Intervention de Catherine Troendle

Réunion du 2 février 2011 à 21h30
Immigration intégration et nationalité — Suite de la discussion d'un projet de loi

Photo de Catherine TroendleCatherine Troendle :

Au-delà du débat sémantique que nous avons eu en commission, intégration et assimilation balisent le chemin vers l’acquisition de la nationalité française. Ce parcours prendra en compte les efforts d’intégration, car le renouvellement de la carte de séjour temporaire comme l’obtention d’un titre de résident seront désormais subordonnés au respect des exigences du contrat d’accueil et d’intégration, qui se veut plus pragmatique au regard de la connaissance du français : il n'y a pas d’intégration possible sans maîtrise de la langue.

Une charte des droits et des devoirs du citoyen, qui devra être signée par l’ensemble des étrangers naturalisés, sera mise en place. Ce texte représentera une marque d’adhésion de la part de l’étranger, qui s’engagera à respecter les symboles de notre République, à servir notre pays et à contribuer au rayonnement de celui-ci.

La signature d’une telle charte relève de la même démarche que le contrat d’accueil et d’intégration. Il s’agit de s’assurer que tous ceux qui veulent rejoindre la communauté nationale acquièrent les valeurs qui fondent notre pacte républicain.

Il est également cohérent de réduire la durée requise pour l’accès à la nationalité s’agissant de ceux qui satisfont à la condition d’assimilation posée par le code civil.

Une autre voie d’acquisition de la nationalité, celle qui passe par le mariage, se verra mieux protégée des détournements. Nous souhaitons sanctionner davantage les mariages dits « gris », qui reposent sur une manipulation des sentiments et non sur une réelle intention matrimoniale.

Monsieur le ministre, alors que je viens d’évoquer les mesures que vous nous proposez pour aider ceux qui ont l’intention d’acquérir notre nationalité, je souhaiterais revenir, pendant quelques instants, sur la question de la déchéance de la nationalité.

Tout comme mes collègues du groupe UMP, je me satisfais des précisions apportées par le rapporteur sur ce sujet. Comme celui-ci l’a rappelé, nous avons limité, en commission des lois, le champ d’extension des cas de déchéance de nationalité aux meurtres commis contre des magistrats ou des représentants des forces de l’ordre. Par ailleurs, nous avons souhaité ajouter une exigence de proportionnalité entre la sanction prévue et la gravité des faits perpétrés, cette dernière s’appréciant notamment en considération du quantum de la peine prononcée par le juge.

Ces dispositions, si souvent critiquées sur les travées de la gauche, sont, là encore, équilibrées entre la répression de crimes horribles et le respect de la dignité humaine.

Pour faire face aux afflux de migrants en groupes franchissant la frontière en dehors d’un point de passage frontalier, le préfet pourra créer une zone d’attente temporaire à caractère exceptionnel pour une durée maximale de vingt-six jours, ce qui correspond à la période la plus longue pendant laquelle un étranger peut être maintenu en zone d’attente, et donc, de ce fait, sans aucun caractère pérenne.

Parce que l’immigration ne s’entend pas seulement au moment du passage des frontières et parce que des pratiques inhumaines se rencontrent aussi dans notre vie quotidienne, vous avez eu à cœur, monsieur le ministre, de traiter la question du travail clandestin, qui rend esclaves trop d’hommes et de femmes sur notre territoire.

C’est pourquoi, et nous adhérons à cette démarche, vous nous proposez d’intensifier les sanctions à l’encontre des employeurs d’immigrés clandestins et de privilégier le retour volontaire des étrangers en situation irrégulière.

Ces deux mesures marquent le souci constant de la France de lutter contre l’immigration clandestine, ainsi que la volonté du Gouvernement non seulement d’être ferme à l’encontre de ceux qui abuseraient de la situation de ces personnes arrivées dans notre pays de manière illicite, mais aussi de savoir tendre la main à celles et ceux qui assument leur situation et qui décident raisonnablement de revenir dans la légalité.

Avant de conclure, je voudrais aborder deux sujets qui me préoccupent, tout comme un grand nombre de mes collègues : le contentieux des mesures d’éloignement et le droit au séjour des étrangers malades.

S’agissant du délai de saisine du juge des libertés et de la détention, une dualité persiste en effet entre l’intervention du juge judiciaire et celle du juge administratif.

Le Gouvernement avait proposé de préserver cette dualité, tout en décalant dans le temps l’intervention de l’un par rapport à l’autre.

Le projet de loi, tel qu’il a été adopté par l’Assemblée nationale et tel que nous l’avons étudié en commission des lois, prévoyait que le juge des libertés et de la détention n’interviendrait qu’au terme d’un délai de cinq jours pour prolonger la rétention.

