Intervention de Jean-Pierre Sueur

Réunion du 2 février 2011 à 21h30
Immigration intégration et nationalité — Exception d'irrecevabilité

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur :

Il est à craindre que ces dispositifs, que la presse d’hier et d’aujourd'hui expliquait, n’attirent que peu de ces personnes que l’on voudrait attirer, surtout si l’on compare avec ce qui se passe en Grande-Bretagne et en Allemagne !

J’en viens, puisque c’est l’objet de la motion, au rapport du texte à la Constitution.

Je vais reprendre certains des arguments qui ont été employés par notre collègue Sandrine Mazetier à l’Assemblée nationale, en précisant que, sur le plan de l’inconstitutionnalité, les choses ne sont pas encore jouées, et cela pour une raison simple : l’objet du débat parlementaire est précisément d’examiner de près un projet de loi et peut-être certains amendements seront adoptés qui réduiront les sources d’inconstitutionnalité. J’en accepte en tout cas le présage.

Je commencerai par les conditions de la privation de liberté.

Vous connaissez l’article 66 de la Constitution : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. L’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi. »

Les articles 6 à 12 du projet de loi créent des zones d’attente que vous dites temporaires, mais rien n’est moins sûr.

Le séjour en zone d’attente, même temporaire, est un régime privatif de liberté, comme l’a expressément et explicitement considéré le Conseil constitutionnel dans sa décision du 25 février 1992 : « […] le pouvoir de maintenir durablement un étranger en zone de transit, sans réserver la possibilité pour l'autorité judiciaire d'intervenir dans les meilleurs délais […] est […] contraire à la Constitution ».

Le présent projet de loi respecte-t-il ces exigences ? Nous ne le pensons pas et nous aurons l’occasion de nous en expliquer.

L’article 37 du projet de loi, dont on a beaucoup parlé, prévoit l’allongement du délai de la saisine du juge des libertés et de la détention.

Vous avez vous-même cité le Conseil constitutionnel : « La liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible ». Le projet de loi assure-t-il le respect de cette condition ? Vous savez bien que non.

Je citerai encore – mais est-ce nécessaire ? – l’article 5 de la convention européenne des droits de l’homme : « Toute personne arrêtée ou détenue […] doit être aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires et a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable, ou libérée pendant la procédure. »

Or, avec le dispositif proposé dans le projet de loi, une personne pourra être reconduite à la frontière avant même que le juge des libertés et de la détention ait pu se prononcer !

La commission des lois avait d’ailleurs voté contre cette disposition du projet de loi.

Entre parenthèses, monsieur le ministre, comme moi, vous n’ignorez pas – les gazettes nous ont informés – ce qui s’est passé ensuite : il semble qu’une fois encore – nous sommes quelque peu habitués –, sans doute lors d’un petit déjeuner, des décisions aient été prises dans un château de la rive droite, décisions qui se sont illico concrétisées par l’arrivée, devant la commission des lois, d’un amendement de M. Longuet que celui-ci nous a présenté ès qualités, en tant que président du groupe UMP !

Monsieur le ministre, tout cela manque un peu de tact, de souplesse, …

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