Séance en hémicycle du 2 février 2011 à 21h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • l’immigration
  • nationalité
  • rétention
  • séjour

La séance

Source

La séance, suspendue à dix-neuf heures cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Roland du Luart.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

En application de la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relatives à l’application de l’article 13 de la Constitution, d’une part, et de l’article 28 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité d’autre part, la commission de l’économie a émis un vote favorable (sept voix pour, quatre abstentions) en faveur de la reconduction de M. Philippe de Ladoucette à la présidence du Collège de la Commission de régulation de l’énergie.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le mercredi 2 février 2011, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (2011-119 QPC).

Le texte de cette décision de renvoi est disponible au bureau de la distribution.

Acte est donné de cette communication.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Mes chers collègues, la conférence des présidents, qui s’est réunie aujourd’hui, a établi comme suit l’ordre du jour des prochaines séances du Sénat :

SEMAINES RÉSERVÉES PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT

Jeudi 3 février 2011

À 9 heures 30 :

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

1°) Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité (texte de la commission, n° 240, 2010-2011) ;

À 15 heures, le soir et la nuit :

2°) Questions d’actualité au Gouvernement ;

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

3°) Suite de l’ordre du jour du matin.

Mardi 8 février 2011

À 14 heures 30 :

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

1°) Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité ;

De 17 heures à 17 heures 45 :

2°) Questions cribles thématiques sur l’aggravation des inégalités sociales dans le système scolaire ;

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

À 18 heures :

3°) Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité ;

Le soir et, éventuellement, la nuit :

4°) Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (262, 2010-2011) ;

5°) Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité.

Mercredi 9 février 2011

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

À 14 heures 30 et le soir :

- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité.

Jeudi 10 février 2011

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

À 9 heures 30, à 14 heures 30, le soir et, éventuellement, la nuit :

1°) Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité ;

2°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques (texte de la commission, n° 257, 2010-2011) ;

La conférence des présidents a fixé :

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

SEMAINE SÉNATORIALE D’INITIATIVE

Lundi 14 février 2011

Ordre du jour fixé par le Sénat :

À 15 heures :

1°) Proposition de loi sur les sondages visant à mieux garantir la sincérité du débat politique et électoral, présentée par M. Hugues Portelli (texte de la commission, n° 277, 2010-2011) (demande de la commission des lois) ;

La conférence des présidents a fixé :

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

2°) Proposition de loi organique tendant à l’approbation d’accords entre l’État et les collectivités territoriales de Saint-Martin, de Saint-Barthélemy et de Polynésie française, présentée par MM. Louis-Constant Fleming et Michel Magras (texte de la commission, n° 274, 2010-2011) (demande du groupe UMP) ;

La conférence des présidents a fixé :

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Mardi 15 février 2011

À 9 heures 30 :

1°) Dix-huit questions orales :

L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.

- n° 1010 de M. René-Pierre Signé à M. le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement ;

Services d’aide à domicile

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

- n° 1056 de Mme Anne-Marie Payet à Mme la secrétaire d’État chargée de la santé ;

- n° 1071 de M. Christian Cambon à Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’industrie ;

- n° 1134 de M. Claude Biwer à Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’industrie ;

- n° 1148 de M. Jean-Claude Merceron à M. le ministre chargé des collectivités territoriales ;

- n° 1153 de M. Jean-Marc Todeschini à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé ;

- n° 1157 de Mme Gisèle Printz à M. le ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire ;

- n° 1160 de Mme Marie-Thérèse Hermange à Mme la secrétaire d’État chargée de la santé ;

- n° 1165 de M. Richard Yung à Mme la ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes ;

- n° 1166 de M. Hervé Maurey à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration ;

- n° 1168 de Mme Catherine Deroche à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement ;

- n° 1169 de M. Robert Tropeano à M. le ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire ;

- n° 1172 de Mme Catherine Procaccia à Mme la secrétaire d’État chargée de la santé ;

- n° 1173 de M. Marc Laménie à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé ;

- n° 1174 de M. Jacques Gillot à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé ;

- n° 1176 de M. Alain Milon à M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés ;

- n° 1177 de M. Bernard Vera à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement ;

- n° 1180 de M. Jean-Pierre Michel à M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés ;

Ordre du jour fixé par le Sénat :

À 14 heures 30 :

2°) Débat d’orientation sur les conclusions de la mission commune d’information sur la prise en charge de la dépendance et la création d’un cinquième risque ;

La conférence des présidents :

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

À 18 heures 30 et le soir :

3°) Débat sur le schéma national des infrastructures de transport (demande initialement présentée par le groupe RDSE) ;

Mercredi 16 février 2011

De 14 heures 30 à 18 heures 30 :

1°) Scrutin pour l’élection d’un juge titulaire et d’un juge suppléant à la Cour de justice de la République, en remplacement de MM. Pierre Fauchon et Nicolas About ;

Ordre du jour réservé au groupe socialiste :

2°) Proposition de loi relative à l’installation de panneaux d’entrée et de sortie d’agglomération en langue régionale, présentée par M. Roland Courteau et les membres du groupe socialiste (136, 2010-2011) ;

3°) Question orale avec débat n° 4 de Mme Bariza Khiari à Mme la ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes, relative au bilan et à l’avenir de l’Union pour la Méditerranée ;

La conférence des présidents a fixé à une heure et demie la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant dix-sept heures, le mardi 15 février 2011.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

À 18 heures 30 :

Ordre du jour fixé par le Sénat :

4°) Proposition de résolution, présentée en application de l’article 34-1 de la Constitution, relative à l’institution d’une journée de l’Amérique latine et des Caraïbes en France, présentée par MM. Jean-Marc Pastor, Roland du Luart, Philippe Adnot, Gérard Cornu, Bernard Piras et plusieurs de leurs collègues (159, 2010-2011) ;

La conférence des présidents :

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

5°) Sous réserve de sa transmission, projet de loi autorisant la ratification des statuts de l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA) (procédure accélérée) (A.N., n° 3080) (demande de la commission des affaires étrangères) ;

Pour le projet de loi ci-dessus, la conférence des présidents a décidé de recourir à la procédure simplifiée ;

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Jeudi 17 février 2011

De 9 heures à 13 heures :

Ordre du jour réservé au groupe RDSE :

1°) Proposition de résolution, présentée en application de l’article 34-1 de la Constitution, relative à la coordination des politiques économiques au sein de l’Union européenne, présentée par M. Yvon Collin et plusieurs de ses collègues (204, 2010-2011) ;

La conférence des présidents :

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

2°) Proposition de loi tendant à reconnaître une présomption d’intérêt à agir des membres de l’Assemblée nationale et du Sénat en matière de recours pour excès de pouvoir, présentée par M. Yvon Collin et plusieurs de ses collègues (203, 2010-2011) ;

La conférence des présidents a fixé :

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

À 15 heures :

3°) Questions d’actualité au Gouvernement ;

4°) Dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes par M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes ;

Ordre du jour réservé au groupe UMP (quatre heures) :

5°) Proposition de loi modifiant certaines dispositions de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, présentée par M. Jean-Pierre Fourcade (n° 65 rectifié, 2010-2011) ;

SUSPENSION DES TRAVAUX EN SÉANCE PLÉNIÈRE :

Le Sénat suspendra ses travaux en séance plénière du dimanche 20 février au dimanche 27 février 2011.

SEMAINES RÉSERVÉES PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT

Mardi 1er mars 2011

À 9 heures 30 :

1°) Dix-huit questions orales :

L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.

- n° 1098 de M. Bernard Piras transmise à M. le secrétaire d’État chargé du logement ;

Règles applicables aux constructions existantes en zone rurale

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

- n° 1147 de M. Alain Gournac à Mme la secrétaire d’État chargée de la santé ;

- n° 1150 de M. Michel Boutant à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé ;

- n° 1151 de M. Gérard Bailly à M. le secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation ;

- n° 1152 de M. Alain Fauconnier à M. le ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire ;

- n° 1158 de M. Martial Bourquin à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé ;

- n° 1164 de Mme Brigitte Gonthier-Maurin à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative ;

- n° 1170 de M. Thierry Foucaud à Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’industrie ;

- n° 1171 de M. Didier Guillaume à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé ;

- n° 1179 de M. Yannick Bodin à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative ;

- n° 1181 de M. Simon Sutour à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement ;

- n° 1183 de M. Rachel Mazuir à M. le ministre d’État, ministre de la défense et des anciens combattants ;

- n° 1184 de M. Francis Grignon à Mme la secrétaire d’État chargée de la santé ;

- n° 1186 de Mme Samia Ghali à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration ;

- n° 1189 de Mme Annie Jarraud-Vergnolle à M. le ministre chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique ;

- n° 1190 de M. Jacques Mézard à M. le secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation ;

- n° 1191 de M. Claude Bérit-Débat à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales ;

- n° 1193 de M. Jean Boyer à M. le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement ;

À 14 heures 30 :

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

2°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs (texte de la commission, n° 212, 2010-2011) ;

La conférence des présidents a fixé :

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

3°) Projet de loi relatif au contrôle des importations et des exportations de matériels de guerre et de matériels assimilés, à la simplification des transferts des produits liés à la défense dans l’Union européenne et aux marchés de défense et de sécurité (70, 2010-2011) ;

De 17 heures à 17 heures 45 :

4°) Questions cribles thématiques sur la situation en Afghanistan ;

À 18 heures et, éventuellement, le soir :

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

5) Suite de l’ordre du jour de l’après-midi.

Mercredi 2 mars 2011

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

À 14 heures 30 et le soir :

1°) Projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à l’élection des députés (209, 2010-2011) ;

2°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, ratifiant l’ordonnance n° 2009-936 du 29 juillet 2009 relative à l’élection de députés par les Français établis hors de France (n° 210, 2010-2011) ;

3°) Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, portant simplification de dispositions du code électoral et relative à la transparence financière de la vie politique (207, 2010-2011) ;

La conférence des présidents a décidé que ces trois textes feraient l’objet d’une discussion générale commune ;

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Jeudi 3 mars 2011

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

À 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir :

1°) Suite de l’ordre du jour de la veille ;

2°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la garde à vue (253, 2010-2011) ;

Mardi 8 mars 2011

À 9 heures 30 :

1°) Questions orales ;

- n° 1182 de M. René-Pierre Signé à M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés ;

- n° 1187 de M. Jean-Paul Amoudry à M. le secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation ;

- n° 1192 de M. Marcel Rainaud à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales ;

- n° 1195 de Mme Virginie Klès à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement ;

- n° 1197 de M. Jean-Pierre Sueur à M. le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement ;

- n° 1198 de M. Michel Doublet à M. le ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire ;

- n° 1199 de Mme Renée Nicoux à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative ;

- n° 1200 de M. Michel Teston à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement ;

- n° 1202 de M. Ronan Kerdraon à M. le ministre chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique ;

À 14 heures 30 et le soir :

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

2°) Sous réserve de leur dépôt, conclusions des commissions mixtes paritaires sur les projets de loi organique et ordinaire relatifs au Défenseur des droits ;

3°) Suite du projet de loi relatif à la garde à vue.

Mercredi 9 mars 2011

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

À 14 heures 30 et le soir :

1°) Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques ;

2°) Suite du projet de loi relatif à la garde à vue.

Jeudi 10 mars 2011

À 9 heures 30 :

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

1°) Suite du projet de loi relatif à la garde à vue ;

À 15 heures et le soir :

4°) Questions d’actualité au Gouvernement ;

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

5°) Suite de l’ordre du jour du matin.

SUSPENSION DES TRAVAUX EN SÉANCE PLÉNIÈRE :

Le Sénat suspendra ses travaux en séance plénière du dimanche 13 mars au dimanche 20 mars 2011.

Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances et à l’ordre du jour autre que celui résultant des inscriptions prioritaires du Gouvernement ?...

Ces propositions sont adoptées.

(Texte de la commission)

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Richard Yung.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

M. Richard Yung. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat sur l’immigration, le président Sarkozy le veut pour occuper la scène médiatique et le journal de 20 heures.

Protestations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

On sait très bien qu’il s’agit de cela !

Le Président de la République veut poursuivre le cap fixé par son discours de Grenoble. C’est à ce moment-là et en ces termes qu’il a conclu à l’échec de la politique française d’intégration : « nous subissons les conséquences de cinquante années d’immigration insuffisamment régulée…

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

C’est vrai !

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

… qui ont abouti à un échec de l’intégration. » Les 98 % de résidents d’origine étrangère qui travaillent en France et vivent en paix dans notre pays apprécieront…

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Ils sont ainsi désignés comme boucs émissaires, en raison des parallèles effectués entre la délinquance et les difficultés d’intégration, d’une part, et l’immigration, d’autre part. Et suivent les propositions de déchéance de nationalité, puis tous ces beaux amendements proposés par des collègues de l’Assemblée nationale relatifs aux restrictions à l’accès aux soins, aux mariages gris …

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Ce n’est pas la lutte contre l’immigration illégale qui vous intéresse. Comme vous le savez, le présent projet de loi est le sixième texte législatif portant sur le même sujet depuis 2002 ; je n’énumérai pas ces textes, Mme Assassi l’ayant fait précédemment. Le projet de loi que nous examinons sera, lui aussi, inefficace : en effet, le nombre des immigrés illégaux en France, même s’il est difficile d’obtenir des chiffres précis, s’établit toujours entre 300 000 et 400 000.

Vous prétextez la transposition, certes nécessaire, de trois directives européennes – les directives Retour, Carte bleue, et celle qui prévoit la fixation de normes contre le travail illégal – pour faire passer de nombreuses mesures, qui soit ne figurent pas dans ces textes, soit vont bien au-delà de ce qu’exigent ces derniers.

Pour notre part, nous resterons fidèles à nos principes et défendrons une immigration acceptée, reconnue pour son apport au pays et à l’économie, mais néanmoins contrôlée.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Bien sûr ! Nous n’avons jamais défendu l’immigration illégale !

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Alors il faut en tirer les conséquences !

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Nous mènerons également une lutte ferme contre les patrons qui offrent des emplois au noir, ce qui signifie un renforcement significatif des moyens de contrôle ; la lutte contre les filières clandestines ; la régularisation des sans-papiers au cas par cas, il faut avoir le courage de le dire, …

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

… et une politique forte d’encouragement à l’intégration.

Vous aimez dire, monsieur le ministre, que les autres pays européens suivent la même politique que vous, …

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Oui, en plus dur !

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

M. Richard Yung. … de façon un peu malicieuse, me semble-t-il, à l’égard de certains gouvernements sociaux-démocrates !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Vous avez bien fait de déceler cela, au contraire !

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

La réalité est bien différente : pour le moment, quatorze États n’ont pas transcrit les directives et, comme d’habitude, le Royaume-Uni s’est mis à l’écart.

Si l’on regarde plus attentivement la situation de deux pays qui connaissent une immigration importante, que constate-t-on ?

En Espagne, M. Zapatero – un social-démocrate, je le reconnais – a déclaré le 8 avril 2008 : « L’immigration est une opportunité et un phénomène structurel qui joue un rôle fondamental dans le développement économique et pour les retraites. »

En Allemagne, Mme Merkel – qui n’est pas suspecte d’être sociale-démocrate – a continué la politique de ses prédécesseurs : elle a mis en place un titre de séjour de longue durée fusionné avec l’autorisation de travail ; elle a souhaité rendre plus attractif le territoire allemand pour l’accueil des travailleurs qualifiés – il s’agissait d’un avant-projet de carte bleue ;…

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

C’est exactement ce que nous faisons !

