Intervention de Monique Cerisier-ben Guiga

Réunion du 13 juin 2006 à 21h30
Immigration et intégration — Article 24

Photo de Monique Cerisier-ben GuigaMonique Cerisier-ben Guiga :

Cet amendement de repli tend à supprimer, pour l'étranger marié à un Français, l'obligation de communauté de vie « depuis le mariage », c'est-à-dire, plus exactement, depuis la célébration du mariage.

Je ferai d'abord remarquer qu'il s'agit seulement de délivrer une carte de séjour temporaire d'un an et non pas de donner un droit au séjour de longue durée, stable, propice à la recherche d'un emploi et d'un logement pour la famille constituée d'un conjoint français et d'un conjoint étranger.

Sous l'empire des dispositions prises en 2003, les 90 000 couples binationaux qui se constituent chaque année devront continuer à subir la déstabilisation induite par le droit au séjour trop court du conjoint étranger.

Or, voilà qu'à toutes les conditions déjà posées à la délivrance de cette carte de séjour temporaire d'un an - l'entrée régulière en France, la continuité de la communauté de vie, l'obligation pour le conjoint français de n'avoir pas perdu la nationalité française et la transcription du mariage à l'état civil français - s'ajoute la communauté de vie depuis la célébration du mariage.

C'est toujours pareil : aucune de ces conditions n'est en soi exorbitante ; ce qui est terrifiant, c'est leur accumulation ! Et vous proposez d'en ajouter encore une !

Pourquoi pas, après tout ? Mais encore faudrait-il que la législation en vigueur depuis 2003 et la pratique administrative n'interdisent pas de plus en plus souvent la communauté de vie depuis la célébration du mariage.

Je sais bien qu'il y a des mariages dont l'objectif partiel ou total est de migrer vers la France et je suis d'accord pour dire qu'il faut lutter contre ce détournement.

Il reste que l'arsenal mis en oeuvre depuis 2003 pour lutter contre ce phénomène et qui va se trouver renforcé par la loi sur la validité des mariages célébrés à l'étranger tend à rendre la communauté de vie impossible au début du mariage, pendant une période minimum de plusieurs mois et qui pourra atteindre, selon les juristes du ministère de la justice, jusqu'à trois ans.

J'en veux pour preuve un seul exemple : la plupart des couples n'auront pas pensé à demander le certificat de capacité à mariage avant de se marier en Allemagne, au Brésil ou en Algérie. De ce fait, leur mariage sera rendu suspect, ce qui conduira les consulats à soumettre la transcription de l'acte à une audition séparée des conjoints. Or le délai de rendez-vous pour ces auditions atteint six mois dans les consulats les plus concernés ; je pense notamment à ceux du Maroc !

Les tracasseries aux guichets des consulats sont innombrables, et j'en ai fréquemment des témoignages dans les courriers que je reçois : on demande, par exemple, le livret de famille en plus de l'acte de mariage transcrit, comme si ce dernier ne suffisait pas, ou encore un certificat d'authenticité du mariage célébré en France. Ces demandes émanent de l'agent qui est au guichet et même si, une fois averti, le consul s'en étonne et rétablit les choses, la situation s'en trouve compliquée pendant plusieurs jours, voire plusieurs semaines.

Le délai pour l'obtention du visa de long séjour sera donc, dans le meilleur des cas, de six semaines à deux mois, d'après les agents qui le délivrent. Cependant, compte tenu du manque de personnel dont souffrent les consulats et la sous-direction de la circulation des étrangers de Nantes, le délai d'attente dépassera vite les six mois. Pendant ce laps de temps, toute communauté de vie sera impossible : l'un des conjoints sera à l'étranger tandis que l'autre résidera en France.

Si, de surcroît, le parquet de Nantes est saisi et requiert l'annulation, il pourra s'écouler un an ou deux avant que le tribunal prononce son jugement, de sorte que les intéressés pourront n'obtenir le droit d'être mariés avec un acte de mariage français qu'après avoir été privés pendant plusieurs années du droit de vivre en famille.

Les conditions actuelles sont déjà difficiles à remplir, mais, avec celle que vous proposez d'ajouter, il deviendra absolument impossible de les réunir toutes.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion