du code civil est complété par les mots : « ou s'il a acquis la nationalité française par déclaration de nationalité ».
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Je rappelle que l'amendement n° 136 rectifié vise à supprimer la différenciation actuellement opérée par le code civil en matière d'adoption internationale entre les mineurs étrangers qui résident en France selon que la loi de leur pays d'origine interdit ou autorise cette institution.
L'amendement n° 137 rectifié, quant à lui, tend à préciser que l'adoption d'un mineur étranger ne peut être prononcée si la loi de son pays d'origine prohibe cette institution, sauf « s'il a acquis la nationalité française par déclaration de nationalité ».
L'amendement n° 440 est rédigé dans le même esprit.
La commission a émis un avis défavorable sur ces trois amendements, considérant que les points soulevés, qui sont délicats et importants, ne relèvent pas directement du texte et que, par ailleurs, ils entraîneraient incontestablement une modification du droit international.
C'est justement le contraire : ils visent à nous mettre en conformité avec le droit international !
Monsieur Milon, je comprends votre préoccupation, que vous avez d'ailleurs exprimée de manière très claire : la situation de certains enfants présents en France au titre de ce mécanisme de droit coranique qu'est la kafalah n'est souvent pas satisfaisante. Vous soulevez là, comme M. Bret, d'ailleurs, un point vraiment important.
Qu'est-ce que la kafalah ? C'est un acte en vigueur dans certains pays de tradition musulmane de transfert de l'autorité parentale à un tiers, qui n'emporte jamais rupture de filiation entre les parents biologiques et l'enfant. Ce n'est donc en aucun cas une adoption.
Ces enfants présents en France sont dans une situation très incertaine, qui découle des législations des pays de droit musulman.
La question majeure pour nous est de savoir si la kafalah a, oui ou non, un effet sur l'admission au séjour en France de l'enfant placé sous cette sorte de tutelle.
Il faut distinguer deux cas très différents.
Un accord franco-algérien nous impose d'admettre au regroupement familial, dans les mêmes conditions que les enfants biologiques, les enfants reconnus par un acte de kafalah judiciaire.
En revanche, d'autres types de kafalah, notamment ceux du Maroc, des Comores, de l'Égypte ou de la Mauritanie, ne produisent aucun effet direct sur le droit au séjour en France de ces enfants. La loi française s'applique donc pleinement.
Le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne reconnaît pas la kafalah. Il n'est pas question pour nous de mettre en place des mécanismes qui créeraient de nouvelles filières et donneraient à la kafalah une sorte de reconnaissance s'agissant du droit au séjour en France.
Le Gouvernement craint précisément que les amendements proposés n'aient cet effet pervers. Je vous demande donc, monsieur Milon, monsieur Bret, de bien vouloir les retirer. En contrepartie, je m'engage solennellement à ce que le Gouvernement instaure sans délai un groupe de travail, auquel vous serez bien entendu invités à participer.
Absolument ! Cette invitation s'adresse aussi bien à M. Milon qu'à M. Bret.
Ce groupe de travail sera chargé d'examiner comment la situation des enfants présents en France au titre de la kafalah peut être améliorée, ce en association, d'ailleurs, avec M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, M. le garde des sceaux, ministre de la justice, M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, et, enfin, M. le ministre des affaires étrangères, pour aborder à la fois les questions d'adoption et de séjour.
Il aura pour objectif - ce que je vous annonce là, au nom de M. Nicolas Sarkozy, est un engagement précis et ferme du Gouvernement - une concertation avec les principaux pays concernés, la réalisation d'un audit de la situation sociale des enfants présents en France et, en fonction de cela, une étude d'une éventuelle évolution de notre législation.
Monsieur Alain Milon, les amendements n°s 136 rectifié et 137 rectifié sont-ils maintenus ?
M. le ministre me connaît bien : nous avons travaillé ensemble pendant des années au sein du conseil régional de Provence-Alpes-Côte-d'Azur. Nous savons tous deux que la fidélité passe par la raison et qu'il faut parfois avoir raison contre son camp.
L'amendement n° 136 rectifié tendrait, en effet, à mettre en cause des accords internationaux. Je le retire donc, ce qui permettra au Gouvernement de tenir sa parole et de mettre en place une commission sur ce sujet.
L'amendement n° 137 rectifié est différent : il vise simplement à proposer aux enfants ayant acquis la nationalité française de pouvoir être adoptés même s'ils ont la double nationalité. Dès lors, je le maintiens.
L'amendement n° 136 rectifié est retiré.
Monsieur Robert Bret, l'amendement n° 440 est-il maintenu ?
Je le maintiens, monsieur le président.
Comme l'a précisé M. Milon, l'adoption de la loi du 26 novembre 2003 a mis fin à la possibilité de réclamer la nationalité française qui était jusqu'alors donnée à ces enfants dès lors qu'ils résidaient sur le sol français, possibilité qui n'était assortie d'aucune condition de durée.
Comme cela a été dit, aux termes de ladite loi ont été également mises en place des « périodes de stage » probatoires de cinq ans et de trois ans, selon les cas.
En raison de l'ensemble de ces dispositions, les familles françaises ayant accueilli des enfants en kafalah judiciaire subissent une discrimination intolérable, tout particulièrement les enfants eux-mêmes, d'ailleurs.
C'est donc la loi que vous avez votée en 2003, mes chers collègues de la majorité, qui rend la tâche si difficile pour les familles voulant adopter ces enfants.
L'examen du contexte international montre que la kafalah judiciaire, reconnue par les conventions internationales, est considérée par les autorités des pays d'origine et des pays d'accueil, y compris par des représentants de la France au Maroc et en Algérie, comme une procédure « structurée, encadrée et sécurisée ».
Enfin, je tiens à souligner que, en Europe, la France fait figure d'exception dans ce domaine : les principaux pays européens ont en effet voulu et su régler les différents aspects du recueil d'enfants en kafalah par leurs citoyens.
Tel est le cas de l'Espagne, de la Suisse et, tout récemment, de la Belgique, qui, par une loi en date du 6 décembre 2005, vient de modifier son code civil pour permettre l'entrée sur le territoire belge et l'adoption d'enfants « dont l'État d'origine ne connaît ni l'adoption ni le placement en vue d'adoption ».
Je maintiens cet amendement, estimant que, au-delà de la réflexion qui sera engagée par ce groupe de travail, nous avons la possibilité de prendre nos responsabilités de législateur dès aujourd'hui.
La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote sur l'amendement n° 440.
Cette question de la kafalah est délicate car, dans les pays musulmans, en particulier au Maroc, elle a changé de nature.
En 1994, si ma mémoire est bonne, la France a adhéré à la convention de La Haye sur l'adoption internationale. À cette époque, j'avais déjà essayé, en qualité de rapporteur, d'obtenir que la kafalah soit assimilée à une adoption simple.
C'est en effet bien de cela qu'il s'agit : confier un enfant en kafalah à une famille revient à accorder à cette dernière la responsabilité parentale, à la seule différence près, avec le droit français de l'adoption plénière, que la filiation de l'enfant n'est pas modifiée.
Ce qui est interdit en droit musulman, c'est non pas l'adoption à proprement parler, mais le fait que l'on change la filiation de l'enfant.
Dans la mesure où l'adoption simple ne modifie pas la filiation de l'enfant, elle est très proche d'une kafalah judiciaire.
Cependant, en 2001, la kafalah judiciaire n'existait pas au Maroc, et la kafalah adoulaire faite par des notaires y donnait lieu à des abus tout à fait contraires au droit des enfants : une petite fille adoptée dans ces conditions servait souvent, en réalité, de petite bonne. Il ne faut pas se voiler la face !
En revanche, depuis deux ans, la kafalah judiciaire a été instituée au Maroc, assortie de garanties relatives à la capacité d'accueil des familles, au fait que l'enfant est abandonné et que son tuteur légal connaît parfaitement les implications de la prononciation d'une kafalah judiciaire.
La position française me semble donc devoir changer.
Or, en pratique, c'est le contraire qui se passe dans les tribunaux.
En effet, pendant de longues années, les tribunaux ont accepté la transposition de la kafalah en adoption simple, quelquefois même en adoption plénière, et les enfants obtenaient alors le droit de séjour en France.