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

… elle s’est efforcée d’intégrer les étrangers par le biais d’un plan élaboré collectivement lors d’une conférence regroupant toutes les parties prenantes et prévoyant cent cinquante mesures, ainsi que leur suivi.

Vous le constatez, on passe d’une immigration présentée comme honteuse, stigmatisée et rejetée, à une immigration assumée, valorisée, organisée. Telle est la différence !

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Je ne vois pas la différence sur le fond !

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

En réalité, vous êtes contraint de faire preuve de pragmatisme en régularisant au fil de l’eau. En 2009 et 2010, plus de 20 000 migrants sans papiers ont été régularisés dans la plus grande discrétion : il ne faut surtout pas en parler !

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Il s’agissait de régularisations au cas par cas, comme nous l’avions annoncé !

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

À chaque projet de loi, son bouc émissaire. Le texte que nous examinons aujourd’hui est le fruit de l’irritation du Président de la République face au prétendu laxisme des juges judiciaires, qui feraient obstacle aux expulsions des migrants en situation illégale.

Afin de rendre inopérante l’intervention du juge des libertés et de la détention, il était initialement proposé à l’article 37 d’inverser l’ordre d’intervention des juges judiciaire et administratif.

Or de telles dispositions ne sont aucunement prévues par la directive Retour. Elles sont prétendument motivées par la recherche d’une plus grande efficacité. Toutefois, si l’on y regarde de plus près, dans la mesure où la responsabilité du juge administratif et celle du juge judiciaire sont tout à fait distinctes et clairement déterminées, l’ordre d’intervention de ces deux magistrats importe peu.

Ces dispositions ont été supprimées en commission sur notre initiative. Voilà qui montre clairement que le souci de la défense des libertés est partagé par de nombreux sénateurs, il faut le reconnaître, et qu’il n’est donc pas le monopole du groupe socialiste.

Les autres mesures qui marginalisent le juge des libertés et de la détention et limitent son pouvoir de contrôle, par la purge des nullités ou par le jeu des irrégularités formelles, ne sont pas beaucoup plus acceptables.

Enfin, de nombreuses dispositions du projet de loi tendent à banaliser l’enfermement des étrangers sans papiers.

Tel est le cas, notamment, de la création de zones d’attente, que l’on qualifie de « sac à dos » pour montrer leur caractère relativement mobile et qui sont destinées à freiner l’arrivée dite « massive » de migrants.

Soucieux de respecter le principe constitutionnel de légalité, le rapporteur a précisé les conditions de création de ces zones d’attente. Cependant, les modifications adoptées en commission ne répondent pas au principe de nécessité. En effet, rien ne justifie l’extension du recours à cette fiction juridique, si ce n’est la volonté du Gouvernement de faciliter l’expulsion d’étrangers qui pourraient prétendre au statut de réfugiés.

Il en est de même de l’extension de la durée maximale de rétention administrative de trente-deux à quarante-deux ou quarante-cinq jours, selon la version du projet de loi considérée. Vous avez tenté de justifier tout à l'heure cette mesure, monsieur le ministre, en affirmant que, certes, vous aviez précédemment déclaré y être hostile, mais que, comme certains pays tardaient à donner leur accord pour les visas, il était raisonnable d’étendre cette durée maximale de rétention.

Le plus clair en l’espèce, c’est que ceux qui se trouvent en rétention y resteront dix ou treize jours de plus ! Et je ne pense pas que cette disposition changera quoi que ce soit au nombre des personnes qui seront en situation d’être renvoyées dans leur pays d’origine.

L’une des mesures les plus inacceptables du texte est sans aucun doute l’institution, à l’article 23, d’une procédure d’interdiction de retour sur le territoire français. Cette disposition marque à la fois la résurgence de la double peine, l’ancienne obligation de quitter le territoire français, et la création d’une forme de bannissement. On se croirait chez Dostoïevski, dans les Souvenirs de la maison des morts !

Il s'agit d’une mesure de bannissement, puisque, pendant une durée qui peut aller de deux à cinq ans, la personne concernée se voit interdire le retour dans tout pays de l’Union européenne.

Naturellement, on peut comprendre cette mesure si elle s’applique à des assassins abominables, …

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

M. Richard Yung. … mais les personnes concernées n’entrent pas toujours dans cette catégorie.

Exclamations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

M. Brice Hortefeux, ministre. Ce sont des assassins sympathiques…

Souriressur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Mais oui ! Même si l’expression « assassins abominables » paraît redondante, peuvent être concernées des personnes qui ont une famille, dont elles seront séparées. La cellule familiale va alors exploser : les enfants et la mère resteront en France, le père partira.

En outre, dans le pays d’origine, les circonstances peuvent très bien évoluer : la sécurité de l’étranger est susceptible d’être mise en cause, soit à titre personnel, soit parce que règne une situation de guerre civile ou de guérilla – nous connaissons tous de pareils cas.

Par conséquent, interdire à l’étranger toute possibilité de retour, c’est lui infliger une peine effroyablement lourde, et nous ne soutiendrons évidemment pas cette disposition. En outre, l’interdiction de retour sur le territoire français relèverait de la seule autorité préfectorale et ne serait pas fondée sur une condamnation pénale prononcée par un juge judiciaire.

Comme mon temps de parole est presque écoulé, je conclurai mon intervention en évoquant les dispositions relatives aux normes contre l’emploi d’étrangers sans titre de travail, auxquelles nous sommes favorables. Le chapitre du projet de loi qui leur est consacré est important. Toutefois, nous craignons qu’il ne soit pas vraiment appliqué, parce qu’il faudrait pour cela organiser des contrôles, assurer le suivi des entreprises et mettre en œuvre la répression nécessaire. Or l’expérience nous a appris que, jusqu’à présent, il s'agissait là de points faibles de l’action publique.

Monsieur le ministre, le présent projet de loi me conduit à affirmer que votre politique, qui repose sur l’amalgame entre immigration et délinquance, sera à l’origine de nombreux drames humains. Elle tourne le dos à la tradition française et vide de son sens le beau terme de « fraternité » présent dans notre devise nationale.

Pour toutes ces raisons, vous le comprendrez, nous ne soutiendrons pas ce projet de loi et présenterons des amendements qui seront essentiellement de suppression.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous commençons aujourd’hui l’examen du projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité.

Le début de cette discussion marque un tournant important dans la politique de notre pays. L’objet du présent texte est de poursuivre dans la voie ouverte en 2007, en adaptant notre droit aux mutations européennes et, par là même, en trouvant de nouveaux moyens pour lutter contre des filières d’immigration en constante évolution.

Si la France a un long passé d’accueil et d’intégration, il est cependant important de continuer à combattre l’immigration irrégulière. Sa tradition d’hospitalité n’en oblige pas moins notre pays à rester une terre d’intégration, où l’immigration puisse être choisie, sous peine de mettre en péril notre cohésion nationale.

En effet, tout laxisme en matière d’immigration ne peut que susciter le développement de tous les racismes.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

On l’a bien vu : le Front national ne cesse de baisser !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Or, précisément, lutter contre l’immigration clandestine, c’est protéger de tous les amalgames et du rejet les étrangers qui ont fait l’effort d’entrer légalement dans notre pays.

Lutter contre l’immigration clandestine, c’est donner aux étrangers en situation régulière une meilleure chance d’insertion dans notre société.

Lutter contre l’immigration clandestine, c’est aussi combattre le racisme à l’égard des Français de deuxième ou de troisième génération.

La France a le droit, comme tous les pays – de nombreux exemples l’illustrent à travers le monde – de décider qui elle veut ou qui elle peut accueillir sur son territoire.

Le projet de loi que vous nous proposez aujourd’hui, monsieur le ministre, s’inscrit dans cette tradition continue d’intégration et de lutte contre l’immigration illégale. Toutefois, il répond également à des exigences liées aux évolutions des filières d’immigration et du droit européen. D’une part, les flux migratoires et les problématiques ont changé, de sorte qu’il est indispensable de repenser nos modèles législatifs. D’autre part, la France doit se conformer au droit européen en transposant les directives communautaires. Nous participons ainsi à la construction progressive d’une politique européenne de l’immigration et de l’asile.

La première directive en cause concerne, notamment, la mise en place de la carte bleue européenne pour les travailleurs hautement qualifiés. Il s’agit d’un nouveau titre de séjour valable dans l’ensemble des vingt-sept pays membres de l’Union européenne et réservé aux travailleurs hautement qualifiés.

La deuxième directive, dite « Retour », ouvre la possibilité d’assortir une mesure d’éloignement d’une interdiction de retour sur l’ensemble du territoire européen.

Enfin, la troisième directive, dite « Sanctions », met en place un ensemble de sanctions administratives, financières et pénales contre les personnes, physiques ou morales, qui recourent à l’emploi des étrangers sans titre de séjour.

N’oublions pas que notre pays a été en 2008, sous l’impulsion du Président de la République et de vous-même, monsieur le ministre, l’initiateur du pacte européen sur l’immigration et l’asile. Ainsi, la mise en place de la carte bleue européenne ou l’extension au conjoint de la carte « compétences et talents » amélioreront l’accueil et l’intégration, mais à condition que, dans le même temps, nous luttions toujours plus efficacement contre l’immigration clandestine.

En cet instant, je tiens à saluer le travail minutieux et équilibré qu’a mené M. le rapporteur, François-Noël Buffet, afin de nous permettre de trouver, au-delà de nos divergences partisanes, les outils nécessaires à la réalisation des objectifs fixés en matière d’immigration en France.

Monsieur le ministre, le groupe UMP se satisfait des propositions que vous nous avez adressées et qui visent à poursuivre cette politique d’immigration choisie et équilibrée, à la fois ferme et généreuse.

Les efforts d’intégration seront davantage pris en compte et l’accès à la nationalité française sera amélioré pour les ressortissants étrangers qui satisfont à la condition d’assimilation posée par le code civil. En effet, un étranger en situation légale et qui a respecté les règles a les mêmes droits économiques et sociaux que nos compatriotes.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Au-delà du débat sémantique que nous avons eu en commission, intégration et assimilation balisent le chemin vers l’acquisition de la nationalité française. Ce parcours prendra en compte les efforts d’intégration, car le renouvellement de la carte de séjour temporaire comme l’obtention d’un titre de résident seront désormais subordonnés au respect des exigences du contrat d’accueil et d’intégration, qui se veut plus pragmatique au regard de la connaissance du français : il n'y a pas d’intégration possible sans maîtrise de la langue.

Une charte des droits et des devoirs du citoyen, qui devra être signée par l’ensemble des étrangers naturalisés, sera mise en place. Ce texte représentera une marque d’adhésion de la part de l’étranger, qui s’engagera à respecter les symboles de notre République, à servir notre pays et à contribuer au rayonnement de celui-ci.

La signature d’une telle charte relève de la même démarche que le contrat d’accueil et d’intégration. Il s’agit de s’assurer que tous ceux qui veulent rejoindre la communauté nationale acquièrent les valeurs qui fondent notre pacte républicain.

Il est également cohérent de réduire la durée requise pour l’accès à la nationalité s’agissant de ceux qui satisfont à la condition d’assimilation posée par le code civil.

Une autre voie d’acquisition de la nationalité, celle qui passe par le mariage, se verra mieux protégée des détournements. Nous souhaitons sanctionner davantage les mariages dits « gris », qui reposent sur une manipulation des sentiments et non sur une réelle intention matrimoniale.

Monsieur le ministre, alors que je viens d’évoquer les mesures que vous nous proposez pour aider ceux qui ont l’intention d’acquérir notre nationalité, je souhaiterais revenir, pendant quelques instants, sur la question de la déchéance de la nationalité.

Tout comme mes collègues du groupe UMP, je me satisfais des précisions apportées par le rapporteur sur ce sujet. Comme celui-ci l’a rappelé, nous avons limité, en commission des lois, le champ d’extension des cas de déchéance de nationalité aux meurtres commis contre des magistrats ou des représentants des forces de l’ordre. Par ailleurs, nous avons souhaité ajouter une exigence de proportionnalité entre la sanction prévue et la gravité des faits perpétrés, cette dernière s’appréciant notamment en considération du quantum de la peine prononcée par le juge.

Ces dispositions, si souvent critiquées sur les travées de la gauche, sont, là encore, équilibrées entre la répression de crimes horribles et le respect de la dignité humaine.

Pour faire face aux afflux de migrants en groupes franchissant la frontière en dehors d’un point de passage frontalier, le préfet pourra créer une zone d’attente temporaire à caractère exceptionnel pour une durée maximale de vingt-six jours, ce qui correspond à la période la plus longue pendant laquelle un étranger peut être maintenu en zone d’attente, et donc, de ce fait, sans aucun caractère pérenne.

Parce que l’immigration ne s’entend pas seulement au moment du passage des frontières et parce que des pratiques inhumaines se rencontrent aussi dans notre vie quotidienne, vous avez eu à cœur, monsieur le ministre, de traiter la question du travail clandestin, qui rend esclaves trop d’hommes et de femmes sur notre territoire.

C’est pourquoi, et nous adhérons à cette démarche, vous nous proposez d’intensifier les sanctions à l’encontre des employeurs d’immigrés clandestins et de privilégier le retour volontaire des étrangers en situation irrégulière.

Ces deux mesures marquent le souci constant de la France de lutter contre l’immigration clandestine, ainsi que la volonté du Gouvernement non seulement d’être ferme à l’encontre de ceux qui abuseraient de la situation de ces personnes arrivées dans notre pays de manière illicite, mais aussi de savoir tendre la main à celles et ceux qui assument leur situation et qui décident raisonnablement de revenir dans la légalité.

Avant de conclure, je voudrais aborder deux sujets qui me préoccupent, tout comme un grand nombre de mes collègues : le contentieux des mesures d’éloignement et le droit au séjour des étrangers malades.

S’agissant du délai de saisine du juge des libertés et de la détention, une dualité persiste en effet entre l’intervention du juge judiciaire et celle du juge administratif.

Le Gouvernement avait proposé de préserver cette dualité, tout en décalant dans le temps l’intervention de l’un par rapport à l’autre.

Le projet de loi, tel qu’il a été adopté par l’Assemblée nationale et tel que nous l’avons étudié en commission des lois, prévoyait que le juge des libertés et de la détention n’interviendrait qu’au terme d’un délai de cinq jours pour prolonger la rétention.

Je ne saurais vous cacher, mes chers collègues, que ce sujet fait débat et soulève quelques questions, sur lesquelles je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous puissiez nous apporter votre éclairage.

L’objectif est clair : il s’agit d’inverser le déroulement actuel des recours pendant la rétention, afin d’aboutir à une procédure plus cohérente entre l’intervention des deux juges compétents en matière de contentieux de l’éloignement des étrangers.

Comme l’a rappelé M. le rapporteur, deux juges interviennent en France dans la procédure d’éloignement : le juge administratif, qui se prononce sur la légalité de la mesure d’éloignement, et le juge judiciaire, qui statue sur la régularité de la procédure et le maintien en rétention.

Or le juge administratif, qui doit être saisi dans les quarante-huit heures, dispose d’un délai de soixante-douze heures pour se prononcer. Le juge judiciaire doit, pour sa part, être saisi et statuer dans un délai de quarante-huit heures.

Il en découle, dès lors, des aberrations : un étranger peut voir sa rétention prolongée par le juge judiciaire, alors qu’elle est fondée sur une décision qui sera ultérieurement annulée par le juge administratif. À l’inverse, une décision d’éloignement peut être validée par le juge administratif, sans être jamais exécutée, car l’étranger a été libéré par le juge des libertés et de la détention.

