Intervention de Guy Fischer

Réunion du 16 novembre 2007 à 15h15
Financement de la sécurité sociale pour 2008 — Articles additionnels avant l'article 54

Photo de Guy FischerGuy Fischer :

Par ces amendements, que je présenterai conjointement, ce qui réjouira sûrement M. le président, nous vous proposons d'aborder concrètement l'une des recommandations fortes du dernier rapport sur le bilan de réforme de la médecine du travail, remis au Gouvernement en octobre dernier, qui conforte les observations formulées, en 2003, dans le rapport de l'IGAS et, en 2005, dans celui de la commission instituée par l'article L. 176-2 du code de la sécurité sociale.

En effet, le rapport insiste sur la nécessité de « mettre en place des modalités plus efficaces de suivi de la santé des salariés ». Pour ce faire, à l'instar des deux rapports précédents et de la proposition de loi que Roland Muzeau, Michelle Demessine et les membres du groupe CRC avaient déposée, il prévoit de mettre en place « un outil spécifique [...] retraçant l'historique des expositions et les facteurs professionnels susceptibles d'affecter éventuellement la santé du salarié ».

Depuis longtemps, et plus encore avec les rapports parlementaires relatifs au drame de l'amiante, nous savons que l'une des raisons les plus significatives de la sous-déclaration des maladies professionnelles réside dans la difficulté de reconstituer les parcours professionnels et les expositions qu'ils ont occasionnées. Or, aujourd'hui, il n'existe pas d'autre système d'information qu'un système comptable répertoriant les maladies déclarées et reconnues, ce qui est loin de constituer une base efficace pour la mise en place d'une politique ambitieuse de prévention.

Il n'est que d'observer le décalage entre les données de l'InVS, l'Institut de veille sanitaire, qui recense annuellement 11 000 à 23 000 nouveaux cas de cancers attribuables aux expositions professionnelles, et les données des caisses régionales d'assurance maladie, qui ne font état que de 2 059 salariés reconnus victimes de maladies professionnelles, pour prendre la mesure de ce phénomène qui pèse si lourdement non seulement sur les finances de la sécurité sociale, mais bien plus encore sur la vie des travailleurs atteints.

Au vu de ces constats, chacun des rapports préconise d'instaurer un véritable cursus laboris des salariés, permettant la traçabilité des expositions tout au long de la vie professionnelle. Nous le savons tous ici, le processus de déclaration de la maladie professionnelle reste vécu comme un parcours du combattant. Il est trop souvent difficile d'entreprendre des démarches, faute d'informations précises sur les risques auxquels la victime a été exposée durant sa carrière professionnelle et faute de savoir à qui s'adresser.

Le salarié sous pression doit également arbitrer entre préserver son emploi ou protéger sa santé.

Pour faciliter la reconstitution des parcours professionnels, éclairer les expositions qu'ils ont pu occasionner et, ainsi, permettre d'optimiser le suivi des maladies professionnelles, les trois amendements que nous proposons visent à mettre en place au sein du dossier médical personnel un volet spécifique, dédié à la santé au travail et accessible aux généralistes, alors que le médecin du travail et l'employeur n'auront pas accès aux données personnelles de santé contenues dans le dossier médical.

Du fait de la dépendance avérée de la médecine du travail aux employeurs, système largement mis en cause par la récente enquête qui révèle un scandale inouï, celui du financement des instances du MEDEF sur les fonds de la médecine du travail - je n'en dirai pas plus ! - et donc indéniablement sur le dos de la santé des salariés, il est indispensable de prévoir cette interdiction d'accès au médecin du travail et à l'employeur.

En créant ainsi un volet dédié à la santé au travail au sein du dossier médical personnel et dans les conditions d'accès aux informations telles que nous les formulons, nous vous proposons, comme nous l'avons fait pour plusieurs PLFSS, de contribuer à la réduction du déficit de connaissance des maladies professionnelles et de faciliter la déclaration de celles-ci.

Une telle disposition participera également au développement du suivi médical professionnel et postprofessionnel tout au long de la carrière, conformément aux recommandations de l'ensemble des acteurs de la prévention en milieu de travail.

Un intérêt indéniable de ce volet médical dédié à la santé au travail est qu'il oriente résolument l'action des médecins du travail sur la prévention primaire, en renforçant la spécificité de leur pratique, à savoir l'évaluation de l'incidence des conditions de travail sur la santé des salariés.

Au sujet de l'amiante, l'une des conclusions non seulement des rapports parlementaires - un travail admirable a été fait au sein de la commission des affaires sociales -, mais également ceux d'autorités telles que l'inspection générale des affaires sociales et la Cour des comptes, est que notre système relatif aux AT-MP - accidents du travail et maladies professionnelles - non seulement ne permet pas une réparation satisfaisante des altérations de la santé dues au travail, mais encore participe d'une véritable construction de l'invisibilité de ces atteintes. Dans le contexte de dégradation intense des conditions de travail, cette situation n'est plus supportable.

Dans un éditorial du 18 octobre dernier, Paul Frimat, professeur des universités à Lille, responsable pédagogique de la discipline « médecine et santé au travail », en charge notamment de la formation des médecins du travail et signataire du rapport sur la médecine du travail, s'est interrogé sur la place qui revient à la santé au travail et a interpellé les pouvoirs publics sur la nécessité d'un « Grenelle de la santé au travail ». Nous pensons, avec lui, qu'il y a toutes les raisons de s'inquiéter.

En effet, au-delà des déclarations de bonnes intentions, surtout celles d'un ex-ministre du travail, au-delà de l'affichage d'un plan « Santé au travail » laissé au milieu du gué faute de moyens et de volonté d'agir résolument sur les causes des atteintes à la santé des salariés, et alors que vient d'être annoncé un nouveau retard dans la mise en place du DMP, le Gouvernement n'est pas décidé - c'est le moins que l'on puisse dire ! - à prendre ses responsabilités pour repenser les conditions de travail et, par là même, le travail à la lumière des impératifs incontournables de la santé au travail et du sens même du travail.

C'est pourquoi, mes chers collègues, nous vous proposons, en votant cet amendement, de poser une première pierre indispensable pour l'amélioration de la connaissance des risques professionnels au plus près des réalités sanitaires et sociales de ceux qui en subissent les conséquences. En même temps, nous souhaitons valoriser l'admirable travail qui avait été fait, notamment sous l'autorité de notre rapporteur.

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