Les associations qui s'occupent de la kafalah et avec lesquelles je suis en contact m'informent que, depuis quelques années, les parquets ont reçu des ordres très fermes de la Chancellerie et font appel des jugements des tribunaux reconnaissant que cette kafalah est transposable en adoption simple ; ils interdisent donc aux enfants le séjour en France.
C'est la raison pour laquelle j'estime que l'amendement de M. Milon était justifié, alors qu'en 2001 je pensais qu'une telle mesure n'était pas possible, les conditions de la kafalah au Maroc étant alors trop incertaines - la souveraineté du Maroc ne pouvait être violée -, compte tenu des conditions de législation interne de ce pays à l'époque.
Aujourd'hui, la situation a changé et est équivalente à celle de l'Algérie, où la kafalah a vraiment valeur d'adoption simple.
L'amendement de M. Bret se justifie parfaitement et notre groupe le votera donc.
Ce qu'a dit Mme Monique Cerisier-ben Guiga est extrêmement intéressant.
Je rappelle que, lors de la discussion de la loi de 2001, dont M. Béteille était le rapporteur, nous avions bien cerné les problèmes qui se posaient, et ils étaient nombreux.
Ma chère collègue, vous évoquez des cas particuliers, mais il est d'autres pays où lesdites mesures ne s'appliqueraient pas. Nous ne pouvons pas faire une loi pour chaque pays ! D'ailleurs, que penser d'un code civil qui ne pourrait pas durer plus de cinq ans ? La question est d'une telle complexité que nous ne saurions la trancher aujourd'hui à la légère.
Je vous rappelle que les dispositions de la loi de 2001 n'ont pas été prises innocemment, je m'en souviens très bien : elles ont été mûrement réfléchies, elles sont le fruit d'un travail très compliqué. Si elles ont paru à certains entraîner un recul, c'est parce qu'il existait des abus.
Il n'en demeure pas moins que la kafalah n'est pas une adoption. L'adoption ne peut être prononcée si la loi du pays d'origine de l'enfant prohibe cette institution. Je suis désolé de vous le dire, mais cette disposition votée en 2001 est inchangée, sauf si les institutions du Maroc, celles d'autres pays ou encore les conventions internationales permettent de ne pas l'appliquer.
D'ailleurs, l'adoption prononcée à l'étranger, si elle conduit à ce que les liens avec la famille d'origine soient complètement rompus, est une adoption plénière ; à défaut, c'est une adoption simple. Il existe donc déjà des possibilités d'adoption.
Si nous nous apercevons que la jurisprudence ne respecte pas le texte même de la loi, nous serons peut-être amenés à intervenir à nouveau. C'est une question importante, qu'il serait selon moi un peu prématuré de traiter cet après-midi, sans en avoir étudié les conséquences exactes. §
Outre les cas que vous évoquez, il en existe beaucoup d'autres, dans de nombreux autres pays. Nous ne pouvons pas faire une loi parce que les institutions d'un certain nombre de pays évoluent. Elles évoluent et c'est tant mieux, mais je me refuse, personnellement, à légiférer de la sorte, estimant que nous avons déjà trop tendance à modifier les textes sans évaluation préalable suffisante. La proposition de M. le ministre me paraît tout à fait raisonnable.
Je tiens tout d'abord à remercier M. Milon d'avoir accepté de retirer l'amendement n° 136 rectifié.
Toutes les interventions, y compris celle de Mme Cerisier-ben Guiga, démontrent à quel point cette affaire est complexe. D'ailleurs, si tel n'était pas le cas, nous n'aurions pas conclu des accords séparés avec certains pays, l'Algérie notamment. Il est impossible, par une seule disposition législative, de remédier aux multiples situations qui résultent de l'application du droit coranique.
Le Gouvernement, conscient de ces difficultés, vous propose donc de mettre en place un groupe de travail qui sera chargé de présenter des propositions au Parlement.
Monsieur Milon, la Chancellerie affirme que, sur le fond, l'amendement n° 137 rectifié - vous nous dites qu'il ne touche pas au droit international - ne présente pas un intérêt évident dans la mesure où le deuxième alinéa de l'article 370-3 du code civil ne concerne que les enfants étrangers. Il en résulte que les enfants ayant acquis la nationalité française peuvent être adoptés dans les conditions du droit français. C'est pourquoi je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.
En outre, afin que nous puissions vérifier ensemble le bien-fondé de la position soutenue par la Chancellerie, je suggère d'inscrire cette question à l'ordre du jour du groupe de travail. Monsieur Milon, soit le groupe de travail confirme la position de la Chancellerie et nous aurons alors la certitude que le problème ne se pose pas, soit le groupe de travail infirme la position de la Chancellerie et nous ferons alors ensemble des propositions pour faire entrer dans le droit français les dispositions nécessaires afin de répondre à votre préoccupation.
A l'heure actuelle, certains tribunaux ne prononcent pas l'adoption d'enfants mineurs nés en Algérie ou au Maroc et qui ont acquis la nationalité française par déclaration, au motif que cette déclaration ne leur fait pas perdre leur nationalité de naissance.
Ainsi, bien qu'ils ne soient plus étrangers, les juges français continuent d'appliquer à ces enfants les règles qui leur étaient applicables dans leur pays d'origine.
L'amendement n° 137 rectifié vise à remédier à cette situation afin qu'on leur applique les règles qui sont en vigueur dans notre pays. C'est pourquoi je maintiens l'amendement.
Je mets aux voix l'amendement n° 440.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin a lieu.
Il est procédé au comptage des votes.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 201 :
Le Sénat n'a pas adopté.
La parole est à Mme Bernadette Dupont, pour explication de vote sur l'amendement n° 137 rectifié.
Je connais le cas d'un couple dont l'enfant vit au Maroc et qu'on ne laisse pas venir en France, probablement parce qu'il est sous le régime de la kafalah judiciaire.
Le consul de France à Marrakech refuse de lui laisser quitter le Maroc alors que ses parents, marocains d'origine, vivent en France et ont acquis la nationalité française.
Cette affaire est très complexe et l'on peut se poser la question de savoir où est l'intérêt de l'enfant.
Ma chère collègue, l'adoption de l'amendement de M. Milon ne changerait rien à la situation que vous évoquez.
Je crois qu'il y a une confusion entre l'acquisition de la nationalité française, les conditions de séjour et l'adoption.
Toutes ces questions, je le répète, doivent faire l'objet d'un examen sérieux afin que l'on trouve des solutions à tous les cas qui ont été évoqués.
Madame Dupont, comme vient de l'indiquer M. le rapporteur, le cas que vous évoquez n'a rien à voir avec l'amendement de M. Milon.
L'adoption de l'amendement de M. Milon ne changerait en rien la situation de la famille que vous avez citée. L'amendement n° 137 rectifié concerne en effet les enfants ayant acquis la nationalité française par déclaration, qui vivent en France et auxquels on ne reconnaît pas les mêmes droits qu'aux enfants français.
La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote.
Les notes établies par les consulats au Maroc au sujet de la kafalah, et dont j'ai eu connaissance, commencent en indiquant que la kafalah est l'un des principaux moyens permettant de détourner et de contourner les lois sur l'immigration.
C'est sans doute vrai dans certains cas, mais de très nombreuses familles françaises d'origine marocaine, dans des conditions semblables à celles de familles françaises vivant en France, cherchent à adopter des enfants placés dans des orphelinats et qui, faute d'être adoptés, sont condamnés à une vie misérable.
Telles sont les raisons pour lesquelles, en dépit des limitations, notre groupe votera l'amendement de M. Milon.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi rédigé :
« Art. L. 111-6. - La légalisation ou la vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. »
L'examen de l'article 23 promet d'être particulièrement difficile.
En effet, cet article a pour objet de renvoyer le contrôle des actes d'état civil au procureur de la République, comme le prévoit l'article 47 du code civil, réformé par la loi Sarkozy I du 26 novembre 2003, et de suspendre le contrôle de légalité qui avait été, à cette époque, confié aux consulats.
On pourrait penser que cette procédure est de nature à simplifier la vie des usagers. Mais on connaît les difficultés auxquelles sont confrontés ces derniers dans les pays où les services de l'état civil n'offrent pas toujours de réelles garanties et où les pratiques de corruption sont usuelles afin d'obtenir des actes sur mesure.