Cette situation n’est objectivement satisfaisante ni pour l’administration ni pour l’étranger intéressé à titre principal par l’appréciation de sa situation au regard du droit au séjour.

Il semble donc fondamental pour le juge des libertés et de la détention de ne plus être susceptible de prolonger les effets d’une décision illégale.

Pouvez-vous nous confirmer, monsieur le ministre, que le report dans le temps de l’intervention du juge des libertés et de la détention n’est pas assimilable à un report de l’exercice de tout droit au recours ? Pouvez-vous également nous confirmer que l’étranger pourra, en effet, saisir le juge administratif dans le délai de quarante-huit heures, ce magistrat ayant aussi vocation à protéger les droits et libertés du requérant ?

Notre volonté, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, est non pas de changer la procédure pour changer de procédure, mais bien de nous assurer que les droits des étrangers qui se retrouvent dans ces situations, souvent de détresse, sont préservés dans le respect de nos principes fondamentaux.

Ce sont ces mêmes principes qui doivent également fonder notre droit en matière de séjour des étrangers malades. La loi du 11 mai 1998 a permis de délivrer une carte de séjour temporaire à un étranger lorsque son « état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité, sous réserve qu’il ne puisse effectivement bénéficier d’un traitement approprié dans le pays dont il est originaire. » La décision d’admission au séjour est prise par le préfet après avis du médecin de l’agence régionale de santé, ARS, compétente ou, à Paris, du médecin-chef de la préfecture de police. Le juge administratif vérifiait donc l’existence ou non de soins appropriés à la pathologie dans le pays d’origine.

Cette position rejoignait d’ailleurs celle de la Cour européenne des droits de l’homme, qui a validé l’expulsion d’une ressortissante ougandaise séropositive du Royaume-Uni vers son pays d’origine, estimant que « l’article 3 [ de la Convention européenne des libertés et de sauvegarde des droits de l’homme] ne fait pas obligation à l’État contractant de pallier lesdites disparités [socio-économiques entre les pays] en fournissant des soins de santé gratuits et illimités à tous les étrangers dépourvus du droit de demeurer sur son territoire ».

Les conditions de mise en œuvre de la disposition en question ont été profondément modifiées par un revirement jurisprudentiel du Conseil d’État, qui estime désormais que la condition d’accès « effectif » aux soins exige que l’administration vérifie, si les soins adéquats existent, qu’ils soient accessibles à l’ensemble de la population « eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l’absence de modes de prise en charge adaptés » et que « en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle » n’empêchent pas le malade « d’y accéder effectivement ».

Cette interprétation, pour très généreuse qu’elle soit, fait peser, à mon sens, sur le système de santé français une obligation déraisonnable, ouvrant un droit au séjour potentiel à tout étranger ressortissant d’un pays ne bénéficiant pas d’un système d’assurance sociale comparable au nôtre.

C’est pourquoi il me semble, à titre personnel, important que nous débattions de ce sujet, comme nous l’avons d’ailleurs fait en commission, et que vous puissiez, monsieur le ministre, nous apporter des précisions quant aux conditions de délivrance de la carte de séjour.

Enfin, alors même que la question de la sécurité de l’État est pour moi fondamentale dans un État de droit comme le nôtre, je souhaite saluer une mesure que nous avons adoptée en commission des lois, sur proposition du Gouvernement. Il s’agit de prendre en compte la situation particulière des étrangers condamnés pour des faits de terrorisme en instance d’expulsion, …

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

… en prévoyant la possibilité de les maintenir en rétention pendant une durée supérieure au droit commun.

Comme vous nous l’avez rappelé, monsieur le ministre, la décision de maintien en rétention sera placée sous le contrôle du juge des libertés et de la détention amené à réexaminer la situation de l’intéressé à intervalles réguliers. Elle ne pourra dépasser une durée maximale de six mois, sauf cas particuliers où elle pourra être prolongée pour une durée supplémentaire limitée à douze mois. En tout état de cause, elle ne pourra être maintenue que tant qu’il existera une perspective raisonnable d’éloignement de l’intéressé.

Vous le voyez, mes chers collègues, nos principes fondamentaux sont bel et bien respectés ; il est donc urgent de cesser de faire croire à nos concitoyens que les mesures engagées par le Gouvernement pour la sécurité du pays sont dénuées d’humanité.

Nous l’affirmons simplement et clairement : nous ne pourrons laisser faire ceux qui sèment la terreur dans notre pays, alors que notre devoir d’élus est de préserver la sérénité de nos compatriotes.

C’est parce que le présent projet de loi vise l’immigration irrégulière et qu’il ne remet pas en question l’immigration concertée, l’immigration légale, l’immigration choisie, voulue et acceptée, l’immigration synonyme d’intégration, d’acceptation, de fusion et d’assimilation, que les membres du groupe UMP le voteront avec conviction.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Très bien !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au moment d’engager ce débat, je vous invite à tourner nos regards vers nos partenaires européens pour voir comment eux-mêmes abordent la question de l’immigration.

À dessein, j’avais commandé une étude de législation comparée à la division des études de législation comparée du Sénat, que je remercie du travail très pertinent qu’elle a réalisé.

Que constatons-nous à la lecture de son document ?

Il existe, en réalité, une très grande convergence des politiques menées en Europe en matière d’immigration. Avec le projet de loi qui nous est soumis, la France s’inscrit ni plus ni moins dans ce mouvement convergent, qui se fonde sur trois piliers indissociables : promouvoir une immigration légale, réussir l’intégration, lutter contre l’immigration illégale.

En premier lieu, afin de promouvoir une immigration légale, nos voisins font une large place aux aspects économiques et aux nécessités du marché du travail.

L’Allemagne a fusionné le titre de séjour et l’autorisation de travail en un seul document administratif. Toutefois, ce dernier n’est délivré que sous réserve qu’une offre concrète d’emploi figure dans le dossier et ne relève pas d’un secteur professionnel soumis à l’agrément de l’administration du travail compte tenu de la situation économique et du marché de l’emploi.

La Belgique a mis l’accent sur une immigration économique tenant compte des réserves actuelles du marché du travail.

L’Espagne, on le sait, a mené, entre 1985 et 2007, six programmes de régularisation d’étrangers en situation irrégulière. Mais l’heure est désormais à une « immigration régulière et ordonnée », selon les termes utilisés par M. José Luis Zapatero dans son discours d’investiture du mois d’avril 2008. Il ajoutait que « le travail est un élément clé de la politique migratoire ».

L’Italie a introduit un régime de quotas annuels en 1998. Une loi de 2002 a créé un « contrat de séjour pour travail subordonné », destiné à juguler les entrées illégales de travailleurs.

Les Pays-Bas ont renforcé le rôle des référents, entreprises ou personnes morales, dans le droit des étrangers en situation régulière.

Au travers de ce qui nous est proposé par le projet de loi, nous allons par ailleurs débattre des moyens de favoriser l’accueil de personnes très qualifiées. Ce souci est partagé, notamment par nos voisins allemands ou espagnols.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

On trouve également dans les législations de nos partenaires européens des mesures destinées à mieux encadrer le regroupement familial. Il s’agit de s’assurer que le demandeur dispose d’un logement approprié, bénéficie d’une assurance maladie qui couvre aussi sa famille et perçoit des revenus suffisants pour subvenir aux besoins de ses proches. Je vous renvoie sur ce point aux législations belge, espagnole ou italienne.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Très bien !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

En deuxième lieu, comment réussir l’intégration ? Il s’agit là d’une autre priorité tout à fait commune à nos partenaires européens.

La loi allemande prévoit la participation des étrangers en situation régulière à un cours d’intégration, qui porte sur la langue et la connaissance de l’histoire, la culture et la société allemandes. Depuis 2006, quatre sommets de l’intégration ont eu lieu. Un Plan national d’intégration a été élaboré en 2007. Il contient plus de cent cinquante mesures concrètes et deux cent cinquante engagements des Länder.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

La même préoccupation existe en Belgique, où cette question relève des régions et des communautés.

L’Italie a prévu un « accord d’intégration », qui détermine les conditions de nature à permettre la délivrance du permis de séjour, notamment pour ce qui concerne la connaissance de la langue et de la culture italiennes de base.

Les Pays-Bas ont créé un test d’intégration qui porte sur la société et la langue.

Cette volonté d’intégration s’accompagne de l’affirmation des droits fondamentaux des personnes : non-discrimination, égalité entre les hommes et les femmes, comme le spécifie, par exemple, la loi espagnole.

Aux Pays-Bas, diverses mesures ont été annoncées, notamment pour renforcer l’émancipation des membres des couples, le combat contre le mariage forcé et la polygamie.

Transposant des directives européennes, la loi allemande de 2007 a elle-même affermi la lutte contre les mariages forcés.

J’observe aussi que la démarche d’intégration peut être le prélude à la naturalisation, comme le montrent les récents débats parlementaires en Italie.

À l’inverse, la déchéance de nationalité peut être prononcée pour des crimes graves. Par exemple, les Pays-Bas l’ont prévue dans les cas d’atteinte à la sécurité de l’État, d’action terroriste ou de lutte armée.

Enfin, en troisième lieu, il s’agit de lutter contre l’immigration illégale.

Les États européens ont été appelés à renforcer les moyens de combattre ce phénomène, qui déstabilise nos sociétés, livre les personnes concernées aux mains de trafiquants, et met en cause toute possibilité d’une gestion juste et équilibrée des flux migratoires.

Depuis 1990, l’Allemagne a dû alourdir les sanctions pénales applicables à l’entrée et au séjour illégaux sur son territoire, ainsi qu’aux pourvoyeurs de réseaux d’immigration clandestine.

En Belgique, une loi de 1980 prévoit plusieurs dispositions pénales pour réprimer l’immigration clandestine.

L’Italie, en 2009, a porté à cent quatre-vingts jours le délai maximal de la rétention administrative.

En conclusion, que constatons-nous ? Les pays européens sont confrontés à des défis comparables en matière d’immigration…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

… et ils sont appelés à mettre en œuvre des mesures qui, si elles ne sont pas toujours identiques, répondent aux mêmes objectifs sur la base des trois priorités que j’ai rappelées : immigration légale, intégration, lutte contre l’immigration illégale. Le projet de loi que nous examinons s’inscrit pleinement dans ces trois priorités.

Ce constat est aussi le signe que cette question de l’immigration a une dimension européenne de plus en plus affirmée. C’est pourquoi, sous la présidence française de l’Union européenne en 2008, le Conseil européen a adopté le pacte européen sur l’immigration et l’asile.

C’est aussi la raison pour laquelle, comme nous y sommes invités aujourd’hui, nous serons de plus en plus appelés à transposer dans notre droit interne les textes communautaires traduisant ces priorités qui recueillent un consensus européen général.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Très bien !

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité qui nous est aujourd’hui soumis est malheureusement à l’image de la politique d’immigration conduite depuis 2002 par tous les gouvernements qui se sont succédé.

Il s’agit d’une politique de méfiance, d’hostilité et d’amalgames dirigée contre les étrangers, qui sont stigmatisés, désignés comme les responsables des nombreuses difficultés que doit affronter notre pays et jetés à la vindicte populaire. Vous menez cette politique, monsieur le ministre, après avoir créé un sentiment de peur dans la société pour mieux dresser les pauvres contre les pauvres et trouver des coupables aux problèmes que vous êtes incapables de résoudre.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Ainsi, les étrangers sont considérés comme responsables du chômage, de la délinquance, des déficits publics, c'est-à-dire de l’insécurité sociale et économique !

Tout d’abord, la vieille idée de l’étranger responsable du chômage et prenant le « travail des Français » ressurgit. Ainsi, le concept d’immigration choisie est venu s’immiscer dans les textes précédents. Je pense notamment à la dernière réforme du droit des étrangers, dont vous êtes l’auteur, monsieur le ministre.

L’idée est donc née de choisir ses immigrés, de « faire ses courses » parmi les plus qualifiés d’entre eux...

Dans le même temps, vous tentez de délivrer des messages de solidarité, d’humanité, d’aide au développement. Il faudra nous expliquer quelle conception vous vous faites de l’aide au développement, si vous privez les pays de leur richesse humaine et de leurs spécialistes.

Par ailleurs, les étrangers seraient responsables de la délinquance. L’amalgame entre immigration et délinquance est entretenu sciemment dans les discours présidentiels – notamment celui de Grenoble – et au travers des mesures prises sous prétexte de sécurité.

Je citerai l’exemple du projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dit « LOPPSI 2 », que nous avons examiné récemment. Ce texte a été parsemé de mesures répressives prises à l’encontre des étrangers en attente de leur admission au séjour, alors qu’il était manifestement inapproprié pour traiter de la question de l’immigration. Comme si nous ne pouvions pas attendre le projet de loi dont nous débattons aujourd'hui et dont la discussion était prévue juste après... Non, volontairement, vous avez mêlé la question de la sécurité et de l’immigration pour surfer sur ces peurs que vous savez si bien entretenir, même susciter si nécessaire !

J’avais déjà dénoncé, à cette occasion, l’analogie nauséabonde qui entretient l’amalgame entre délinquance et immigration et qui, trop souvent, sert des discours populistes, voire électoralistes.

Monsieur le ministre, de quoi d’autre encore sont responsables les étrangers ? Du déficit budgétaire ? Du déficit de la sécurité sociale ? De celui des caisses de retraite ? Pourtant, vous le savez bien, trop souvent, ceux-ci ne bénéficient pas du remboursement des soins et, en raison de la dureté de leur travail, sont peu nombreux à atteindre l’âge de la retraite.

Néanmoins, il semble que votre majorité pense qu’ils en « profitent » encore trop, puisque, à l’occasion de la discussion du projet de loi de finances pour 2011, l’accès aux soins a été restreint.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

En effet, l’aide médicale d’État a eu à pâtir de cette hostilité à l’égard des étrangers et, en particulier, à l’égard des plus précaires d’entre eux, à savoir les étrangers malades et sans-papiers !

La restriction de l’accès aux soins aura non seulement des conséquences dramatiques en termes de santé publique, car je ne pense pas que le virus qui contamine fasse la différence entre le Français et l’étranger, avec ou sans-papiers, mais aussi des conséquences financières, puisque cela se révélera très coûteux pour le budget de l’État.

Une nouvelle fois, votre majorité a stigmatisé les étrangers. La tentative de porter atteinte aux droits des étrangers malades, en particulier à leur droit au séjour et, par conséquent, à leur droit aux soins, a été ici aussi réitérée !

Vous laissez entendre que les étrangers viennent dans notre pays pour se faire soigner. C’est faux !

Tout d’abord, les étrangers nouvellement arrivés doivent obligatoirement avoir souscrit une assurance pour obtenir leur visa. C’est donc l’assurance qui prend en charge les soins.

Ensuite, vous ne dites pas que la grande majorité de ces étrangers sont tombés malades en France, souvent en raison des risques et maladies professionnels auxquels ils ont été exposés.

Enfin, vous laissez planer une nouvelle suspicion. Et s’il s’agissait de faux malades qui ont recours à cette ruse uniquement pour obtenir des papiers ? Permettez-moi de vous le dire : c’est honteux !

Heureusement, l’article 17 ter du projet de loi a été supprimé en commission, car il risquait de mettre en danger la vie de plusieurs centaines de personnes !