Je ne saurais vous cacher, mes chers collègues, que ce sujet fait débat et soulève quelques questions, sur lesquelles je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous puissiez nous apporter votre éclairage.

L’objectif est clair : il s’agit d’inverser le déroulement actuel des recours pendant la rétention, afin d’aboutir à une procédure plus cohérente entre l’intervention des deux juges compétents en matière de contentieux de l’éloignement des étrangers.

Comme l’a rappelé M. le rapporteur, deux juges interviennent en France dans la procédure d’éloignement : le juge administratif, qui se prononce sur la légalité de la mesure d’éloignement, et le juge judiciaire, qui statue sur la régularité de la procédure et le maintien en rétention.

Or le juge administratif, qui doit être saisi dans les quarante-huit heures, dispose d’un délai de soixante-douze heures pour se prononcer. Le juge judiciaire doit, pour sa part, être saisi et statuer dans un délai de quarante-huit heures.

Il en découle, dès lors, des aberrations : un étranger peut voir sa rétention prolongée par le juge judiciaire, alors qu’elle est fondée sur une décision qui sera ultérieurement annulée par le juge administratif. À l’inverse, une décision d’éloignement peut être validée par le juge administratif, sans être jamais exécutée, car l’étranger a été libéré par le juge des libertés et de la détention.

Cette situation n’est objectivement satisfaisante ni pour l’administration ni pour l’étranger intéressé à titre principal par l’appréciation de sa situation au regard du droit au séjour.

Il semble donc fondamental pour le juge des libertés et de la détention de ne plus être susceptible de prolonger les effets d’une décision illégale.

Pouvez-vous nous confirmer, monsieur le ministre, que le report dans le temps de l’intervention du juge des libertés et de la détention n’est pas assimilable à un report de l’exercice de tout droit au recours ? Pouvez-vous également nous confirmer que l’étranger pourra, en effet, saisir le juge administratif dans le délai de quarante-huit heures, ce magistrat ayant aussi vocation à protéger les droits et libertés du requérant ?

Notre volonté, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, est non pas de changer la procédure pour changer de procédure, mais bien de nous assurer que les droits des étrangers qui se retrouvent dans ces situations, souvent de détresse, sont préservés dans le respect de nos principes fondamentaux.

Ce sont ces mêmes principes qui doivent également fonder notre droit en matière de séjour des étrangers malades. La loi du 11 mai 1998 a permis de délivrer une carte de séjour temporaire à un étranger lorsque son « état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité, sous réserve qu’il ne puisse effectivement bénéficier d’un traitement approprié dans le pays dont il est originaire. » La décision d’admission au séjour est prise par le préfet après avis du médecin de l’agence régionale de santé, ARS, compétente ou, à Paris, du médecin-chef de la préfecture de police. Le juge administratif vérifiait donc l’existence ou non de soins appropriés à la pathologie dans le pays d’origine.

Cette position rejoignait d’ailleurs celle de la Cour européenne des droits de l’homme, qui a validé l’expulsion d’une ressortissante ougandaise séropositive du Royaume-Uni vers son pays d’origine, estimant que « l’article 3 [ de la Convention européenne des libertés et de sauvegarde des droits de l’homme] ne fait pas obligation à l’État contractant de pallier lesdites disparités [socio-économiques entre les pays] en fournissant des soins de santé gratuits et illimités à tous les étrangers dépourvus du droit de demeurer sur son territoire ».

Les conditions de mise en œuvre de la disposition en question ont été profondément modifiées par un revirement jurisprudentiel du Conseil d’État, qui estime désormais que la condition d’accès « effectif » aux soins exige que l’administration vérifie, si les soins adéquats existent, qu’ils soient accessibles à l’ensemble de la population « eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l’absence de modes de prise en charge adaptés » et que « en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle » n’empêchent pas le malade « d’y accéder effectivement ».

Cette interprétation, pour très généreuse qu’elle soit, fait peser, à mon sens, sur le système de santé français une obligation déraisonnable, ouvrant un droit au séjour potentiel à tout étranger ressortissant d’un pays ne bénéficiant pas d’un système d’assurance sociale comparable au nôtre.

C’est pourquoi il me semble, à titre personnel, important que nous débattions de ce sujet, comme nous l’avons d’ailleurs fait en commission, et que vous puissiez, monsieur le ministre, nous apporter des précisions quant aux conditions de délivrance de la carte de séjour.

Enfin, alors même que la question de la sécurité de l’État est pour moi fondamentale dans un État de droit comme le nôtre, je souhaite saluer une mesure que nous avons adoptée en commission des lois, sur proposition du Gouvernement. Il s’agit de prendre en compte la situation particulière des étrangers condamnés pour des faits de terrorisme en instance d’expulsion, …

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