Le problème n'est donc pas simple. La loi du 26 novembre 2003 a considérablement encadré ce contrôle par le pouvoir judiciaire. Ce serait acceptable si le parquet de Nantes, qui est seul compétent en la matière et qui est confronté à une tâche immense, disposait de magistrats et de greffiers spécialisés en nombre suffisant pour traiter les dossiers.
En outre, et je requiers toute votre attention car le sujet n'est pas simple, les dispositions qui nous sont proposées sont d'une certaine manière contradictoires avec celles de la « petite loi » relative au contrôle de la validité des mariages, qui a été adoptée par l'Assemblée nationale.
Comme vous pouvez le constater, la situation est complexe. La « petite loi » relative au contrôle de la validité des mariages, sur laquelle le Sénat sera peut-être amené à se prononcer en session extraordinaire au mois de juillet, supprime les alinéas 2, 3, 4 et 5 de l'article 47. Or, le présent projet de loi se réfère à l'actuel article 47, article que nous modifierons si nous adoptons les dispositions du projet de loi relatif au contrôle de la validité des mariages.
Nos débats seraient plus simples si nous savions à quelle mouture de l'article 47 nous devons nous référer : la rédaction actuelle, avec ses alinéas 2, 3, 4 et 5, ou la version qui figure dans la « petite loi » relative au contrôle de la validité des mariages.
Je demande donc au Gouvernement de nous apporter des explications sur ce point. Certes, en principe, nous devons nous référer à l'actuel article 47, mais nous sommes devant un problème insoluble dans la mesure où cet article a déjà été modifié par l'Assemblée nationale et que le Sénat fera sans doute de même dans quelque temps.
L'amendement n° 347 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
I. Dans le texte proposé par cet article pour l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile remplacer les mots :
les conditions définies par
par les mots :
le respect de
II. Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - L'article 47 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 47. - Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers, fait en pays étranger, fera foi, s'il est rédigé dans les formes usitées dans ledit pays. »
La parole est à M. Robert Bret.
L'article 23 du projet de loi tend à réécrire l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, afin de prendre en compte les modifications apportées à l'article 47 du code civil. Ce dernier a en effet été modifié, comme cela a été rappelé, par la loi du 26 novembre 2003, afin de lutter contre les mariages blancs.
Une telle modification entretenait ainsi l'idée, toujours d'actualité, que les mariages mixtes célébrés à l'étranger sont systématiquement des mariages de complaisance. L'amalgame entre mariage mixte et fraude est continuel. En 2003, de nombreuses restrictions au droit au mariage furent introduites dans notre législation sur l'initiative du Gouvernement. Trois ans plus tard, force est de constater que ces mariages continuent de déranger, puisque de nouvelles restrictions à la liberté de se marier sont prévues dans le présent projet de loi. J'en veux pour preuve les dispositions relatives aux visas de long séjour, à la délivrance de la carte de résident, ou encore à l'acquisition de la nationalité par le conjoint étranger.
Bien évidemment, notre philosophie est à l'opposé, puisque nous souhaitons mettre fin, comme en témoignent nos amendements, à cette suspicion généralisée contre les mariages mixtes.
L'amendement n° 347 rectifié, en particulier, a pour objet de réécrire l'article 47 du code civil conformément à la rédaction qui était la sienne avant l'adoption de la loi du 26 novembre 2003.
M. le rapporteur et M. le garde des sceaux ont tous deux été contraints de constater l'inefficacité de la nouvelle procédure, trop complexe, prévue à l'article 47 du code civil. Dès lors, pourquoi ne pas revenir à l'ancienne rédaction de cet article ? Pourquoi ne pas considérer que les actes de l'état civil faits en pays étranger font loi ? En effet, bien d'autres dispositions malheureusement déjà adoptées de ce projet de loi entretiennent suffisamment le fantasme du mariage mixte de complaisance. Il n'est nul besoin, mes chers collègues, d'en rajouter !
Tel est le sens de cet amendement que nous vous demandons de bien vouloir adopter.
La commission émet un avis défavorable sur cet amendement, qui tend à supprimer toute possibilité de vérification de l'authenticité des actes de l'état civil.
Les travaux de la commission d'enquête sur l'immigration clandestine ont démontré que la fraude documentaire constituait un élément extrêmement important dans ce domaine et qu'il était éminemment nécessaire d'agir pour remédier à cette situation.
Au demeurant, il n'est pas faux de constater que le dispositif actuel n'a pas fait la preuve de son efficacité. Mais l'examen du projet de loi relatif au contrôle de la validité des mariages, qui sera examiné prochainement par le Sénat, sera l'occasion de débattre des dispositions de l'article 47 du code civil.
L'amendement n° 347 rectifié est, à l'évidence, inacceptable pour le Gouvernement. Il n'est pas question de revenir au droit antérieur à 2003 ! Je vous rappelle en effet que la fraude concernant les actes de l'état civil délivrés dans les pays d'immigration est parfois considérable.
Je vais vous le dire !
Avant la loi du 26 novembre 2003, tout acte de l'état civil fait en pays étranger faisait foi s'il avait été rédigé « dans les formes usitées dans ledit pays ». Un faux acte rédigé par un vrai officier de l'état civil ne pouvait être écarté.
En 2001, le Quai d'Orsay évaluait la fraude à 30 % en moyenne sur 17 000 actes recensés. La fraude représentait 60 % des actes en Guinée et 90 % aux Comores. Vous vouliez des chiffres ? Je vous les donne, monsieur le sénateur !
La loi du 26 novembre 2003 a créé un mécanisme permettant à l'administration de saisir le parquet de Nantes, afin d'écarter les actes de l'état civil d'apparence régulière quant à la forme, mais douteux quant au fond. Je pense, par exemple, à un acte de naissance établi en 1970 pour une personne ayant à l'évidence plus de cinquante ans.
Le bilan de ce dispositif est mitigé, puisque le parquet n'a été saisi que dix-neuf fois en 2004 et dix fois en 2005. Nous vous proposons donc un mécanisme plus simple, qui permettra à l'administration, au vu des différents éléments dont elle dispose, d'écarter d'elle-même un acte de l'état civil falsifié.
Cette simplification est nécessaire pour lutter contre une fraude massive. La réforme ne porte en aucun cas atteinte aux droits des étrangers, qui peuvent toujours contester la décision de l'administration devant le juge administratif.
Madame Cerisier-ben Guiga, l'article 23 du présent projet de loi consacre les dispositions de l'article 47 du code civil, qui fait d'ailleurs l'objet d'une nouvelle rédaction dans le cadre du projet de loi relatif au contrôle de la validité des mariages, déposé par M. le garde des sceaux et adopté en première lecture à l'Assemblée nationale. C'est donc cette nouvelle rédaction qui s'appliquera lorsque le Parlement se sera définitivement prononcé sur ce dernier projet de loi.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 23 est adopté.
L'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :
1° Dans le 1°, les mots : « À l'étranger mineur, ou dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, » sont remplacés par les mots : « À l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, » ;
2° Le 2° est ainsi rédigé :
« 2° À l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, qui justifie par tout moyen avoir sa résidence habituelle en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans, ou à l'étranger qui a été confié, depuis qu'il a atteint l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance et sous réserve du caractère réel et sérieux de la formation suivie, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française ; la condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigée.
« À l'exception de l'étranger confié au service de l'aide sociale à l'enfance dans les conditions précitées, l'étranger pouvant bénéficier de la carte de séjour temporaire mentionnée à l'alinéa précédent est celui qui répond à la définition donnée au dernier alinéa de l'article L. 314-11 qui justifie, en outre, résider habituellement en France avec ses parents légitimes, naturels ou adoptifs ; »
3° Le 3° est ainsi rédigé :
« 3° À l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, dont l'un des parents est titulaire de la carte de séjour «compétences et talents», ainsi qu'à l'étranger dont le conjoint est titulaire de la même carte ; »
4° Dans le 4°, les mots : « que son entrée en France ait été régulière » sont supprimés et, après les mots : « n'ait pas cessé », sont insérés les mots : « depuis le mariage » ;
4° bis Dans le 5°, les mots : «, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière » sont supprimés ;
4° ter À la fin du 6°, les mots : « un an » sont remplacés par les mots : « deux ans » ;
5° Le 6° est complété par les mots : «, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée » ;
6° Dans le 7° , après les mots : « dont les liens personnels et familiaux en France », sont insérés les mots : « , appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, », et sont ajoutés les mots : « , sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée » ;
7° Les 8° et 9° sont complétés par les mots : «, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée » ;
8° Dans le 10°, les mots : « ses enfants mineurs ou dans l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire » sont remplacés par les mots : « ses enfants dans l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3 », et sont ajoutés les mots : «, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée » ;
9° La première phrase du 11° est complétée par les mots : «, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée ».
