En tout premier lieu, il est temps de concrétiser sur le plan national les innovations que nous avons promues à l’échelon européen. Depuis 2008, nous sommes véritablement passés aux actes, grâce à l’adoption de trois directives communautaires, qu’il convient désormais de transposer.
Premièrement, il s’agit de la directive « carte bleue », à laquelle, me semble-t-il, l’ancien commissaire européen Jacques Barrot était très attentif. Adoptée en mai 2009, elle vise à promouvoir une immigration professionnelle de haut niveau, sans pour autant procéder – car c’est toujours le danger – au pillage des cerveaux des pays en développement.
En créant, pour un public de cadres, un titre européen qui ouvre un droit au séjour dans l’ensemble des États membres, cette directive s’inscrit pleinement dans notre stratégie de valorisation de l’immigration professionnelle, puisque, vous vous en souvenez sans doute, nous avions également créé à l’époque les cartes « compétences et talents », « salarié en mission » et « travailleur saisonnier ».
Deuxièmement, la directive « retour », adoptée en 2008, établit un certain nombre de principes destinés à encadrer les conditions d’éloignement des étrangers en situation irrégulière. Cela signifie que les conditions de rétention des différents pays de l’Union seront harmonisées. À cet égard, je tiens à rappeler que la rétention n’est ni une punition ni une détention : c’est simplement un passage de quelques jours dans un centre fermé, permettant d’organiser le retour effectif d’étrangers en situation irrégulière vers leurs pays d’origine.
Cette directive crée un dispositif d’interdiction de retour sur le territoire européen. Je relève d’ailleurs que la Haute Assemblée s’était prononcée, en février 2007, en faveur de cette mesure, en indiquant dans une résolution qu’elle « constituerait un message fort de solidarité européenne en matière de lutte contre l’immigration illégale ».
Troisièmement, la directive dite « sanctions » de juin 2009 vise autant à sanctionner les entreprises qui emploient des étrangers sans titre qu’à protéger les droits des travailleurs concernés. Autrement dit, ce projet de loi tend à responsabiliser les donneurs d’ordre et à introduire, au profit des employés concernés, une indemnisation à la charge de l’employeur.
En deuxième lieu, le texte qui vous est soumis, mesdames, messieurs les sénateurs, introduit quelques ajustements juridiques en matière d’intégration et d’accès à la nationalité.
D’abord, contrairement à une idée reçue qui voudrait que nous ne soyons ni pragmatiques, ni ouverts, ni responsables, nous proposons de faciliter l’accès à la nationalité française aux étrangers manifestant un parcours d’intégration exceptionnel. Pour ces personnes, qui s’accomplissent dans les domaines non pas uniquement sportif, mais aussi civique, scientifique, économique ou culturel, nous proposons de créer une voie d’accès spécifique à la nationalité française, en réduisant de cinq à deux ans la durée de résidence nécessaire.
Ensuite, nous souhaitons nous assurer de l’adhésion à nos valeurs de tout étranger demandant à acquérir la nationalité française. Concrètement, le postulant à la naturalisation devra signer une charte des droits et devoirs du citoyen français. En outre, sa maîtrise de notre langue sera évaluée de manière beaucoup plus objective qu’aujourd’hui, en s’inspirant des référentiels linguistiques européens.
Enfin, nous prévoyons, conformément aux engagements pris par le Président de la République dans son discours de Grenoble, la possibilité de retirer la nationalité française à ceux qui attentent à la vie d’une personne dépositaire de l’autorité publique.
Bien entendu, je m’empresse de le préciser, il ne s’agit pas de créer des apatrides – certains considéraient que le principe était juste mais hésitaient à y adhérer pour cette raison, la notion d’apatride étant de funeste mémoire –, puisque cette mesure ne s’appliquera qu’aux personnes ayant une double nationalité. Par conséquent, même si elles perdaient la nationalité française, elles disposeraient toujours de leur nationalité d’origine.
Je précise également qu’il ne s’agit pas d’une innovation juridique majeure, car l’article 25 du code civil prévoit d’ores et déjà plusieurs cas de déchéance de la nationalité française, selon la même procédure, celle du décret pris sur avis conforme du Conseil d’État.
Je vous rappelle d’ailleurs que, jusqu’en 1998, y compris donc sous différentes majorités, cette déchéance pouvait s’appliquer à tous les crimes ayant donné lieu à une peine d’au moins cinq ans d’emprisonnement. Autrement dit, pendant les deux septennats du président Mitterrand – et plusieurs d’entre vous ont exercé des responsabilités à cette époque –, le droit, en matière de déchéance de la nationalité, était plus rigoureux qu’à l’heure actuelle ; il était même plus sévère que les mesures proposées aujourd’hui par le Gouvernement.
En réalité, la mesure que propose le Gouvernement, et qu’ont approuvée à la fois l’Assemblée nationale et la commission des lois du Sénat, répond à un constat simple : il y a une contradiction essentielle entre le choix de devenir citoyen français et le fait d’attenter à la vie d’un policier, d’un gendarme, d’un sapeur-pompier, d’un préfet ou d’un magistrat, …