Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi dont nous commençons aujourd’hui à débattre touche à une question qui se trouve au fondement de notre identité et de notre contrat social : la nationalité.
Je voudrais saluer les efforts qui ont été déployés par le Gouvernement et le Parlement pour adapter notre cadre légal à la fois aux exigences du droit européen et aux évolutions de notre temps. Nous vivons dans un monde de plus en plus mobile, et il importe d’en tenir compte. En ce sens, ce projet de loi constitue une chance à saisir. Nous, parlementaires, avons la responsabilité d’adopter une attitude constructive face à des enjeux aussi essentiels, plutôt que de choisir l’obstruction ou le déni.
Ce projet de loi nous permet, par exemple, de faciliter le séjour de scientifiques-chercheurs et de leurs conjoints, ainsi que celui des conjoints des titulaires de la carte de résident délivrée pour une contribution économique exceptionnelle. Je me réjouis que la commission ait adopté les amendements présentés par Sophie Joissains que j’avais cosignés, et soutiens l’amendement de Laurent Béteille qui vise à aller plus loin dans cette voie.
Ce projet de loi est aussi une occasion de faciliter les démarches de visas pour les partenaires liés à un ressortissant français par un pacte civil de solidarité, ou PACS. J’avais présenté un amendement relatif à la motivation des refus de visas concernant ces personnes, et je suis très heureuse qu’il ait été repris par la commission des lois, devenant l’article 12 bis. J’espère que nous pourrons aller encore plus loin dans la défense du droit de ces personnes à mener une vie familiale normale, droit garanti par notre Constitution et par la Convention européenne des droits de l’homme. Nous y reviendrons dans la discussion des amendements.
L’état de notre arsenal législatif est une chose, l’esprit dans lequel il est appliqué en est une autre, et cette dimension est tout aussi importante.
Je pense notamment aux difficultés persistantes rencontrées par les Français nés hors de notre territoire ou dont des ascendants sont nés hors de France lorsqu’ils renouvellent leurs pièces d’identité. Le 14 décembre dernier, à cette même tribune, le ministre Michel Mercier a annoncé qu’une circulaire de rappel allait être diffusée, sous le sceau des ministères de la justice, de l’intérieur et des affaires étrangères, pour enjoindre les agents d’appliquer les mesures de simplification décidées antérieurement. Monsieur le ministre, je serais heureuse que vous nous fassiez part des efforts en cours sur ce plan.
De même, en matière d’attribution et de renouvellement des titres de séjour aux victimes de violences conjugales, il importe désormais de veiller à l’esprit dans lequel seront appliquées les dispositions de la loi du 9 juillet dernier et celles du présent projet de loi. À cet égard, je vous demanderai de bien vouloir prendre des engagements pour que les bénéficiaires d’une ordonnance de protection soient avertis de manière systématique et précise de leurs droits. Car la validité d’une telle ordonnance n’est que de quatre mois, délai particulièrement court pour permettre à des personnes en situation de très grande vulnérabilité de réaliser des démarches administratives efficacement.
L’examen de ce projet de loi donne lieu à des débats qui, parfois, font mal. Mais refuser de regarder en face les tensions et les incompréhensions qui traversent notre société ne les résoudra pas.
Cela a été le cas lors de la polémique créée en octobre dernier par un amendement émanant de l’Assemblée nationale, heureusement rejeté en commission des lois, et tendant à interdire la double nationalité. Si un tel amendement avait été déposé, c’est qu’il reflétait l’incompréhension profonde de beaucoup quant aux véritables enjeux de la double nationalité. Notre responsabilité est alors de faire preuve de pédagogie plutôt que de vilipender, et de prouver à quel point l’immense majorité de nos doubles nationaux sont une très grande richesse pour la France.
De manière générale, les débats autour de ce projet de loi nous poussent à repenser les questions d’intégration, de civisme et de défense des valeurs républicaines parmi les immigrés, mais aussi parmi les « Français de souche », qu’ils vivent en France ou à l’étranger.
Nous avons besoin de lucidité et de courage. N’oublions pas que ce sont les étrangers eux-mêmes qui, dans leur majorité, nous demandent d’avoir ce courage de légiférer, parce qu’ils aiment notre pays, parce qu’ils se reconnaissent dans nos valeurs, parce qu’ils souhaitent pouvoir s’épanouir en paix sur notre territoire.
Les enjeux vont largement au-delà du présent texte et des compétences du ministère de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Le renforcement de la Journée défense et citoyenneté, qui succède à la Journée d’appel de préparation à la défense, la JAPD, et de notre réserve citoyenne serait, par exemple, utile dans la perspective d’accroître la tolérance, les liens et l’acceptation mutuelle entre Français de souche et nouveaux Français ou étrangers en voie de naturalisation.
Pour conclure, mes chers collègues, je voudrais que, en votant sur ce texte, nous en gardions tous à l’esprit les enjeux en termes non seulement de choix de société, mais aussi d’image internationale. Il s’agit pour la France de défendre son image, son attractivité, ses liens avec ses ressortissants résidant à l’étranger et ses binationaux, qui sont autant de piliers de notre soft power – veuillez me pardonner cette vilaine expression ! – et de notre rayonnement international.