L'article 24 est l'un des articles les plus emblématiques de l'esprit, de la philosophie de ce projet de loi, et des fantasmes qu'il fait naître.
Il réunit en effet une série de dispositions qui n'ont qu'un seul but : faire reculer les droits et les libertés des migrants étrangers. Ces mesures auront pour seule conséquence de précariser encore plus les migrants en situation régulière et, parmi eux, les enfants et les personnes malades.
Nous condamnons l'abrogation de la possibilité de délivrer un titre de séjour aux étrangers qui peuvent apporter la preuve de leur présence en France depuis au moins dix ans.
Je vous rappelle qu'une telle possibilité de régularisation n'était pas de droit, puisqu'elle exigeait des preuves, d'ailleurs difficiles à fournir. Cette procédure de régularisation découlait de la prise en compte, à la suite de la grève de la faim de sans-papiers réunis dans l'église Saint-Bernard de Paris, de situations tragiques.
Cette procédure d'une extrême complexité était très longue, sans compter qu'il était extrêmement difficile d'apporter la preuve de ces dix années de séjour clandestin, durant lesquelles la majorité des étrangers s'efforcent de se cacher.
La preuve était d'ailleurs si difficile à fournir que seulement 2 500 à 3 000 personnes ont bénéficié de cette mesure, qui constituait non pas une prime à la clandestinité, comme certains d'entre vous l'ont prétendu, mais simplement la reconnaissance d'une intégration de fait dans la société française.
Cette disposition tendait à reconnaître les attaches personnelles qu'un migrant étranger ayant vécu pendant dix ans dans notre pays avait pu nouer, en créant des liens sociaux, en fondant une famille et en travaillant durant de longues années.
Après dix ans dans la clandestinité, ces personnes, confrontées à des conditions de vie pourtant très difficiles, décidaient volontairement de demeurer dans notre société, pour y partager une communauté de destin. Malheureusement, leur dignité n'a toujours pas été reconnue. Les Verts, qui plaident en faveur d'une citoyenneté de résidence, ne peuvent pas accepter la disposition prévue dans le présent projet de loi.
Par ailleurs, monsieur le ministre, ce projet de loi bafoue l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui reconnaît le droit au respect de la vie privée et familiale. Je reviendrai sur ce point tout à l'heure.
Au reste, il s'agit d'un déni inacceptable des droits fondamentaux. La disparition de cette procédure de régularisation va plonger dans une précarité perpétuelle les migrants étrangers, qui ont pourtant vocation à vivre en France. Cela les conduira parfois à commettre des actes désespérés.
Les sans-papiers n'auront aucune possibilité réelle d'être régularisées. Elles dépendront donc du bon vouloir des autorités préfectorales, qui pourront faire usage ou non de leur pouvoir de régularisation.
En outre, monsieur le ministre, la circulaire du 21 février 2006 a ouvert une véritable chasse à l'homme étranger jusque dans les foyers, les blocs opératoires ou les guichets de préfecture.
Une autre disposition néfaste de ce projet de loi concerne la situation des jeunes confiés depuis l'âge de seize ans au service de l'aide sociale à l'enfance. Le texte tend à poser des conditions liées au sérieux de la formation suivie et à l'absence de liens avec la famille restée dans le pays d'origine. Cette prise en considération par la loi des mineurs isolés doit être appréciée à sa juste valeur. En effet, c'est l'intérêt de l'enfant qui devrait prévaloir.
Monsieur le ministre, les mariages entre Français et migrants étrangers sont suspects à vos yeux. Après la création, en 2003, du délit de mariage de complaisance et le renforcement des contrôles lors de la célébration du mariage, ce projet de loi restreint tellement les conditions d'octroi d'une simple carte de séjour que ses dispositions sont à la limite de la violation du droit au mariage et au divorce, y compris pour les Français.
Le texte a pour cible une catégorie « fourre-tout » regroupant les étrangers susceptibles d'obtenir une carte de séjour temporaire, dès lors qu'ils peuvent faire valoir des liens personnels et familiaux en France.
Cette catégorie avait été créée par la loi du 11 mai 1998, pour tenir compte de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Or, par voie de circulaire, on a, en pratique, considérablement réduit les chances de pouvoir revendiquer ces liens privés et familiaux. En fixant des conditions restrictives, ce projet de loi vise à renforcer encore les obstacles, au point de vider le texte de sa substance. Il est donc indispensable de rappeler que cette mesure ne devra s'appliquer qu'à l'étranger qui n'entre dans aucune autre catégorie.
Je désire évoquer le cas particulier des accompagnants d'enfants malades. La semaine dernière, la majorité a autorisé l'obtention d'une autorisation provisoire de séjour pour l'un des deux parents. Sur ce point, nous sommes également en contradiction totale avec l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En effet, seul l'un des parents pourra être régularisé, tandis que l'autre sera obligé de repartir. Encore une fois, vous plongez dans la précarité, sans droit au travail, sans droits sociaux, une personne proche d'un enfant gravement malade. De telles conditions de vie seront d'ailleurs tout à fait incompatibles avec la prise en charge parfois exigeante des enfants malades.
Face à de telles situations, les modifications proposées dans le projet de loi permettront une fois de plus aux préfectures de refuser le séjour de ces personnes.
En exigeant qu'un sans-papiers, pour obtenir sa régularisation, puisse faire état de ressources stables et suffisantes, d'un logement répondant à des critères stricts et d'une intégration déterminée par la connaissance de la langue française, vous créez les conditions d'une précarisation de tous les immigrés en situation régulière.
Nous sommes très loin de la volonté d'intégration affichée par le Gouvernement, très loin du sentiment d'humanisme annoncé. Vous créez au contraire une situation de suspicion permanente et de rejet de l'étranger.
L'article 24 est effectivement l'un des articles les plus importants de ce projet de loi. Les dispositions proposées sont non seulement insatisfaisantes, mais aussi discriminatoires et dangereuses.
Tout d'abord, nous sommes radicalement opposés au durcissement des conditions d'attribution de la carte de séjour temporaire « vie privée et familiale ».
Si cet article était adopté en l'état, les bénéficiaires du regroupement familial, le conjoint et les enfants d'un étranger détenteur d'une carte « compétences et talents », ainsi que le conjoint étranger d'un ressortissant français, seraient soumis à l'obligation de produire un visa de long séjour, et donc de retourner dans leur pays, avant de solliciter la délivrance d'un titre de séjour. Tel ne serait pas le cas si nous modifiions cet article dans le sens de l'amendement n° 4, adopté à l'article 2. Cependant, pour le moment, ce n'est pas ce qui nous est proposé.
Ensuite, les personnes visées à l'article L. 313-11 du CESEDA doivent continuer à bénéficier automatiquement de la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale », et ce en vertu du respect de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par ailleurs, les personnes présentes sur le territoire français depuis au moins dix ans doivent, selon nous, continuer à être régularisées. Plutôt que de faire croire de manière démagogique et « politicienne » - c'est un adjectif que vous utilisez souvent - qu'il s'agit d'une « prime à l'illégalité », il faut rappeler que, depuis 1999, seulement 2 800 personnes en moyenne - c'est peu par rapport à la totalité de l'immigration - sont régularisées chaque année sur ce fondement. Bien loin de constituer une « prime à la clandestinité », ce type de mesure permet au contraire non seulement de répondre à des situations difficiles, mais aussi de régulariser le séjour de personnes déjà bien intégrées dans notre société.
En tant que sénateur représentant les Français établis hors de France, je souhaite insister aussi sur les conséquences néfastes de ce projet de loi pour les couples mixtes.
