Conscient de ces difficultés, j’avais confié, en 2008, à l’ancien président du Conseil constitutionnel Pierre Mazeaud, le soin de présider une commission chargée de proposer des solutions concrètes pour mettre fin à ces incohérences. Cette commission, à laquelle le président Hyest avait d’ailleurs accepté de participer, a mis en lumière les difficultés causées par la situation actuelle, parlant « d’enchevêtrements aux conséquences graves ».
L’instauration d’un délai de cinq jours permettra au juge administratif d’avoir statué sur le fond de la mesure d’éloignement avant que le juge judiciaire ne se prononce sur la prolongation de la rétention.
Les cinq jours se décomposent de la manière suivante : un délai de recours de quarante-huit heures au bénéfice de l’étranger, puis un délai de soixante-douze heures pour que le juge administratif puisse statuer.
Naturellement, cette réforme est respectueuse des droits des étrangers. Elle ne supprime pas le droit pour l’étranger de saisir le juge judiciaire sur la prolongation de sa rétention, mais elle fait en sorte que la légalité de la mesure d’éloignement soit vérifiée au préalable par le juge administratif, lequel est évidemment un juge indépendant, dont le rôle de protecteur des droits et des libertés n’a cessé de s’affirmer au fil des ans.
En outre, ce recours devant le tribunal administratif est suspensif, ce qui garantit à l’étranger requérant de ne pas être éloigné pendant le délai de cinq jours de rétention.
Enfin, j’en viens à une question qui, au ministre de l’intérieur que je suis, paraît devoir être impérativement traitée : je veux parler de la création d’un régime spécifique de rétention administrative pour les terroristes. Je suis particulièrement attaché à cette mesure.
Aujourd’hui, certains individus condamnés pour des activités terroristes et faisant l’objet d’une interdiction judiciaire du territoire ou d’une mesure d’expulsion administrative ne peuvent être immédiatement éloignés, pour diverses raisons procédurales telles que le refus de délivrance du laissez-passer consulaire ou des incertitudes sur le traitement qui leur serait réservé dans leur pays d’origine, notamment au regard de l’article 3 de la convention européenne des droits de l’homme, qui prohibe les traitements inhumains ou dégradants.
Dans l’attente de leur éloignement vers leur pays d’origine, ou vers un pays tiers dans lequel ils seraient légalement admissibles, actuellement, l’administration n’a d’autre solution que d’assigner ces individus à résidence… dans des hôtels. Je suis bien persuadé que, si nos concitoyens le savaient, ils n’en reviendraient pas !
Chacun d’entre vous peut comprendre que ces situations quelque peu curieuses sur la forme n’offrent pas de garanties suffisantes en termes de sécurité publique.
C’est pourquoi j’ai proposé à la commission des lois, par voie d’amendement, de permettre, bien sûr sous le contrôle du juge des libertés et de la détention, le placement en rétention de ces individus pendant la durée nécessaire à la mise en œuvre effective de leur éloignement, pour une durée maximale de six mois, prolongée d’une durée maximale de douze mois dans des cas exceptionnels, toujours sous le contrôle du juge des libertés et de la détention afin de garantir le respect des droits individuels.
Pour être complet, j’ajoute que, interrogé par mes soins, l’assemblée générale du Conseil d’État a émis, le 13 janvier, un avis favorable.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la décision est maintenant entre vos mains.
Voilà, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les explications que je souhaitais vous apporter ce soir.
Avec détermination, le Gouvernement avance en ayant un objectif clair : renforcer, par quelques ajustements pragmatiques, la nouvelle politique migratoire responsable et concertée qu’il a engagée.
Je le répète, nous proposons à la Haute Assemblée non pas de bâtir une cathédrale législative, mais d’adopter des ajustements techniques, nécessaires et, surtout, directement opérationnels.
Nous voulons conduire une politique d’immigration qui soit à la fois humaine, c’est-à-dire respectueuse des droits et de la dignité des personnes, et ferme à l’endroit de ceux qui ne respectent pas les lois de la République.
Notre objectif fondamental est de consolider l’équilibre toujours fragile de notre communauté nationale et la cohésion de notre société.