Aujourd’hui, en examinant les amendements qui ont été déposés sur ce texte, nous avons pu constater que notre collègue Louis Nègre tentait de rétablir cet article odieux, qui a soulevé l’indignation de tous ceux qui font preuve d’humanité et de raison, qu’il s’agisse des professionnels de la santé, de l’opinion publique ou des associations de défense des droits des malades, étrangers ou non. Monsieur le ministre, je puis vous assurer que, quelles que soient leurs opinions politiques, nombreux sont celles et ceux qui s’indignent de ces pratiques et refusent de les cautionner en se taisant.

Chers collègues de la majorité, j’espère que vous saurez faire preuve de la plus grande prudence en votant contre cet amendement. Vous prouverez ainsi votre indépendance de parlementaire face à cette nouvelle pression gouvernementale !

Monsieur le ministre, le présent projet de loi, dont M. Éric Besson est l’auteur, sous prétexte de transposer des directives communautaires et de mettre la France en conformité avec le droit européen, s’en prend à toutes les branches du droit des étrangers !

Tout d’abord, ce texte s’en prend à la nationalité en créant des « sous-Français », des « Français de second collège » aurait-on dit à une autre époque, en faisant la distinction discriminante entre les Français dits « de souche » ou « naturalisés depuis plus de dix ans » et les autres, qui risquent, dans certains cas, d’être déchus de leur nationalité française !

Ensuite, ce texte s’en prend à l’entrée et au séjour des étrangers, en mettant en place un dispositif plus que contestable relatif aux zones d’attente. Ce faisant, il porte atteinte non seulement aux droits des demandeurs d’asile, en dépit du droit international qui reconnaît le droit de chercher à se réfugier et à trouver protection, mais aussi aux droits des personnes détenues dans ces zones d’attente, dont le droit à la dignité et le respect des droits fondamentaux doivent rester garantis.

Une fois de plus, votre gouvernement surfe sur la vague de l’actualité, en créant des mesures spécifiques en réaction aux seuls faits divers !

Prétextant plusieurs abus constatés, vous vous en prenez également aux droits à une défense effective en prévoyant dans ce projet de loi des dispositions en matière de procédure et de contentieux de l’éloignement !

D’ailleurs, ce nouveau dispositif est fermement contesté par les magistrats de l’ordre administratif, qui s’inquiètent et manifestent contre ces atteintes portées à la fois contre une bonne administration de la justice et contre les étrangers concernés par ces procédures.

En outre, ce projet de loi stigmatise les couples dits « mixtes », que je préfère appeler « binationaux », en créant une présomption d’« escroquerie aux sentiments ». Celle-ci ne pèse que sur la personne étrangère, qui est suspectée d’épouser un Français uniquement pour obtenir un titre de séjour ou la nationalité française !

Évidemment, pour vous, l’amour ne peut être sincère qu’entre nationaux, et il est naturellement frappé de suspicion dès qu’il existe entre deux personnes de nationalité différente. Ce concept immonde de « mariage gris » est contraire à l’article 1er de la Constitution, qui assure l’égalité de tous devant la loi.

De plus, ces dispositions, qui consistent en une augmentation des peines pénales encourues par un étranger accusé de mariage de complaisance « avec tromperie volontaire », seront en pratique inapplicables ! En effet, comment statuer sur la nature et l’intensité des sentiments d’un conjoint ? Ne pensez-vous pas qu’un Français peut aussi abuser de son conjoint étranger, que ce dernier n’est pas à l’abri de pressions ou d’un chantage affectif et peut vivre dans la peur d’être accusé injustement ?

Par ailleurs, vous réduisez de manière importante les garanties procédurales en vue de faciliter l’éloignement des étrangers « indésirables », au mépris du respect de leurs droits fondamentaux et de leurs libertés individuelles.

Enfin, vous créez également une véritable mesure de bannissement : l’interdiction de retour sur le territoire a vocation à s’appliquer à tout étranger expulsé et sera quasi impossible à contester.

Le présent projet de loi « surveille, criminalise, enferme, bannit et éloigne » les étrangers, comme l’ont, à juste titre, souligné plusieurs associations humanitaires ou de défense des droits des étrangers !

Bien d’autres points sont tout aussi contestables : la solidarité est toujours érigée en délit ; le droit au séjour des étrangers communautaires est remis en cause. En agissant ainsi, vous faites fi de nos engagements européens, que vous étiez pourtant censé transposer avec ce projet de loi !

Monsieur le ministre, comment la France peut-elle à ce point s’éloigner des valeurs de solidarité et d’accueil qui sont les siennes depuis des décennies ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Comment tolérer ces atteintes aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales ?

Je trouve ce projet de loi des plus affligeants ! Et je ne parle pas des gages donnés à l’histoire coloniale en faisant appel à la notion d’assimilation... C’est indigne de notre pays !

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Monsieur le ministre, vous l’aurez compris, les écologistes sont indignés par ces mesures et refusent de cautionner de telles atteintes à l’État de droit.

Pour nous, il est évident que ce texte est dangereux pour tout le monde. En effet, lorsque les droits des plus fragiles sont bafoués, ce sont les droits de tous les êtres humains qui le sont !

Nous devons vous le dire sans détour, notre indignation eu égard aux graves dispositions que prévoit ce projet de loi explique que, non seulement nous ne le voterons pas, mais que nous le combattrons dans la rue jusqu’à son abrogation !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous en avons eu la preuve : le projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité est un dossier délicat et sensible. C'est la raison pour laquelle je salue le travail accompli par la commission des lois et son rapporteur.

Il n’en reste pas moins que ce sujet doit être traité. Et c’est tout le mérite du Gouvernement de nous proposer un texte qui pourra répondre à des problèmes qui agitent non sans raison quotidiennement nos concitoyens, les médias et la classe politique.

La France est un pays d’immigration depuis toujours. Pour notre part, nous considérons que l’immigration a toujours été un « plus » pour la France.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Cependant, jour après jour, fait divers après fait divers, la presse relate à grand renfort d’articles que les immigrés sont souvent mal reçus, peu considérés et sans moyens décents pour vivre.

L’intégration, élément essentiel d’une immigration réussie, est de plus en plus mise en en échec. Qui peut l’ignorer ? À l’échelon sociétal, le bilan d’une immigration débridée se révèle désastreux tant pour les immigrés eux-mêmes que – vous devriez y penser ! – pour notre pays.

De même, sur le plan économique, l’époque des Trente Glorieuses est malheureusement révolue depuis longtemps. §Vous le répétez suffisamment : notre pays comporte plus de 3 millions de chômeurs, la dette publique est devenue considérable.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Qui paie quoi ?

À ceux qui ont parlé d’inhumanité, je répondrai que nous avons tous une responsabilité à l’égard d’immigrés à qui, de fait, nous ne pouvons pas offrir une hospitalité décente avec un toit et un travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Ce n’est pas l’hospitalité qu’ils demandent !

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

M. Louis Nègre. Arrêtons, chers collègues, les postures idéologiques. Regardons la réalité en face !

Protestations sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

M. Louis Nègre. Aussi, il me semble bienvenu, conformément à la politique engagée par le Président de la République

Nouvelles marques d’ironie sur les travées du groupe CRC-SPG

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Comme nombre de pays démocratiques, la France doit développer une immigration choisie qui lui permette de recevoir, certes, quantitativement, moins d’immigrants, mais, qualitativement, beaucoup mieux ceux qu’elle acceptera, en respectant ainsi leur dignité d’homme et en les accompagnant réellement, et non pas théoriquement, dans leur parcours citoyen.

Accueillir mieux, c’est respecter les étrangers que l’on accueille.

Toutefois, par un juste retour des choses, c’est leur demander, dès lors qu’ils ont choisi de venir chez nous, de remplir leurs devoirs et donc de consentir les efforts nécessaires d’intégration au sein de la société.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Bien entendu ! Nous sommes d’accord : l’immigration suppose à la fois des droits et des devoirs.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Il nous paraît logique que, pour le renouvellement des titres de séjour et la délivrance des cartes de résident, soient pris en compte le respect des exigences du contrat d’accueil et d’intégration ainsi que le respect des principes et valeurs essentiels de la République.

En conditionnant l’accès à la nationalité française aux efforts d’intégration ou à la signature d’une charte des droits et devoirs du citoyen, document qui vise explicitement à faire de l’adhésion aux principes républicains un élément fondamental de cet accès, ce projet de loi s’inscrit, selon nous, dans une démarche positive à l’égard des étrangers qui souhaiteraient venir en France.

Inversement, monsieur le ministre, il nous semble tout à fait normal que la déchéance de nationalité soit rendue possible pour les étrangers condamnés pour le meurtre d’un dépositaire de l’autorité publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

C’est de la stigmatisation ! Il faut condamner tous les meurtres !

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Par ailleurs, créer un régime spécifique de rétention administrative des terroristes pendant la durée nécessaire à leur éloignement, le tout sous le contrôle du juge des libertés et de la détention, nous permet de disposer d’outils juridiques efficaces pour lutter contre le terrorisme. Qui serait opposé à cela ?

De même, en allongeant la durée maximale de rétention administrative des étrangers en situation irrégulière de 32 à 45 jours, la France reste toujours – je rassure ceux qui s’en inquiéteraient – le pays européen dont la durée maximale de rétention est la plus courte ! Alors, cessons de battre quotidiennement notre coulpe !

Quant au report à 5 jours de l’intervention du juge des libertés et de la détention, qui met ainsi fin à l’enchevêtrement des compétences, il est inférieur au report à 7 jours qui avait été déclaré anticonstitutionnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

M. Louis Nègre. Par ailleurs, concernant l’accès au titre de séjour « étrangers-malades », force est de constater qu’une jurisprudence très audacieuse a donné lieu à des aberrations. Cette jurisprudence est d’ailleurs plus laxiste que la Cour européenne des droits de l’homme elle-même…

Mme Annie David s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

M. Louis Nègre. Nous pensons qu’en cette matière il faut tout simplement revenir à l’application de la loi du 11 mai 1998

Marques d’impatience sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

M. Louis Nègre. Je conclus, monsieur le président.

Marques de satisfaction sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Enfin, ce projet de loi prévoit également de mieux protéger les droits des étrangers en situation irrégulière employés dans les entreprises en aggravant les sanctions à l’encontre des employeurs.

En définitive, monsieur le président, mes chers collègues, à travers ce projet de loi, la politique que propose le Gouvernement nous paraît donc équilibrée, juste et ferme, car elle assure à la fois la maîtrise de l’immigration

M. Roland Courteau s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

En conséquence, monsieur le ministre, je voterai votre texte.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je veux commencer mon propos en vous faisant partager une première conviction, à travers l’évocation de deux souvenirs.

Le premier, c’est ce Tunisien, ingénieur de formation, marié à une Française et père d’un enfant né en France, vivant et travaillant avec un contrat de travail comme réceptionniste dans un grand hôtel parisien depuis de nombreuses années, rencontré au centre de rétention de Vincennes. Il avait été arrêté au hasard d’un contrôle de police alors qu’il ne parvenait toujours pas à être régularisé, et attendait son expulsion, désespéré, dans une petite cour entouré de grillage et de préfabriqués. Il m’avait demandé de plaider son cas.

Le deuxième, c’est ce jeune Égyptien, rencontré au centre de rétention du Mesnil-Amelot, arrêté à la gare du Nord au petit matin alors qu’il allait travailler, comme chaque jour depuis plusieurs mois. Je me souviens de son regard timide, qui m’appelait à l’aide de toute sa détresse.

Je les ai aidés. Parce que, sans attendre les événements qui occupent l’actualité internationale et qui se déroulent en Tunisie et en Égypte, je comprenais et savais que vivre la détresse sociale, y compris quand on a des diplômes, et de surcroît la privation totale de liberté démocratique justifiait que l’on cherche ailleurs dans le monde un petit coin vivable, comme beaucoup l’ont fait au siècle dernier, et dont les descendants directs font aujourd’hui partie de notre peuple. Peut-être même y en a-t-il ici, dans cet hémicycle…

Les accueillir, ou au moins les traiter respectueusement, les regarder autrement que comme des criminels, eux qui relèvent non pas d’une condamnation de justice mais d’une décision administrative, les soigner quand ils sont malades, voilà ce que l’on attendrait de la France, voilà ce qu’on leur disait de la France, voilà pourquoi notre pays a pu jouir d’une stature morale exceptionnelle pour les peuples du monde.

Voilà à quoi je pense, voilà ce que je souhaite que chacun d’entre vous puisse méditer, au moment de débuter ce énième débat sur une énième loi sur l’immigration.

D’autant que la France n’a pas aidé à ce qu’ils aient l’envie ou les moyens de rester au pays, en vivant dignement et librement, puisque notre gouvernement a accepté, accompagné parfois, dans un silence persistant jusqu’au dernier instant, les dictatures politiques et voleuses de richesses économiques qui leur rendaient chez eux la vie impossible.

Maintenant que vous savez, que vous reconnaissez, que tout le monde voit et salue l’immense courage de ces peuples, au moment de légiférer à nouveau sur eux, pour durcir encore plus leurs conditions, pensez aux centaines de milliers de Tunisiens, pensez aux milliers d’Égyptiens, et, à travers eux, à tous les étrangers : aux Afghans qui fuient les talibans, aux Roms discriminés en Roumanie et ailleurs, qui vivent ou essayent de vivre en France.

Posez-vous alors la question : méritent-ils, alors que la législation abonde déjà de tracasseries, d’hypocrisie, d’humiliation, de criminalisation, qu’on aille encore plus loin dans tous les domaines – accueil, conditions du séjour, rétention –, jusqu’au point de ne pas les soigner ?

La deuxième conviction que je veux vous faire partager a trait à la déchéance de la nationalité. Rien de concret, d’urgent, pour la régulation des flux migratoires et l’intégration, pour l’ordre public, ne nécessitait une telle mesure, qui ne concernera au plus que quelques personnes.

Cette mesure a donc été délibérément conçue comme une mesure symbolique, qui vise à envoyer un message à la société : symbolique d’une idéologie qui vient rompre ce qui pouvait faire consensus chez tous les républicains convaincus ; symbolique aussi de cette course que certains veulent engager sur le terrain des nationaux-populistes d’aujourd’hui, soi-disant pour les réduire.

Ce faisant, vous avez renoncé à défendre bec et ongles des principes qui ont toujours guidé la France, qui élevaient celles et ceux qui se laisseraient aller à la tentation de haïr l’autre quand ça va mal.

En accompagnant ces sentiments faciles, vous avez renoncé à combattre la part d’ombre qui existe en chacun de nous, mais que notre conscience affronte tous les jours pour faire société et civilisation.

Mes chers collègues, arrivé à 8 ans en France avec ma famille, marocain de nationalité, j’ai été naturalisé français, et aujourd’hui devant vous, avec vous, je suis un représentant de notre République et de notre nation.

Quelqu’un dans cet hémicycle serait-il plus français que moi ? Je vous pose la question. Je la pose d’autant plus que lorsque je l’ai posée sur un plateau de télévision au député UMP Jacques Myard, il n’a pas voulu me répondre malgré mon insistance, et m’a dit « C’est à vous de le dire », comme s’il parlait à quelqu’un qui demande sa nationalité et qui doit faire ses preuves. Il pouvait tout simplement dire « oui », mais il n’y parvenait pas.

J’étais abasourdi, et j’ai compris que cette déchéance ne visait pas à effrayer quelques meurtriers, assez dangereux, hors la loi et hors principes pour tuer un policier, risquant la perpétuité, mais qui tout à coup se raviseraient parce que ayant peur d’être déchus de leur nationalité. Non, j’ai compris qu’il fallait installer l’idée, qui ne pouvait même pas épargner un représentant de la nation, qu’il existe deux catégories de Français, et qu’il y en a une, la légitime, la vraie, à laquelle jamais ne pourraient accéder des millions de naturalisés, pas plus que moi-même.