Monsieur le ministre, en subordonnant la délivrance d'une carte de séjour temporaire à la détention, par le conjoint étranger d'un Français, d'un visa de long séjour, vous poursuivez un processus de stigmatisation des couples mixtes, tel qu'il a été initié par la loi du 26 novembre 2003.
L'article 24 de ce nouveau projet de loi est dangereux, car il vise à institutionnaliser le soupçon qui pèse sur les mariages mixtes. La condition mise en avant instaurera ni plus ni moins une entrave à la vie commune et une inégalité devant le mariage. Dans votre esprit, les mariages mixtes représentent sans doute des unions de seconde catégorie, alors qu'ils maintiennent au contraire une ouverture de la France, qui fait la beauté et la force de notre nation. De notre point de vue, il serait plus utile et plus efficace de lutter contre les vrais mariages de complaisance, si j'ose dire, que sont les mariages forcés.
Enfin, la rédaction de l'article 24 est, selon vous, motivée par la volonté de mieux vérifier l'authenticité des actes d'état civil. Nous venons d'aborder cette question. Or le contrôle de ces actes a déjà été durci dans les consulats et les services du ministère des affaires étrangères, à Nantes. En fait, tout l'appareil judiciaire et légal nécessaire existe.
Ayant souvent l'occasion, comme mes collègues, de visiter les consulats de France à l'étranger, je peux vous dire que ces derniers ne sont plus en état, et ce depuis longtemps, de faire face à cette nouvelle charge de travail. Chacun d'entre nous l'a constaté, les gens font la queue plusieurs heures devant chaque consulat, que ce soit à Dakar, à Moscou, à Tachkent ou ailleurs. Arrivés à trois ou quatre heures du matin, ils repartent à dix-sept heures sans avoir pu accéder au guichet avant la fermeture. Les services, qui délivrent maintenant des visas biométriques, sont à bout de souffle.
Par conséquent, je considère que cette proposition est déraisonnable, voire inapplicable. De plus, elle est démagogique, et son seul résultat sera d'accroître l'immigration clandestine.
Je suis une mère de famille, une ménagère, et je sais me servir d'une cocotte-minute. Si je devais utiliser une cocotte-minute dépourvue de soupape de sécurité, je ferais vraiment très attention ! Or, monsieur le ministre, je crains que vous ne soyez justement en train de faire de la France une cocotte-minute sans soupape de sécurité !
Les migrations sont de plus en plus nombreuses. Inévitablement, il en est qui ne respectent pas toutes les règles du droit dans chacun des pays.
Si je vous disais le nombre de Français en situation irrégulière à New York et dans la seule île de Manhattan, vous pousseriez des hurlements ! Ils sont des milliers !
Aux États-Unis, pays qui n'est pas particulièrement tendre avec l'irrespect de la loi, il y a des soupapes de sécurité. Je pense à la carte verte qui peut être obtenue grâce à la loterie ; c'est un espoir ! Quand on vit en situation irrégulière à New York depuis deux, trois, quatre ou cinq ans, on finit par rencontrer quelqu'un avec qui on se marie. La situation s'arrange alors par le mariage. Et puis, les gens s'intègrent. Pourquoi faire la fine bouche ? Il s'agit de jeunes pleins de dynamisme, qui ont tenté leur chance. Cinq ou dix ans après, on les retrouve à la tête d'une entreprise, où ils réussissent. Bien qu'ayant commencé par une période d'illégalité, les choses s'arrangent ensuite. Voilà ce que je constate.
La voie dans laquelle vous orientez la France me paraît dangereuse. En fait, vous voulez supprimer l'accès à cette carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale », qui était l'un des moyens mis en place en 1997 pour respecter l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Vous voulez tout compliquer, rendre tout plus difficile, avec des délais plus longs, comme nous le verrons dans la suite de l'examen de cet article.
Je prendrai l'exemple des mariages binationaux. Je n'utiliserai pas l'expression « mariage mixte ». Lorsque l'on a ainsi qualifié mon propre mariage, j'ai répondu - j'étais bien jeune et très naïve - que tous les mariages étaient mixtes !
Sourires
Faire que tout soit plus compliqué, qu'il soit encore plus difficile d'obtenir le droit au séjour permanent en France à la suite de mariages binationaux, tout cela n'est pas de bonne politique. Un jour ou l'autre, il sera nécessaire de revenir sur ces modifications, car il faudra absolument faire marcher la soupape de sécurité !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - MM. Gérard Delfau et Yves Pozzo di Borgo applaudissent également.
Monsieur le ministre, je veux ajouter aux propos de mes collègues quelques considérations sur la faisabilité de ce que vous proposez et sur les présupposés de votre démarche.
On a le sentiment que vous cherchez à multiplier les critères inscrits dans la loi, et ce de manière si excessive que, finalement, on va tomber dans une forme d'arbitraire. Que cela soit clair, nous voulons que la politique de l'immigration en matière d'accès et de droit au séjour soit régie par des règles ; nous l'avons dit et redit.
Je prendrai un premier exemple.
S'agissant du jeune étranger qui a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance, vous exigez comme critère « le caractère réel et sérieux de la formation suivie ». Mais, sauf erreur de ma part, la formation suivie par la plupart de ces jeunes est décidée par les services du conseil général. Or je n'imagine pas que ces derniers incitent ces jeunes à suivre une formation qui ne serait ni réelle ni sérieuse !
La question que je vous pose est donc la suivante : monsieur le ministre, pensez-vous vraiment nécessaire d'inscrire dans la loi l'adjectif qualificatif : « réel » ? D'une certaine façon, cela signifierait que les services de l'aide sociale à l'enfance font suivre aux jeunes en question des formations irréelles ! Cette manie de tout préciser de manière excessive, de tout codifier, afin de dissuader, de refuser, devient incompréhensible.
Le second exemple que je vais vous donner porte sur l'alinéa 6° de l'article 24. Dans le 7° de l'article L. 313-11 relatif à la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale », vous précisez, s'agissant des liens personnels et familiaux en France, « appréciés notamment » - quel superbe adverbe ! - « au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité ». §Je suppose qu'un fonctionnaire évaluera la nature des liens personnels !
Heureusement, nous avons tous des liens personnels, sans quoi nous vivrions dans une solitude absolue !
Monsieur le ministre, je vous pose une question très précise : tenez-vous vraiment à inscrire dans la loi qu'une autorité publique va s'intéresser aux liens personnels des personnes concernées et vérifier l'intensité de ces liens ? Je ne sais pas ce que penserait chacun d'entre nous si une autorité était chargée d'évaluer l'intensité et la stabilité de nos liens personnels !
Je terminerai par un troisième et dernier exemple : cette fameuse condition de dix ans de séjour permettant de délivrer un titre, dont l'origine est une proposition formulée par M. Debré.
Il fallait avoir résidé en France depuis plus de quinze ans, c'est vrai, mais c'était l'esprit, monsieur le ministre. Vous proposez non pas de revenir à quinze ans, mais de supprimer cette disposition.
Je vais vous dire la conséquence d'une telle suppression.
Dans nos départements, beaucoup de personnes sont aujourd'hui dans des situations inextricables : elles n'ont pas de statut, pas de titre de séjour, l'asile leur a été refusé, on ne les reconduira pas à la frontière. Depuis que M. Sarkozy est ministre de l'intérieur, si l'on excepte le cas particulier des DOM-TOM, le nombre des reconduites à la frontière est relativement limité par rapport au nombre des arrêtés pris et à la population de personnes n'ayant pas de titre de séjour. Or, monsieur le ministre, vous allez renforcer le caractère inextricable de ces situations, vous allez plonger ces personnes dans la clandestinité, les mettre dans une impasse !
En effet, elles ne peuvent pas travailler alors qu'elles le voudraient ; elles ne peuvent donc pas payer de loyer, et la préfecture ou la Croix Rouge paie par conséquent leur logement dans des hôtels, etc. Tout le monde comprend que c'est totalement absurde, d'autant que cela va durer dix ans, quinze ans, vingt ans, trente ans ! Le pragmatisme, le réalisme, conduirait à adopter une attitude autre, monsieur le ministre !
