Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, la crise économique que traverse notre pays ne doit pas dissuader les responsables politiques d’engager des réformes pour s’attaquer aux blocages de notre économie. Bien au contraire, elle les invite à en accélérer le rythme et à en amplifier la portée.
Cette exigence a conduit le Président de la République à présenter le 4 décembre 2008, à Douai, un plan de relance de 26 milliards d’euros résolument orienté vers l’investissement public et privé, puis à nommer dès le lendemain un ministre chargé de sa mise en œuvre en la personne de M. Patrick Devedjian, dont je souhaite ici saluer l’implication depuis sa prise de fonction.
Ce plan comporte un volet réglementaire, dans lequel s’inscrit la prorogation du délai de validité des permis de construire intervenus au plus tard le 31 décembre 2010, qui est porté de deux à trois ans ; un volet financier, au travers du projet de loi de finances rectificative pour 2009, dont la commission des finances est saisie au fond ; et un volet législatif, dont le projet de loi pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés, adopté en conseil des ministres le 19 décembre 2008, constitue la traduction.
Ce dernier texte, qui, on l’a dit, comptait initialement sept articles, en comporte vingt-trois depuis son examen par l’Assemblée nationale les 7 et 8 janvier dernier. Toutes ses dispositions ont pour objet commun d’offrir un cadre juridique propice à l’investissement public et privé, principalement par des mesures de simplification et d’allégement, et ce dans des domaines variés : urbanisme, commande publique, sauvegarde des entreprises, environnement…
La commission des affaires économiques étant, naturellement, saisie au fond du projet de loi, la commission des lois a souhaité se saisir pour avis des quatorze articles du texte qui portent sur l’urbanisme, la commande publique, le code de commerce et le déclassement des biens du domaine public, eu égard à sa compétence traditionnelle dans ces quatre secteurs.
À titre liminaire, je saluerai certaines dispositions du projet de loi de finances rectificative pour 2009 qui participent de ce plan de relance.
En particulier, je me réjouis de la mise en place, à l’article 5, d’un système de garantie destiné à sécuriser le financement des projets réalisés sous la forme de contrats de partenariat. Ce mécanisme permettra à l’État, en fonction d’une analyse au cas par cas des projets, d’apporter une garantie à la dette émise par le partenaire privé, dans la limite de 80 % de l’encours de prêt, ce qui devrait faciliter l’octroi de prêts par les banques tout en maintenant le partenaire privé en risque. La garantie est limitée à un montant total de 10 milliards d’euros et aux projets conclus avant le 30 juin 2010. C’est l’article 5 du projet de loi de finances rectificative.
Par ailleurs, je ne peux que me féliciter de la création d’une nouvelle mission budgétaire intitulée « Plan de relance de l’économie ». Dotée de 10, 5 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 9, 9 milliards d’euros en crédits de paiement, elle se compose de trois programmes : « Effort exceptionnel en faveur du logement et de la solidarité », « Soutien exceptionnel à l’activité économique et à l’emploi » et « Programme exceptionnel d’investissement public ».
Votre rapporteur pour avis a examiné les deux actions de ce dernier programme, qui intéressent directement la commission des lois. Il s’agit des actions 03 : « Équipements de défense et de sécurité », et 04 : « Patrimoine », dans le cadre desquelles je note avec satisfaction que seront mobilisés, pour relancer l’investissement public, de nouveaux fonds.
Ainsi, 100 millions d’euros, en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, seront destinés à l’amélioration de l’équipement de la police et de la gendarmerie nationales en véhicules modernes, plus propres et consommant moins d’énergie. Environ 5 000 véhicules seront acquis à ce titre en 2009, dans le cadre des marchés en cours, ce qui permettra le renouvellement de plus de 10 % du parc correspondant. Ces véhicules pourront être acquis avec leur équipement.
Par ailleurs, 80 millions d’euros en autorisations d’engagement et 56 millions d’euros en crédits de paiement seront consacrés à divers travaux concernant la justice : rénovation dans les établissements pénitentiaires ; restructuration, réhabilitation et mise aux normes des palais de justice ; lancement anticipé des quartiers de courte peine ; anticipation en 2009 d’opérations pénitentiaires et judiciaires.
S’agissant maintenant du projet de loi pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés, objet du présent avis, certaines des mesures de simplification qu’il propose interviennent dans des domaines de compétence de la commission des lois : l’urbanisme, le contrat de partenariat et le code général de la propriété des personnes publiques. Toutes ont pour objet d’offrir un cadre plus favorable à l’investissement public et privé.
En matière d’urbanisme, tout d’abord, l’article 1er du projet de loi permet au conseil municipal ou à l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale, jusqu’à la fin de 2010, de modifier les règles de mitoyenneté par simple délibération, en s’affranchissant des enquêtes publiques. Cette disposition devrait effectivement permettre d’accélérer la construction de logements tout en luttant contre l’étalement urbain.
