Intervention de Yvon Collin

Réunion du 2 février 2011 à 14h30
Immigration intégration et nationalité — Discussion d'un projet de loi

Photo de Yvon CollinYvon Collin :

Une telle régression est inacceptable, car contraire au principe le plus fondamental de notre République fondé sur l’indivisibilité du peuple français : l’égalité de tous sans distinction d’origine, comme l’énonce d’ailleurs l’article premier de la Constitution.

De plus, je vous rappelle, mes chers collègues, que le Conseil constitutionnel a très clairement considéré en 1996 que, « au regard du droit de la nationalité, les personnes ayant acquis la nationalité française et celles auxquelles la nationalité française a été attribuée à leur naissance sont dans la même situation ».

Dans ces conditions, il est évident que l’article 3 bis du présent projet de loi introduit une distinction intolérable qui n’est ni légitime, ni même proportionnée à la finalité de sauvegarde de l’ordre public recherchée.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, il est toutefois clair, à la lecture du texte que nous examinons, que la transposition des trois directives déjà évoquées n’est qu’un prétexte, que je qualifierais de fallacieux. En effet, il va bien au-delà de ce qu’exige l’Union européenne. Je ne citerais que quelques exemples.

Ainsi en est-il de l’interdiction de retour, quasi systématique, alors qu’elle ne devrait être qu’une faculté en dernier recours selon la directive Retour. Ainsi en est-il du placement en rétention, dispositif également de dernier recours selon la même directive, mais qui devient aujourd’hui la règle presque absolue. Ainsi en est-il encore de l’allongement de trente-deux à quarante-cinq jours de la durée maximale de rétention, ce qui est incompréhensible, alors que la durée moyenne de rétention est de dix jours, et en contradiction avec le droit communautaire, qui prévoit que toute rétention est aussi brève que possible.

Le projet de loi n’aurait comme justification qu’un prétexte, disais-je. En réalité, ses auteurs ont pour ambition d’inscrire dans la législation de la République la régression des droits des étrangers, tant lorsque ces derniers entrent sur le territoire national que lorsqu’ils ont été autorisés à y séjourner.

La privation de liberté est érigée en outil de gestion courante de l’immigration, alors qu’elle ne devrait être que l’exception.

Le contrôle du juge, pourtant indispensable pour garantir une liberté individuelle, est repoussé, complexifié, enserré dans des délais intenables. Les droits de la défense et l’équité de la procédure deviennent dès lors de lointains souvenirs.

Tout semble fait pour restreindre l’exercice de ses droits par l’étranger, pourtant placé dans une situation de très grande fragilité. Ainsi, la notification de ses droits est reculée : elle aura lieu à son arrivée en zone de rétention et non lors de son arrestation. Les moyens qu’il peut soulever devant le juge sont réduits. Les irrégularités pouvant affecter une procédure deviennent ainsi quasi inexistantes. Le délai d’appel du parquet est allongé. L’ostracisme, à savoir l’interdiction de retour pendant cinq ans, est banalisé. Même la garantie de représentation de l’étranger ne suffira plus à fonder une décision de refus de prolongation de la rétention.

Vous êtes aussi en train de vider de sa substance le droit d’asile, en étendant les hypothèses dans lesquelles une demande pourra faire l’objet d’une procédure prioritaire, moins protectrice des garanties fondamentales, ou encore en restreignant l’accès au bénéfice de l’aide juridictionnelle.

En clair, vous faites de l’étranger un justiciable de seconde zone, à rebours de ce qui a toujours fondé la tradition d’accueil et de respect de l’État de droit et qui a honoré la République.

Je ne peux non plus masquer mon étonnement en constatant que cette complexification constitue une source de contentieux et représente un coût plus élevé pour la collectivité. Je pense à la banalisation du bracelet électronique, au moment où le Gouvernement clame le besoin de faire des économies.

En tout état de cause, les valeurs que nous défendons sont aux antipodes de celles qui sous-tendent le présent projet de loi. Nous appelons à une politique migratoire responsable et respectueuse des droits fondamentaux, là où le dogme de l’immigration choisie n’est qu’un slogan creux et électoraliste.

D’ailleurs, le nombre des entrées en France, qui oscille depuis 2005 entre 210 000 et 220 000 personnes par an, malgré le vote de lois visant à tarir les flux et à complexifier l’accueil, démontre l’inanité de la voie suivie.

Le dépôt du projet de loi, malheureusement, parachève le durcissement du discours dominant sur l’immigration. Le débat, plus qu’indispensable, sur l’identité nationale n’aura réussi, hélas, qu’à libérer la parole qui stigmatise l’autre, celle qui assimile d’abord un individu à ses origines, sa couleur de peau ou sa religion, au détriment de l’unité de la nation et des citoyens. Quitte à ouvrir la boîte de Pandore du communautarisme, contraire aux traditions et aux principes de la République ; quitte aussi à renier les principes humanistes qui fondent l’idée même d’Europe, comme ce fut le cas cet été avec la funeste circulaire stigmatisant les Roms, …

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