M. Patrice Gélard. J'ai l'impression, à chaque article, de réentendre les propos tenus lors de la discussion générale ! À chaque fois, les mêmes arguments sont sempiternellement repris et l'on nous répète toujours la même chose sans rien nous proposer d'intéressant. On nous dit que tout est parfait, que la loi actuelle est merveilleuse et qu'il ne faut rien changer, car il n'y a pas de problème !
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Eh bien, non ! Il y a des problèmes, nous essayons de les résoudre, et ce n'est pas en nous répétant dix fois, vingt fois, les mêmes arguments que la majorité changera d'opinion !
M. Patrice Gélard. Je suis désolé, mais vous vous trompez de débat, vous vous trompez de combat en répétant toujours la même chose, et vous n'arriverez à convaincre personne !
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Je partage tout ce qui a été dit par mes collègues, et l'intervention de M. Gélard tombe à pic !
Vous nous accusez de répéter toujours la même chose, mais je pourrais vous renvoyer le compliment. En effet, vous ne répondez pas aux préoccupations exprimées par les parlementaires de l'opposition ici présents et par nombre de gens dans notre pays, qui s'inquiètent des mesures que vous voulez absolument faire passer.
Vous partez toujours d'un même postulat que vous voulez enfoncer dans le crâne des parlementaires et surtout de nos concitoyens, à savoir que nous sommes soumis à des hordes d'étrangers qui voudraient se précipiter dans notre pays. Or ce n'est pas le cas, comme les chiffres le démontrent. D'ailleurs, vous n'avez pas été capables de prouver le contraire, car, depuis 1974, la France connaît, comme chacun sait, un régime de limitation de l'immigration.
Quelle est la réalité ? Il faut être clair à cet égard, et ne pas avoir une simple politique d'affichage pour tenter de convaincre, ce que vous ne parvenez d'ailleurs pas toujours à faire ! S'agissant par exemple de la carte « vie privée et familiale », vous dites qu'il faut supprimer l'automaticité de son attribution aux étrangers au bout de dix ans de résidence en France. Il faut corriger vos propos pour que tout le monde comprenne bien : il n'y a en effet pas d'automaticité. Cette possibilité donnée au bout de dix ans - et non plus au bout de quinze ans comme à l'origine, on l'a rappelé - est une mesure de bon sens. C'est en effet une façon de considérer que les étrangers qui, preuve à l'appui, vivent sur notre territoire et ont des liens familiaux, sociaux, sont intégrés et ont droit à une carte de résident.
Si tel n'est pas le cas, ils resteront dans notre pays en toute illégalité et vivront dans la clandestinité, ce qui n'est pas une bonne solution. De plus, j'indique que ce système profite toujours aux mêmes, c'est-à-dire aux employeurs. En effet, pour pouvoir continuer à vivre pendant ce laps de temps, ces immigrés clandestins doivent travailler et sont donc employés illégalement, en contradiction totale avec la législation relative au droit du travail. Tout le monde le sait, mais on préfère se voiler la face.
Les dispositions éminemment contestables au regard du droit à une vie privée et familiale que vous êtes en train de vouloir faire entrer de force dans notre législation, monsieur le ministre, vont non pas empêcher certaines personnes d'essayer de pénétrer dans notre pays pour y trouver du travail, mais pérenniser la situation de celles qui sont en situation irrégulière, et ce pour le plus grand bonheur des employeurs indélicats. Telle est la réalité !
Au passage, j'indique que je suis tout à fait d'accord avec ce qui a été dit tout à l'heure à propos de l'intensité de la vie familiale et des liens que peuvent avoir tissés les immigrés. Lançons un appel d'offres pour inventer un appareil qui soit capable de mesurer l'intensité des liens amoureux, familiaux et sociaux des étrangers !
Mes chers collègues, je rappelle qu'il a été décidé d'examiner séparément les amendements de suppression de l'article 24.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 169 est présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 348 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour défendre l'amendement n° 169.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, je veux dire que l'article 24 du projet de loi est contraire à l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par ailleurs, M. Gélard a déclaré tout à l'heure que nous répétions toujours la même chose et qu'il ne fallait pas modifier ce projet de loi. Mais les remèdes que nous allons apporter ne doivent pas être pires que le mal ! Il s'agit d'un domaine difficile, très délicat, et le mieux peut facilement être l'ennemi du bien. La métaphore de la cocotte-minute qui a été utilisée tout à l'heure illustre parfaitement la situation. Il faut garder ces deux réflexions présentes à l'esprit. On ne fera pas des miracles en procédant par la voie réglementaire. À vouloir être trop rigoureux et trop précis, on finit par obtenir le résultat inverse.
L'article 24 du projet de loi tend à modifier les critères d'attribution de la carte de séjour temporaire « vie privée et familiale », qui est actuellement délivrée de plein droit à onze catégories de personnes. Je veux parler des étrangers séjournant en France au titre du regroupement familial, de l'étranger qui justifie avoir sa résidence habituelle en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans, des étrangers justifiant de dix années de résidence habituelle en France, du conjoint étranger d'un ressortissant français, du conjoint d'un titulaire de la carte de séjour temporaire « scientifique », de l'étranger parent d'un enfant français mineur résidant en France, de l'étranger ayant des liens personnels et familiaux en France et n'entrant pas dans le champ des autres catégories visées à l'article L. 313-11 ainsi que des autres catégories d'étrangers bénéficiaires de la carte « vie privée et familiale ».
Comme cela a été rappelé tout à l'heure, la carte « vie privée et familiale » date de 1997. Sa mise en place n'a pas vraiment constitué une avancée, car il s'est agi à l'époque de prévoir la délivrance systématique d'un titre précaire d'une validité d'un an pour certaines catégories d'étrangers, alors que ces derniers bénéficiaient de plein droit d'une carte de résident.
Par la suite, on a régulièrement diminué le nombre de ces catégories, alors que seule la carte de résident permet raisonnablement de trouver un emploi stable et un logement. Aujourd'hui, on aborde une nouvelle étape. Ce projet de loi s'inscrit donc dans une tradition qui consiste à réduire progressivement les droits des étrangers.
Avant d'examiner ces restrictions, je veux souligner le fait que toute délivrance d'un titre temporaire est d'abord subordonnée à la production d'un visa de long séjour, ce qui permet encore de renforcer le contrôle en amont réalisé par les autorités consulaires. Plusieurs de mes collègues ont d'ailleurs souligné la charge de travail considérable que doivent supporter les consulats.
Les étrangers résidant habituellement en France depuis dix ans perdront donc la possibilité d'obtenir automatiquement une carte de séjour temporaire d'un an. Comme cela a été relevé, la délivrance de cette carte n'est certes pas automatique mais, avec ces nouvelles dispositions, les sans-papiers vont se trouver privés de la perspective d'être régularisés et de sortir de l'impasse administrative dans laquelle ils se trouvent.
Le nombre de personnes concernées n'est pas considérable, puisqu'il est de l'ordre de 2 800 personnes par an. En 2005, il était même inférieur à 2 500.
On prétend que la délivrance automatique de cette carte serait un appel d'air pour les clandestins et qu'elle serait donc absolument immorale. Si l'immoralité se limitait en France à ce fait, ce ne serait pas dramatique ! Vraiment, si l'on a des scrupules juridiques, alors amnistions ces personnes, avant de leur octroyer la carte de séjour temporaire.
Ce projet de loi s'attaque aussi à la catégorie « fourre-tout » qui permettait aux étrangers d'obtenir la même carte de séjour temporaire dès lors qu'ils pouvaient faire valoir des liens personnels et familiaux en France. Le Gouvernement a renoncé à décliner des conditions très précises pour qu'ils puissent en bénéficier mais, là encore, je constate que les contraintes ont été renforcées.
Enfin, les mariages entre les Français et les étrangers sont également, manifestement, dans le collimateur du Gouvernement.
En conséquence, nous demandons la suppression de l'article 24, qui, par de nombreux aspects, tend à contredire l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Comme je l'ai dit au début de mon intervention, en voulant faire mieux, on fera pire !
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 348.
L'article 24 du projet de loi est essentiel, car il concerne la délivrance de la carte de séjour temporaire « vie privée et familiale ».
