Intervention de Guy Fischer

Réunion du 16 novembre 2007 à 10h00
Financement de la sécurité sociale pour 2008 — Article 42

Photo de Guy FischerGuy Fischer :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la précipitation avec laquelle vous prévoyez, dans ce projet de loi, de financer à 100 % les établissements publics par la T2A d'ici à 2012 est l'un des symptômes d'un mal très répandu dans vos rangs, source de grands dégâts.

Ce n'était pas le calendrier annoncé et vous avez décidé de l'accélérer.

Ce mal, il s'appelle « libéralisme économique ». Il veut chaque jour réguler le marché, non pour le rendre plus humain, en assurant une meilleure répartition des profits, mais pour lui permettre d'accroître ceux de quelques-uns et, par là, de peser d'une manière très claire sur la dépense publique. Certains développent l'idée que l'hôpital public, dont les dépenses représentent un peu moins de la moitié des dépenses d'assurance maladie, serait à l'origine du profond déficit qu'elle enregistre.

Le libéralisme est pour le monopole, dès lors que celui-ci est privé ; et il est, bien entendu, pour la libre circulation des capitaux.

Plusieurs domaines parvenaient jusqu'à présent à résister à cette offensive : la police, la justice, autrement dit les activités régaliennes de l'État, l'école et la santé. Face à la fronde du service public, irrésistible acquis sur lequel reposent nos valeurs fondamentales, une poignée de députés et de sénateurs vous ont pressée, madame la ministre, d'anticiper le passage à la T2A. L'hôpital public tirera alors près de 90 % de ses recettes du financement à l'activité, un taux inégalé en Europe, même si la T2A s'est généralisée dans la plupart des grands pays de notre continent.

Madame la ministre, vous vous êtes ralliée à cette position. Souffrez que, à votre gauche, nous ne soyons pas convaincus ; je pèse mes mots. Notre désaccord est tel que nous proposons un amendement de suppression de l'article.

Cette offensive du « tout-libéral » fait de la médecine et de l'offre de soins un bien comme un autre, à tel point qu'en juin 2006 Gilles Johanet, qui pantouflait alors chez AXA, voulait une assurance santé privée d'excellence, dont la cotisation annuelle aurait été de 12 000 euros.

Dans le même temps, un ancien directeur des hôpitaux, Jean de Kervasdoué, plaidait en ces termes pour une diminution de l'offre de soins publique en faveur de l'offre privée : « L'élaboration de la stratégie d'un hôpital public ressemble justement à celle des autres entreprises [...]. Il s'agit d'analyser l'activité et la clientèle [...]. Même si le mot marketing est encore tabou du fait de sa connotation agressive, on cherche à vendre. C'est bien de cela qu'il s'agit. »

Tout cela, madame la ministre, vous en êtes responsable, car en faisant le choix de la T2A, en calquant les règles du marché pour les transposer à l'hôpital, vous faites naître les mêmes convoitises, vous validez l'idée selon laquelle la santé, après tout, est un marché comme les autres.

Et demain, madame la ministre, qu'allez-vous faire ? Après ce projet de loi, quel sort réserverez-vous aux hôpitaux ? Allez-vous introduire en bourse les plus rentables d'entre eux ? Raymonde Le Texier vient de citer les résultats de la Compagnie générale de santé : ils explosent ! À Lyon, elle est en train de construire un établissement qui regroupera trois cliniques. Cela contribue aux 420 millions d'euros qui seront répartis aux actionnaires.

Allez-vous créer au sein de l'hôpital officiellement public des services entièrement privés ? Le privé y est déjà implanté. Allez-vous généraliser les consultations privées, qui se substituent aux missions régulières des médecins hospitaliers ?

Cette réforme, madame la ministre, est dangereuse, car elle vise à appliquer des règles de financement d'une structure sur une autre structure qui n'a ni les mêmes objectifs ni les mêmes missions. Les directeurs de centres hospitalo-universitaires viennent de tirer la sonnette d'alarme. Ils disent ne pas pouvoir boucler la fin de l'année, car il leur manque un milliard d'euros.

Là où les cliniques à but lucratif visent la maximisation des bénéfices des actionnaires - souvent détenus par des fonds de pensions étrangers ou des groupes boursiers -, les hôpitaux cherchent à répondre aux besoins de santé pour tous. Là où la recherche du profit est une fin en soi, les hôpitaux cherchent à assurer l'équilibre avant de continuer à pratiquer toutes formes de soins. Ils exercent ainsi leur mission de service public.

Je m'interroge sur vos projets futurs, et je crains de les deviner : vous comptez diminuer les missions des hôpitaux et contribuer à faire pression sur la dépense publique.

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