La France a ratifié la convention de New York du 20 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant, dont l'article 3 dispose : « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, [...] l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ».
Cette même convention prévoit, en son article 20, que « tout enfant qui est temporairement ou définitivement privé de son milieu familial, ou qui dans son propre intérêt ne peut être laissé dans ce milieu, a droit à une protection et une aide spéciales de l'État. [...] Cette protection de remplacement peut notamment avoir la forme du placement dans une famille, de la kafalah de droit islamique, de l'adoption ou, en cas de nécessité, du placement dans un établissement pour enfants approprié. Dans le choix de ces solutions, il est dûment tenu compte de la nécessité d'une certaine continuité dans l'éducation de l'enfant, ainsi que de son origine ethnique, religieuse, culturelle et linguistique. »
Notre attention a été attirée sur la situation dramatique des enfants nés dans des pays de droit islamique, particulièrement en Algérie et au Maroc, privés de leur milieu familial, recueillis par nos concitoyens, généralement de même origine, dans le cadre d'une kafalah judicaire et qui ont été autorisés par les autorités de leur pays de naissance à le quitter pour bénéficier de la protection de remplacement de la kafalah.
Le droit de la filiation de ces mêmes pays interdit le plus souvent à ces enfants privés de famille d'avoir une filiation vis-à-vis de leurs parents d'origine lorsqu'ils sont nés hors mariage et, en outre, d'avoir des parents adoptifs dans leur pays de naissance.
La loi du 6 février 2001, relative à l'adoption internationale, a posé dans le code civil le principe de l'interdiction, pour un juge français, de prononcer l'adoption des enfants étrangers dont la loi personnelle interdit l'adoption. Cette disposition prohibitive n'est pas justifiée, puisque la même loi pose le principe que l'adoption d'un enfant étranger requiert le consentement du représentant légal de l'enfant, éclairé sur les conséquences de l'adoption.
Avant l'entrée en vigueur de ladite loi, les juridictions françaises, au premier chef desquelles la Cour de cassation, avaient élaboré une jurisprudence que l'on peut qualifier de « bienveillante », dans le souci de l'intérêt supérieur de l'enfant, en examinant la situation au cas par cas.
Depuis 2001, les enfants accueillis par des familles françaises sous le régime de la kafalah ne peuvent plus être adoptés par ces familles et ne bénéficient pas d'un statut juridique reconnu. Cette insécurité est source d'angoisses profondes pour ces enfants et leurs protecteurs, choisis en cette qualité par les autorités des pays de naissance et qui se considèrent comme leurs parents.
La loi du 6 février 2001 a également favorisé des pratiques très diverses en ce qui concerne la délivrance des visas d'entrée et des autorisations de séjour pour les enfants recueillis régulièrement en kafalah judiciaire par nos concitoyens.
Cependant, le Conseil d'État, saisi à plusieurs reprises de recours contre des décisions de refus d'autorisation d'entrer en France sollicitée au bénéfice d'un enfant recueilli en kafalah dans le cadre de la procédure du regroupement familial, a annulé ces refus en affirmant, au vu de la convention internationale des droits de l'enfant et de la convention européenne des droits de l'homme, que « l'enfant pouvant bénéficier du regroupement familial est l'enfant légitime ou naturel ayant une filiation légalement établie ainsi que l'enfant adopté ».
Par ailleurs, la loi du 26 novembre 2003 a institué une période de probation de cinq ans pour l'enfant recueilli en France et élevé par une personne de nationalité française et de trois ans pour l'enfant confié au service de l'aide sociale à l'enfance, avant de pouvoir réclamer la nationalité française. Auparavant, cette possibilité était donnée à ces enfants, dont bien entendu ceux qui étaient recueillis en kafalah, dès lors qu'ils résidaient en France et sans condition de durée de recueil dans notre pays.
La situation des enfants concernés n'en est devenue que plus précaire. Ce n'est qu'après cinq années de vie familiale en France que ceux qu'ils appellent « papa » et « maman » peuvent engager pour eux les démarches afin de leur faire acquérir la nationalité française par déclaration, nationalité qui leur permettra d'engager ensuite des démarches d'adoption.
Le projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration a pour objet, je le rappelle, de favoriser l'entrée et le séjour en France des personnes étrangères auxquelles la France peut offrir des conditions de vie normales, un emploi, un logement. Pour ce qui concerne les enfants définitivement privés de famille dans leur pays et recueillis par des Français, notre pays est en mesure de leur offrir une famille, au sein de laquelle ils pourront trouver l'affection, la sécurité, et bénéficier de la protection et de l'éducation nécessaires à leur épanouissement.
« Chacun d'entre nous peut porter témoignage que parfois sa famille vient de loin et ce n'est pas parce que sa famille vient de loin que l'on aime moins la France », a dit Nicolas Sarkozy.
Pour toutes ces raisons, monsieur le président, mes chers collègues, je vous propose d'adopter l'amendement n° 136 rectifié, qui tend à supprimer le deuxième alinéa de l'article. 370-3 du code civil.