Intervention de Jean-Pierre Sueur

Réunion du 2 février 2011 à 21h30
Immigration intégration et nationalité — Exception d'irrecevabilité

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur :

Nous aurons en effet l’occasion de nous rattraper, j’en conviens, monsieur le président Hyest.

Je m’en tiendrai donc à signaler que vous réduisez les droits de la défense et le pouvoir d’appréciation des juges avec les articles 8, 12, 42 et 43 du projet de loi. Ces articles créent en effet un système spécifique inacceptable de purge des nullités qui donnera place à l’arbitraire.

J’insiste sur le fait que la notion de grief « substantiel », qui figure à l’article 39 du projet de loi – « Une irrégularité n’entraîne la mainlevée de la mesure de placement que si elle présente un caractère substantiel » – ouvre aussi la porte à l’arbitraire. Qu’est-ce que ce « caractère substantiel » ? Dans notre pays, il y a des irrégularités, des délits, des violations de la loi, mais il n’y a pas de délits « substantiels » ou « insubstantiels ».

Je pointerai encore la question de la notification des droits à l’article 38 du projet de loi : « Le juge tient compte des circonstances particulières liées notamment au placement en rétention simultané d’un nombre important d’étrangers pour l’appréciation des délais relatifs à la notification de la décision, à l’information des droits et à leur prise d’effet. »

De même, la brièveté des délais de recours prévus par la procédure d’urgence conforte l’arbitraire.

Au sujet de la déchéance de la nationalité, je ne reviendrai pas sur le caractère odieux, inacceptable et insupportable des crimes que vous citez, monsieur le ministre, qu’il s’agisse du meurtre d’un policier, d’un gendarme ou d’un magistrat. Nous sommes tous d’accord sur ce point.

Cela est aussi inacceptable, aussi insupportable et aussi odieux s’il est le fait d’un Français d’origine ou non. La France, qui est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale, assure l’égalité devant la loi, sans distinction d’origine, de race ou de religion. C’est cela qu’il faut dire tout simplement.

Il ne faut pas non plus créer des apatrides. Retirer la nationalité à quelqu’un qui n’a pas d’autre nationalité est contraire à la position du Conseil constitutionnel.

Je pourrais aussi parler du droit d’asile : de la réduction de l’aide juridictionnelle par rapport au droit d’asile qui n’est pas justifiée, des procédures prioritaires d’expulsion à quarante-huit heures avant même que l’intéressé ait pu faire valoir ses droits à demander le droit d’asile et des zones d’attente où l’OFPRA est absent.

Je pourrais continuer, mais je vais essayer, monsieur le président, de respecter le temps qui m’a été imparti.

Monsieur le ministre, je reviendrai sur cette parole que vous avez eue, un peu bizarrement, à deux ou trois reprises.

Vous avez dit : « Ce texte n’est pas une cathédrale ». Nous ne demandons pas à un texte de loi qu’il soit une cathédrale ! Peut-être sentez-vous que nous aurions dit, de toute façon, que les cathédrales précédentes n’ont pas tenu debout, qu’elles n’ont pas eu l’effet requis, sinon par la force du verbe, où vous excellez, je vous l’accorde volontiers.

Ce sont de petites chapelles, pourrait-on penser. Je ne suis pas sûr que ces petites chapelles soient illuminées par « l’obscure clarté qui tombe des étoiles », dont parlait Corneille.

Il s’agit plutôt de petits cachots souterrains, souvenirs de la maison des morts, selon M. Richard Yung, des entrelacs tortueux.

Monsieur le président de la commission des lois, je ne peux m’empêcher de songer à tous ceux qui se tournent vers nous, vers la France fraternelle, vers la France qui a des lois et qui veut qu’elles soient appliquées et qui pense qu’il faut une législation sur l’entrée des étrangers, …

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