Intervention de Pierre-Yves Collombat

Réunion du 13 juin 2006 à 16h00
Immigration et intégration — Article 24

Photo de Pierre-Yves CollombatPierre-Yves Collombat :

Avant d'entrer dans le vif du sujet, je veux dire que l'article 24 du projet de loi est contraire à l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par ailleurs, M. Gélard a déclaré tout à l'heure que nous répétions toujours la même chose et qu'il ne fallait pas modifier ce projet de loi. Mais les remèdes que nous allons apporter ne doivent pas être pires que le mal ! Il s'agit d'un domaine difficile, très délicat, et le mieux peut facilement être l'ennemi du bien. La métaphore de la cocotte-minute qui a été utilisée tout à l'heure illustre parfaitement la situation. Il faut garder ces deux réflexions présentes à l'esprit. On ne fera pas des miracles en procédant par la voie réglementaire. À vouloir être trop rigoureux et trop précis, on finit par obtenir le résultat inverse.

L'article 24 du projet de loi tend à modifier les critères d'attribution de la carte de séjour temporaire « vie privée et familiale », qui est actuellement délivrée de plein droit à onze catégories de personnes. Je veux parler des étrangers séjournant en France au titre du regroupement familial, de l'étranger qui justifie avoir sa résidence habituelle en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans, des étrangers justifiant de dix années de résidence habituelle en France, du conjoint étranger d'un ressortissant français, du conjoint d'un titulaire de la carte de séjour temporaire « scientifique », de l'étranger parent d'un enfant français mineur résidant en France, de l'étranger ayant des liens personnels et familiaux en France et n'entrant pas dans le champ des autres catégories visées à l'article L. 313-11 ainsi que des autres catégories d'étrangers bénéficiaires de la carte « vie privée et familiale ».

Comme cela a été rappelé tout à l'heure, la carte « vie privée et familiale » date de 1997. Sa mise en place n'a pas vraiment constitué une avancée, car il s'est agi à l'époque de prévoir la délivrance systématique d'un titre précaire d'une validité d'un an pour certaines catégories d'étrangers, alors que ces derniers bénéficiaient de plein droit d'une carte de résident.

Par la suite, on a régulièrement diminué le nombre de ces catégories, alors que seule la carte de résident permet raisonnablement de trouver un emploi stable et un logement. Aujourd'hui, on aborde une nouvelle étape. Ce projet de loi s'inscrit donc dans une tradition qui consiste à réduire progressivement les droits des étrangers.

Avant d'examiner ces restrictions, je veux souligner le fait que toute délivrance d'un titre temporaire est d'abord subordonnée à la production d'un visa de long séjour, ce qui permet encore de renforcer le contrôle en amont réalisé par les autorités consulaires. Plusieurs de mes collègues ont d'ailleurs souligné la charge de travail considérable que doivent supporter les consulats.

Les étrangers résidant habituellement en France depuis dix ans perdront donc la possibilité d'obtenir automatiquement une carte de séjour temporaire d'un an. Comme cela a été relevé, la délivrance de cette carte n'est certes pas automatique mais, avec ces nouvelles dispositions, les sans-papiers vont se trouver privés de la perspective d'être régularisés et de sortir de l'impasse administrative dans laquelle ils se trouvent.

Le nombre de personnes concernées n'est pas considérable, puisqu'il est de l'ordre de 2 800 personnes par an. En 2005, il était même inférieur à 2 500.

On prétend que la délivrance automatique de cette carte serait un appel d'air pour les clandestins et qu'elle serait donc absolument immorale. Si l'immoralité se limitait en France à ce fait, ce ne serait pas dramatique ! Vraiment, si l'on a des scrupules juridiques, alors amnistions ces personnes, avant de leur octroyer la carte de séjour temporaire.

Ce projet de loi s'attaque aussi à la catégorie « fourre-tout » qui permettait aux étrangers d'obtenir la même carte de séjour temporaire dès lors qu'ils pouvaient faire valoir des liens personnels et familiaux en France. Le Gouvernement a renoncé à décliner des conditions très précises pour qu'ils puissent en bénéficier mais, là encore, je constate que les contraintes ont été renforcées.

Enfin, les mariages entre les Français et les étrangers sont également, manifestement, dans le collimateur du Gouvernement.

En conséquence, nous demandons la suppression de l'article 24, qui, par de nombreux aspects, tend à contredire l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Comme je l'ai dit au début de mon intervention, en voulant faire mieux, on fera pire !

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