De plus, l’article 2 écarte l’exercice des droits de priorité et de préemption des communes dans le cadre des « grandes » opérations d’intérêt national – implantation de villes nouvelles, d’installations portuaires lourdes… –, afin que les procédures de cession soient raccourcies et que la réalisation des opérations envisagées ne soit pas retardée.
Pour ce qui est du contrat de partenariat, ensuite, la procédure sera clarifiée. C’est ainsi que les articles 3 et 4 modifient à la marge la loi du 28 juillet 2008 relative aux contrats de partenariat, respectivement pour faciliter les montages financiers de ce type de contrat et pour corriger une erreur matérielle. Ces améliorations, attendues par les professionnels du secteur et les élus locaux, devraient permettre de stimuler le recours au contrat de partenariat, outil essentiel pour favoriser l’investissement public dans notre pays et qu’il sera en outre intéressant d’encourager dans le cadre du Grenelle de l’environnement.
Quant au code général de la propriété des personnes publiques, enfin, ses règles seront assouplies. C’est l’objet de l’article 5 du projet de loi, qui étend aux établissements publics de santé les dispositions de l’article L. 2141-2 du code général de la propriété des personnes publiques, lequel permet à l’État ou à ses établissements publics, à titre dérogatoire, de déclasser et de vendre un immeuble appartenant à son domaine public dès que sa désaffectation a été décidée, alors même que l’immeuble continue d’être affecté au service public ou à l’usage direct du public pendant une durée pouvant aller jusqu’à trois ans. Cette mesure devrait favoriser la mise en œuvre de la restructuration des bâtiments hospitaliers prévue dans le plan Hôpital 2012.
J’évoquerai à présent les apports de l’Assemblée nationale à ce projet de loi, dont, je le rappelle, elle a fait passer le nombre d’articles de sept à vingt-trois.
Dans le champ de compétence de la commission des lois, les apports des députés sont de trois ordres : certains visent à accentuer l’effort d’allégement des procédures applicables aux collectivités territoriales, d’autres à améliorer certaines règles de la commande publique, d’autres enfin à accorder une aide supplémentaire aux entreprises en procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire.
Pour accentuer l’effort d’allégement des procédures applicables aux collectivités territoriales – c’est le premier point –, l’Assemblée nationale, sur la proposition de sa commission des affaires économiques, a complété l’article 1er en prévoyant la présentation au Parlement, par le Gouvernement, d’un rapport sur la simplification des procédures de modification des plans locaux d’urbanisme, les PLU, dans les trois mois suivant la promulgation du présent texte.
Les députés ont également introduit un article 1er bis prévoyant une procédure simplifiée de modification des PLU. Il s’agit en réalité de pérenniser dans certains cas la disposition ponctuelle temporaire proposée par le Gouvernement à l’article 1er.
Enfin, pour assouplir les procédures de passation des marchés publics, l’Assemblée nationale a adopté un amendement présenté par M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois, et tendant, d’une part, à généraliser la délégation de passation des marchés publics à l’exécutif d’une collectivité territoriale, sans limite de seuil, et, d’autre part, à assouplir la procédure en cas d’absence de délégation.
Pour améliorer certaines règles de la commande publique – c’est le deuxième point –, les députés ont adopté un amendement du Gouvernement tendant à habiliter celui-ci à créer un code de la commande publique, attendu depuis longtemps par les professionnels. Cet amendement est devenu l’article 8.
Soucieuse de faciliter la réalisation de grands équipements sportifs et de leurs installations connexes, l’Assemblée nationale a par ailleurs introduit deux nouveaux mécanismes juridiques : d’une part, la création d’un bail emphytéotique spécifiquement dédié aux infrastructures sportives et, d’autre part, l’amélioration des règles relatives aux contrats de concession.
Les députés ont également adopté deux amendements portant sur la publicité des marchés publics.
Le premier, présenté par la commission des affaires économiques, prévoit que le Gouvernement adressera au Parlement, dans un délai de six mois, un rapport précisant l’étendue de la publicité requise pour les appels publics à la concurrence relatifs aux procédures adaptées pour lesquelles n’existe, à l’heure actuelle, aucune indication sur les modalités de publicité à prévoir.
Le second, présenté par M. Jean-Luc Warsmann, prévoit que les personnes publiques doivent mettre en permanence à la disposition des citoyens la liste à jour des marchés publics en cours, afin que soit assurée une plus grande transparence que celle que permettent les dispositions actuelles du code des marchés publics, qui, je le rappelle, n’imposent qu’une obligation de publication annuelle.
En outre, sur l’initiative du Gouvernement, l’Assemblée nationale a offert aux candidats à un contrat de partenariat la possibilité de présenter une offre sans bouclage financier définitif. Cette mesure, limitée dans le temps, est justifiée par l’instabilité actuelle des marchés financiers et la frilosité des banques.
