Intervention de Raymonde Le Texier

Réunion du 16 novembre 2007 à 10h00
Financement de la sécurité sociale pour 2008 — Article 42

Photo de Raymonde Le TexierRaymonde Le Texier :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, tous les systèmes d'évaluation du coût de l'hospitalisation ont montré leurs limites, même si la T2A semble être le moins mauvais de tous. Nous sommes favorables à son principe à condition que sa mise en place respecte les spécificités de l'hôpital public et tienne compte de ses besoins.

Or tel n'est pas encore le cas aujourd'hui. C'est dire si l'objectif de réaliser à marche forcée la convergence public-privé nie cette réalité et représente un vrai danger pour l'avenir de l'hôpital public.

L'hôpital, à la différence des cliniques, assume des missions d'intérêt général qui pèsent lourdement sur ses coûts de fonctionnement : un hôpital accueille tout le monde, tout au long de la vie, tous les jours, à toute heure et toute l'année, sur tous les territoires.

Certes, il existe bien une dotation de financement des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation, les MIGAC, censée prendre en compte ces spécificités, mais elle est notoirement sous-évaluée.

Pendant ce temps, la clinique travaille durant les heures ouvrables, sur rendez-vous, et sélectionne les pathologies. Pis, pour une même pathologie, c'est l'hôpital qui assume les soins les plus lourds et les activités les moins rémunératrices ; c'est l'hôpital qui prend en charge les plus fragiles, les plus jeunes, les plus âgés, les plus démunis ; c'est l'hôpital qui forme les professionnels de santé, et cela sans renoncer à son objectif d'excellence ; c'est aussi à l'hôpital que sont réalisées les plus importantes prouesses et premières médicales.

Or, sans une prise en compte du coût de la permanence des soins et sans une évaluation rigoureuse des caractéristiques des structures hospitalières publiques - poids de la précarité et des urgences, continuité territoriale, rôle de la formation, etc. -, la mise en place de la convergence sonnera le glas d'un système qui est l'un des derniers à lutter contre les inégalités en matière de santé.

Le contexte dans lequel se déroulent les discussions autour de la convergence est très tendu. L'hôpital public connaît depuis des années une telle pénurie budgétaire que l'on peut d'ores et déjà s'inquiéter pour son avenir.

Je préside depuis une quinzaine d'années la commission de surveillance d'un hôpital en région parisienne. Comme la majeure partie des hôpitaux français, celui-ci a usé de tous les recours pour remplir vaille que vaille, année par année, sa mission. Mais, aujourd'hui, il arrive au bout du processus. Cela fait bien trop longtemps qu'il est forcé de faire des économies sur le personnel, tardant à effectuer les remplacements, multipliant les heures supplémentaires, supprimant les récupérations et allant jusqu'à différer des admissions, faute de pouvoir recruter du personnel, même en intérim.

Les personnels ont un dévouement et une compétence remarquables, mais ils atteignent aujourd'hui leurs limites. Et nulle solution ne vient éclaircir leur avenir tant les budgets sont sous-dimensionnés par rapport aux besoins. Or ce que prend en charge cet hôpital, aucune clinique ne le ferait. Spécialisé en gérontologie, il accueille les patients les plus démunis, les plus fragiles, les plus dépendants ; c'est une activité médicalement et socialement indispensable, mais qui n'est absolument pas lucrative.

Dans ce cadre, l'instauration de la T2A peut avoir des conséquences très dommageables. Pratiquer un examen médical sophistiqué ou même un examen lambda comme une prise de sang sur une personne très âgée, agitée, cela demande un temps de sécurisation difficilement quantifiable et traduisible en T2A. Il arrive que, sans ce temps pris pour rassurer, pour calmer, pour apaiser, l'examen ne puisse être réalisé, rendant nécessaire une nouvelle tentative ultérieurement.

Ce qui est vrai pour ce type de patient l'est bien sûr pour d'autres, notamment les enfants.

L'environnement social est un paramètre essentiel de l'acte technique, qu'il faut prendre en compte. Les MIGAC n'y suffisent pas. Il faut intégrer de façon claire et chiffrée ces éléments dans l'évaluation de la prise en charge du patient.

Or, pendant que l'on asphyxie sous les contraintes budgétaires ce type d'établissements, le groupe de cliniques privées Générale de santé vient d'annoncer la prochaine réunion de son assemblée générale pour approuver l'octroi d'un dividende exceptionnel de 420 millions d'euros à ses actionnaires. Les fonds de pension anglo-saxons entrent massivement sur ce marché, à qui ils demandent et auprès desquels ils obtiennent des taux de retour sur investissements à deux chiffres.

En tant qu'élus, nous sommes les garants du service public et nous devons réaffirmer que la santé n'est ni un lieu de profit ni un secteur commercial ayant pour première vocation la rémunération des actionnaires.

Aujourd'hui, de notre point de vue, cela passe par le refus de la mise en place arbitraire d'une convergence public-privé.

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