Intervention de Richard Yung

Réunion du 13 juin 2006 à 16h00
Immigration et intégration — Article 24, amendements 4 2

Photo de Richard YungRichard Yung :

L'article 24 est effectivement l'un des articles les plus importants de ce projet de loi. Les dispositions proposées sont non seulement insatisfaisantes, mais aussi discriminatoires et dangereuses.

Tout d'abord, nous sommes radicalement opposés au durcissement des conditions d'attribution de la carte de séjour temporaire « vie privée et familiale ».

Si cet article était adopté en l'état, les bénéficiaires du regroupement familial, le conjoint et les enfants d'un étranger détenteur d'une carte « compétences et talents », ainsi que le conjoint étranger d'un ressortissant français, seraient soumis à l'obligation de produire un visa de long séjour, et donc de retourner dans leur pays, avant de solliciter la délivrance d'un titre de séjour. Tel ne serait pas le cas si nous modifiions cet article dans le sens de l'amendement n° 4, adopté à l'article 2. Cependant, pour le moment, ce n'est pas ce qui nous est proposé.

Ensuite, les personnes visées à l'article L. 313-11 du CESEDA doivent continuer à bénéficier automatiquement de la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale », et ce en vertu du respect de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par ailleurs, les personnes présentes sur le territoire français depuis au moins dix ans doivent, selon nous, continuer à être régularisées. Plutôt que de faire croire de manière démagogique et « politicienne » - c'est un adjectif que vous utilisez souvent - qu'il s'agit d'une « prime à l'illégalité », il faut rappeler que, depuis 1999, seulement 2 800 personnes en moyenne - c'est peu par rapport à la totalité de l'immigration - sont régularisées chaque année sur ce fondement. Bien loin de constituer une « prime à la clandestinité », ce type de mesure permet au contraire non seulement de répondre à des situations difficiles, mais aussi de régulariser le séjour de personnes déjà bien intégrées dans notre société.

En tant que sénateur représentant les Français établis hors de France, je souhaite insister aussi sur les conséquences néfastes de ce projet de loi pour les couples mixtes.

Monsieur le ministre, en subordonnant la délivrance d'une carte de séjour temporaire à la détention, par le conjoint étranger d'un Français, d'un visa de long séjour, vous poursuivez un processus de stigmatisation des couples mixtes, tel qu'il a été initié par la loi du 26 novembre 2003.

L'article 24 de ce nouveau projet de loi est dangereux, car il vise à institutionnaliser le soupçon qui pèse sur les mariages mixtes. La condition mise en avant instaurera ni plus ni moins une entrave à la vie commune et une inégalité devant le mariage. Dans votre esprit, les mariages mixtes représentent sans doute des unions de seconde catégorie, alors qu'ils maintiennent au contraire une ouverture de la France, qui fait la beauté et la force de notre nation. De notre point de vue, il serait plus utile et plus efficace de lutter contre les vrais mariages de complaisance, si j'ose dire, que sont les mariages forcés.

Enfin, la rédaction de l'article 24 est, selon vous, motivée par la volonté de mieux vérifier l'authenticité des actes d'état civil. Nous venons d'aborder cette question. Or le contrôle de ces actes a déjà été durci dans les consulats et les services du ministère des affaires étrangères, à Nantes. En fait, tout l'appareil judiciaire et légal nécessaire existe.

Ayant souvent l'occasion, comme mes collègues, de visiter les consulats de France à l'étranger, je peux vous dire que ces derniers ne sont plus en état, et ce depuis longtemps, de faire face à cette nouvelle charge de travail. Chacun d'entre nous l'a constaté, les gens font la queue plusieurs heures devant chaque consulat, que ce soit à Dakar, à Moscou, à Tachkent ou ailleurs. Arrivés à trois ou quatre heures du matin, ils repartent à dix-sept heures sans avoir pu accéder au guichet avant la fermeture. Les services, qui délivrent maintenant des visas biométriques, sont à bout de souffle.

Par conséquent, je considère que cette proposition est déraisonnable, voire inapplicable. De plus, elle est démagogique, et son seul résultat sera d'accroître l'immigration clandestine.

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