L'article 24 est l'un des articles les plus emblématiques de l'esprit, de la philosophie de ce projet de loi, et des fantasmes qu'il fait naître.
Il réunit en effet une série de dispositions qui n'ont qu'un seul but : faire reculer les droits et les libertés des migrants étrangers. Ces mesures auront pour seule conséquence de précariser encore plus les migrants en situation régulière et, parmi eux, les enfants et les personnes malades.
Nous condamnons l'abrogation de la possibilité de délivrer un titre de séjour aux étrangers qui peuvent apporter la preuve de leur présence en France depuis au moins dix ans.
Je vous rappelle qu'une telle possibilité de régularisation n'était pas de droit, puisqu'elle exigeait des preuves, d'ailleurs difficiles à fournir. Cette procédure de régularisation découlait de la prise en compte, à la suite de la grève de la faim de sans-papiers réunis dans l'église Saint-Bernard de Paris, de situations tragiques.
Cette procédure d'une extrême complexité était très longue, sans compter qu'il était extrêmement difficile d'apporter la preuve de ces dix années de séjour clandestin, durant lesquelles la majorité des étrangers s'efforcent de se cacher.
La preuve était d'ailleurs si difficile à fournir que seulement 2 500 à 3 000 personnes ont bénéficié de cette mesure, qui constituait non pas une prime à la clandestinité, comme certains d'entre vous l'ont prétendu, mais simplement la reconnaissance d'une intégration de fait dans la société française.
Cette disposition tendait à reconnaître les attaches personnelles qu'un migrant étranger ayant vécu pendant dix ans dans notre pays avait pu nouer, en créant des liens sociaux, en fondant une famille et en travaillant durant de longues années.
Après dix ans dans la clandestinité, ces personnes, confrontées à des conditions de vie pourtant très difficiles, décidaient volontairement de demeurer dans notre société, pour y partager une communauté de destin. Malheureusement, leur dignité n'a toujours pas été reconnue. Les Verts, qui plaident en faveur d'une citoyenneté de résidence, ne peuvent pas accepter la disposition prévue dans le présent projet de loi.
Par ailleurs, monsieur le ministre, ce projet de loi bafoue l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui reconnaît le droit au respect de la vie privée et familiale. Je reviendrai sur ce point tout à l'heure.
Au reste, il s'agit d'un déni inacceptable des droits fondamentaux. La disparition de cette procédure de régularisation va plonger dans une précarité perpétuelle les migrants étrangers, qui ont pourtant vocation à vivre en France. Cela les conduira parfois à commettre des actes désespérés.
Les sans-papiers n'auront aucune possibilité réelle d'être régularisées. Elles dépendront donc du bon vouloir des autorités préfectorales, qui pourront faire usage ou non de leur pouvoir de régularisation.
En outre, monsieur le ministre, la circulaire du 21 février 2006 a ouvert une véritable chasse à l'homme étranger jusque dans les foyers, les blocs opératoires ou les guichets de préfecture.
Une autre disposition néfaste de ce projet de loi concerne la situation des jeunes confiés depuis l'âge de seize ans au service de l'aide sociale à l'enfance. Le texte tend à poser des conditions liées au sérieux de la formation suivie et à l'absence de liens avec la famille restée dans le pays d'origine. Cette prise en considération par la loi des mineurs isolés doit être appréciée à sa juste valeur. En effet, c'est l'intérêt de l'enfant qui devrait prévaloir.
Monsieur le ministre, les mariages entre Français et migrants étrangers sont suspects à vos yeux. Après la création, en 2003, du délit de mariage de complaisance et le renforcement des contrôles lors de la célébration du mariage, ce projet de loi restreint tellement les conditions d'octroi d'une simple carte de séjour que ses dispositions sont à la limite de la violation du droit au mariage et au divorce, y compris pour les Français.
Le texte a pour cible une catégorie « fourre-tout » regroupant les étrangers susceptibles d'obtenir une carte de séjour temporaire, dès lors qu'ils peuvent faire valoir des liens personnels et familiaux en France.
Cette catégorie avait été créée par la loi du 11 mai 1998, pour tenir compte de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Or, par voie de circulaire, on a, en pratique, considérablement réduit les chances de pouvoir revendiquer ces liens privés et familiaux. En fixant des conditions restrictives, ce projet de loi vise à renforcer encore les obstacles, au point de vider le texte de sa substance. Il est donc indispensable de rappeler que cette mesure ne devra s'appliquer qu'à l'étranger qui n'entre dans aucune autre catégorie.
Je désire évoquer le cas particulier des accompagnants d'enfants malades. La semaine dernière, la majorité a autorisé l'obtention d'une autorisation provisoire de séjour pour l'un des deux parents. Sur ce point, nous sommes également en contradiction totale avec l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En effet, seul l'un des parents pourra être régularisé, tandis que l'autre sera obligé de repartir. Encore une fois, vous plongez dans la précarité, sans droit au travail, sans droits sociaux, une personne proche d'un enfant gravement malade. De telles conditions de vie seront d'ailleurs tout à fait incompatibles avec la prise en charge parfois exigeante des enfants malades.
Face à de telles situations, les modifications proposées dans le projet de loi permettront une fois de plus aux préfectures de refuser le séjour de ces personnes.
En exigeant qu'un sans-papiers, pour obtenir sa régularisation, puisse faire état de ressources stables et suffisantes, d'un logement répondant à des critères stricts et d'une intégration déterminée par la connaissance de la langue française, vous créez les conditions d'une précarisation de tous les immigrés en situation régulière.
Nous sommes très loin de la volonté d'intégration affichée par le Gouvernement, très loin du sentiment d'humanisme annoncé. Vous créez au contraire une situation de suspicion permanente et de rejet de l'étranger.