Le présent article tend à modifier les critères d'attribution de cette carte, qui est actuellement délivrée de plein droit à onze catégories de personnes. De plus, il porte atteinte au respect de la vie privée et familiale prévu par l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En réalité, cet article est symptomatique de la logique qui a prévalu lors de l'élaboration de ce projet de loi. Avec une telle disposition, on passe d'une immigration de vie privée et familiale à une immigration de travail choisie, et ce non pas dans l'intérêt des personnes concernées, ni même dans celui du pays, mais dans celui du patronat, comme nous l'avons déjà indiqué à plusieurs reprises.
Sincèrement, que s'est-il passé depuis 2003 pour que le Gouvernement bouleverse à ce point la conception que nous avions du regroupement familial et du droit de vivre en famille et qu'il remette en cause le principe, pourtant retenu depuis 1974, selon lequel les étrangers seraient automatiquement régularisés après une présence de dix ans sur notre territoire ?
Selon un sondage BVA-Le Figaro-LCI paru le 9 juin dernier dans Le Figaro, 63 % des Français sont favorables à la régularisation automatique des immigrés vivant en France depuis dix ans au moins.
Pourtant, il ne s'est rien passé depuis 2003. Comme nous n'avons de cesse de le répéter depuis le début de la discussion, la France n'a pas été assiégée, ni envahie par des hordes d'étrangers. Lors de la discussion du projet de loi pour l'égalité des chances, nous avons été plusieurs à répéter que le contrat première embauche n'était pas une bonne mesure ; nous avons passé des heures à vous le démontrer, mes chers collègues de la majorité. Or vous êtes restés sourds à nos remarques. On a vu le résultat !
Pour ce qui concerne le texte que nous examinons aujourd'hui, il est évident que certains, dans la perspective des échéances de 2007, veulent faire croire aux Français que la France est envahie d'étrangers. Ce projet de loi de circonstance a donc été bricolé dans l'urgence, alors même que tous les décrets de la précédente loi n'ont pas encore été pris. Loin de sécuriser notre société, le Gouvernement, avec une telle disposition, va généraliser l'insécurité et la précarité.
En rendant impossible la vie familiale des étrangers et des Français conjoints d'étrangers, vous allez droit dans le mur !
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression pure et simple de l'article 24 de ce projet de loi, qui remet en cause notre pacte démocratique et social.
Permettez-moi tout d'abord d'évoquer tous les amendements qui vont venir en discussion, car une explication globale s'impose.
Outre quelques amendements de coordination, ces deux amendements identiques, ainsi que la quasi-totalité des autres amendements, ont pour seul et unique objet de supprimer l'article 24 du projet de loi ou chacun de ses alinéas.
Cet article tend à apporter quatre modifications importantes relatives aux critères d'attribution de la carte de séjour temporaire « vie privée et familiale ».
Premièrement, les étrangers confiés au service de l'aide sociale à l'enfance avant l'âge de seize ans et sous certaines conditions pourront bénéficier à leur majorité d'une carte « vie privée et familiale ».
Deuxièmement, les étrangers justifiant de dix années de résidence habituelle en France ne pourront plus être régularisés de plein droit.
Troisièmement, l'étranger parent d'un enfant français mineur résidant en France devra justifier du fait qu'il contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de cet enfant depuis au moins deux ans, au lieu d'un an, pour bénéficier de la carte de séjour temporaire « vie privée et familiale ».
Quatrièmement enfin, le présent article précise ce qu'il faut entendre par « liens personnels et familiaux ». L'article L. 313-11 du CESEDA prévoit en effet la délivrance d'un titre aux étrangers dont les liens personnels et familiaux sont tels que le refus d'autoriser leur séjour porterait, au regard des motifs de refus, une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de leur vie privée et familiale. Le projet de loi précise que ces liens sont « appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine ».
Concernant le premier point, à savoir les mineurs étrangers isolés, des divergences sont compréhensibles sur l'appréciation du caractère suffisant ou non de cette disposition. Toutefois, force est de reconnaître que celle-ci va dans le sens souhaité par la commission d'enquête sur l'immigration clandestine du Sénat. Le dispositif proposé permet de régler de nombreuses situations de manière encadrée, sans prendre le risque d'avoir un effet d'appel d'air.
S'agissant du deuxième point, à savoir la régularisation des étrangers après une présence de dix années sur le territoire, plusieurs critiques peuvent être émises à l'encontre du dispositif en vigueur. En effet, celui-ci entretient de manière latente une forme d'appel d'air, les étrangers espérant obtenir ce fameux titre au terme de ces dix ans. En quelque sorte, il récompense la persévérance de l'individu à être dans l'illégalité.
MM. Pierre-Yves Collombat et Jean-Pierre Sueur s'exclament.
En outre, une critique récurrente porte sur l'absence d'homogénéité de l'application de cette disposition sur l'ensemble du territoire. Ainsi, de manière générale, on se retrouve à procéder à une régularisation au cas par cas.
La suppression de ce moyen de régularisation ne doit pas être interprétée comme la fin des régularisations. Au contraire, l'article 24 bis du projet de loi lui substitue une nouvelle procédure, qui consiste réellement à régulariser au cas par cas. Un examen privilégié sera même réservé aux étrangers justifiant de dix années de résidence puisque leur dossier sera obligatoirement soumis pour avis à la Commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour.
Concernant le troisième point, à savoir la régularisation des parents de Français, le fait de relever de un an à deux ans la durée de contribution effective à l'entretien et à l'éducation de l'enfant français doit réellement permettre de déceler les fausses reconnaissances de paternité.
Je rappelle que cette durée n'est applicable que lorsque le parent étranger n'a pas contribué dès la naissance de l'enfant à l'éducation et à l'entretien de ce dernier. La nuance méritait d'être soulignée, car elle a effectivement son importance.
Enfin, concernant la définition tant critiquée des liens personnels et familiaux, il s'agit d'une sorte de synthèse de la jurisprudence en la matière du Conseil d'État. Son inscription dans la loi permet d'offrir un cadre de lecture beaucoup plus aisé non seulement pour les administrations, mais aussi pour les tribunaux.
Cette définition n'enferme pas pour autant les magistrats dans une lecture restrictive du droit à la vie familiale. Les dispositions de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sont d'application directe.
Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur ces amendements de suppression de l'article.
L'article 24, article central de ce projet de loi, introduit une disposition nouvelle et aborde la question des cartes de séjour délivrées au titre de la « vie privée et familiale ».
Le Gouvernement a été guidé par deux exigences.
La première exigence a consisté à remettre de l'ordre dans un dispositif insuffisamment maîtrisé. Remettre de l'ordre consiste d'abord à réformer la délivrance des cartes de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 à des étrangers en situation irrégulière, mais dont les liens familiaux et privés qu'ils ont en France les empêchent d'être reconduits à la frontière. Le nombre de bénéficiaires de cette carte a considérablement augmenté : plus de 13 000 cartes ont été délivrées à ce titre en 2004, soit deux fois plus qu'en 2000. Cette voie est devenue un moyen détourné de procéder au regroupement familial. Or il n'est pas possible de la supprimer totalement, car elle répond à une exigence posée par nos engagements européens.
Évidemment, il n'est pas question pour le Gouvernement de ne pas respecter l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Néanmoins, l'article 24 du présent projet, par une rédaction pesée au trébuchet, l'assemblée générale du Conseil d'État ayant émis un avis favorable à cet égard, s'attache à mieux l'encadrer, en précisant les éléments que doivent prendre en compte les préfets pour apprécier l'intensité de la vie privée et familiale en France, à savoir des liens personnels et familiaux intenses, anciens et stables en France.
En outre, nous avons voulu qu'il soit fait état de la nature de ces liens avec la famille restée dans le pays d'origine, des conditions d'existence de l'intéressé et de son insertion dans la société.
Nous avons eu pour seconde exigence la justice à l'endroit des plus faibles. C'est ce à quoi répond la création d'un cas de délivrance de titre de séjour pour « vie privée et familiale » à l'intention des étrangers qui, entrés en France alors qu'ils étaient mineurs et isolés, ont été confiés à l'aide sociale à l'enfance.
Par ailleurs, je tiens à redire solennellement ce qu'a indiqué M. le ministre d'État à l'Assemblée nationale : le Gouvernement n'entend aucunement remettre en cause les conditions du séjour en France des étrangers gravement malades. La loi actuelle est sur ce point très équilibrée.