Enfin, toujours sur la proposition de M. Jean-Luc Warsmann, les députés ont modifié l’article 432-14 du code pénal afin de restreindre le champ du délit de favoritisme aux infractions commises « en connaissance de cause » et avec « une intention délibérée », tout en aggravant les sanctions applicables. L’auteur de l’amendement a fait valoir que ce délit, aujourd’hui constitué même en cas de simple erreur de procédure, conduisait les élus à s’abriter derrière un formalisme excessif, ce qui a pour conséquence d’allonger inutilement les procédures.
Troisième point, pour terminer, sur l’initiative de M. Olivier Carré, avec l’avis favorable de leur commission des affaires économiques et du Gouvernement, les députés ont assoupli les conditions de remise de dettes par les créanciers publics aux débiteurs faisant l’objet d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire. Le dispositif supprime l’obligation faite aux créanciers publics de ne consentir de remises de dettes que concomitamment aux créanciers privés, avec pour objectif d’effacer plus facilement les dettes de ces derniers.
Si votre commission des lois approuve l’essentiel des dispositions du projet de loi et des apports de l’Assemblée nationale, elle vous proposera néanmoins, mes chers collègues, huit amendements. Hormis trois amendements tendant à clarifier les modifications des règles d’urbanisme proposées, ils visent un triple objet.
Je commencerai par le code de la commande publique.
Si la commission approuve, dans son principe, la création d’un code de la commande publique, elle considère que la rédaction de l’habilitation est à la fois trop timorée et trop ambiguë : trop timorée parce qu’elle exclut le code des marchés publics, qui représente de très loin la plus grande part de la commande publique et qu’il ne nous semble pas souhaitable d’avoir deux codes : un code de la commande publique et un code des marchés publics dont les dispositions voisines vont inévitablement poser des problèmes d’interprétation.
Si l’on doit établir un code, il en faut un seul et qui soit cohérent. En effet, avec un code des marchés publics, d’une part, et un code de la commande publique, d’autre part, à quoi rattacher les contrats de partenariat, notamment, qui, en droit européen, je le rappelle, sont des marchés publics ? Certains marchés seraient rattachés au code des marchés publics et d’autres au code de la commande publique. Si le Gouvernement peut nous éviter cette complication, tout le monde y gagnera.
Par ailleurs, cette démarche est ambiguë, car elle ne définit pas clairement ce qui relève du domaine de la loi et ce qui relève du domaine du règlement.
Or ces dispositions relèvent pour l’essentiel du domaine du règlement. Dans ces conditions, il faudra, me semble-t-il, faire en sorte que la partie législative soit strictement limitée à l’énoncé des grands principes et ne déborde pas sur des dispositions qui relèvent clairement du règlement. Telle est la raison pour laquelle la commission des lois vous présentera deux amendements visant à supprimer des articles introduits par l’Assemblée nationale qui tendent à préciser certaines règles de publicité des marchés publics, règles qui relèvent manifestement de la compétence du pouvoir réglementaire.
D’autre part, la commission souhaite améliorer le mécanisme de cession de créance propre au contrat de partenariat.
Si le Parlement a refusé, en juillet 2008, que l’intégralité de la rémunération due par la personne publique au partenaire privé puisse faire l’objet d’une cession de créance acceptée par la personne publique et a ainsi retenu un plafond de 80 %, au moment où l’on parle de relance et de la nécessité de recourir plus fréquemment à ces contrats, la commission estime que ce plafond n’est guère satisfaisant et écarte de ce type de contrat les PME notamment. Elle pense qu’il est nécessaire de remonter ce taux tout en sachant que la cession de créance ne concerne pas, bien sûr, la rémunération due pour l’entretien et le fonctionnement des établissements.
La commission des lois vous proposera donc, mes chers collègues, un amendement permettant une acceptation de la cession de créance à 100 %.
Enfin, si la commission des lois comprend le nouvel équilibre proposé par les députés pour le délit de favoritisme, dont la limitation est compensée par une sévérité accrue, elle est très réservée sur l’utilité d’une telle évolution.
Sur la forme, elle juge assez ténu le lien avec l’objet du présent projet de loi, qui est de relancer l’investissement dans notre pays.
Sur le fond, non seulement elle estime complexe la nouvelle rédaction proposée par les députés pour le délit de favoritisme, mais elle juge inopportun de soumettre le délit de favoritisme à des règles spéciales par rapport aux autres manquements au devoir de probité, définis dans le code pénal, car cela risque d’avoir des conséquences contraires à l’objectif.
En conséquence, la commission des lois vous proposera un amendement de suppression de l’article 3 B introduit par l’Assemblée nationale.
Sous le bénéfice de ces observations et des amendements qu’elle vous soumettra, la commission des lois a émis un avis favorable sur le projet de loi pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés.