Après vous avoir écouté avec beaucoup attention, monsieur le ministre, j’évoquerai trois points : la méthode de travail utilisée, ce que M. le rapporteur général appelle « la tyrannie de l’urgence », qui est souvent mauvaise conseillère, le fonds stratégique d’investissement et, pour conclure, j’évoquerai quelques dossiers locaux qui me tiennent à cœur.
Je commencerai par la méthode. Quel rôle allez-vous laisser aux élus dans la mise en musique de votre plan de relance ? Quels sont les critères de distribution des fonds destinés aux actions de soutien de l’économie ? Comment éviterez-vous l’arbitraire et le favoritisme ? Allez-vous appliquer le principe du « premier arrivé, premier servi » ou la politique « du projet contre projet » ?
Telles sont les questions que se posent nos élus, dont certains ont déjà rendu dans l’urgence leur copie aux préfets : il s’agit des plus initiés d’entre eux, à savoir les communautés d’agglomération et les communautés urbaines, et tant pis pour les autres !
Vous qui avez chapeauté, dans une autre vie, des assises des libertés locales, aussi glorieuses que le Grenelle qui n’avait pas encore fait son grand retour vintage, comment allez-vous expliquer ce plan aux collectivités territoriales ? De quelle somme disposeront-elles ? D’ailleurs, que reste-t-il à l’heure où nous débattons ?
Puisque nous en sommes aux questions de méthode et de gouvernance dans le cadre à la fois d’un projet de loi de finances rectificative et d’un texte de relance de l’économie, ne pourrait-on à cette occasion revoir plus attentivement la mission « Engagements financiers de l’État » ?
Cette mission, dont le budget est astronomique avec plus de 150 milliards d’euros, a été examinée en dix minutes à deux heures du matin voilà quelques semaines. Pourquoi ne pas présenter ce budget dans le cadre d’un compte consolidé des engagements de l’État, ce qui nous donnerait une idée plus précise des dépenses faites, de leurs conditions d’attribution et des résultats obtenus ? Malheureusement, je n’ai pas l’occasion de pouvoir reparler de l’industrie navale, qui est un bel exemple de pilotage économique sans GPS !
Venons-en maintenant à des points plus précis tels que le fonds stratégique d’investissement.
Je suis partisane depuis longtemps de la création d’un fonds stratégique en France. En mars 2008, j’ai rencontré les membres du cabinet du Président de la République et ceux du ministre de l’économie. Les premiers étaient intéressés ; les seconds ont été polis et totalement hermétiques, m’expliquant qu’un tel fonds était totalement inenvisageable. Finalement, il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis !
Le commissaire européen chargé des affaires économiques et monétaires, Joaquín Almunia, et le ministre des finances du Luxembourg devant qui j’ai tenu ce discours lors d’une conférence sont les témoins honorables de ces propositions, qui ont d’ailleurs été largement publiées depuis janvier 2008.
Le fonds stratégique d’investissement a donc, vous le comprendrez, toute ma sympathie.
En revanche, je ne partage pas du tout la vision de M. le rapporteur général et encore moins les principes fondateurs de ce fonds. Pourquoi ne pas avoir associé le Parlement à sa constitution ? Pourquoi faire toujours les choses dans l’urgence et en catimini sans un plan d’ensemble lisible et transparent ?
J’aurais préféré un outil neuf doté d’une gouvernance transparente plutôt que la Caisse des dépôts et consignations. Ce fonds aurait pu fonctionner un peu comme celui de nos amis norvégiens, ce que j’appelle un fonds « Neutrogena », transparent et sans odeur, comme c’est d’ailleurs le propre de l’argent !
Quel mal y aurait-il à faire approuver des investissements importants par le Parlement ?
Votre plan de relance doit réussir, monsieur le ministre : il y va de l’avenir de la France et de nos territoires, en particulier des territoires fragiles, tel celui dont je suis l’élue. Mais ne sommes-nous d’ailleurs pas tous dans ce cas ? Nos territoires ont froid et vont avoir besoin de couvertures… Ainsi, le département de l’Orne, que j’ai l’honneur de représenter, est frappé de plein fouet non seulement par le sinistre Moulinex mais aussi par la crise de la sous-traitance automobile dans le bassin de Flers, qui est le troisième bassin d’emploi de Basse-Normandie.
Sans désenclavement et sans sécurité des transports, on ne peut pas espérer une quelconque relance économique. J’ai tenté de déposer un amendement, mais ce dernier a été retoqué au titre de l’article 40 de la Constitution. N’étant pas une femme de renoncement, je vais m’efforcer, confortée par la présence de mon collègue représentant de l’Eure et de M. René Garrec, de vous démontrer la nécessité de la modernisation de la ligne Paris-Grandville.
Cette ligne, essentielle au désenclavement de la région, est totalement archaïque. Je pourrais vous citer les retards systématiques, les passages non électrifiés, les voies uniques, les locomotives qui patinent sur les feuilles mortes, les trains qui oublient des arrêts