Pour conclure ce propos liminaire, j'insisterai sur un élément qui me semble fondamental. Nous ne proposons évidemment pas de supprimer toute possibilité de régularisation, c'est-à-dire l'attribution d'une carte de séjour à l'étranger qui en est jusqu'alors dépourvu. Nous maintenons cette soupape de régularisation, mais nous sommes déterminés à mieux l'encadrer pour éviter les effets d'appel d'air et les détournements. Tel est l'objectif du dispositif d'admission exceptionnelle au séjour prévue à l'article 24 bis, qui s'applique à tous ceux qui ne peuvent être admis au séjour selon les règles en vigueur, mais pour lesquels des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels doivent être pris en compte. Une demande d'admission à ce titre sera soumise à l'avis de la Commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour. Celle-ci présentera chaque année un rapport évaluant les conditions d'application de cette voie d'admission au séjour. En outre, elle pourra être saisie pour avis des recours hiérarchiques adressés au ministre de l'intérieur.
Messieurs Yung et Collombat, vous avez invoqué l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Précisément, notre réforme de la carte « vie privée et familiale » respecte cet article. Si tel n'était pas le cas, l'assemblée générale du Conseil d'État n'aurait pas donné un avis favorable sur ce projet de loi.
Cela a été suffisamment répété. M. Gélard a raison de rappeler que vous revenez systématiquement sur tout ce qui a déjà été dit au cours de la discussion générale. Libre à vous de contester une fois de plus la position de l'assemblée générale du Conseil d'État !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Madame Cerisier-ben Guiga, nous ne vous avons pas attendue pour imaginer une soupape de sécurité en matière d'immigration. C'est l'objet de l'article 24 bis du projet de loi, qui vise à instituer une procédure d'admission exceptionnelle au séjour. Nous ne voulons pas fermer l'accès à la carte « vie privée et familiale », mais la soupape de sécurité que vous aviez imaginée en 1998 ne nous convient pas, et nous en proposons une autre. En outre, nous avons le souci d'éviter les divergences d'appréciation entre préfets
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame
Monsieur Sueur, nous assumons le message que nous envoyons aux jeunes étrangers admis à l'aide sociale. En ma qualité de président de conseil général, je connais bien l'aide sociale à l'enfance et je sais quelles sont les difficultés dans ce domaine. Oui, ces jeunes étrangers auront droit à une carte de séjour à leur majorité. C'est un droit que nous créons.
Ce n'est pas ce qui figure dans le texte ! Ce dernier fait référence au « caractère réel et sérieux de la formation suivie » !
Mais nous conditionnons ce droit aux efforts du jeune étranger, à qui nous demandons simplement de suivre sérieusement sa formation. Nous croyons au mérite et nous voulons tirer vers le haut ces jeunes. C'est ce en quoi notre philosophie diffère de la vôtre !
Je vous en prie, monsieur le sénateur.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, avec l'autorisation de M. le ministre.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, soyons très précis. Seul compte ce qui est écrit. En l'espèce, la délivrance du titre en question est conditionnée non pas au fait de suivre de manière sérieuse une formation, mais au « caractère réel et sérieux » de celle-ci. Aussi, ce qui est en cause, c'est non pas l'attitude du jeune, mais la formation qu'il suit.
M. Charles Gautier acquiesce.
En tant que président de conseil général, vous savez que ce sont vos services qui statuent sur ces formations. Par conséquent, ils veillent nécessairement à ce qu'elles soient réelles et sérieuses !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Monsieur Sueur, il me semble fondamental que soit avéré le caractère réel et sérieux de la formation suivie par le jeune et que soit sollicité l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion du jeune dans la société française. Aujourd'hui, les jeunes qui sont confiés à l'aide sociale à l'enfance ne sont pas automatiquement régularisés. Nous proposons d'y remédier. Vous devriez soutenir l'attribution d'un droit qui n'existe pas actuellement au profit des étrangers, et non la contester. L'exercice de ce droit se ferait simplement sous réserve de l'avis des éducateurs des services départementaux qui auront été chargés de ces jeunes, de manière qu'il soit possible de vérifier systématiquement que l'intéressé a mis toute sa volonté, toute son énergie, toute sa détermination à suivre sa formation, à s'intégrer et à respecter un certain nombre de règles.
M. Jean-Pierre Sueur le conteste.
Ne faites pas une lecture des textes différente selon l'endroit où vous siégez, monsieur Sueur. Votre application à décrypter chaque mot, chaque lettre, chaque virgule devrait nous épargner votre contestation, s'agissant de la question du caractère réel et sérieux de la formation suivie.
Madame Boumediene-Thiery, vous l'avez dit, la régularisation automatique après dix ans de séjour irrégulier posait le problème de la preuve d'un séjour habituel en France durant cette période. Les preuves fournies pouvaient être aléatoires, voire fallacieuses.
Le Gouvernement ne croit pas à la pertinence de ce critère de dix ans.
Vous l'avez rappelé, M. Debré avait suggéré que la régularisation ait lieu au bout de quinze ans. Finalement, la proposition de M. Chevènement visant à fixer ce délai à dix ans s'inscrivait dans le même esprit.
Je voudrais maintenant m'adresser à Mme Borvo, qui a exprimé la même préoccupation que Mme Boumediene-Thiery. Les dispositions ayant pour objet la délivrance de plein droit d'une carte de séjour sont synonymes d'automaticité. C'est précisément ce qui figure au 3° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Oui, il existe bien, depuis la loi Chevènement - ce n'était pas le cas dans la loi Debré -, un droit automatique du séjour pour les étrangers en situation irrégulière depuis dix ans en France. Or nous y sommes opposés, parce que, selon nous, c'est un message terrible que nous adressons à l'étranger.
C'est, à nos yeux, une prime à la clandestinité. Cela revient à dire ceci à tous les étrangers qui n'arrivent pas à obtenir de visa ou de titre de séjour : venez en France et essayez de gérer votre situation irrégulière pendant dix ans ! Passez à travers toutes les mailles du filet, évitez de vous faire renvoyer dans votre pays d'origine, et, au bout de dix ans, vous serez automatiquement régularisés !
Ce sera la récompense, à l'issue de la compétition ! Pendant dix ans, les étrangers utiliseront tous les artifices possibles pour se maintenir sur le territoire en sachant que, passé ce délai, ils auront réussi à passer la ligne d'arrivée. Nous estimons que ce n'est pas le meilleur message à envoyer au-delà de nos frontières.
C'est la raison pour laquelle nous proposons beaucoup mieux, à savoir une étude au cas par cas.
À l'heure actuelle, l'étranger en situation irrégulière doit attendre dix ans pour obtenir la régularisation de sa situation. Avec le texte qui vous est soumis, la régularisation pourra intervenir plus tôt, par exemple au bout de trois, quatre, cinq ou six ans, si l'étranger remplit un certain nombre de conditions. Il s'agit simplement d'une affaire de « donnant-donnant », de « gagnant-gagnant » : si la personne rentre dans les clous, elle peut bénéficier plus tôt de cette régularisation ; sinon, elle n'y a pas droit.
Mesdames Borvo, Boumediene-Thiery et Assassi, notre volonté est d'apporter une réponse beaucoup plus pragmatique que par le passé, une réponse qui ne puisse être considérée comme un message, envoyé hors de nos frontières, selon lequel il existerait une prime à la clandestinité.
Enfin, madame Assassi, vous nous demandez pourquoi nous posons ce problème aujourd'hui. Je vous réponds tout simplement que le constat que nous faisons ne date pas de quelques années. Cela fait vingt ou trente ans que de véritables politiques reposant sur un principe de lâcheté ont été mises en oeuvre dans notre pays.
Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
M. Christian Estrosi, ministre délégué. ... et cela, vous ne pouvez pas le contester !
Nouvelles protestations sur les mêmes travées.
M. Christian Estrosi, ministre délégué. ...au Parlement un projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration ! Nous le faisons donc pour mettre un terme à ces vingt ou trente ans de politique de lâcheté en matière d'intégration dans notre pays !
Applaudissementssur les travées de l'UMP.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt-et-une heures trente, sous la présidence de M. Guy Fischer.