Intervention de Alima Boumediene-Thiery

Réunion du 2 février 2011 à 21h30
Immigration intégration et nationalité — Suite de la discussion d'un projet de loi

Photo de Alima Boumediene-ThieryAlima Boumediene-Thiery :

En effet, l’aide médicale d’État a eu à pâtir de cette hostilité à l’égard des étrangers et, en particulier, à l’égard des plus précaires d’entre eux, à savoir les étrangers malades et sans-papiers !

La restriction de l’accès aux soins aura non seulement des conséquences dramatiques en termes de santé publique, car je ne pense pas que le virus qui contamine fasse la différence entre le Français et l’étranger, avec ou sans-papiers, mais aussi des conséquences financières, puisque cela se révélera très coûteux pour le budget de l’État.

Une nouvelle fois, votre majorité a stigmatisé les étrangers. La tentative de porter atteinte aux droits des étrangers malades, en particulier à leur droit au séjour et, par conséquent, à leur droit aux soins, a été ici aussi réitérée !

Vous laissez entendre que les étrangers viennent dans notre pays pour se faire soigner. C’est faux !

Tout d’abord, les étrangers nouvellement arrivés doivent obligatoirement avoir souscrit une assurance pour obtenir leur visa. C’est donc l’assurance qui prend en charge les soins.

Ensuite, vous ne dites pas que la grande majorité de ces étrangers sont tombés malades en France, souvent en raison des risques et maladies professionnels auxquels ils ont été exposés.

Enfin, vous laissez planer une nouvelle suspicion. Et s’il s’agissait de faux malades qui ont recours à cette ruse uniquement pour obtenir des papiers ? Permettez-moi de vous le dire : c’est honteux !

Heureusement, l’article 17 ter du projet de loi a été supprimé en commission, car il risquait de mettre en danger la vie de plusieurs centaines de personnes !

Aujourd’hui, en examinant les amendements qui ont été déposés sur ce texte, nous avons pu constater que notre collègue Louis Nègre tentait de rétablir cet article odieux, qui a soulevé l’indignation de tous ceux qui font preuve d’humanité et de raison, qu’il s’agisse des professionnels de la santé, de l’opinion publique ou des associations de défense des droits des malades, étrangers ou non. Monsieur le ministre, je puis vous assurer que, quelles que soient leurs opinions politiques, nombreux sont celles et ceux qui s’indignent de ces pratiques et refusent de les cautionner en se taisant.

Chers collègues de la majorité, j’espère que vous saurez faire preuve de la plus grande prudence en votant contre cet amendement. Vous prouverez ainsi votre indépendance de parlementaire face à cette nouvelle pression gouvernementale !

Monsieur le ministre, le présent projet de loi, dont M. Éric Besson est l’auteur, sous prétexte de transposer des directives communautaires et de mettre la France en conformité avec le droit européen, s’en prend à toutes les branches du droit des étrangers !

Tout d’abord, ce texte s’en prend à la nationalité en créant des « sous-Français », des « Français de second collège » aurait-on dit à une autre époque, en faisant la distinction discriminante entre les Français dits « de souche » ou « naturalisés depuis plus de dix ans » et les autres, qui risquent, dans certains cas, d’être déchus de leur nationalité française !

Ensuite, ce texte s’en prend à l’entrée et au séjour des étrangers, en mettant en place un dispositif plus que contestable relatif aux zones d’attente. Ce faisant, il porte atteinte non seulement aux droits des demandeurs d’asile, en dépit du droit international qui reconnaît le droit de chercher à se réfugier et à trouver protection, mais aussi aux droits des personnes détenues dans ces zones d’attente, dont le droit à la dignité et le respect des droits fondamentaux doivent rester garantis.

Une fois de plus, votre gouvernement surfe sur la vague de l’actualité, en créant des mesures spécifiques en réaction aux seuls faits divers !

Prétextant plusieurs abus constatés, vous vous en prenez également aux droits à une défense effective en prévoyant dans ce projet de loi des dispositions en matière de procédure et de contentieux de l’éloignement !

D’ailleurs, ce nouveau dispositif est fermement contesté par les magistrats de l’ordre administratif, qui s’inquiètent et manifestent contre ces atteintes portées à la fois contre une bonne administration de la justice et contre les étrangers concernés par ces procédures.

En outre, ce projet de loi stigmatise les couples dits « mixtes », que je préfère appeler « binationaux », en créant une présomption d’« escroquerie aux sentiments ». Celle-ci ne pèse que sur la personne étrangère, qui est suspectée d’épouser un Français uniquement pour obtenir un titre de séjour ou la nationalité française !

Évidemment, pour vous, l’amour ne peut être sincère qu’entre nationaux, et il est naturellement frappé de suspicion dès qu’il existe entre deux personnes de nationalité différente. Ce concept immonde de « mariage gris » est contraire à l’article 1er de la Constitution, qui assure l’égalité de tous devant la loi.

De plus, ces dispositions, qui consistent en une augmentation des peines pénales encourues par un étranger accusé de mariage de complaisance « avec tromperie volontaire », seront en pratique inapplicables ! En effet, comment statuer sur la nature et l’intensité des sentiments d’un conjoint ? Ne pensez-vous pas qu’un Français peut aussi abuser de son conjoint étranger, que ce dernier n’est pas à l’abri de pressions ou d’un chantage affectif et peut vivre dans la peur d’être accusé injustement ?

Par ailleurs, vous réduisez de manière importante les garanties procédurales en vue de faciliter l’éloignement des étrangers « indésirables », au mépris du respect de leurs droits fondamentaux et de leurs libertés individuelles.

Enfin, vous créez également une véritable mesure de bannissement : l’interdiction de retour sur le territoire a vocation à s’appliquer à tout étranger expulsé et sera quasi impossible à contester.

Le présent projet de loi « surveille, criminalise, enferme, bannit et éloigne » les étrangers, comme l’ont, à juste titre, souligné plusieurs associations humanitaires ou de défense des droits des étrangers !

Bien d’autres points sont tout aussi contestables : la solidarité est toujours érigée en délit ; le droit au séjour des étrangers communautaires est remis en cause. En agissant ainsi, vous faites fi de nos engagements européens, que vous étiez pourtant censé transposer avec ce projet de loi !

Monsieur le ministre, comment la France peut-elle à ce point s’éloigner des valeurs de solidarité et d’accueil qui sont les siennes depuis des décennies ?

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