Mme Bariza Khiari ainsi que MM. Jean-Pierre Bel et Guy Fischer applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Je veux vous interpeller aussi sur les dynamiques que l’on peut créer, abrités derrière une mesure qui en apparence ne toucherait que quelques personnes. Une fois que vous installez, volontairement ou pas, l’idée qu’il existe deux catégories de nationaux, une fois que vous légitimez cette idée dans le droit, d’autres, dans un autre contexte que personne ici ne souhaite vivre, pourront plus facilement aller plus loin.

Ce n’est pas une vue de l’esprit, puisque le passé et le présent sont là pour nous avertir.

Le passé, d’abord : certains n’ont-ils pas été plus loin au moment le plus sombre de l’histoire de la France, en procédant à des dizaines de milliers de déchéances de la nationalité ?

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

M. David Assouline. Ces déchéances massives ont été théorisées par des hommes politiques et mises en œuvre par des fonctionnaires, avec la complicité muette d’une partie de la population.

Mme Bariza Khiari applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Il faut aller voir le musée-mémorial des enfants d’Izieu !

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Ces individus ne venaient pas de nulle part, ils étaient déjà là avant que la République soit déchue, elle aussi.

Je vous le dis avec force en mesurant mes mots, d’autant plus que je suis consterné que l’on puisse parfois comparer des arrestations et des expulsions injustes à des rafles qui aboutissaient à l’extermination. Je ne supporte pas la banalisation des horreurs singulières de l’histoire.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

M. David Assouline. En revanche, je sais aussi comparer ce qui peut l’être, et comprendre à la lumière du passé que si on laisse s’installer l’idée qu’il existe deux catégories de Français, et que certains peuvent, en plus de la peine légitime encourue par tous, s’ils contreviennent à la loi, se voir retirer la qualité de Français, alors d’autres pourront plus facilement, sur la base de cette même rupture d’égalité, élargir le champ de son application.

M. Guy Fischer opine.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Le présent, lui aussi, est là pour nous avertir : un parti, qui a pignon sur rue et peut distiller tranquillement son poison, qui voit même son congrès retransmis en direct à la télévision, propose déjà d’élargir considérablement cette possibilité de déchéance dans son programme actuel. Permettez-moi d’en citer un passage : « La déchéance de la nationalité pourra être prononcée par la juridiction concernée dans le cas de naturalisation acquise depuis moins de 10 ans et dans le cas de crime ou délit grave ayant entraîné une condamnation à plus de 6 mois de prison, non assortie de sursis. » Voilà pour ceux qui considèrent la fille plus respectable que le père !

Notre vigilance à ne jamais, par facilité, mettre le doigt dans un engrenage malsain et contraire tant à nos valeurs qu’à notre Constitution, nous voulons sincèrement vous la faire partager. Oui, notre Constitution, comme mon collègue Jean-Pierre Sueur va le démontrer, affirme deux choses : d’une part que les hommes sont égaux devant la loi et, d’autre part, que l’on ne saurait distinguer les citoyens entre eux.

Votre proposition, enfin celle que vous défendez, monsieur le ministre, est contraire à ces deux principes constitutionnels et fondateurs de notre République. Je souhaite, avec mon groupe socialiste, qu’il ne se trouve pas ici de majorité pour la voter.

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Mme Françoise Laborde applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi dont nous commençons aujourd’hui à débattre touche à une question qui se trouve au fondement de notre identité et de notre contrat social : la nationalité.

Je voudrais saluer les efforts qui ont été déployés par le Gouvernement et le Parlement pour adapter notre cadre légal à la fois aux exigences du droit européen et aux évolutions de notre temps. Nous vivons dans un monde de plus en plus mobile, et il importe d’en tenir compte. En ce sens, ce projet de loi constitue une chance à saisir. Nous, parlementaires, avons la responsabilité d’adopter une attitude constructive face à des enjeux aussi essentiels, plutôt que de choisir l’obstruction ou le déni.

Ce projet de loi nous permet, par exemple, de faciliter le séjour de scientifiques-chercheurs et de leurs conjoints, ainsi que celui des conjoints des titulaires de la carte de résident délivrée pour une contribution économique exceptionnelle. Je me réjouis que la commission ait adopté les amendements présentés par Sophie Joissains que j’avais cosignés, et soutiens l’amendement de Laurent Béteille qui vise à aller plus loin dans cette voie.

Ce projet de loi est aussi une occasion de faciliter les démarches de visas pour les partenaires liés à un ressortissant français par un pacte civil de solidarité, ou PACS. J’avais présenté un amendement relatif à la motivation des refus de visas concernant ces personnes, et je suis très heureuse qu’il ait été repris par la commission des lois, devenant l’article 12 bis. J’espère que nous pourrons aller encore plus loin dans la défense du droit de ces personnes à mener une vie familiale normale, droit garanti par notre Constitution et par la Convention européenne des droits de l’homme. Nous y reviendrons dans la discussion des amendements.

L’état de notre arsenal législatif est une chose, l’esprit dans lequel il est appliqué en est une autre, et cette dimension est tout aussi importante.

Je pense notamment aux difficultés persistantes rencontrées par les Français nés hors de notre territoire ou dont des ascendants sont nés hors de France lorsqu’ils renouvellent leurs pièces d’identité. Le 14 décembre dernier, à cette même tribune, le ministre Michel Mercier a annoncé qu’une circulaire de rappel allait être diffusée, sous le sceau des ministères de la justice, de l’intérieur et des affaires étrangères, pour enjoindre les agents d’appliquer les mesures de simplification décidées antérieurement. Monsieur le ministre, je serais heureuse que vous nous fassiez part des efforts en cours sur ce plan.

De même, en matière d’attribution et de renouvellement des titres de séjour aux victimes de violences conjugales, il importe désormais de veiller à l’esprit dans lequel seront appliquées les dispositions de la loi du 9 juillet dernier et celles du présent projet de loi. À cet égard, je vous demanderai de bien vouloir prendre des engagements pour que les bénéficiaires d’une ordonnance de protection soient avertis de manière systématique et précise de leurs droits. Car la validité d’une telle ordonnance n’est que de quatre mois, délai particulièrement court pour permettre à des personnes en situation de très grande vulnérabilité de réaliser des démarches administratives efficacement.

L’examen de ce projet de loi donne lieu à des débats qui, parfois, font mal. Mais refuser de regarder en face les tensions et les incompréhensions qui traversent notre société ne les résoudra pas.

Cela a été le cas lors de la polémique créée en octobre dernier par un amendement émanant de l’Assemblée nationale, heureusement rejeté en commission des lois, et tendant à interdire la double nationalité. Si un tel amendement avait été déposé, c’est qu’il reflétait l’incompréhension profonde de beaucoup quant aux véritables enjeux de la double nationalité. Notre responsabilité est alors de faire preuve de pédagogie plutôt que de vilipender, et de prouver à quel point l’immense majorité de nos doubles nationaux sont une très grande richesse pour la France.

De manière générale, les débats autour de ce projet de loi nous poussent à repenser les questions d’intégration, de civisme et de défense des valeurs républicaines parmi les immigrés, mais aussi parmi les « Français de souche », qu’ils vivent en France ou à l’étranger.

Nous avons besoin de lucidité et de courage. N’oublions pas que ce sont les étrangers eux-mêmes qui, dans leur majorité, nous demandent d’avoir ce courage de légiférer, parce qu’ils aiment notre pays, parce qu’ils se reconnaissent dans nos valeurs, parce qu’ils souhaitent pouvoir s’épanouir en paix sur notre territoire.

Les enjeux vont largement au-delà du présent texte et des compétences du ministère de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Le renforcement de la Journée défense et citoyenneté, qui succède à la Journée d’appel de préparation à la défense, la JAPD, et de notre réserve citoyenne serait, par exemple, utile dans la perspective d’accroître la tolérance, les liens et l’acceptation mutuelle entre Français de souche et nouveaux Français ou étrangers en voie de naturalisation.

Pour conclure, mes chers collègues, je voudrais que, en votant sur ce texte, nous en gardions tous à l’esprit les enjeux en termes non seulement de choix de société, mais aussi d’image internationale. Il s’agit pour la France de défendre son image, son attractivité, ses liens avec ses ressortissants résidant à l’étranger et ses binationaux, qui sont autant de piliers de notre soft power – veuillez me pardonner cette vilaine expression ! – et de notre rayonnement international.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – Mme Bariza Khiari applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Étienne Antoinette

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, venant d’une région qui fournit 8 979 reconduites à la frontière d’étrangers en situation irrégulière sur les 28 000 qui représentent l’objectif national, j’ai vraiment de quoi m’interroger sur le sens du projet de loi qui nous est soumis.

Je ne remets pas en question l’intérêt de la thématique : l’immigration, l’intégration et la nationalité sont des sujets riches, complexes et passionnants, touchant à notre humanité. À ce stade de mon intervention, je condamne, nous condamnons l’immigration clandestine, surtout quand des réseaux organisés profitent des souffrances économiques et humaines, mettent en danger la vie des enfants, quand des patrons mettent en place des systèmes modernes d’esclavage.

Le problème, monsieur le ministre, c’est que votre gouvernement fait de ce sujet, hélas ! un épouvantail susceptible de réveiller d’obscurs ressentiments, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Étienne Antoinette

… de stigmatiser l’autre et de condamner finalement à ce repli communautaire que vous prétendez vouloir combattre.

Je passe également sur le calendrier législatif qui, tous les deux ans environ, depuis la première loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure du 29 août 2002, voit émerger des projets de loi sur l’immigration. Le « pic » atteint en 2006, avec pas moins de trois lois votées, laisse présager le pire à l’approche des prochaines échéances électorales.

En revanche, la question se pose vraiment : pourquoi déposer une énième loi sur l’immigration de cette facture ? Peut-être le constat de l’échec de votre politique en cette matière vous oblige-t-il à revenir à la charge. Mais alors, face à ces multiples revers, pourquoi les mêmes recettes, aussi peu humaines qu’efficaces ?

Il y a toujours plus de privation de liberté, toujours moins d’accès au juge, toujours plus d’obstacles à l’accession à la nationalité ; il y a toujours cette volonté de stigmatiser l’étranger en France et, surtout, toujours cette façon de répéter sans cesse aux Français, comme si c’était le premier objectif d’un tel texte, qu’ils doivent regarder le statut d’étranger comme un délit en soi ; de nombreux exemples le démontrent.

Ainsi, une carte de long séjour « vie privée et familiale » délivrée outre-mer est requalifiée de carte de séjour « étudiante » par les préfectures métropolitaines ; les obstacles sont sans cesse plus nombreux pour l’accession à la nationalité d’un conjoint de Français.

Et alors que les collectivités locales ont l’obligation de prendre en charge tous les mineurs, en particulier pour assurer leur scolarisation mais également leur sécurité, le Gouvernement ignore le coût de ces opérations d’intégration, en refusant les dotations humaines, matérielles et financières qui permettraient de remplir ces missions autrement plus nobles que le rejet, l’exclusion, l’expulsion ou l’interdiction de retour.

Il y aurait aussi beaucoup à dire sur l’efficacité de mesures toujours plus coercitives, toujours plus déshumanisantes pour l’étranger et toujours plus déshumanisées pour ceux qui doivent les mettre en œuvre.

Ne croyez pas que l’augmentation de la durée de placement en rétention de 32 à 45 jours permettrait d’exécuter davantage de procédures d’obligation de quitter le territoire.

Ne croyez pas qu’une loi supplémentaire réussira là où les autres ont échoué en matière de contrôle des flux migratoires sans une augmentation des moyens ou, du moins, ne serait-ce que pour appliquer le droit existant, sans un meilleur déploiement des ressources actuelles. L’absence de convention avec le Guyana en est un exemple frappant.

De janvier à août 2010, l’OFPRA a enregistré 784 nouvelles demandes d’asile en provenance de Guyane. Pourtant, des situations récurrentes apparaissent encore, comme la fermeture du guichet asile lors de l’absence de la seule personne qui en avait la charge, suspendant ainsi toute possibilité de faire examiner une demande d’asile.

La carence de moyens humains et matériels illustre le niveau de votre capacité réelle à mener une politique de contrôle des frontières, d’accueil des demandeurs d’asile, mais également d’intégration.

Monsieur le ministre, une autre de mes questions porte sur les axes de votre politique des flux migratoires. Déterminer les conditions d’entrée et de séjour sur le territoire national, lutter contre l’entrée et le séjour irréguliers, ou organiser l’aide au retour dans leur pays d’origine des personnes en situation irrégulière ne constituent qu’un contrôle illusoire des frontières.

Un texte qui prétend lutter contre les flux d’immigration clandestine ne saurait se contenter de dispositions seulement relatives aux reconduites à la frontière, volontaires ou contraintes, ou aux centres de détention et aux zones d’attente. Il faut l’adosser à une politique de coopération régionale et de développement cohérente avec les pays d’origine des populations migrantes.

Savez-vous, mes chers collègues, que le PIB par habitant de la Guyane, qui pourtant ne représente que 35 % de celui de la France hexagonale, reste toutefois treize fois supérieur à celui du Surinam, quinze fois à celui du Guyana et trente-neuf fois à celui d’Haïti ?

Croyez-vous, monsieur le ministre, que le traitement humiliant que constituent les reconduites massives aux frontières empêcheront ces hommes et ces femmes de traverser le fleuve ou la mer, au risque de leur vie, à la recherche de conditions meilleures pour eux et leurs enfants ?

A contrario, il est symptomatique de constater que Trinité-et-Tobago, ayant un PIB quasi similaire à celui de la Guyane, ne fournit pratiquement aucun contingent d’immigration clandestine.

Le Gouvernement n’a-t-il déposé ce texte que pour prétendre agir ? Il faut le croire, car les lacunes sont nombreuses dans ce projet.

Comme je l’ai dit, la Guyane et les outre-mer totalisent presque 60 % des reconduites hors des frontières nationales.

N’y a-t-il pas matière à intégrer dans la réflexion et le débat législatif cette pratique intensive et manifestement sans grand effet ?

N’y a-t-il pas matière à intégrer dans les dispositions générales du texte des mesures qui prennent en compte les configurations, la sociologie, les économies de ces régions et de leur environnement ?

Je vois bien un titre VI consacré à certains de ces territoires, mais il ne contient que des mesures de coordination et aucune réponse spécifique à la singularité de ces collectivités.

Pourtant, en Guyane, on estime entre 35 000 et 40 000 le nombre d’étrangers en situation irrégulière sur une population de 230 000 habitants. On retrouve un rapport similaire à Mayotte ou en Guadeloupe. Comment se fait-il qu’aucune disposition ne prenne en compte des territoires où 20 % de la population est en situation irrégulière ?

Je veillerai d’ailleurs à proposer, sur certains points, des dispositions spécifiques à la Guyane, tout en sachant que, manifestement, le débat est ailleurs.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si le thème de l’immigration, de l’intégration, de la nationalité suscite tant de passion, c’est qu’il touche à notre identité et à notre humanité.

Lorsque, dans leur déclaration des droits, les constituants de 1789 énoncent que « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits », ils donnent à leur propos une valeur universelle.

En refusant aux étrangers la liberté, la dignité, l’accès au juge, du fait qu’ils sont étrangers, notre identité se dépouille de l’ambition humaine universelle portée par la Révolution.

