Intervention de Guy Fischer

Réunion du 16 novembre 2007 à 15h15
Financement de la sécurité sociale pour 2008 — Article 57

Photo de Guy FischerGuy Fischer :

Dans un éditorial du 18 octobre dernier, Paul Frimat, professeur de médecine et de santé au travail, notamment chargé de la formation des médecins du travail, à la faculté de Lille, s'interroge sur la place qui va revenir à la santé au travail et se demande si cet enjeu ne justifierait pas un Grenelle dans ce domaine.

Il a toutes les raisons de s'inquiéter : au-delà des déclarations d'intention du Gouvernement - Mme la secrétaire d'État vient de nous en livrer toute une série -, au-delà de l'affichage d'un plan « Santé au travail » abandonné au milieu du gué faute de moyens et de volonté d'agir résolument sur les causes des atteintes à la santé des salariés, le moins que l'on puisse dire, c'est que le Gouvernement n'est malheureusement pas décidé à prendre ses responsabilités. Il préfère s'abriter derrière le paritarisme. Certes, c'est un principe qu'il faut respecter, mais il faudrait aller un peu plus loin et repenser les conditions de travail et, par là même le travail, à la lumière des impératifs incontournables de la santé au travail et du sens du travail. Je le répète, le bien-être au travail reste une quête pour tout le monde.

En témoignent la conférence sociale sur les conditions du travail, le présent PLFSS et le vide de son volet accidents du travail et maladies professionnelles.

En témoigne également le contenu de l'article 57, qui fixe le montant du versement de la branche AT-MP à la branche maladie au titre de la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles. Ce montant est une fois de plus ridicule et sans rapport réel avec ce qui est « détourné » chaque année ou avec les coûts indûment supportés par l'assurance maladie.

Avec 410 millions d'euros, on retrouve la même somme que l'an dernier, alors que la commission Diricq, qui est chargée d'évaluer le montant de ce versement, proposait 750 millions d'euros. Ce montant est donc dérisoire en regard du coût d'un cancer de l'amiante tel qu'il est estimé par les employeurs : de 98 000 euros à 200 000 euros !

Cette obstination du Gouvernement à sous-évaluer le phénomène pourtant massif des sous-déclarations et des sous-reconnaissances des maladies professionnelles met en danger les finances sociales. Il me semble pourtant avoir entendu certains s'effrayer au cours de nos débats du déficit de l'assurance maladie.

Cette attitude est d'autant plus condamnable qu'elle encourage la persistance de ce phénomène que seuls les employeurs contestent encore. C'est quasiment une permission qui leur est accordée de continuer à nier l'existence de risques professionnels et à violer, en toute impunité, les règles en matière d'hygiène et de sécurité.

C'est un message fortement « désincitatif » en matière de prévention en direction des gros pourvoyeurs de risques, lesquels pourront encore et toujours gérer les risques, les sous-traiter au détriment de la santé des salariés.

La catastrophe de l'amiante n'aura décidément pas la valeur pédagogique qu'elle mérite. Elle n'aura pas la réponse que préconisait notre rapport sénatorial.

Combien de « manuels du parfait petit fraudeur à la reconnaissance des maladies professionnelles », comme chez Arkema, vous faut-il ? Combien vous faudra-t-il de rapports de l'inspection du travail, comme celui qui, à propos de Renault, fait état de « système organisé de pressions visant à ce que les salariés victimes d'accidents du travail et auxquels un arrêt de travail a été prescrit renoncent à prendre tout ou partie de cet arrêt », pour vous décider enfin à ne plus accepter cette construction de l'invisibilité des atteintes à la santé des salariés ?

Ne voyez-vous donc pas le décalage entre les données de l'Institut de veille sanitaire recensant annuellement 11 000 à 23 000 nouveaux cas et celles des caisses régionales d'assurance maladie, qui ne font état que de 2 059 salariés reconnus victimes de maladies professionnelles ?

Voilà ce que nous souhaitons dénoncer. Nous voterons donc contre l'article 57, si notre amendement n'est pas adopté - et nous ne nous faisons guère d'illusion à cet égard -, car la somme proposée est nettement sous-évaluée.

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