Intervention de François Rebsamen

Réunion du 21 janvier 2009 à 15h00
Loi de finances rectificative pour 2009 — Discussion de deux projets de loi le second étant déclaré d'urgence

Photo de François RebsamenFrançois Rebsamen :

C’est bien ce que je disais ; merci de ce complément que j’apportais moi-même ! Ce n’est pas là un sujet de débat. Il ne s’agit pas non plus, comme Mme Bricq l’a rappelé tout à l'heure, d’une course aux annonces chiffrées !

Nous souhaitons vous soumettre des éléments de réflexion portant sur trois points.

Tout d’abord, ce plan contient des mesures insuffisantes en matière de soutien à l’investissement.

Ensuite, plus curieux, je note une erreur de méthode.

Enfin, on peut le dire sans se faire immédiatement taxer de vouloir grever le déficit du commerce extérieur, il convient de souligner l’oubli de mesures de soutien en faveur des Françaises et des Français les plus défavorisés, sachant que 7 millions de personnes qui vivent aujourd'hui à la limite voire au-dessous du seuil de pauvreté dans notre pays, seront les plus touchés par la crise.

Tout d’abord, s’agissant de l’insuffisance des mesures de soutien à l’investissement, l’effort de l’ordre de 4 milliards d’euros que vous nous proposez, monsieur le ministre, ne prend pas assez en compte la dimension du développement durable, alors même qu’interviendra prochainement au Sénat l’examen du projet de loi relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement.

Il aurait été utile de lier la volonté d’accélérer la construction de logements à l’efficacité énergétique et à la lutte contre les effets de serre. Une approche plus intégrée permettrait de lancer une nouvelle économie de la production dont notre pays a bien besoin.

D’une manière plus générale, nous pourrions convenir que la priorité doit être donnée aux efforts d’investissements ayant un effet social fort et un impact économique immédiat ou, en tout cas, dans l’année qui suit, en particulier lorsqu’il s’agit d’investissements pour le logement social ou de ceux des collectivités locales.

Je prendrai quelques exemples dans le domaine du logement.

Le projet de loi de finances initiale pour 2009, tout en affirmant la priorité du Gouvernement en faveur du logement, réduisait en réalité les crédits affectés à ce secteur de plus de 6 %.

Avec l’évolution de la crise qui frappe l’ensemble de notre économie, le Gouvernement redécouvre, et c’est tant mieux, les vertus du logement, facteur de développement de l’activité et de l’emploi, car ceux-ci ne sont pas délocalisables.

Le renforcement de la construction doit avoir pour objectif non pas seulement de répondre aux risques d’asphyxie de la branche économique du bâtiment, mais de mettre à la disposition de nombre de nos concitoyens les nouveaux logements qui leur font cruellement défaut. Tel doit être le double objet de ce plan.

Ce plan aurait pu développer une nouvelle méthode, disais-je, en s’appuyant directement sur les attentes et les besoins des collectivités locales, mais aussi des bailleurs sociaux en ce qui concerne le logement social.

Au lieu de construire un plan descendant, qui part du national, il me paraît nécessaire d’adopter une démarche ascendante qui se fonde sur des projets existants ayant une application concrète, faute de quoi le plan se heurtera à la réalité du terrain.

Par exemple, le présent projet de loi de finances rectificative prévoit le financement de 15 000 prêts locatifs à usage social, PLUS, et prêt locatifs aidés d'intégration, PLAI, supplémentaires. Or la loi de finances pour 2009 avait ramené le nombre des PLUS-PLAI à 78 000, contre 100 000 initialement. Si le financement de ces dispositifs par le biais du présent collectif se révèle plus favorable, l’effet de levier ne se fera sentir que lorsque le volume de production initiale de 78 000 logements sera atteint.

Par conséquent, la priorité à la production, telle qu’elle est affichée, est remise en cause.

En outre, ni la loi de finances pour 2009 ni le projet de loi de finances rectificative pour 2009 n’abordent l’objectif de rénovation énergétique du parc locatif social, qui constitue cependant un enjeu essentiel au regard des préoccupations tant environnementales que sociales de ce secteur.

Dans ce domaine, la loi de finances prévoit que le parc privé pourra bénéficier d’un éco-prêt à taux zéro à hauteur de 30 000 euros. C’est une mesure très favorable, mais qu’en est-il du parc locatif social qui accueille principalement les ménages les plus modestes ? Je vous soumets ce sujet de réflexion.

Ensuite, j’en viens à l’erreur sur la méthode. Vous avez appelé les élus à jouer un rôle capital dans la mise en œuvre de ces projets, et c’est normal. Notre collègue Edmond Hervé est longuement intervenu à ce sujet.

Il est déjà oublié le temps pas si lointain où le Gouvernement pointait du doigt les collectivités locales, les accusant d’être trop dépensières et responsables en partie de l’endettement public.

Pourtant, chacun sait que l’endettement des collectivités locales est tourné uniquement vers l’investissement : ces dernières assurent aujourd’hui près de 75 % de l’investissement public dans notre pays !

Si vous voulez qu’elles prennent toute leur place, monsieur le ministre, il faut, d’une part, les associer à ces projets en amont et non a posteriori et, d’autre part, cesser de les déstabiliser en permanence, car elles ont besoin, tout comme les entreprises, de visibilité, de lisibilité pour investir.

Mais elles n’ont pas été associées par les services que vous avez mis en place, vous appuyant sur ceux du préfet, à l’élaboration de ce plan, dont elles sont pourtant les premiers acteurs puisqu’elles savent avec précision quels projets d’investissement peuvent être réellement accompagnés, soutenus et lancés rapidement.

C’est pourquoi je vous propose de réunir dès ce début d’année 2009 des conférences territoriales avec l’ensemble des grandes collectivités qui investissent dans chaque région.

Une grande incertitude pèse sur les collectivités locales quant à leur avenir, leur architecture, leurs finances, et ce manque de lisibilité les empêche d’avancer, malgré toute leur bonne volonté.

Pourtant, il vous faudra bien leur faire confiance si vous voulez que les mesures que vous présentez en matière d’investissement aient un impact.

Évitez de créer des mécanismes trop complexes, qualifiés d’ « usines à gaz » par Nicole Bricq.

Il aurait été plus simple, plus efficace et plus rapide de miser sur la confiance en augmentant les dotations de l’État aux collectivités locales pour permettre à ces dernières de réaliser des investissements gelés ou de nouveaux investissements, et de contrôler a posteriori l’utilisation du surcroît de dotations.

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