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Mme Françoise Laborde applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il n’est pas facile, dans un tel débat, d’être le dernier à intervenir, et ce d’autant plus que je considérais le texte qui nous est parvenu de l’Assemblée nationale, avec ses 110 articles, comme un texte aride, s’adressant plus particulièrement à des spécialistes.

Grâce à l’excellent travail de M. le rapporteur et aux remarquables interventions en réunion de groupe de mes collègues Louis Nègre, Catherine Troendle, Jean Bizet et Joëlle Garriaud-Maylam, j’ai compris que ce projet de loi avait tout d’abord une dimension internationale, puisqu’il vise à transposer trois directives européennes.

Ce texte est l’aboutissement d’une initiative engagée par le Président de la République pendant sa campagne électorale, que vous avez personnellement mise en œuvre au début de son mandat, monsieur le ministre, et qui, finalement, a reçu l’adhésion de tous les pays européens concernés.

En réalité, au-delà de sa dimension internationale, le projet de loi constitue la consécration, sur le plan législatif, d’une vision, d’une politique d’immigration d’un pays moderne telle qu’elle a été définie par la France. C’est en effet notre pays qui a montré le chemin à nos voisins européens.

En tant qu’élu urbain, parisien, je suis confronté quotidiennement, comme M. Assouline ou Mme Boumediene-Thiery, au problème de l’immigration. Et je ne connais pas d’élu qui ne doive pas faire face, dans la vie de tous les jours, à des situations humainement et socialement difficiles et qui n’ait pas envie d’intervenir pour protéger celles et ceux qui en ont besoin.

Mais pour intervenir, nous avons besoin du droit, car la société demande à être protégée. C’est ce débat que vous avez voulu ouvrir, il y a déjà longtemps, et ce texte en est, en partie, l’aboutissement.

Je ferai deux remarques.

Premièrement, sur le plan de l’immigration, je constate que la place de la France, en tant que terre d’accueil, n’a pas fondamentalement changé.

La France est toujours, parmi les pays développés, une terre d’accueil. Il a simplement été mis de l’ordre, depuis quelques années, dans la société française.

Je suis étonné d’entendre un certain nombre d’orateurs dire que les textes du Gouvernement sont inefficaces. Si c’est le cas, pourquoi autant de débats ?

En réalité, ces textes sont efficaces, mais ils s’inscrivent dans une politique d’accueil des immigrants qui respecte les valeurs traditionnelles de la France.

Deuxièmement, il est nécessaire d’affirmer les droits des immigrants légaux.

Je fais quotidiennement les mêmes rencontres que M. Assouline. Ce travailleur égyptien arrêté à la gare du Nord et ce travailleur tunisien, j’aurais pu, moi aussi, les rencontrer.

Ces personnes n’auront des droits que si nous établissons une législation ordonnée, à l’instar de celle que vous avez commencé à mettre en place il y a quelques années, monsieur le ministre, une législation qui, en outre, s’inscrive dans la durée.

Le respect de l’immigration légale passe automatiquement par une politique forte en matière d’immigration, celle que vous avez engagé voilà quelques années, et il est nécessaire de l’affirmer à nouveau très clairement.

Ces deux orientations correspondent à une attente réelle des Français. Certains aimeraient que vous ne fassiez rien et que la société française continue à se déliter...

Protestations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

M. Philippe Dominati. S’il ne se passait rien, en effet, cela serait plus facile et permettrait de nourrir les extrémismes...

Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

Or les Français attendent que vous agissiez !

Je tiens à souligner le rôle personnel que vous avez joué sur la durée, monsieur le ministre, en assumant cette politique : d’abord, par la création d’un ministère spécifique, une action relayée, comme vous l’avez dit, par votre successeur et menée également par votre prédécesseur ; ensuite, par le regroupement de ces compétences sous votre autorité. Je salue, dans cette action, la continuité politique et la continuité personnelle.

J’estime qu’il est nécessaire de vous apporter non pas un soutien technique – car mes collègues l’ont très bien fait –, mais un soutien politique.

Dans ce projet de loi, trois sujets font l’objet d’un débat.

Tout d’abord, en ce qui concerne l’allongement de la durée légale de rétention de 32 à 45 jours, on s’aperçoit que l’harmonisation européenne n’est pas réalisée : nous sommes bien loin de nos voisins les plus immédiats que sont l’Italie, l’Allemagne et l’Espagne de M. Zapatero.

J’en viens, ensuite, à l’asile politique. Il y a peu, nous recevions autant de refugiés que les États-Unis, la Grande-Bretagne, l’Allemagne, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et le Canada réunis. Il est tout à fait normal de veiller à ce que ces règles ne soient pas détournées ! Ce n’est d’ailleurs pas le cas, comme le montrent les chiffres de l’asile politique, puisque celui-ci a augmenté dans notre pays, au cours des trois dernières années, respectivement de 20 %, 12 % et 8 %.

Enfin, en ce qui concerne le problème de la déchéance de la nationalité, je remercie Louis Nègre d’avoir rappelé quel était l’état du droit antérieur, notamment sous les deux septennats du Président Mitterrand.

Il est vrai que cette mesure peut être considérée comme problématique, dans la mesure où elle concerne une seule catégorie de personnes. Selon Mme Boumediene-Thiery, tout crime pourrait justifier la déchéance de la nationalité. Autrement dit, elle serait prête à accepter cette mesure si celle-ci était susceptible de concerner tout crime concernant des Français. Voilà peut-être ce que signifiait son cri du cœur ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Sûrement pas ! Votre interprétation n’est pas la mienne !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

Pour ma part, je ne partage pas cette opinion, car nous parlons d’un délai temporaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

Je termine, monsieur le président.

Avec la proposition qui nous est présentée, monsieur Assouline, vous avez les mêmes droits que tous les Français.

En l’occurrence, il s’agit d’une question de durée : faut-il allonger le délai permettant d’accéder à la nationalité, ou le raccourcir en prévoyant une période qui serait, d’une manière ou d’une autre, probatoire, comme l’a prévu pendant longtemps notre droit civil.

Telles sont les raisons pour lesquelles je soutiens ce texte. Je tenais surtout, monsieur le ministre, à vous faire part d’un message politique : ne faiblissez pas face à une opposition qui ne souhaite pas que nous disions la vérité sur ce sujet ! Je vous encourage également à trouver, comme vous le faites depuis quatre ans, le juste équilibre dans le cadre de l’action que vous menez.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – M. Claude Biwer applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à remercier l’ensemble des orateurs, que j’ai écoutés avec beaucoup d’attention.

Bien évidemment, il y avait, d’un côté comme de l’autre, une part de posture... Mais j’ai perçu au cours de cette discussion générale, et alors même que je fais partie du Gouvernement depuis quelques années, une très grande sincérité – je ne pense pas me tromper à cet égard – dans l’expression des convictions, qui n’empêche pas l’existence de vraies différences.

J’ai cependant été frappé que sur les travées de la gauche aucun des orateurs, dont les interventions étaient toutes étayées d’arguments sur lesquels je reviendrai, n’ait évoqué la réalité. En revanche, ils ont fait preuve, trop souvent, d’un véritable déni de réalité.

À aucun moment, dans ces interventions, la question des conséquences de l’immigration n’a été posée en termes de défi : défi d’intégration, de logement, d’éducation, d’emploi, d’équilibre et de cohésion ! Peut-être ces propos évolueront-ils au cours du débat... §

Il y a eu certes des raccourcis faciles et des confusions volontaires – c’est classique ! –, mais aussi des interventions qui sortaient des sentiers battus.

Je suis donc quelque peu dubitatif. Je vous demande de bien vouloir, à votre tour, croire à ma sincérité, d’autant que, comme plusieurs orateurs l’ont dit, je ne suis pas l’auteur de cette réforme, contrairement à celle de 2007, à laquelle j’avais personnellement imprimé mon empreinte. En l’occurrence, j’assume la continuité du Gouvernement sur la base d’un texte essentiellement préparé par mon prédécesseur.

Je suis frappé que même les dispositions les plus techniques ne trouvent pas grâce à vos yeux ! Pour être crédibles sur ces sujets, vous devriez tout de même reconnaître, de temps en temps, que certaines de ces dispositions ne posent pas de difficulté.

Monsieur Yung, comme je vous l’ai dit rapidement lorsque vous avez rejoint votre siège, vous avez eu des mots formidables et, je vous le dis franchement, il n’y a pas grand-chose qui m’ait choqué dans votre intervention. Mais vous ne tirez aucune conséquence de vos propos dans les actes ! On ne peut pas s’abriter derrière la beauté des mots et, dans la pratique, refuser les conséquences de ces mots...

Vous vous défendez d’avoir jamais cautionné l’immigration illégale. Or la multiplication des amendements de suppression déposés, article après article, par le groupe socialiste, entre totalement en contradiction avec le contenu de votre intervention !

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Mais si ! S’il est vrai que vous ne cautionnez pas l’immigration illégale, alors vous devez soutenir certains des dispositifs qui figurent dans ce texte.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Sinon, il ne s’agit que de postures ou de mots !

Faites très attention : vous devez être en phase avec la société française ! Ne vous contentez pas de dire que vous êtes hostiles à l’immigration illégale, sans en tirer la moindre conséquence. À défaut, sans aller jusqu’à parler de supercherie, je vous avertis qu’à un moment donné la vérité apparaîtra : certains veulent lutter contre l’immigration illégale pour promouvoir l’immigration légale, et d’autres, qui ne le veulent pas, finissent par tout accepter !

Par ailleurs, vous avez opposé notre politique à celle qui est menée par l’Allemagne en faveur de l’immigration professionnelle

M. Richard Yung s’exclame.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Prendre l’exemple de la politique menée par l’Allemagne sans en tirer les conséquences, qu’est-ce donc, sinon une posture purement partisane et idéologique ?

Je tiens à remercier Jean Bizet, dont j’ai totalement découvert l’intervention, qui était intéressante, riche, documentée et européenne.

À ce propos, monsieur le président Collin, votre groupe devrait s’appeler non plus RDSE, mais RDS, car vous avez renoncé au mot « européen » ! Toute une série de mesures prévues dans ce projet de loi sont précisément d’inspiration européenne. Vous devriez les approuver avec enthousiasme !

Certes, vous avez fait part de votre opposition de manière nuancée et équilibrée, car tel est votre tempérament et celui des membres de votre groupe. Cependant, j’imagine que les lecteurs de La Montagne, de même que les grands électeurs de M. Mézard, seront très surpris en apprenant que ce dernier souhaite que les terroristes continuent à être hébergés, nourris, logés et blanchis dans un hôtel de Mauriac...

Protestations sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

M. Brice Hortefeux, ministre. Puisqu’il ne s’agit pas d’une caricature, monsieur Mézard, j’encourage les sénateurs qui siègent sur certaines travées de cet hémicycle et vous-même à adopter cette mesure !

Exclamations sur les mêmes travées.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Madame Boumediene-Thiery, vous récusez ce texte en bloc, ce qui est normal. Dans le cas contraire, j’aurais été déçu !

Vous proposez en fait, sans l’exprimer directement – mais je pense que vous êtes suffisamment sincère et courageuse pour assumer cette position ! –, …

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

… de supprimer tout contrôle de l’immigration irrégulière.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Cela a le mérite de la clarté ! Cette conception souligne d’ailleurs la diversité du groupe auquel vous appartenez...

Vous assumez parfaitement ce point de vue : l’immigration irrégulière, allons-y ! Pour vous, que les immigrants soient réguliers ou irréguliers, qu’ils respectent ou non les règles, qu’ils suivent le parcours légal ou s’assoient dessus, c’est la même chose ! C’est votre droit, mais c’est une vraie différence entre nous, que j’assume également.

Je reconnais, monsieur Assouline, que vous avez fait un très bon discours sur la forme.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

J’y reviens ! Monsieur Assouline, vous avez évoqué deux situations individuelles, effectivement émouvantes, compte tenu de l’origine des personnes concernées et de l’actualité. Comme l’a dit à juste titre M. Dominati, nous connaissons tous des exemples de ces situations.

Or les cas auxquels vous avez fait référence dans votre intervention sont précisément ceux de personnes qui n’avaient pas respecté les règles d’entrée sur notre territoire !

À aucun moment, vous n’avez eu une seule pensée, un seul mot, pour ceux qui se sont donné la peine, pour entrer sur notre territoire, de respecter nos règles et nos lois !

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

À aucun moment ! Vous n’avez parlé que de ceux qui ne voulaient pas respecter ces règles...

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

M. David Assouline. Non ! Vous n’avez pas entendu !

M. David Assouline brandit le texte de son intervention.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

S’agissant du droit d’asile, je le dis à Yves Détraigne, dont je connais l’attachement à ces questions, dans la tradition politique qui est la sienne : oui, la France honore sa tradition d’accueil des réfugiés politiques, comme elle le fait depuis des siècles. Mais elle refuse, je le dis très clairement, que ce droit d’asile soit dévoyé.

L’engagement budgétaire de l’État en faveur du droit d’asile n’a jamais été aussi élevé. Il représentait 374, 7 millions d’euros voilà sept ou huit ans ; il s’élève à 425, 8 millions d’euros en 2010. Cela représente une augmentation de près de 14 %.

Mais il faut aussi garder à l’esprit que le droit d’asile est fait pour protéger les victimes de l’oppression, et non pour autre chose.

Puisque nous évoquons notre tradition d’accueil, je voudrais, à l’instar de M. le sénateur Détraigne, revenir sur la situation dramatique d’Haïti et la réponse que la France y a apportée.

Nous n’avons pas à rougir de notre action. Depuis le séisme de l’hiver dernier, nous avons mis en place un dispositif exceptionnel : 9 000 visas ont été délivrés à des Haïtiens à partir du mois de février 2010, 4 500 titres de séjour ont été accordés et le nombre de ressortissants haïtiens admis au séjour en France a progressé de 45 % entre 2009 et 2010.

Il s’agit là non pas de postures, de slogans ou d’idéologie, mais de la démonstration de la réalité de notre politique, qui vise précisément à ouvrir, à accueillir dès lors qu’une forme de solidarité doit s’exercer. La solidarité de la France à l’égard d’Haïti a pris la forme d’un appui en matière de moyens de sécurité civile et d’aide humanitaire, mais s’est également traduite par l’accueil d’un certain nombre de ses ressortissants sur notre territoire.

Je tiens par ailleurs à rétablir la vérité sur la lutte contre l’immigration irrégulière.

Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, vous me pardonnerez de m’exprimer ainsi, mais je constate – et je le regrette – que tous ceux d’entre vous qui se sont exprimés ont défendu une même position – mais peut-être ai-je mal compris –, qui consiste simplement à ne rien changer, …

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

… alors que nous, nous souhaitons précisément le contraire ! Cessez de répéter « Caricature », monsieur Fischer !

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

La langue française comporte de nombreux autres mots !

La vérité, c’est que les temps changent ! La réalité des flux migratoires évolue ! Libre à vous, monsieur Fischer, de le contester et de le nier, mais telle est la réalité et la société française le sait ! Vous, vous ne le savez pas, mais vous finirez par l’apprendre !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je vis aux Minguettes depuis des années, depuis plusieurs décennies !

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Et puisque la réalité des flux migratoires évolue, il faut naturellement que nous adaptions nos moyens en conséquence.

Une fois encore, j’ai entendu ceux qui prônent l’angélisme, un angélisme qui dissimule peut-être quelques arrière-pensées. Ils écartent d’un revers de main un constat simple : fermer les yeux devant l’immigration irrégulière revient à donner une prime permanente aux fraudeurs, aux tricheurs, aux organisateurs de filières ! Voilà la réalité !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Scandaleux ! C’est comme les pauvres : tous des fraudeurs !

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

De la même manière, madame la sénatrice Assassi – je vous écoute toujours avec beaucoup d’attention –, où avez-vous vu que la France aurait été condamnée par la Commission européenne ou la Cour de justice de l’Union européenne ? Où donc ?

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Je n’ai pas mentionné la Commission européenne !

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Nulle part ! La Commission européenne a effectivement soulevé un certain nombre d’interrogations lorsque notre pays a procédé à des retours de ressortissants roumains en situation irrégulière.

Aujourd’hui, à Paris, un vol sur cinq est commis par un ressortissant roumain. Madame Assassi – vous êtes une élue –, libre à vous de faire comme si ce n’était pas une réalité connue, publique, officielle ! Libre à vous de le nier ou de ne pas le voir ! Pour notre part, nous n’avons pas choisi de fermer les yeux et de faire comme si rien ne se produisait. Notre défi, notre devoir, c’est de résoudre les problèmes de notre société, et cela en fait partie. §

Laréalité, c’est que la Commission a conclu qu’à aucun moment la France n’avait pris des mesures inappropriées. Elle nous a simplement invités à procéder à quelques ajustements pour parachever la transposition de la directive de 2004 et nous y procédons dans le présent projet de loi, qui devrait donc, au moins sur cet aspect-là, recueillir votre approbation.

M. Richard Yung s’exclame.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Monsieur le président Yvon Collin, vous avez admis lors de votre intervention que la lutte contre l’immigration irrégulière était légitime. Mais allez donc au-delà de simples vœux, que je n’ose qualifier de « pieux » s’agissant du groupe RDSE !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

M. Brice Hortefeux, ministre. Franchissez un cap, que je qualifierai de cap de courage

Nouveaux sourires.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

À ce propos, je ne sais pas où certains d’entre vous ont cru lire que la directive Retour du 16 décembre 2008 s’opposerait à un allongement de la durée de rétention. Si vous lisez le texte, il est écrit exactement le contraire !

En effet, l’article 15 de cette directive prévoit explicitement : « La rétention est maintenue aussi longtemps […] qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. Chaque État membre fixe une durée déterminée de rétention, qui ne peut pas dépasser six mois. » Ainsi que je l’indiquais tout à l’heure, cette durée peut même s’allonger jusqu’à dix-huit mois dans certains cas.

Encore une fois, le calcul n’est pas très complexe et il est assez rapide à faire : quarante-cinq jours, c’est une durée inférieure à six mois ! D’ailleurs, dans certains cas, quarante-cinq jours seront nécessaires pour obtenir des laissez-passer consulaires. Je vous l’ai dit et je vous le confirme : j’ai évolué sur ce plan.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je répondrai à présent aux questions précises que vous m’avez posées sur les dispositions du texte.

J’ai bien entendu vos observations sur les dispositions concernant le contentieux de l’éloignement et la rétention des étrangers en situation irrégulière.

Tout d’abord, je répondrai à M. Détraigne sur la réforme du contentieux. Monsieur le sénateur, vous avez nourri le débat par des propos équilibrés.

Vous vous interrogez sur la conformité à la Constitution de la réforme proposée par le Gouvernement et approuvée par l’Assemblée nationale. Permettez-moi d’apporter deux précisions à ce sujet.

Premièrement, le Conseil constitutionnel a effectivement validé le principe d’une intervention du juge des libertés et de la détention au bout de quarante-huit heures et, à l’inverse, n’a pas admis que ce délai puisse être de sept jours. Mais il n’a pas fixé de bornes plus précises et, en tout état de cause, rien n’indique qu’il s’opposerait à une durée de cinq jours.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Deuxièmement, lorsque le Conseil constitutionnel examinera cette disposition du texte, il vérifiera naturellement sa conformité au principe selon lequel l’autorité judiciaire est gardienne de la liberté individuelle. Mais il examinera également la conformité aux autres principes constitutionnels que sont, d’une part, la bonne administration de la justice et, d’autre part, la compétence de la juridiction administrative. J’ai la faiblesse de penser que cette réforme permet de mieux respecter ces principes.

Cependant, la véritable question – et elle a été posée plus ou moins expressément par tous les orateurs – consiste à savoir si cette réforme porte atteinte aux droits de l’étranger ; voilà la préoccupation majeure !

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

M. Brice Hortefeux, ministre. À moins d’être dans un déni absolu de la réalité et totalement déconnecté de la société, une première réponse consiste à ne pas raisonner comme si la situation actuelle était une situation idéale. Il arrive régulièrement, aujourd’hui, qu’un juge des libertés et de la détention prolonge la rétention d’un étranger et que, le lendemain, le juge administratif annule la décision du préfet qui avait entraîné la mise en rétention. En réalité, la réforme que nous proposons introduit plus de sécurité juridique, et ce au bénéfice de l’étranger lui-même.

M. Guy Fischer est dubitatif.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Seconde réponse à la question posée, je vous rappelle – et il est curieux que ce point n’ait pas été souligné – que le juge administratif n’est pas un ersatz ; c’est un vrai juge. Son indépendance n’est ni contestée ni contestable puisqu’elle a même été reconnue par le Conseil constitutionnel. Le juge administratif protège les libertés tout autant que le juge judiciaire.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

M. Brice Hortefeux, ministre. L’étranger peut le saisir d’un recours suspensif, si bien qu’il ne peut pas être éloigné tant que le juge administratif n’a pas statué.

M. Guy Fischer s’exclame.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Ensuite, je voudrais dire quelques mots sur le droit de recours des étrangers mis en rétention.

Je tiens à remercier Mme Catherine Troendle d’avoir soulevé la question. Madame la sénatrice, permettez-moi de vous préciser à ce sujet que tout étranger en situation irrégulière peut, dès le moment où il est placé en rétention – c’est-à-dire lorsqu’il reçoit notification de l’arrêté en présence de l’interprète –, formuler un recours devant le tribunal administratif contre sa mise en rétention.

Enfin, j’évoquerai l’interdiction de retour.

Monsieur le rapporteur François-Noël Buffet, vous avez rappelé votre souhait que l’interdiction de retour ne soit pas systématique mais relève d’une appréciation du préfet au cas par cas. Je suis tout à fait prêt à reconnaître, et ce d’autant plus qu’il n’y a pas de droit d’auteur dans ce domaine

Sourires.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Il faut d’ailleurs dire des choses simples sur cette interdiction de retour. Lorsqu’un étranger en situation irrégulière fait l’objet d’une mesure d’éloignement, – voilà une affirmation qui nous différenciera de vous, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition – la moindre des choses est qu’il ne revienne pas immédiatement en France ! Si vous soutenez le contraire, surtout, dites-le ! Pour notre part, notre position est claire et je la réitère : quand un étranger en situation irrégulière fait l’objet d’une mesure d’éloignement, il ne doit pas revenir immédiatement dans notre pays !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Défendez l’inverse, cela ne pose aucun problème !

J’ajoute que cette interdiction de retour n’a bien sûr aucun caractère automatique.

Son prononcé doit être motivé, sa durée peut être modulée…

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

M. Brice Hortefeux, ministre. … et, surtout, à tout moment, la possibilité de l’abroger demeure. Il s’agit d’une mesure, et je vous remercie de me donner l’occasion de le souligner, qui souligne l’équilibre guidant notre action.

M. Guy Fischer fait un signe de dénégation.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Mais vous le pensiez !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Non ! Ce que je voulais dire c’est que la tendance est à l’allongement des délais !

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

J’en viens à la question de la nationalité.

D’abord, en ce qui concerne l’accès à la nationalité et l’assimilation qu’elle induit, et je crois l’avoir dit en commission des lois, je ne suis pas un fanatique du mot « assimilation ».

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Mais nous partons d’un principe simple : l’assimilation, pour l’opinion commune – et pour des personnes qui ont des idées proches des vôtres, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition –, c’est plus que l’intégration. Je citerai à ce sujet Patrick Weil qui, honnêtement, est certainement plus proche de vous que de nous. Je ne reviendrai pas sur son engagement passé, car chaque fois que je l’évoque cela l’énerve, mais soyez sûrs que j’ai toute sa biographie en mémoire.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Et même sa fiche aux Renseignements généraux !

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Non, c’est historique, monsieur Assouline ! M. Weil était engagé dans une famille politique dans laquelle vous n’étiez pas vous-même parce que vous étiez beaucoup plus loin, à gauche…

M. Weil, qui est présenté – et c’est certainement exact – comme un spécialiste de la question – encore une fois, il est insoupçonnable de la moindre proximité avec le Gouvernement, je peux en témoigner depuis plusieurs années –, déclarait en septembre dernier : « Il ne faut pas avoir peur du mot assimilation et le rejeter, car elle existe dans tous les pays d’immigration […] ».

Pour être tout à fait complet, monsieur Assouline, j’ajouterai que c’est en 1945, sur proposition du Conseil national de la Résistance, que l’assimilation a été inscrite dans le code civil.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

On peut modifier le code civil ! Il nous est déjà arrivé de le faire !

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Ensuite, concernant la déchéance de la nationalité, je citerai de nouveau Patrick Weil : « La déchéance, loin d’être étrangère au droit libéral de la nationalité, en est constitutive ».

Monsieur le sénateur Détraigne, vous le savez – vous vous êtes en effet montré sensible à la question –, il s’agit de prévoir la possibilité de retirer la nationalité française à ceux qui attentent à la vie d’une personne dépositaire de l’autorité publique. Qui peut sérieusement contester que ce type d’acte criminel extrêmement grave est, heureusement, rare ? Il me semble d’ailleurs que c’est M. David Assouline qui l’a rappelé. Mais ce n’est pas parce qu’un tel acte est rare que l’on doit faire comme s’il n’était pas perpétré ! La notion d’équité et d’égalité encourage précisément à prendre en compte cette réalité.

Je rappelle que l’avis conforme du Conseil d’État est obligatoire avant que le décret puisse être pris. C’est une garantie d’autant plus forte que cette procédure est et sera rare.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

C’est un sophisme ! Cela n’existait pas avant !

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

J’ai compris que vous posiez la question du principe même de la mesure. Je vous le dis, là aussi très sereinement : le Gouvernement estime qu’assassiner un représentant de l’ordre est suffisamment grave pour considérer que l’auteur, s’il a acquis la nationalité française récemment, n’a manifestement pas pris la mesure des valeurs auxquelles il a volontairement adhéré. (M. Louis Nègre applaudit.)

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Certains d’entre vous, notamment David Assouline – pardonnez-moi si ce n’était pas le cas –, ont invoqué la décision du Conseil constitutionnel du 16 juillet 1996 pour en retenir ce quelle ne permet pas de faire.

A contrario, je vous rappellerai très exactement ce que permet une telle décision : « pour des raisons d’intérêt général […] le législateur a pu […] prévoir la possibilité, pendant une durée limitée, pour l’autorité administrative de déchoir de la nationalité française ceux qui l’ont acquise sans que la différence de traitement qui en résulte viole le principe d’égalité […] ». C’est exactement ce que nous voulons faire aujourd’hui ! Cela signifie qu’il ne s’agit en aucun cas de créer deux catégories de Français !

Je souhaite répondre encore à deux questions qui m’ont été posées lors de la discussion générale.

Madame Garriaud-Maylam, je vous confirme que la circulaire rappelant aux agents de l’administration la nécessité d’appliquer les règles de simplification des justificatifs de nationalité pour l’obtention d’une carte d’identité ou d’un passeport a été envoyée au préfet le 1er février, hier donc.

MM. Jean-Pierre Bel et Jean-Pierre Sueur s’impatientent.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

J’ai tenu, conjointement avec le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, et la ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes, à ce que les préfets, les parquets et les consuls reçoivent les mêmes instructions.

Monsieur Antoinette, les chiffres relatifs aux reconduites effectuées à partir des territoires d’outre-mer ne sont pas inclus dans le chiffre relatif au territoire métropolitain, soit 28 000 pour l’année 2010.

Pour la Guyane, le chiffre est effectivement de 9 000 – chiffre qui s’ajoute donc au chiffre national –, alors qu’il s’agit à l’évidence, vous l’avez dit vous-même, d’un département qui ne peut pas accueillir un tel flux de migrants. J’ai pu le mesurer par moi-même, et je vous engage d’ailleurs à inviter vos collègues à venir sur place – ce qu’ils feront, je n’en doute pas, avec un immense plaisir – pour qu’ils puissent faire de même.

J’ai également pu constater que le sujet n’était pas « corseté » par les frontières partisanes et faisait au contraire l’objet d’un consensus qui en étonnerait beaucoup et qui en tout cas dépasse largement les frontières qui existent au sein de la Haute Assemblée.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Mesdames, messieurs les sénateurs, avec ce projet de loi, nous faisons donc trois choix.

D’abord, nous faisons le choix de la pleine intégration des étrangers qui sont en France en situation régulière. C’est le premier message que nous devons porter : oui, ceux qui respectent nos lois et les conditions pour venir sur notre territoire sont les bienvenus !

Ensuite, nous faisons le choix d'une lutte résolue contre les formes d’esclavagisme moderne, et je remercie Catherine Troendle d'avoir souligné que nous combattions toutes ces pratiques inhumaines.

Enfin, même si nous pouvons encore certainement améliorer notre action dans cette voie, nous faisons le choix du développement solidaire et du codéveloppement dans les pays d'origine de l’immigration, parce que, pour répondre aux défis de l’immigration, nous devons bien sûr nous préoccuper de ce qui se passe dans ces pays et y encourager le développement économique, social et, d’ailleurs aussi, démocratique.

C'est par ces choix pragmatiques, responsables et cohérents que nous parviendrons, mesdames, messieurs les sénateurs, à consolider l'équilibre de notre communauté nationale et la cohésion de notre société.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – M. Claude Biwer applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je suis saisi, par MM. Sueur, Yung et Anziani, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n° 492.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité (240, 2010-2011).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Monsieur le ministre, il y a, et vous le savez bien, quelque chose qui ne va pas dans votre discours.

Il y a eu six lois sur l’immigration en cinq ans.

M. le ministre fait un signe de dénégation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

J’ai relu – et l’on pourrait d’ailleurs faire le même exercice en matière de sécurité – ce que disaient les membres du Gouvernement, vous-même parmi eux, pour défendre chacune de ces lois et je vous invite, monsieur le ministre, à relire leurs paroles.

À tous les coups, on nous a dit la même chose.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Bien sûr !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

« Vous êtes dans l’idéologie, dans le déni de réalité ; nous, nous sommes concrets, nous luttons contre l’immigration clandestine…

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

C’est vrai !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Mais, cela, vous l’avez dit pour la première, pour la deuxième, et vous l’avez encore dit aujourd'hui ! Vous le redirez pour la prochaine… et pour celle d’après, qui, comme toutes les précédentes lois sur l’immigration clandestine devra enfin régler ce problème que nous ne voudrions pas voir.

Pourquoi faut-il alors qu’il y ait, chaque année, une ou deux nouvelles lois sur la sécurité et une nouvelle loi sur l’immigration ? C’est une question à laquelle vous n’avez pas répondu.

Vous avez bien entendu ce qu’a dit M. Yung. Il y a six ans, les organismes qui travaillent sur ces sujets avaient évalué le nombre d’étrangers en situation irrégulières à environ 300 000. Aujourd’hui, ces mêmes organismes évaluent ce nombre à… environ 300 000. Quelle efficacité par rapport à votre objectif !

Vous regardez, vous, la réalité…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

M. Jean-Pierre Sueur. …et vous faites, dites-vous, baisser l’immigration clandestine. Mais la réalité est toujours la même !

M. le ministre fait un signe de dénégation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

La réalité, vous le savez bien, ne se partage pas entre ceux qui font des discours et ceux qui s’occupent du monde réel. Vous êtes vous-même un formidable discoureur et, à cet égard, le discours de Grenoble est emblématique.

Comme l’a dit l’autre jour, alors que nous inaugurions un mémorial – et je ne fais aucune assimilation – avec Simone Veil et Jacques Chirac, la fille de Jean Zay, chaque fois que l’on commence à parler d’un peuple, d’une ethnie, d’un groupe en le montrant du doigt – et c’est bien ce qui s’est passé à Grenoble ! –, on entre dans cette spirale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

C’est vous, monsieur le ministre, qui vivez de discours parce qu’il vous faut toujours frapper l’opinion. C’est pour cette raison que les déplacements sont si nombreux – encore un demain, et peut-être nous y retrouverons-nous – pour répéter inlassablement les mots « sécurité » et « immigration » !

Le Premier ministre Lionel Jospin, qui jamais – jamais ! – n’a fait de démagogie sur la question de l’immigration clandestine, a été rigoureux, mais il est resté fidèle à un certain nombre de principes qui nous sont chers dans cette République : il a suscité le respect sans pour autant en rajouter dans cette rhétorique.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Cela a très bien marché…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

David Assouline l’a dit avec une grande émotion et beaucoup de force – ce fut un discours sobre et fort, cher David –, il est dangereux de présenter toujours l’étranger comme un problème, une menace, de susciter la peur, de ne jamais dire que, l’étranger, c’est aussi, depuis toujours, une chance pour la société.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je vis depuis quarante ans dans un quartier d’Orléans – justement, vous y viendrez demain, monsieur le ministre – où il y a soixante-douze nationalités : je mesure les chances, et je n’ignore aucun des problèmes.

Vous connaissez les limites des dispositifs « compétences et talents », mais voyez ceux que vous proposez pour accompagner la « carte bleue ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Il est à craindre que ces dispositifs, que la presse d’hier et d’aujourd'hui expliquait, n’attirent que peu de ces personnes que l’on voudrait attirer, surtout si l’on compare avec ce qui se passe en Grande-Bretagne et en Allemagne !

J’en viens, puisque c’est l’objet de la motion, au rapport du texte à la Constitution.

Je vais reprendre certains des arguments qui ont été employés par notre collègue Sandrine Mazetier à l’Assemblée nationale, en précisant que, sur le plan de l’inconstitutionnalité, les choses ne sont pas encore jouées, et cela pour une raison simple : l’objet du débat parlementaire est précisément d’examiner de près un projet de loi et peut-être certains amendements seront adoptés qui réduiront les sources d’inconstitutionnalité. J’en accepte en tout cas le présage.

Je commencerai par les conditions de la privation de liberté.

Vous connaissez l’article 66 de la Constitution : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. L’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi. »

Les articles 6 à 12 du projet de loi créent des zones d’attente que vous dites temporaires, mais rien n’est moins sûr.

Le séjour en zone d’attente, même temporaire, est un régime privatif de liberté, comme l’a expressément et explicitement considéré le Conseil constitutionnel dans sa décision du 25 février 1992 : « […] le pouvoir de maintenir durablement un étranger en zone de transit, sans réserver la possibilité pour l'autorité judiciaire d'intervenir dans les meilleurs délais […] est […] contraire à la Constitution ».

Le présent projet de loi respecte-t-il ces exigences ? Nous ne le pensons pas et nous aurons l’occasion de nous en expliquer.

L’article 37 du projet de loi, dont on a beaucoup parlé, prévoit l’allongement du délai de la saisine du juge des libertés et de la détention.

Vous avez vous-même cité le Conseil constitutionnel : « La liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible ». Le projet de loi assure-t-il le respect de cette condition ? Vous savez bien que non.

Je citerai encore – mais est-ce nécessaire ? – l’article 5 de la convention européenne des droits de l’homme : « Toute personne arrêtée ou détenue […] doit être aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires et a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable, ou libérée pendant la procédure. »

Or, avec le dispositif proposé dans le projet de loi, une personne pourra être reconduite à la frontière avant même que le juge des libertés et de la détention ait pu se prononcer !

La commission des lois avait d’ailleurs voté contre cette disposition du projet de loi.

Entre parenthèses, monsieur le ministre, comme moi, vous n’ignorez pas – les gazettes nous ont informés – ce qui s’est passé ensuite : il semble qu’une fois encore – nous sommes quelque peu habitués –, sans doute lors d’un petit déjeuner, des décisions aient été prises dans un château de la rive droite, décisions qui se sont illico concrétisées par l’arrivée, devant la commission des lois, d’un amendement de M. Longuet que celui-ci nous a présenté ès qualités, en tant que président du groupe UMP !

Monsieur le ministre, tout cela manque un peu de tact, de souplesse, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

… de subtilité, mais toujours est-il que la commission des lois a retoqué cet amendement du président du groupe UMP et j’espère que notre assemblée sera fidèle – nous en avons parlé, madame Troendle – à celle-ci.

Cela supprimera, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, une source d’inconstitutionnalité dans le texte.

Je pourrais encore citer d’autres références, mais je n’en aurai pas le temps, ce qui m’amène d’ailleurs, monsieur le président, à observer que, si l’on faisait le décompte des temps de parole, en intégrant, bien entendu, celui du Gouvernement, entre le temps dont auront disposé dans ce débat les orateurs de la majorité et ceux de l’opposition, on constaterait un très grand écart.

M. Charles Revet s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Nous vous connaissons, vous allez vous rattraper. Vous avez d’ailleurs commencé !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Nous aurons en effet l’occasion de nous rattraper, j’en conviens, monsieur le président Hyest.

Je m’en tiendrai donc à signaler que vous réduisez les droits de la défense et le pouvoir d’appréciation des juges avec les articles 8, 12, 42 et 43 du projet de loi. Ces articles créent en effet un système spécifique inacceptable de purge des nullités qui donnera place à l’arbitraire.

J’insiste sur le fait que la notion de grief « substantiel », qui figure à l’article 39 du projet de loi – « Une irrégularité n’entraîne la mainlevée de la mesure de placement que si elle présente un caractère substantiel » – ouvre aussi la porte à l’arbitraire. Qu’est-ce que ce « caractère substantiel » ? Dans notre pays, il y a des irrégularités, des délits, des violations de la loi, mais il n’y a pas de délits « substantiels » ou « insubstantiels ».

Je pointerai encore la question de la notification des droits à l’article 38 du projet de loi : « Le juge tient compte des circonstances particulières liées notamment au placement en rétention simultané d’un nombre important d’étrangers pour l’appréciation des délais relatifs à la notification de la décision, à l’information des droits et à leur prise d’effet. »

De même, la brièveté des délais de recours prévus par la procédure d’urgence conforte l’arbitraire.

Au sujet de la déchéance de la nationalité, je ne reviendrai pas sur le caractère odieux, inacceptable et insupportable des crimes que vous citez, monsieur le ministre, qu’il s’agisse du meurtre d’un policier, d’un gendarme ou d’un magistrat. Nous sommes tous d’accord sur ce point.

Cela est aussi inacceptable, aussi insupportable et aussi odieux s’il est le fait d’un Français d’origine ou non. La France, qui est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale, assure l’égalité devant la loi, sans distinction d’origine, de race ou de religion. C’est cela qu’il faut dire tout simplement.

Il ne faut pas non plus créer des apatrides. Retirer la nationalité à quelqu’un qui n’a pas d’autre nationalité est contraire à la position du Conseil constitutionnel.

Je pourrais aussi parler du droit d’asile : de la réduction de l’aide juridictionnelle par rapport au droit d’asile qui n’est pas justifiée, des procédures prioritaires d’expulsion à quarante-huit heures avant même que l’intéressé ait pu faire valoir ses droits à demander le droit d’asile et des zones d’attente où l’OFPRA est absent.

Je pourrais continuer, mais je vais essayer, monsieur le président, de respecter le temps qui m’a été imparti.

Monsieur le ministre, je reviendrai sur cette parole que vous avez eue, un peu bizarrement, à deux ou trois reprises.

Vous avez dit : « Ce texte n’est pas une cathédrale ». Nous ne demandons pas à un texte de loi qu’il soit une cathédrale ! Peut-être sentez-vous que nous aurions dit, de toute façon, que les cathédrales précédentes n’ont pas tenu debout, qu’elles n’ont pas eu l’effet requis, sinon par la force du verbe, où vous excellez, je vous l’accorde volontiers.

Ce sont de petites chapelles, pourrait-on penser. Je ne suis pas sûr que ces petites chapelles soient illuminées par « l’obscure clarté qui tombe des étoiles », dont parlait Corneille.

Il s’agit plutôt de petits cachots souterrains, souvenirs de la maison des morts, selon M. Richard Yung, des entrelacs tortueux.

Monsieur le président de la commission des lois, je ne peux m’empêcher de songer à tous ceux qui se tournent vers nous, vers la France fraternelle, vers la France qui a des lois et qui veut qu’elles soient appliquées et qui pense qu’il faut une législation sur l’entrée des étrangers, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

… mais qui vont errer dans le dédale des zones d’attente, des centres de rétention et des tribunaux forains, installés de manière temporaire, dit-on, juste à côté des centres de rétention, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

… de telle manière que cette justice foraine soit partout, dans les locaux techniques, dans les sous-sols, dans les combles, dans les vestibules et les vestiaires. Il y aura partout des tribunaux qui jugeront vite, si toutefois il est possible d’accéder à un juge !

Monsieur le ministre, c’est une certaine idée de la France. Vous ne serez pas étonné que nous en partagions une autre.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité ont développé deux séries d’arguments, à l’appui de leur demande.

Certaines des dispositions du projet de loi seraient contraires au principe d’égalité consacré à l’article 1er de la Constitution, parce qu’elles créeraient une différence de traitement entre étrangers et nationaux, ainsi qu’entre Français, selon la façon dont ils ont acquis ou reçu la nationalité française.

Il convient d’abord de rappeler que le principe d’égalité n’interdit pas de traiter différemment des personnes placées dans des situations différentes. Or, les ressortissants étrangers et les Français ne sont pas placés dans une situation identique au regard du droit au séjour.

Par ailleurs, le texte ne remet pas en cause la règle posée à l’article 22 du code civil, aux termes duquel « La personne qui a acquis la nationalité française jouit de tous les droits et est tenue à toutes les obligations attachées à la qualité de Français, à dater du jour de cette acquisition. »

La seule exception apportée à cette règle est celle qui est contenue dans la procédure de déchéance de la nationalité. Le Conseil constitutionnel a cependant jugé cette exception conforme à la Constitution, compte tenu de la gravité des motifs susceptibles de la justifier et des garanties dont elle était entourée. La commission des lois du Sénat s’est d’ailleurs attachée à renforcer encore ces garanties.

Le second grief d’inconstitutionnalité développé par les auteurs de la motion tient au non-respect des dispositions de l’article 66 de notre Constitution et aux privations de liberté imposées aux étrangers maintenus en zone d’attente ou en rétention administrative.

Sur ce point également, il convient de rappeler que l’intervention du juge judiciaire est toujours prévue. La question est celle du moment de son intervention. Initialement, le texte prévoyait un délai de cinq jours afin de mieux articuler les procédures judiciaires et administratives. La commission est revenue au délai de quarante-huit heures. Une discussion s’ouvrira sans doute sur le délai le plus pertinent, sachant que le Conseil constitutionnel a censuré un délai de sept jours.

Pour l’ensemble de ces raisons, la commission des lois du Sénat a émis un avis défavorable sur cette motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

M. Jean-Pierre Sueur a tout dit dans sa remarquable intervention. Je me contenterai d’abonder ses propos.

J’ai entendu deux types de discours.

D’une part, celui de M. le ministre, qui se voulait, d’une certaine façon, tempéré et presque technique, nous expliquant qu’il faut respecter une règle européenne. J’ai d’ailleurs entendu M. Dominati, éclairé par ces propos, affirmer qu’il avait compris que ce texte était justifié par la nécessité de mettre notre législation en conformité avec le droit européen. Bien sûr, nous ne partageons pas cette vision.

Tempéré dans sa forme, ce discours était néanmoins vigoureux sur le fond, parfois même avec quelques dérapages ! Nous avons ainsi appris que, nous autres, nous ne comprenions rien, que nous ne voulions rien changer et que nous étions même peut-être favorables à tous les trafics, en un mot que nous étions « hors sol » !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

D’autre part, nous avons entendu le discours de M. Jean-Pierre Sueur, qui n’a pas parlé de conformité avec le droit européen mais qui a posé une question forte : celle de la conformité avec notre droit constitutionnel.

Nous n’avons toujours pas de réponse à cette question et, nous le savons, l’incertitude est partagée sur toutes les travées.

Monsieur le ministre, je vous pose, à mon tour, une question aussi simple et de portée constitutionnelle : un immigré a-t-il autant de droits fondamentaux qu’un Français ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

J’entends par « droits fondamentaux », le droit à la liberté et à la dignité.

On va sans doute me rétorquer : « La question n’est pas là ! Pour qui nous prenez-vous ? » Nous vous prenons pour les auteurs de ce texte et pour ses défenseurs !

Comme l’a dit M. Jean-Pierre Sueur, ce texte comporte une difficulté constitutionnelle considérable, qui le dépasse largement et hypothèque son contenu ainsi que la vision que vous avez développée.

Cette difficulté est la suivante : dans les zones de transit, la rétention ne dépendra pas d’une décision judiciaire. C’est très grave ! Cela a trait à un principe fondamental de notre Constitution, inscrit à son article 66, premier alinéa, et selon lequel nul ne peut être détenu arbitrairement. Le second alinéa de cet article précise que c’est au juge, gardien des libertés, d’établir le caractère arbitraire ou non d’une mesure.

En manquant à ce grand principe, vous êtes hors Constitution !

Vous prétextez un souci d’efficacité et de pragmatisme, face à un contentieux de masse que vous ne pouvez pas épuiser. Il s’agit d’un raisonnement bureaucratique, selon lequel, face à la masse envahissante, il faut des procédures spécifiques !

Monsieur le ministre, c’est une question fondamentale ! Je ne dis pas que telle est votre intention, mais je vous mets en garde : chaque fois que l’on recourt à ce type de raisonnement bureaucratique qui nie les principes de notre Constitution et de la liberté reconnue à chacun on s’aventure sur un terrain glissant et liberticide.

C’est la raison pour laquelle nous soutiendrons bien sûr la motion qui a été présentée par M. Jean-Pierre Sueur.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – M. Jacques Mézard applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je mets aux voix la motion n° 492, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité et dont l’adoption aurait pour effet d’entraîner le rejet du projet de loi.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que la commission et le Gouvernement ont émis un avis défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 146 :

Le Sénat n'a pas adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 3 février 2011 :

À neuf heures trente :

1. Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité (27, 2010-2011).

Rapport de M. François-Noël Buffet, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale (239, 2010-2011).

Texte de la commission (n° 240, 2010-2011).

À quinze heures, le soir et la nuit :

2. Questions d’actualité au Gouvernement.

3. Suite de l’ordre du jour du matin.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée à minuit.